En éducation, quand les émotions s’en mêlent!: Enseignement, apprentissage et accompagnement
Par Manon Doucet et Joanne Pharand
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À propos de ce livre électronique
Manon Doucet
Manon Doucet est professeure titulaire à l’Université du Québec à Chicoutimi à l’Unité d’enseignement en adaptation scolaire et sociale. Ses intérêts sont les difficultés affectives et comportementales, le soutien et l’accompagnement des enseignants à divers ordres d’enseignement quant aux stratégies d’intervention auprès des élèves ayant des besoins particuliers, l’accompagnement des étudiants en adaptation scolaire dans la consolidation de leur identité professionnelle ainsi qu’à la collaboration et à l’interprofessionnel. Depuis janvier 2018, elle occupe le poste de doyenne au décanat des études.
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Aperçu du livre
En éducation, quand les émotions s’en mêlent! - Manon Doucet
émotionnelle.
La dimension émotionnelle en éducation
Un champ de recherche en émergence
Joanne Pharand
Professeure agrégée
Université du Québec en Outaouais
Manon Doucet
Professeure agrégée
Université du Québec à Chicoutimi
Cet ouvrage collectif est né d’une rencontre entre deux professeures d’université au Québec ayant en commun l’intérêt pour le développement émotionnel des apprenants et des intervenants en éducation. Dans tous les domaines, nul ne peut négliger ni même nier la place et l’importance de la dimension émotionnelle et de ses conséquences sur l’équilibre de l’être humain. Dans un monde de plus en plus exigeant sur les plans de la productivité, de la rentabilité et de l’efficacité, où la vitesse de croisière ne cesse d’augmenter au détriment de la qualité de vie et surtout de la santé des individus, dans un monde où l’avoir et la nécessité de consommation priment sur l’essence même de l’être, il est primordial de se questionner sur les effets et les enjeux personnels et sociaux des habiletés émotionnelles dans les relations.
Si l’étude des émotions a été davantage réalisée dans le domaine de la psychologie (Bar-On et Parker, 2000 ; Christophe, 1998 ; Goleman, 1997 ; Salovey et Mayer, 1990), le domaine de l’éducation s’y attaque aussi maintenant. Depuis plus de dix ans, des chercheurs s’intéressent à la dimension émotionnelle dans le développement et l’apprentissage (Hargreaves, 2001 ; Lafortune et al., 2004 ; Lafortune et al., 2005 ; Rosmasz, Kantor et Elias, 2004). Les recherches plus récentes sur les compétences émotionnelles permettent de mieux documenter les connaissances et les pratiques dans le milieu de l’éducation (Gendron et Lafortune, 2009 ; Lafranchise, 2010 ; Letor, 2006 ; Pharand et Clément, 2010). Ces recherches définissent la nature, les composantes et la pertinence des compétences émotionnelles en éducation.
De plus, depuis une quinzaine d’années, en science de l’éducation, la production de connaissance et les pratiques de recherche se sont transformées de façon importante. Découlant de la préoccupation à l’égard de la création d’une synergie plus étroite et d’une réciprocité entre les communautés de chercheurs et de praticiens de différents milieux, la recherche collaborative, la recherche-action et la recherche participative témoignent de ce mouvement de changement. Ces types de recherche sont essentiellement centrés sur le « pour et avec les praticiens » par une volonté de tisser des liens palpables et visibles entre la théorie et les pratiques, entre les savoirs scientifiques et les savoirs d’expérience. Dans cet esprit, En éducation, quand les émotions s’en mêlent ! Enseignement, apprentissage et accompagnement regroupe les travaux de chercheurs qui apportent un éclairage approfondi sur les enjeux concernant le rôle de la dimension émotionnelle dans le développement et l’apprentissage des apprenants et dans les pratiques éducatives.
C’est autour de deux axes que sont mises en évidence des pistes de compréhension, de développement et de solutions aux différentes problématiques soulevées par la prise en considération des émotions au cœur de l’éducation. Le premier traite de l’enseignement et de l’apprentissage, le second de l’accompagnement des apprenants et des intervenants.
Le premier axe, « Émotions, enseignement et apprentissage », vise à mieux connaître le rôle et l’influence des émotions dans ces contextes et à examiner les outils de soutien à la gestion des émotions, afin de favoriser un meilleur enseignement et une meilleure disponibilité des élèves à apprendre et à réussir leurs études. Il regroupe cinq chapitres.
Dans le chapitre 1, « Aimer l’école, se sentir bien dans la classe et se trouver bon : trois facettes importantes de la vie affective des jeunes élèves », Royer, Moreau et Thibodeau examinent les sentiments de 242 élèves du préscolaire et de la première année du primaire par rapport à l’apprentissage et à leur bien-être ou mal-être à l’école. Les résultats montrent des différences entre les filles et les garçons au regard des comportements d’apprentissage attendus en début de scolarisation. Les attentes et les perceptions des 14 enseignantes impliquées dans cette recherche auraient-elles une influence sur ces différences de genre ?
Dans le chapitre 2, « Des manifestations à la compréhension des émotions en contexte d’enseignement au primaire », Pharand rend compte d’une recherche menée auprès de 129 élèves et de 6 enseignants des deuxième et troisième cycles du primaire sur les émotions ressenties lors d’une activité d’enseignement. Ces émotions sont d’abord observées à partir de leurs manifestations expressives (gestes, postures, expressions faciales) filmées pendant l’activité, puis nommées par la suite par les participants. Les résultats dévoilent l’écoute variable des élèves, mais décrivent aussi les motifs de ces réactions ainsi que les émotions favorables ou non à l’enseignement et à l’attention des élèves.
Dans le chapitre 3, « Enseigner les habiletés sociales pour développer les compétences émotionnelles et sociales : un moyen pour prévenir la violence à l’école », Doucet et Gauthier présentent une recherche collaborative réalisée avec les intervenants d’une école primaire. Un enseignement des habiletés sociales a été réalisé auprès de 250 élèves des deuxième et troisième cycles. Les résultats montrent que l’appropriation de ces habiletés par les 14 intervenants serait préalable à l’engagement des élèves. En effet, la cohérence entre ce qui est enseigné et ce qui est fait dans la réalité aurait des répercussions positives sur les élèves. La « coélaboration » de stratégies d’intervention éducative novatrices et originales auprès des jeunes a porté ses fruits. L’équipe-école est sortie gagnante de cette expérience.
Dans le chapitre 4, « Développer les compétences métaémotionnelles des enseignants : quelle formation ? », Doudin, Curchod-Ruedi et Meylan situent le concept de métaémotion dans une perspective évolutive des conceptions de l’intelligence. Ils rapportent les perceptions de 149 étudiants en formation initiale au primaire et au secondaire et de 134 enseignants en exercice quant à l’origine des compétences métaémotionnelles et au rôle de la formation et de l’expérience dans le développement de ces compétences. À partir d’une situation fictive de violence à l’école, les sujets sont amenés à comprendre et à réguler les émotions qu’elle suscite en eux. Les résultats montrent des différences significatives entre les étudiants et les enseignants. De plus, le développement des compétences métaémotionnelles en enseignement peut faire l’objet d’une formation en deux étapes.
Dans le chapitre 5, « Souffrir d’anxiété sociale en classe : pourquoi et comment aider les jeunes élèves à réguler leurs émotions ? », Royer, Cinq-Mars et Royer Mireault placent l’anxiété sociale au rang des émotions nuisibles à la vie sociale et à l’apprentissage chez les jeunes élèves anxieux. Ils définissent ce concept et insistent sur l’importance de comprendre cette souffrance pour mieux intervenir. En se basant sur la documentation scientifique et clinique, ils expliquent les conséquences indésirables de cette émotion sur l’enfant, sur son entourage et sur sa vie à l’école. Ils proposent des pistes d’intervention éducative pour aider le jeune à développer des habiletés émotionnelles en vue d’une estime de soi affermie et d’une intégration sociale et scolaire harmonieuse.
Le deuxième axe, « Émotions et accompagnement », concerne les interventions susceptibles de les outiller à prendre en compte la dimension émotionnelle dans leurs relations, mais aussi à mieux la comprendre pour eux et pour les apprenants auprès de qui ils interviennent quotidiennement. Il regroupe quatre chapitres.
Dans le chapitre 6, « Prise en compte des émotions, compétence émotionnelle et accompagnement socioconstructiviste en insertion professionnelle », Lafranchise, Lafortune et Rousseau rapportent les propos de 11 enseignants novices aux prises avec diverses émotions issues de leur pratique. La démarche d’accompagnement de ce groupe comporte de multiples moyens pour une prise de conscience individuelle et collective des émotions ressenties en début de carrière. Les résultats exposent les bénéfices de la prise en compte des émotions dans la vie professionnelle des enseignants, mais aussi dans leur relation pédagogique avec les élèves. Si réfléchir sur ses émotions est inhabituel, l’accompagnement reçu s’est soldé par des effets positifs.
Dans le chapitre 7, « Soutenir la mise en œuvre de nouvelles pratiques éducatives par l’accompagnement des enseignants et le développement de leur sentiment d’efficacité personnelle », Gaudreau présente diverses stratégies d’accompagnement des enseignants, issues de sa thèse doctorale, qui tiennent compte de la complexité de leur tâche et de leur sentiment d’efficacité personnelle à intervenir auprès des élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage. Elle montre comment les croyances d’efficacité personnelle ou le manque de croyance jouent un rôle majeur sur la qualité de leurs interventions et sur leur capacité à gérer les situations difficiles.
Dans le chapitre 8, « Épuisement professionnel chez les enseignants et types de soutien social : une recherche en Italie », Fiorilli, Albanese et Gabola rendent compte de recherches européennes sur les caractéristiques de l’épuisement professionnel chez les enseignants. Elles rapportent les résultats d’une recherche menée auprès de 566 enseignants italiens sur cette thématique et les types de soutien social auxquels ils ont recours lorsqu’ils éprouvent des difficultés ou se sentent émotionnellement épuisés. La présence de réseaux de soutien social semble indispensable à leur santé et à leur bien-être professionnel.
Dans le chapitre 9, « L’entreprise, les ingénieurs et les sorciers : distance, rupture et affectivité », Vieille-Grosjean étudie les relations existantes entre les agents occupant des niveaux différents de formation et de hiérarchie dans l’entreprise. Celles-ci se transforment soudainement par la nature de la distance renégociée et des ressources émotives utilisées, et concourent à la construction des identités professionnelles. Les subtilités des rapports et des intelligences affectives sont évoquées à partir d’études de cas. L’auteur revendique la prise en compte de tous les acteurs, sans discrimination sociale, dans la résolution de problèmes que rencontre l’entreprise. La mise à contribution et la créativité de ceux qui savent doivent être mises à profit et valorisées pour venir en aide à ceux qui pensent savoir, mais qui ne savent pas.
En éducation, quand les émotions s’en mêlent ! Enseignement, apprentissage et accompagnement interpelle tous ceux qui interviennent auprès des apprenants, jeunes ou adultes, pour examiner comment les émotions guident, stimulent, brouillent, freinent ou favorisent les relations et les apprentissages. Cette thématique s’avère nécessaire à la réussite scolaire et sociale de tous les élèves et à la formation continue des intervenants par un processus interactif et réflexif qui aspire à des changements de pratique.
Dans cette perspective, il convient de souligner l’importance des retombées des travaux de recherche dans le milieu scolaire afin de documenter et d’influencer positivement l’ensemble des stratégies d’intervention éducative. Il est primordial de demeurer sensible et vigilant aux réinvestissements de la recherche dans les milieux d’éducation afin d’amorcer et d’accompagner les changements.
BIBLIOGRAPHIE
Bar-On, R. et J.D.A. Parker (2000). The Handbook of Emotional Intelligence, San Francisco, Jossey-Bass Inc.
Christophe, V. (1998). Les émotions. Tour d’horizon des principales théories, Paris, Presses universitaires du Septentrion.
Gendron, B. et L. Lafortune (2009). Leadership et compétences émotionnelles dans le changement. Des expériences pour l’accompagnement, Québec, Presses de l’Université du Québec.
Goleman, D. (1997). L’intelligence émotionnelle, Paris, Robert Laffont.
Hargreaves, A. (2001). « Au-delà des renforcements intrinsèques : les relations émotionnelles des enseignants avec leurs élèves », Association canadienne d’éducation de langue française, vol. XXIX, no 1, p. 1-21.
Lafortune, L., M.F. Daniel, P.A. Doudin, F. Pons et O. Albanese (2005). Pédagogie et psychologie des émotions, Québec, Presses de l’Université du Québec.
Lafortune, L., P.A. Doudin, F. Pons et D.R. Hancock (2004). Les émotions à l’école, Québec, Presses de l’Université du Québec.
Lafranchise, N. (2010). Analyse du cheminement de personnes enseignantes au plan de la compétence émotionnelle et de sa prise en compte, dans le contexte de l’insertion professionnelle et d’une démarche d’accompagnement dans une perspective socioconstructiviste, thèse de doctorat inédite, Trois-Rivières, Université du Québec à Trois-Rivières.
Letor, C. (2006). « Reconnaissance des compétences émotionnelles comme compétences professionnelles : le cas des enseignants. Analyse des représentations sociales d’acteurs pédagogiques », Les cahiers de recherche en éducation et formation, no 53, Université catholique de Louvain, GIRSEF, CPU.
Pharand, J. et N. Clément (2010). « Le langage des émotions : une démarche d’intégration de l’intelligence émotionnelle », dans M. Hébert et L. Lafontaine (dir.), Littératie et inclusion. Outils et pratiques pédagogiques, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 109-126.
Rosmasz, T.E., J.H. Kantor et M.J. Elias (2004). « Implementation and evaluation of urban school-wide social-emotional learning programs », Evaluation and Program Planning, vol. 27, p. 89-103.
Salovey, P. et J.D. Mayer (1990). « Emotional intelligence », Imagination, Cognition and Personality, vol. 9, p. 185-211.
ÉMOTIONS,
ENSEIGNEMENT
ET APPRENTISSAGE
Joanne Pharand
Professeure agrégée
Université du Québec en Outaouais
Pourquoi traiter des émotions dans l’enseignement ? L’enseignant n’utilise-t-il pas certaines émotions, comme la surprise ou la joie, pour stimuler l’attention des élèves en classe ? Si l’enseignant planifie le recours à ces émotions précises dans une perspective pédagogique, le monde des émotions dans son ensemble, lui, est beaucoup plus complexe. Par exemple, une émotion non évaluée, déclenchée par une situation imprévue, peut surgir lors de l’apprentissage et de l’enseignement. Qui n’a pas vécu d’émotion d’irritabilité ou de colère à la suite de multiples avertissements face au groupe-classe ou face à un élève récalcitrant ? Comment comprendre et gérer ces émotions ?
De récentes recherches en éducation mettent en exergue les compétences émotionnelles à développer chez les enseignants (Gendron et Lafortune, 2009 ; Lafranchise, Lafortune et Rousseau, 2011 ; Letor, 2006). D’abord mises en évidence dans les travaux de Salovey et Mayer (1990), ces compétences font ressortir l’importance, voire la nécessité, de les connaître et de les enrichir pour mieux intervenir auprès des élèves, mais aussi pour mieux comprendre le langage des émotions avec soi-même et dans son rapport avec les autres (Guitouni, 2000 ; Lafranchise, 2010 ; Pharand et Clément, 2010). Les compétences sur le plan relationnel sont capitales. Lors de l’enseignement, l’enseignant a souvent à « autogérer » dans l’action les émotions qui surgissent en lui. La provenance de ses réactions émotionnelles peut être liée à ses expériences passées, mais aussi aux interactions à l’école.
Pourquoi traiter des émotions dans l’apprentissage ? L’élève qui apprend est-il disposé à le faire et à écouter l’enseignant ? Pourquoi tel élève est-il absent de ce qui se passe en classe ? Les enfants vivent des émotions qui accentuent ou déterminent la qualité de leur « présence » à l’école. Autres questionnements : un élève qui craint la séparation éminente de ses parents est-il disponible « affectivement et cognitivement » en classe ? Celui qui veut réussir et qui se voit en difficulté, ressent-il des émotions qui déstabilisent sa capacité à comprendre ? Comment l’aider ?
L’être humain, qu’il soit jeune ou adulte, vit quotidiennement diverses émotions qui le constitue et donne un sens personnel à sa vie. Les recherches en neurologie et en neurophysiologie ont situé le rôle du cerveau émotif dans les prises de décisions (Ledoux, 1996 ; Damasio, 1995). Les recherches de Ledoux (1996) montrent qu’une partie des stimuli arrivant au cerveau n’est pas immédiatement traitée par le cortex préfrontal, siège des pensées rationnelles, mais par une structure très ancienne, l’amygdale, qui répond rapidement aux stimuli. Nous posséderions un circuit des émotions rapide et un circuit du raisonnement plus lent. Comme l’exprime Damasio (cité dans Bourassa, 2006), nous ressentons quelque chose avant même d’en avoir pris conscience.
En éducation, qu’il s’agisse de manifestations physiologiques (rougeur, pâleur…) ou expressives (joie, tristesse, colère…), des émotions surgissent et transmettent un message qu’il convient de décoder. Guitouni (1983) parle d’interférence de l’émotionnel qui survient parfois à l’improviste et brouille les capacités du jeune à apprendre. Pour Bourassa (2006), apprendre et penser ne relèvent pas uniquement d’une logique cognitive, mais aussi d’une logique issue du ressenti expérientiel.
Dans cette perspective, les recherches sur la compréhension des émotions ressenties et les compétences à développer pour les réguler prennent tout leur sens. Peu importe l’ordre d’enseignement, du préscolaire jusqu’à l’université, les auteurs de cet axe de développement « Émotions, enseignement et apprentissage » tracent les contours et les nuances d’une dimension présente dans la vie des apprenants et des intervenants, et susceptible d’influencer les meilleures comme les pires prises de décision, lesquelles façonnent le futur des générations.
Les chapitres qui suivent invitent non seulement à la réflexion, mais donnent aussi accès à des pistes d’intervention pour mieux comprendre la part non négligeable des émotions dans les pratiques professionnelles des enseignants et l’apprentissage des élèves.
BIBLIOGRAPHIE
Bourassa, M. (2006). Le cerveau nomade : éducation, intervention clinique et neuroscience, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa.
Damasio, A. (1995). L’erreur de Descartes. La raison des émotions, Paris, Odile Jacob.
Gendron, B. et L. Lafortune (2009). Leadership et compétences émotionnelles dans le changement. Des expériences pour l’accompagnement, Québec, Presses de l’Université du Québec.
Guitouni, M. (1983). « L’interférence de l’émotionnel sur les capacités d’apprentissage », Psychologie préventive, vol. 4, p. 7-15.
Guitouni, M. (2000). Au cœur de l’identité. L’intelligence émotionnelle, Montréal, Carte Blanche.
Lafranchise, N. (2010). Analyse du cheminement de personnes enseignantes au plan de la compétence émotionnelle et de sa prise en compte dans le contexte de l’insertion professionnelle et d’une démarche d’accompagnement dans une perspective socioconstructiviste, thèse de doctorat inédite, Trois-Rivières, Université du Québec à Trois-Rivières.
Lafranchise, N., L. Lafortune et N. Rousseau (2011). « Équilibre émotionnel en insertion professionnelle pour un bien-être au travail : développer et prendre en compte la compétence émotionnelle », dans P.A. Doudin (dir.), La santé psychosociale des enseignants et enseignantes, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 109-136.
Ledoux, J. (1996). The Emotional Brain. The Mysterious Underpinnings of Emotional Life, New York, Simon and Schuster.
Letor, C. (2006). « Reconnaissance des compétences émotionnelles comme compétences professionnelles : le cas des enseignants. Analyse des représentations sociales d’acteurs pédagogiques », Les cahiers de recherche en éducation et formation, no 53, Université catholique de Louvain, GIRSEF, CPU.
Pharand, J. et N. Clément (2010). « Le langage des émotions : une démarche d’intégration de l’intelligence émotionnelle », dans M. Hébert et L. Lafontaine (dir.), Littératie et inclusion. Outils et pratiques pédagogiques, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 109-126.
Salovey, P. et J.D. Mayer (1990). « Emotional intelligence », Imagination, Cognition and Personality, vol. 9, p. 185-211.
Chapitre 1.
Aimer l’école, se sentir bien
dans la classe et se trouver bon
Trois facettes importantes
de la vie affective des jeunes élèves
Nicole Royer
Professeure
Université du Québec à Trois-Rivières
Claire Moreau
Doctorante
Université du Québec à Trois-Rivières
Stéphane Thibodeau
Professeur
Université du Québec à Trois-Rivières
Résumé
Cette étude est sous-tendue par un double intérêt pour la scolarisation et le développement de l’enfant, comme le préconisent Rutter et Maughn, dans l’optique de contribuer à l’avancement des connaissances sur le développement de l’enfant en contexte scolaire et de cibler les interventions appropriées. Son objectif est d’examiner les sentiments des jeunes élèves en lien avec l’apprentissage au tout début de la scolarisation. L’échantillon est composé de 242 élèves (124 en maternelle et 118 en première année du primaire) et de 14 enseignantes. Il ressort clairement de cette recherche que les sentiments qu’éprouvent les filles en maternelle, contrairement à ceux des garçons, sont liés aux comportements d’apprentissage évalués par leur enseignante. Chez les garçons et les filles de première année, le sentiment d’être bien entouré ainsi que le fait de se sentir bon en mathématiques sont associés significativement aux comportements d’apprentissage. Ainsi, ce que ressentent les jeunes élèves en classe et à propos de l’école mérite qu’on s’y intéresse si l’on se préoccupe de la qualité du cheminement scolaire des jeunes. Cette étude démontre la pertinence et la faisabilité de la prise en compte des points de vue et des sentiments des jeunes élèves à l’intérieur d’une démarche de recherche, ceci afin de mieux cerner leurs réalités et les mesures d’accompagnement et de soutien appropriées.
« Aimes-tu aller à l’école ? » Voilà une question que l’entourage pose spontanément au jeune élève du primaire. Tous souhaitent que l’enfant aime l’école, entre autres pour des raisons de commodité, et bien sûr aussi par souci du bonheur de l’enfant. Mais il y a plus : le bien-être émotionnel de l’enfant à l’école retient l’attention des chercheurs en sciences de l’éducation et en psychologie scolaire, car on le croit susceptible de contribuer au processus d’apprentissage de l’élève au regard de diverses disciplines.
L’objectif de la présente étude est d’examiner les sentiments des jeunes élèves en lien avec l’apprentissage au tout début de la scolarisation. Ce chapitre s’appuie sur une plus vaste étude empirique portant sur la vie socioaffective des jeunes élèves du primaire¹. Il met l’accent sur la vie affective des enfants de maternelle et de première année.
1. LE CADRE CONCEPTUEL
1.1. Le rôle des dimensions socioémotionnelles dans la vie scolaire des jeunes élèves
Des recherches récentes auprès des jeunes en début de scolarisation tendent à démontrer le rôle crucial des dimensions socioémotionnelles de la vie scolaire des jeunes élèves sur leur adaptation psychosociale et sur leur succès scolaire au cours des années suivantes (Denham, 2006 ; Zins et al., 2004). Deux grands angles d’approche se distinguent : l’angle des compétences et l’angle du bien-être. Les recherches menées sous l’angle des compétences s’intéressent au développement des compétences à travers les âges et niveaux scolaires, aux profils d’adaptation et de difficultés d’adaptation. On note plus particulièrement les travaux sur les profils d’apprentissage socioémotionnel chez les jeunes enfants (Denham et al., 2012 ; Denham, Brown et Domitrovich, 2010) et les travaux touchant le développement des compétences d’autorégulation qui facilitent la participation à la vie de la classe et aux activités d’apprentissage offertes par l’enseignant (Bodrova et Leong, 2006 ; Eisenberg, Valiente et Eggum, 2010 ; Graziano et al., 2007). Cette approche sous l’angle des compétences demande la plupart du temps le jugement des enseignants.
Les recherches menées sous l’angle du bien-être sont moins nombreuses que celles réalisées sous celui des compétences, tout en étant d’une certaine manière associées à une préoccupation pour l’acquisition de compétences et le succès scolaire. En effet, les sentiments de bien-être ou de mal-être à l’école ne peuvent que prédisposer ou indisposer l’élève au regard des activités d’apprentissage. De la même manière, les compétences socioémotionnelles (p. ex., reconnaître les émotions des autres, exprimer ses émotions tout en tenant compte des autres) tendent à s’accompagner de sentiments de bien-être puisqu’elles désamorcent les conflits interpersonnels et contribuent à des interactions positives entre les enfants. Cette deuxième approche, sous l’angle du bien-être, demande principalement de recueillir le point de vue de l’élève sur sa vie affective à l’école. Or recueillir les sentiments des jeunes élèves pose des défis en ce qui a trait à l’instrumentation et le temps de présence des chercheurs sur le terrain, ce qui explique partiellement le faible nombre d’études effectuées sous cet angle.
1.2. L’importance des sentiments de l’élève à propos de l’école et de lui-même
Jusqu’à récemment, la recherche s’était peu penchée sur l’importance d’aimer l’école, de se percevoir compétent et de se sentir bien au regard des apprentissages à réaliser. Dans le prolongement des travaux théoriques de Connell et Wellborn (1991), qui ont attiré l’attention sur l’importance qu’ont les relations interpersonnelles en classe et les sentiments de compétence dans le processus d’apprentissage scolaire, quelques études empiriques sont venues soutenir la thèse de l’effet motivationnel des sentiments (aimer l’école, se