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L'ouverture émotionnelle: Une nouvelle approche du vécu et du traitement émotionnels
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L'ouverture émotionnelle: Une nouvelle approche du vécu et du traitement émotionnels
Livre électronique496 pages5 heures

L'ouverture émotionnelle: Une nouvelle approche du vécu et du traitement émotionnels

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À propos de ce livre électronique

Étude de la psychologie des émotions et de l'affectivité.

L’Ouverture Émotionnelle (OE) est une nouvelle approche théorique et pratique qui s’inscrit dans le domaine du vécu et du traitement des émotions. Le modèle de l’OE se base sur l’évaluation et l’analyse de cinq dimensions élémentaires ancrées dans les théories modernes des émotions (la représentation cognitive des états émotionnels, la perception des indicateurs émotionnels corporels internes et externes, l’expression et la communication des émotions et la régulation des émotions). Ces éléments permettent de caractériser l’affectivité des personnes et de réfléchir ainsi à une prise en charge la plus adaptée possible.

Cet ouvrage se veut un véritable guide de la pratique de l’Ouverture Émotionnelle tant pour les professionnels de la santé mentale (psychologues, psychothérapeutes…) que pour les étudiants en psychologie. Après une présentation des bases conceptuelles de l’OE et de ses aspects développementaux, les auteurs exposent de façon détaillée les résultats empiriques du modèle dans différents domaines de la psychologie clinique et de la psychologie de la santé (troubles de la personnalité, troubles de la dépendance, troubles anxieux, phobies, troubles somatoformes ou burnout, satisfaction dans le couple, bien-être individuel). Enfin ils fournissent des pistes et conseils pour l’application pratique du modèle de l’OE en intervention psychologique et en psychothérapie. En annexe, le lecteur trouvera l’ensemble des instruments (questionnaires et instruments d’auto-observation), sur lesquels repose le modèle de l’OE et qui sont inédits à ce jour.

Destiné aux professionnels et aux étudiants de la santé, cet ouvrage de référence met en lumière les psychopathologies causées par les troubles émotionnels et propose des pistes pour y remédier.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE 

Ce très bon guide apporte une réelle connaissance du développement de ce modèle de l’OE et de ses nombreuses applications pratiques très intéressantes pour la recherche. - Parthages.be

À PROPOS DES AUTEURS 

Michaël Reicherts est Professeur émérite de l’Université de Fribourg en Suisse.

Phlippe A. Genoud est maître d’enseignement et de recherche à l’Université de fribourg en Suisse.

Grégoire Zimmermann
est Professeur à l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne en Suisse.
LangueFrançais
ÉditeurMardaga
Date de sortie10 juin 2014
ISBN9782804702250
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    Aperçu du livre

    L'ouverture émotionnelle - Michaël Reicherts

    Introduction : travailler avec l’Ouverture émotionnelle

    Michaël Reicherts, Philippe A. Genoud & Grégoire Zimmermann

    Au cours de la dernière décennie, les concepts d’émotion et de processus affectifs ont connu une reconnaissance sans précédent dans les différents champs de recherche en psychologie. De nombreux travaux ont mis en évidence l’importance des phénomènes émotionnels pour mieux comprendre le vécu psychologique de la personne, ainsi que le rôle primordial joué par ces derniers dans nombre de troubles et de problèmes de santé, psychiques ou physiques. Par conséquent, l’intervention psychologique – qu’il s’agisse de psychothérapie, de conseil ou de prévention dans le champ de la psychologie de la santé – se réfère également de plus en plus à des techniques d’intervention qui portent sur le vécu affectif. Chez les psychologues praticiens, comme chez les professionnels de la santé ou de l’éducation, l’impact de cette « révolution » émotionnelle se manifeste notamment par un intérêt marqué pour les émotions du point de vue de:

    1. La description et la « compréhension » des processus émotionnels permettant de distinguer entre d’un côté le vécu et le traitement affectif (par exemple la « conscience » et le « partage » d’une émotion), et de l’autre la qualité émotionnelle ou la tonalité affective (par exemple la « colère » et la « peur »). Il incombe également de plus en plus aux professionnels de (re)connaître les liens qui existent entre certaines manières de fonctionner au niveau affectif et le développement et le maintien de problèmes – voire de troubles – psychologiques.

    2. L’évaluation psychologique et du diagnostic. Aujourd’hui il existe de nouveaux outils à disposition des praticiens qui permettent de repérer différents aspects du traitement affectif, de comparer les tendances de la personne avec des valeurs de référence (normatives et cliniques) et d’en dresser un « profil ». Cette démarche permet en effet d’évaluer les différentes caractéristiques du traitement émotionnel d’un client comme, par exemple, son éventuelle difficulté à réguler ou contrôler ses émotions.

    3. L’intervention, qu’elle repose sur le traitement émotionnel ou qu’elle vise à le modifier en tant que tel. Aujourd’hui, il existe nombre d’interventions psychologiques – d’obédience théorique diverse (e.g., approche centrée sur la personne, thérapie cognitivo-comportemen-tale) – qui permettent de modifier les émotions et le traitement affectif de la personne, soit comme étape intermédiaire, soit comme but en soi.

    C’est dans ce contexte général qu’il s’agit de situer le modèle de l’Ouverture émotionnelle. Le modèle de l’OE a été développé et examiné dans nombre de travaux empiriques afin de donner un accès au traitement affectif « multidimensionnel », c’est-à-dire en tenant compte de différentes dimensions du traitement affectif et de leurs articulations permettant de réfléchir en terme de « profils ». Cet ouvrage propose un survol du modèle et de ses applications. Il s’adresse non seulement aux chercheurs, mais aussi aux psychologues praticiens et aux autres professionnels de la relation d’aide, de la santé et de l’éducation. Le livre comprend quatre grandes parties : (1) Bases conceptuelles du modèle et instruments, (2) Aspects développementaux, (3) Applications à des troubles et situations spécifiques, et (4) Applications dans l’intervention. Des éléments concrets à destination en particulier des praticiens sont présentés tout au long de l’ouvrage afin de permettre une meilleure compréhension et modélisation du traitement affectif grâce au modèle de l’OE. Les implications pratiques sont également très souvent discutées, notamment sous la forme de nouvelles pistes d’intervention préventive ou thérapeutique.

    En guise d’introduction, nous proposons au lecteur de se plonger directement dans deux exemples concrets qui fournissent une illustration du modèle de l’Ouverture émotionnelle et préparent à la structure et à la lecture de l’ouvrage.

    Le cas de Monsieur C.

    Monsieur C. vient de recevoir de son supérieur hiérarchique une critique qui lui semble peu justifiée. C’est la première fois qu’une telle situation se présente dans sa carrière professionnelle. Durant cet épisode, Monsieur C. remarque que son cœur commence à battre fortement. Du coup, il se sent faible et presque à bout de souffle; il commence même à trembler légèrement. Lorsqu’il essaie de répondre, sa voix est comme bloquée et rauque. Il ne sait pas comment interpréter – ni comment gérer – cette critique, pas plus que sa propre réaction. Il ne se souvient pas vraiment d’avoir déjà vécu un tel sentiment ou s’être trouvé dans une situation pareille. Il n’a pas une image claire de ce qu’il vit et ne souhaite pas que son chef ou d’autres collègues puissent remarquer la manière dont il se sent déstabilisé durant cet épisode. Monsieur C. ne souhaite également pas faire part de ce qu’il vit à son collègue le plus proche. Il se rend compte à cette occasion qu’il n’arrive pas à gérer les émotions fortes. Il balbutie une espèce d’excuse et s’en va (échappe à la situation). Il ne prendra que plus tard conscience de la manière dont il a pu éviter de protester et de répondre vigoureusement à son chef.

    Apparemment, Monsieur C. semble vivre un épisode mélangé de surprise et de colère, suite à un reproche perçu comme négatif et injustifié. Ce type d’émotion est à même de surgir dans ce genre de situation spécifique. Si la tonalité affective et le registre émotionnel auquel fait appel cet épisode sont importants, les éléments liés à la manière dont Monsieur C. vit et traite ses émotions apportent un éclairage primordial pour la compréhension de son fonctionnement émotionnel. Dans cette optique, le modèle de l’Ouverture émotionnelle permet de décrire et de comprendre les états affectifs ainsi que les processus psychologiques associés à ces états affectifs. Il permet de caractériser les différentes composantes de son vécu et traitement affectifs et leur articulation. À l’aide de ce modèle, le psychologue praticien peut conceptualiser spécifiquement la manière dont Monsieur C. a fait affectivement face à cette situation et éventuellement l’aider à prendre conscience de ce qui s’est passé pour lui au cours de cet épisode, éventuellement en comparaison avec d’autres situations émotionnelles qu’il vit.

    Le cas de Madame P.

    Après plusieurs années sans nouvelles d’elle, Madame P. revoit lors d’une visite une amie proche qui lui offre à cette occasion un cadeau particulièrement personnel. Très touchée par cette attention, elle sent des frissons dans tout son corps, sa gorge qui se noue et des larmes dans ses yeux. Elle connaît un sentiment de joie profonde et il va de soi pour elle que ses larmes expriment son bonheur. Elle tient également à partager cet état émotionnel intense et agréable, avec son amie : elle lui dit combien elle est heureuse et touchée et la prend dans ses bras. Elle accepte volontiers d’être sous l’emprise de ce sentiment mais elle le laisse également évoluer en lui accordant une place importante pour qu’il dure et imprègne toute la rencontre; elle ne tente pas d’en faire abstraction, pas plus qu’elle ne cherche à le retenir.

    Même si cet épisode émotionnel ne pose aucun problème à Madame P., il s’agit également d’un exemple que l’on peut caractériser à l’aide du modèle de l’Ouverture émotionnelle. En effet, on peut distinguer, à l’instar de l’exemple précédent, plusieurs composantes du vécu et du traitement affectifs qui s’articulent et en font un épisode émotionnel complexe et significatif pour l’individu. Madame P. fait l’expérience de manifestations corporelles (par exemple les larmes qui montent), et d’un état subjectif agréable dont elle a pleinement conscience et qu’elle exprime verbalement (Madame P. fait part de sa joie à son amie) et comportementalement (elle la serre dans ses bras). Par ailleurs, elle régule cet état affectif en tentant de le maintenir (elle ne retient pas ses larmes et essaie de garder cet état affectif agréable en lui accordant sa pleine conscience). Cet exemple analysé à la lumière du modèle de l’Ouverture émotionnelle nous offre la possibilité de prendre conscience des différentes facettes du vécu affectif associé à cet épisode émotionnel positif, ainsi que des différentes aptitudes de Madame P. à s’ouvrir émotionnellement (prise de conscience cognitive et corporelle, partage social, tentative de prolonger cet état affectif fort).

    Selon nous, ces deux premiers exemples illustrent bien l’intérêt du modèle de l’Ouverture émotionnelle. En effet, l’analyse de ces deux épisodes affectifs à l’aide du modèle de l’OE met en évidence qu’un processus psychologique relativement complexe est impliqué dans ce type d’épisodes relativement fréquents de la vie quotidienne. Premièrement, ce processus comprend des manifestations corporelles qui peuvent être perçues par le sujet et son interlocuteur. Deuxièmement, l’individu se rend plus ou moins compte de l’état affectif dans lequel il se trouve et discerne les circonstances dans lesquelles il est apparu. Troisièmement, il peut faire part à autrui (ou éviter de le faire) de ce qu’il vit émotionnellement. Enfin, l’individu régule son état affectif (par ex. diminuer les émotions négatives ou amplifier les positives) en utilisant des stratégies personnelles plus ou moins efficaces. On retrouve dans le tableau 1 ci-dessous une synthèse de ces processus pour les deux exemples.

    TABLEAU 1

    Dimensions du processus psychologique impliquées dans les deux exemples (situations spécifiques)

    Lors d’un entretien, un intervenant peut ainsi – en se référant à un modèle comme celui de l’Ouverture émotionnelle – explorer l’événement et aboutir à un « profil » du traitement affectif associé à une situation particulière ou même à un profil plus général du fonctionnement émotionnel d’un individu. D’après le modèle de l’Ouverture émotionnelle, une personne peut être plus ou moins « ouverte » à son vécu et plus ou moins consciente de son traitement affectif sur les diffé-rents niveaux ou registres émotionnels que nous avons esquissés. Madame P. se montre par exemple « très ouverte » à son vécu dans cette situation. Elle remarque en effet les manifestations corporelles (internes et externes) de l’émotion, elle est consciente de ce qu’elle vit (joie, bonheur, gratitude) et l’exprime, et finalement elle régule – en maintenant et prolongeant – l’émotion positive. Monsieur C., par contre, n’est pas aussi « ouvert » à son vécu. Il est surpris par cette situation et ne se rend pas (encore) compte des émotions qu’il est en train de vivre. Il ne remarque pas complètement l’impact corporel que la situation affective a sur lui. Il essaie de ne pas exprimer et de ne pas communiquer ce qu’il vit. Finalement, il n’est pas en mesure de réguler adéquatement l’émotion et de profiter de ses réactions affectives pour mieux comprendre et répondre à cette situation désagréable.

    La possibilité de clarifier les différentes composantes du traitement affectif peut selon nous permettre au professionnel de la relation d’aide de bien comprendre ce qui se passe, de décrire et de travailler ce fonctionnement avec la personne. Par exemple, lors d’un entretien de conseil ou en psychothérapie, il peut être très utile d’avoir cette grille de lecture et de concevoir les événements relatés par le client de cette manière. Sur le plan technique, cela signifie par exemple que si une personne n’est pas encore parvenue à une description « complète » d’un épisode chargé affectivement, il est possible, si la situation s’y prête, de la solliciter ou de la guider afin qu’elle puisse réfléchir et prendre conscience de certains aspects (encore) manquants de l’épisode émotionnel (par exemple le ressenti corporel ou les tentatives de régulation des émotions).

    À part ces épisodes liés à une situation particulière, chaque individu possède des tendances générales à vivre et à traiter ses états affectifs d’une certaine manière, comme l’illustrent les deux exemples ciaprès.

    Le cas de Monsieur D.

    Monsieur D. a des difficultés à traiter ses états affectifs, à les percevoir correctement et à les réguler (contrôler). Lorsqu’il vit une émotion (positive ou négative), elle l’envahit de manière diffuse et le rend plutôt tendu et nerveux. Quant à son humeur, il n’arrive pas, le plus souvent, à la qualifier ou la décrire : il évoque une humeur « neutre », ne sait pas vraiment comment il va ou est plutôt de « mauvaise humeur », à l’exception des situations fortement chargées émotionnellement. Lorsqu’il vit une émotion forte, il ressent généralement des signaux internes de manière confuse et n’arrive pas à les interpréter. En effet, il n’est ni capable de nommer ses états affectifs, ni de percevoir les liens avec une situation ou un événement particulier. Par ailleurs, il ne partage que rarement avec autrui ses états affectifs peu identifiés. Finalement,il est incapable de gérer ses états affectifs, qu’ils soient positifs ou négatifs. Ceci est d’autant plus problématique que Monsieur D. peut vivre de fortes colères sans arriver à les atténuer. Dans la mesure du possible, il essaie plutôt de supprimer et de cacher ce qu’il vit (nervosité, etc.). Finalement, Monsieur D. a régulièrement recours à des substances psychotropes (par ex. cannabis, alcool) afin de réguler son humeur, de faire face à ses émotions désagréables (par ex. de déception) ou au sentiment de vide affectif. Au fil des années, il a même développé une dépendance à l’alcool.

    Le cas de Madame S.

    Comme Monsieur D., Madame S. a également quelques difficultés à identifier et à réguler ses émotions. Par contre, elle a tendance à remarquer facilement les indicateurs corporels tels que les changements de rythme cardiaque, les douleurs, l’oppression, les difficultés respiratoires, et la tension ou les tremblements musculaires. Elle n’arrive toutefois pas à les comprendre comme des signaux émotionnels et à les différencier d’autres manifestations corporelles ou de symptômes liés à une maladie. Autrement dit, elle n’arrive pas à faire directement le lien entre le registre corporel et la situation émotionnelle qu’elle est en train de vivre. Sa « sensibilité » aux indicateurs corporels est très élevée sans que l’identification et les concepts émotionnels soient coordonnés à cette sensibilité (difficulté à nommer son émotion et à la réguler). Madame S. éprouve également des difficultés à communiquer des émotions afin de recevoir, par exemple, du soutien de ses proches.

    À l’instar de ce que nous avons évoqué précédemment pour les épisodes affectifs associés à une situation particulière, le recours au modèle de l’Ouverture émotionnelle offre la possibilité d’examiner un profil individuel général du traitement affectif. D’un point de vue pratique, l’intervenant ou le psychologue pourra examiner l’éventuel caractère problématique de ces tendances (par ex. déficit d’un processus ou déséquilibre) et leurs liens avec des difficultés psychologiques. En outre, l’examen attentif de ces liens permettra à l’intervenant et à son client de mieux comprendre l’implication du traitement affectif dans le maintien ou l’apparition de certaines de ces difficultés.

    L’avantage du modèle de l’Ouverture émotionnelle est ainsi d’offrir une conceptualisation claire de l’ensemble des dimensions issues de différents registres (voir tableau 3) impliquées dans le traitement affectif de l’individu. Comme le suggèrent les exemples présentés, l’intervenant peut ainsi, en utilisant les instruments associés au modèle de l’Ouverture émotionnelle (voir chapitre 2) examiner chacune des composantes du traitement affectif et évaluer leur cohérence, que ce soit en termes de fonctionnement affectif dans une situation spécifique (cas de Madame P. et de Monsieur C.) ou alors de tendances plus générales (Monsieur D. ou Madame S.). Par la suite, il est bien sûr envisageable avec le client de travailler et de modifier ces tendances par des interventions spécifiques.

    TABLEAU 2

    Dimensions du processus psychologique impliquées dans les deux exemples (situations générales)

    TABLEAU 3

    Ouverture émotionnelle : facettes, processus et réactions

    LE TRAVAIL DU PSYCHOLOGUE À L’AUNE DU MODÈLE DE L’OUVERTURE ÉMOTIONNELLE

    Si l’on se place maintenant du point de vue du professionnel de la relation d’aide (entre autres psychologue, psychothérapeute), le modèle de l’Ouverture émotionnelle (y compris ses instruments et recherches) peut faciliter le travail sur différents axes:

    1. Le modèle de l’Ouverture émotionnelle permet de décrire et de « comprendre » les émotions et les épisodes affectifs dans leur multidimensionalité, leur processus et leur évolutions. Le modèle aide à concevoir le vécu et le fonctionnement affectifs, et à les distinguer du type d’émotion, de la qualité ou tonalité affective. Le modèle permet d’analyser des liens que les processus du traitement affectif ont avec différents problèmes ou troubles psychologiques et, a fortiori, avec le bien-être.

    2. Le modèle donne la possibilité de faire une évaluation globale de l’affectivité et d’en poser un diagnostic. À l’aide des instruments DOE, la manière dont chaque individu vit et traite ses émotions peut être évaluée et comparée à des valeurs standards (possibilité de repérer des déficits ou des déséquilibres). Il est également possible d’évaluer certaines situations affectives particulièrement difficiles pour un individu, comme par exemple des épisodes phobiques ou des accès de colère ou de déprime. Les situations positives – contribuant au bien-être de la personne – peuvent aussi servir de base à la compréhension des ressources émotionnelles du sujet. Grâce au tableau « multidimensionnel », le psychologue peut établir un profil et évaluer le caractère plus ou moins équilibré de ce dernier.

    3. Le modèle de l’Ouverture émotionnelle permet de concevoir et de réfléchir aux interventions les plus adaptées pour chaque individu. Cela permet de « systématiser » nombre d’interventions existantes mais fournit aussi une base de développement de nouvelles stratégies – et modules – d’intervention, dans le cas individuel également.

    L’OUVERTURE ÉMOTIONNELLE : ÉLÉMENTS DE DÉFINITION

    La dénomination « Ouverture émotionnelle » (OE) ou « Ouverture à l’expérience émotionnelle » que nous avons choisie pour désigner le modèle renvoie à quatre notions clefs du vécu émotionnel et du traitement affectif individuel dont nous avons tenu compte dans le modèle (cf. chapitre 1 pour les bases conceptuelles).

    1. La dimension expérientielle en situation, à savoir le fait de s’ouvrir à son expérience affective, de vivre ses émotions, de les gérer ou de les réguler à un moment donné.

    2. La dimension d’ouverture ou de perméabilité par rapport aux émotions et aux différents phénomènes qui les accompagnent, en tant que tendance ou trait de la personne.

    3. La dimension évolutive, qui renvoie à la capacité de l’individu tout au long de sa vie de s’ouvrir de plus en plus à son vécu affectif et à ses émotions (notamment par le biais d’un travail psychothérapeutique).

    4. La dimension sociale, qui souligne l’ancrage relationnel et contextuel des échanges émotionnels, à savoir le fait de s’ouvrir à autrui.

    LA STRUCTURE DU LIVRE

    L’objectif de cet ouvrage est non seulement de présenter de manière détaillée les fondements théoriques et empiriques du modèle de l’OE, mais également ses implications pratiques. Les chapitres du livre sont organisés en quatre grandes parties.

    La première partie intitulée « Bases conceptuelles » se centre sur les fondements théoriques et les instruments qui ont été développés pour l’évaluation et le diagnostic de l’Ouverture émotionnelle. Le premier chapitre est consacré à la présentation des éléments de base du modèle et à son ancrage dans les théories psychologiques de l’émotion et certains modèles psychothérapeutiques. Chacune des dimensions principales de l’Ouverture émotionnelle est notamment détaillée dans ce chapitre. Le deuxième chapitre offre au lecteur un regard sur les différents instruments issus du modèle (DOE – « Dimensions de l’Ouverture émotionnelle »), leur construction, l’analyse de leurs structures multidimensionnelles et l’examen de leurs qualités psychométriques. Ce chapitre plus technique aide le lecteur à comprendre les enjeux de la construction et les démarches aboutissant aux différentes solutions retenues. Il peut y voir également les avantages – et les limites – de ces instruments et en tenir compte dans l’interprétation des cas individuels. Deux autres chapitres (3 et 4) sont, quant à eux, consacrés à la mise en perspective de l’Ouverture émotionnelle avec les modèles de la personnalité et d’autres modèles portant sur le traitement affectif. Le chapitre 4 montre que l’Ouverture émotionnelle s’articule de manière cohérente avec le modèle de la personnalité en cinq facteurs (Big Five). Les liens observés soulignent la pertinence du modèle de l’Ouverture émotionnelle, qui conserve néanmoins ses propres caractéristiques, notamment en termes d’« adaptations spécifiques » de la personne, se situant entre les traits de personnalité et les comportements dans des situations et contextes réels. Afin de faciliter également la comparaison entre l’Ouverture émotionnelle et d’autres concepts proches – comme l’alexithymie et l’intelligence émotionnelle – le chapitre 3 complète cette première partie. On constate que l’Ouverture émotionnelle présente certains recouvrements avec le concept d’alexithymie, mais que le modèle de l’OE s’avère plus complet grâce à ses cinq dimensions qui différencient les plans cognitif, somatique et social.

    Dans la deuxième partie de l’ouvrage (chapitres 5 à 7), les auteurs abordent les aspects développementaux de ce modèle en considérant non seulement les enfants et les adolescents mais aussi les personnes âgées. On y trouve de nombreux liens avec d’autres thématiques de la psychologie du développement, comme par exemple l’attachement ou le développement des interactions. Nombre d’éléments spécifiques à chacune des périodes développementales sont examinés et illustrés au regard du modèle de l’Ouverture émotionnelle.

    La troisième partie (chapitres 8 à 12) est consacrée aux applications pratiques du modèle de l’Ouverture émotionnelle dans différents domaines de la psychologie clinique et de la psychologie de la santé. Dans ces cinq chapitres, une large place est accordée à l’application du modèle dans différents troubles et situations spécifiques (troubles de la personnalité et de la dépendance, voir aussi supra l’exemple de Monsieur D., troubles somatoformes – voir aussi supra l’exemple de Madame S., troubles anxieux, burnout, ou relations de couple). Ces chapitres proposent également une mise en perspective des éléments théoriques avec des données empiriques, contribuant à une forme de validation scientifique du modèle. Même si les patterns spécifiques du fonctionnement affectif décrits grâce au modèle de l’OE ne s’appliquent pas exclusivement aux troubles et situations examinés tout au long de ces chapitres, l’ouvrage propose de nombreuses descriptions et exemples cliniques (vignettes) qui permettent de mieux comprendre les implications de l’Ouverture émotionnelle et d’en tirer profit pour des applications cliniques. Chaque chapitre de cette partie est organisé de telle sorte à proposer une introduction conceptuelle, une description de la situation spécifique (par ex. relation de couple) ou du tableau clinique articulés avec le traitement affectif opérationnalisé grâce au modèle de l’OE (attentes et hypothèses cliniques), et des résultats de recherche clinique. Chaque chapitre comprend également la présentation d’un cas – sous forme de vignette – à titre illustratif et des réflexions relatives à la prise en charge.

    La quatrième et dernière partie de l’ouvrage (chapitres 13 à 15) se centre sur l’application de l’Ouverture émotionnelle dans l’intervention psychologique et la psychothérapie. Dans cette partie, le lecteur est invité à revisiter les interventions psychologiques à la lumière du modèle de l’OE, mais il est également initié à divers types d’interventions basées spécifiquement sur les dimensions de l’Ouverture émotionnelle. Cette présentation est accompagnée de nombreux exemples inspirés des nouvelles approches expérientielles (par ex. emotion-focused therapy, thérapie comportementale dialectique, etc.). Les possibilités d’intervention sont illustrées par des modules d’intervention spécifiques qui ont fait leurs preuves dans la pratique (étude d’évaluation). Cette dernière partie comprend également, à titre illustratif, de nombreux exemples et vignettes, avec en particulier une étude de cas approfondi d’une patiente souffrant d’un trouble de la personnalité borderline (chapitre 14).

    PARTIE I

    Bases conceptuelles

    Chapitre 1

    L’Ouverture émotionnelle

    Conception et modèle théorique

    Michaël Reicherts, Susanne Kaiser, Philippe A. Genoud

    & Grégoire Zimmermann

    La recherche dans le domaine de l’émotion est en plein essor. Jusqu’à présent, elle s’est focalisée sur le traitement émotionnel (emotion processing), les différents niveaux de ces processus ainsi que leurs articulations (Davidson, Scherer & Goldsmith, 2003). Les processus émotionnels comprennent différentes modalités, conçues dans des approches multi-niveaux (e.g. Lang, 1984; Lazarus, 1991). Depuis quelques années, la recherche en neuropsychologie, en utilisant de nouvelles technologies et paradigmes d’imagerie cérébrale (neuro-imagerie) – en plus des recherches en psychophysiologie de l’émotion (e.g. Levenson, 2003; Stemmler, 2003) – a également considérablement élargi les connaissances concernant les fondements structuraux (substrats corticaux) d’un certain nombre de ces processus (LeDoux, 2000; Damasio, 1999).

    En ce qui concerne ce qui nous intéresse particulièrement ici – la perception qu’ont les individus des processus en jeu au cours de leurs expériences émotionnelles –, plusieurs approches et concepts différenciés ont été proposés. Ces approches se focalisent sur les représentations que la personne a – ou qu’elle se fait – de son traitement affectif et de ses processus émotionnels (dont ceux qu’elle peut activer voire influencer). Parmi les concepts proposés figurent entre autres l’alexithymie (McLean, 1949; Marty & de M’Uzan, 1963; Sifneos, 1973; Zimmermann, Salamin & Reicherts, 2008), ou encore l’intelligence émotionnelle (Salovey & Mayer, 1990; Mayer, Salovey, Caruso & Sitarenios, 2001; Ciarrochi, Forgas & Mayer, 2001). Ces conceptions, bien qu’issues de traditions théoriques différentes, appréhendent le traitement émotionnel des états affectifs selon sa fonctionnalité dans différents contextes comme par exemple la résolution de problèmes ou la perception de soi-même et d’autrui. Actuellement, il existe différents instruments visant l’évaluation de ces composantes du traitement émotionnel représentées et auto-reportées par le sujet, comme la Toronto Alexithymia Scale (TAS; Taylor, Bagby & Parker, 2003) ou la Trait-Meta-Mood-Scale (TMMS; Salovey, Mayer, Goldman, Turey & Palfai, 1995).

    À l’origine basée sur des notions psychanalytiques, l’opérationnalisation de l’alexithymie avait initialement prévu cinq dimensions caractérisant essentiellement des facettes lacunaires dans le fonctionnement émotionnel, notamment la difficulté à identifier, à décrire et à distinguer les émotions des sensations corporelles, un mode de pensée orienté vers l’extérieur (« pensée opératoire »), et la pauvreté de la vie imaginaire (pour un survol, voir Zimmermann et al., 2008). L’opérationnalisation la plus récente, mise en évidence grâce à l’instrument le plus répandu et le plus robuste, la TAS-20 (Taylor et al., 2003), ne comprend plus que trois dimensions dans cet « espace des processus émotionnels perçus » : les difficultés à identifier ses émotions, les difficultés à décrire ses émotions et la pensée orientée vers l’extérieur.

    Le modèle de l’intelligence émotionnelle cible quant à lui des facettes de l’intelligence impliquant la capacité d’évaluer ses propres émotions et celles des autres, d’exprimer et de réguler les émotions de façon appropriée et adaptée et d’utiliser l’information émotionnelle dans la pensée et l’action, de manière à promouvoir la croissance intellectuelle et émotionnelle (e.g. Petrides & Furnham, 2000; Mayer, 2001). À l’inverse des questionnaires d’alexithymie focalisés sur les déficits, comme la TAS-20 que nous venons d’évoquer, les instruments d’évaluation de l’intelligence émotionnelle se centrent sur les capacités et les compétences auto-reportées.

    À la différence de ces conceptions, le modèle de l’Ouverture émotionnelle que nous proposons ici vise à décrire les processus et tendances du traitement affectif en tant que tels, sans les qualifier au préalable comme capacité ou déficit de la personne.

    1. ÉTATS AFFECTIFS, ÉMOTIONS ET HUMEURS – LES RÉFÉRENTS DU TRAITEMENT AFFECTIF

    Dans un premier temps, il s’agit de concevoir les différents phénomènes affectifs sur lesquels portent le vécu et le traitement émotionnel : les états affectifs en tant que déclencheurs et produits, intermédiaires ou finaux, du processus. Selon Scherer (1984, 2005) ou Gross (1998), le terme affect peut être utilisé comme une catégorie très générale des états psychologiques caractérisés par la valence (valenced ou valence-based ), comprenant des émotions comme la colère éprouvée dans un épisode telle une dispute au sein du couple (par exemple les « scripts » selon Tomkins, 1984), mais aussi l’humeur pouvant apparaître par le biais d’un sentiment d’irritation ou d’exaspération (pour un survol, voir aussi Frijda, 1993). Parfois, les états affectifs se réfèrent également à des états dispositionnels, comme l’appréciation (liking; d’une personne, etc.), ou encore à des traits affectifs, comme la timidité, ou la dépressivité. Ces variantes peuvent aussi être considérées comme des « styles affectifs », qui font référence aux différences individuelles dans la manière de réagir aux situations chargées émotionnellement.

    Comme le montrent les recherches utilisant la méthodologie de l’« évaluation ambulatoire » (« ambulatory assessment », Fahrenberg, Myrtek, Pawlik & Perrez, 2007; Reicherts, Salamin, Maggiori & Pauls, 2007), le vécu affectif au quotidien est caractérisé le plus souvent par les humeurs (moods) et, plus rarement, par des émotions ou épisodes émotionnels. L’émotion peut ainsi être distinguée de l’humeur par son lien avec un objet ou une situation, ainsi que par sa durée et son intensité (Morris, 1989; Parkinson, Totterdell, Briner & Reynolds, 1996). Les émotions, de durée plus limitée et d’intensité plus marquée que l’humeur, comprennent l’activation perturbatrice, la synchronisation de différents sous-systèmes de l’organisme, et facilitent selon Fridja (1993) les

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