Sophrologie: La face cachée
Par Lise Cothel
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À propos de ce livre électronique
Cette technique de relaxation et d’activation du corps et de l’esprit connait aujourd’hui un véritable essor et fédère de très nombreux adeptes, en France et dans le monde. Près de 11 millions de Français ont déjà pratiqué la sophrologie.
Une pratique reconnue et appréciée donc, mais qui présente pourtant de bien sombres aspects.
Entre désillusions, mensonges et marchandisation du bien-être, Lise Cothel, ex-sophrologue, emmène le lecteur dans l’envers du décor peu reluisant de la sophrologie et démontre que cette méthode « aux bienfaits innombrables », comme l’affirment certains, est loin d’être aussi performante que ses promoteurs le prétendent.
Pratiquer la sophrologie pour gagner en sérénité, bonne ou mauvaise idée ? Décryptage d’une pratique controversée.
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Aperçu du livre
Sophrologie - Lise Cothel
instant.
POURQUOI CE LIVRE
Les guides à l’installation regorgeant de conseils pour devenir sophrologue en toute sérénité et les incitations à embrasser une carrière dans le milieu du bien-être sont actuellement légion. Par conséquent, le titre de ce livre pourrait surprendre, déranger ou même choquer plus d’une personne. Je ne suis pas une pourfendeuse des techniques de bien-être tous azimuts ni une détractrice de la sophrologie qui se permettrait de donner son avis sans rien y connaître. Je suis tout simplement une ex-sophrologue repentie, qui a vécu les choses de l’intérieur et qui offre une analyse fondée sur son expérience.
Pour rappel, la sophrologie est considérée comme une méthode thérapeutique brève qui prend en compte l’être dans sa globalité et dont la finalité est de retrouver une interaction harmonieuse entre le corps, le mental et l’émotionnel. Elle contribuerait ainsi à améliorer le bien-être et la qualité de vie de chacun en permettant de développer son potentiel, de mieux se connaître ou encore d’élargir sa conscience en activant ses ressources et en stimulant ses capacités.
Comme de nombreuses personnes, j’ai un jour envisagé une reconversion professionnelle dans le secteur du bien-être, un milieu qui m’avait toujours attirée. Après une découverte un peu fortuite de la sophrologie dans la Maison pour Tous de ma commune et une pratique régulière en groupe, j’ai décidé de franchir le pas et d’entamer une formation pour en faire mon métier. Les séances représentaient un moment agréable, calme et apaisant, une petite parenthèse de tranquillité dans un emploi du temps bien rempli, même si les effets bénéfiques se dissipaient rapidement. Rien de transcendant ni de révolutionnaire, pas de changement ni de transformation majeure, mais une pratique plaisante et conviviale et qui, sur l’instant, me procurait une éphémère sensation de bien-être.
Dans un secteur a priori porteur et en pleine expansion, la méthode avait le vent en poupe. C’est donc confiante, convaincue de faire le choix raisonnable d’un métier d’avenir et séduite par les promesses alléchantes et habilement médiatisées des promoteurs de la sophrologie que je me suis lancée dans l’aventure. Malgré ma grande motivation et mon investissement dans ce projet, au fil des mois, les doutes, d’abord insidieux puis rapidement omniprésents, sont apparus et m’ont fait perdre mes illusions, tant sur la légitimité de la profession que sur l’efficacité de la méthode.
Mon témoignage permettra peut-être à tous ceux et toutes celles qui s’interrogent sur une possible reconversion (devenir sophrologue est, à de très rares exceptions près, toujours un choix professionnel de deuxième intention) de considérer cette option avec discernement et objectivité. Au lieu de se fier exclusivement et naïvement comme j’ai pu le faire aux sirènes des promoteurs de la sophrologie, les candidats à la formation au métier de sophrologue auront ainsi un point de vue différent pour faire un choix en conscience. Il en va de même pour les clients de pratiques en soins non conventionnelles, qui bénéficieront eux aussi d’un nouvel éclairage sur cette pratique mise à toutes les sauces et dont les bienfaits s’avèrent largement surestimés.
Je ne prétends en aucune façon livrer une étude sociétale ou sociologique sur la formation, le métier de sophrologue ou le marché du bien-être. Ce que vous vous apprêtez à lire est uniquement ma vérité, mon point de vue, mon vécu, le ressenti de ma pratique et de mon expérience professionnelle de sophrologue. Il s’agit d’un témoignage personnel, et par essence forcément subjectif et probablement peu consensuel. Ce récit apporte un éclairage individuel sur un domaine qui a fait partie de mon quotidien pendant quatre ans. Comme tous les témoignages, il ne prouve ni ne démontre rien ; il est simplement le reflet d’une réalité vécue, le fruit de mes observations et analyses.
PREMIÈRE PARTIE : PROFESSION : SOPHROLOGUE
UNE PROFESSION NON RÉGLEMENTÉE
En France, le métier de sophrologue n’est pas réglementé : il n’existe pas de diplôme d’État ni d’ordre professionnel, et toutes les structures d’enseignement de la méthode sont bien évidemment privées. Dans ces conditions, n’importe qui est libre de s’autoproclamer sophrologue du jour au lendemain en s’inscrivant à l’URSSAF¹ en tant que microentrepreneur. Nul besoin de certification ou quoi que ce soit d’autre pour poser sa plaque professionnelle. On peut, en toute légalité, se contenter de quelques lectures, d’une vague pratique personnelle ou de s’être formé en autodidacte. Bien sûr, l’immense majorité des sophrologues n’est pas dans cette situation, mais ce cas de figure, bien que rare, voire improbable (du moins, je l’espère !), n’est théoriquement pas impossible.
Les futurs sophrologues viennent d’horizons très différents. Nombreux sont ceux qui sont en reconversion professionnelle suite à un licenciement ou qui, en raison d’une insatisfaction croissante tant au niveau professionnel que personnel, aspirent à exercer un métier plus en accord avec leurs besoins profonds. Quelques-uns sont de fervents pratiquants et connaissent parfaitement la sophrologie ainsi que d’autres méthodes apparentées avant de se lancer dans une formation professionnelle et de transformer ainsi une passion en métier. Cependant, largement plus nombreux sont ceux qui, par opportunisme le plus souvent, s’engouffrent dans le secteur du bien-être et de la relation d’aide, qu’ils imaginent porteur. Certains exercent déjà dans le domaine des pratiques de soins non conventionnelles (art-thérapie, massage, thalassothérapie, jeûne thérapeutique…) et souhaitent étoffer leurs connaissances, ajouter une corde à leur arc afin d’offrir une gamme de techniques toujours plus vaste à leur clientèle. Lorsque j’ai effectué ma formation, j’étais sidérée par la large proportion d’apprentis sophrologues qui étaient arrivés là un peu par hasard et ignoraient absolument tout de la méthode sur laquelle ils avaient jeté leur dévolu. La perspective que l’on puisse envisager devenir sophrologue sans jamais avoir au préalable expérimenté, testé concrètement la méthode que l’on sera censé maîtriser et promouvoir m’a toujours semblé effarante. Un peu comme si vous entriez aux Beaux-Arts sans jamais avoir fait le moindre dessin ! Quoi qu’il en soit, la profession est ouverte à tous. Elle demeure le plus souvent un choix de deuxième intention. En effet, les futurs sophrologues ont, pour la plupart, eu une première vie professionnelle dans un autre domaine avant de se lancer dans une formation de sophrologue. Une exception est toujours possible, mais en réalité, aucun enfant ne rêve de devenir sophrologue. La profession est généralement inconnue de cette tranche d’âge, et il est certain qu’elle ne fait pas le poids à côté des rêves de devenir vétérinaire, astronaute, policier ou danseuse étoile. Même le bachelier qui aspire à se former à ce métier est une espèce particulièrement rare.
Afin de pallier ce manque de reconnaissance officielle, de sérieux et de légitimité, mais également avec la louable intention d’éviter les dérives, les acteurs et promoteurs de la sophrologie se sont efforcés de créer des procédés unificateurs visant à crédibiliser la profession aux yeux des futurs praticiens, prescripteurs, partenaires et clients et, in fine, à augmenter le nombre d’utilisateurs. C’est dans ce but que la certification professionnelle de sophrologue inscrite au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) a été initiée en 2012. Il s’agit de la seule et unique reconnaissance officielle du métier de sophrologue. Ce n’est pas un diplôme d’État ; seul le niveau de qualification est reconnu par l’État, mais la confusion est assez fréquente. Cette certification est un titre de niveau III, c’est-à-dire qu’il est censé correspondre à un niveau bac + 2 en France. Cela interpelle lorsqu’on sait que de nombreuses écoles sont accessibles sans prérequis. En devenant sophrologue, on peut être promu bac + 2 en quelques mois et moins de deux cents heures d’enseignement, alors que pour un BTS ou un DUT, des diplômes de niveau bac + 2, deux années pleines sont nécessaires. Un même niveau d’étude en théorie, mais en pratique, des réalités bien différentes ! Globalement, la certification permet d’attester que le futur sophrologue maîtrise les techniques sophrologiques et qu’il a acquis le savoir-faire nécessaire à l’exercice du métier de sophrologue.
Ce titre n’est bien sûr pas obligatoire pour exercer. Même s’il fait office de validation de la formation et est vivement conseillé par les écoles, il ne peut être imposé. Nombre de sophrologues pratiquent sans l’avoir décroché, et certains estiment qu’il est superflu et ne leur apporte rien. Si l’on consulte les chiffres d’une enquête menée par Sabine Pernet, sophrologue et hypnothérapeute, et disponible sur son site www.relaxationdynamique.fr, on constate une baisse de l’intérêt porté à la certification RNCP. En 2018, 41,05 % des sophrologues sondés exerçaient sans le titre, contre 43 % en 2019. En 2018, 78,25 % estimaient qu’il était utile ; ils n’étaient plus que 74,6 % un an plus tard.
En outre, chaque école possède son propre référentiel de certification ainsi que sa propre méthode d’évaluation. Le titre de certification de sophrologue enregistré au RNCP recouvre des formations et des conceptions du métier de sophrologue très diverses. Durée de la formation, contenu des programmes, nombre d’intervenants, cours en présentiel ou pas sont quelques-uns des paramètres qui diffèrent notablement d’une école à une autre. Les épreuves de l’examen sont donc également différentes d’une école à l’autre. Dans mon cas, il s’agissait de trois épreuves pratiques : animer un exercice de sophrologie tiré au sort, simuler un entretien d’anamnèse² et présenter les stages effectués en autonomie auprès de deux volontaires. Pas d’analyse, de synthèse de documents ou de cas inconnus, mais des épreuves essentiellement orales — même si la réalisation des stages avait débouché sur la rédaction d’un rapport d’une trentaine de pages. Chaque épreuve se déroulait face à un juré-sophrologue qui jouait le rôle du client et répondait du tac au tac selon un scénario bien rodé, un peu comme si on se donnait la réplique sur une scène de théâtre. L’ensemble de l’examen, temps de préparation inclus, a duré une heure et dix minutes, une durée jugée suffisante pour valider mes compétences professionnelles. C’est rapide, principalement axé sur la faculté à simuler et restituer du « par cœur » en suivant un déroulement millimétré, réglé comme du papier à musique et en respectant à la lettre un cadre bien précis et des consignes rabâchées. C’était surtout la première fois que je me présentais à un examen en étant autorisée à consulter à loisir le manuel de formation contenant tout le référentiel censé avoir été assimilé pendant le temps dévolu à la préparation. Un cas de figure peu courant et pas trop stressant. De surcroît, chaque centre d’examen fixe lui-même les dates des épreuves, et plusieurs sessions sont organisées chaque année. Les candidats peuvent ainsi choisir de s’inscrire à la date qui leur convient afin d’être évalués quand ils se sentent prêts sans avoir à subir le stress d’une échéance imposée.