Alcool : plaisir ou souffrance ?: Une question de santé publique
Par Mickael Naassila
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À propos de ce livre électronique
Ses propriétés désinhibantes et euphorisantes en font un accélérateur de sociabilité, et un compagnon quasi indissociable des moments festifs. Pourtant, certains de ses usages peuvent engendrer des dommages sanitaires loin d’être anodins – addiction, comportements agressifs ou dépressifs, augmentation de la mortalité et de la morbidité, etc. Impliqué dans près de 50.000 décès chaque année en France, il engendre un coût annuel d’environ 120 milliards d’euros pour la société française.
À partir de quelle quantité consomme-t-on trop d’alcool ? À quels risques cela expose-t-il ? Comment sensibiliser les jeunes et les moins jeunes aux dangers d’une conduite addictive ? Quel message efficace de prévention faut-il tenir ? Comment l’entourage peut-il venir en aide à une victime d’ivresses répétées ?
S’appuyant sur les études les plus récentes en la matière, cet ouvrage répond à ces questions – et à bien d’autres. Il apportera à chacun les outils nécessaires pour évaluer son rapport à l’alcool et, le cas échéant, pour (re)prendre le contrôle de sa propre consommation. Il permettra également de guider ceux qui ont besoin de l’être, et de conseiller leur entourage quant au meilleur comportement à adopter.
Un ouvrage qui éclaire sur les risques liés à la consommation d'alcool et qui apporte des conseils pour prévenir ou enrayer l'addiction.
EXTRAIT
L’alcool est la drogue qui cause le plus de dommages sanitaires et sociaux, non seulement pour les individus, mais aussi pour leur entourage et pour la société. En France, la mortalité attribuable à l’alcool est de 49 000 morts par an. Dans le monde, un décès toutes les dix secondes est lié à l’alcool (2,5 millions de morts par an, soit 4 % de la totalité de la mortalité mondiale). Les dommages sanitaires liés à l’alcool sont sérieux : effets toxiques pour nos organes, pour nos capacités cognitives et comportementales, dépendance. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le mésusage d’alcool est ainsi la cause unique de plus de quarante maladies, et il joue un rôle dans plus de deux-cents maladies.
Prévenir, identifier, et revenir d’un usage problématique d’alcool est donc un enjeu majeur pour la société, et pour l’individu. C’est dans ce contexte que le présent ouvrage a l’ambition de fournir les clés pour quantifier et pour qualifier sa consommation d’alcool, avec pour objectif d’aider à repérer et à résoudre les usages problématiques.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Un court ouvrage édité par l’Inserm dont le but est de faire le point sur l’état des connaissances sur l’alcool pour le grand public. Un outil de plus pour sensibiliser sur un problème sanitaire de taille… souvent sous-estimé en France. - Oihana Gabriel, 20Minutes
À PROPOS DE L'AUTEUR
Mickael Naassila est professeur à l’université de Picardie Jules Verne, et directeur du groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances de l’Inserm. Son travail porte sur l’addiction à l’alcool et la maladie alcoolique du foie. Il étudie les facteurs génétiques et environnementaux – et plus particulièrement la précocité de l’exposition (in utero et à l’adolescence) – qui sont impliqués dans la vulnérabilité à l’alcoolodépendance. Ses travaux visent à mieux comprendre la transition vers la perte de contrôle et la prise compulsive d’alcool, à identifier les bases neurobiologiques, et ainsi à trouver de nouveaux traitements efficaces.
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Aperçu du livre
Alcool - Mickael Naassila
l'auteur
L’alcool occupe une place toute particulière dans notre société. Tel Janus, la molécule d’alcool, aussi appelée éthanol ou alcool éthylique , présente deux visages : d’un côté, le visage de la joie associée au plaisir d’une consommation sociale, festive et conviviale ; de l’autre, le visage de l’anxiété et de l’angoisse observé chez les consommateurs devenus de véritables esclaves.
La production d’alcool et sa commercialisation constituent une branche ancienne et incontournable de notre économie – à tel point qu’il en est devenu un emblème national. En 2012, le budget annuel moyen alloué à l’alcool par chaque foyer était ainsi de 322 euros, pour une consommation quotidienne moyenne de 2,7 verres d’alcool (soit une moyenne de 27 grammes d’éthanol pur par jour). La consommation d’alcool est profondément ancrée dans notre culture, nos traditions et notre patrimoine, de sorte qu’il est souvent inimaginable dans notre pays d’organiser un évènement festif de notre vie sociale ou familiale sans alcool. Celui qui ne boit pas est souvent perçu avec étonnement, ses interlocuteurs cherchant généralement à connaitre les raisons de son refus de boire. Il n’est pas rare d’entendre qu’aimer boire du bon vin est typiquement français.
Ces représentations positives de la boisson sont ancrées dans l’histoire de France. Dès l’époque antique, le vin symbolise le sang du Christ ; le premier miracle du Christ n’a-t-il pas été de transformer de l’eau en vin lors des noces de Cana ? L’essor de la boisson est surtout économique au Moyen Âge qui voit se développer de manière galopante la viticulture monastique et les pères brasseurs de bière. La Renaissance voit apparaitre les grands crus aux XVIIe et XVIIIe siècles. La précarité du monde ouvrier de la fin XIXe et au début du XXe siècle a vu émerger un alcoolisme formidablement dépeint dans l’Assommoir d’Émile Zola. Et il n’y a pas que le vin : les bouilleurs de cru ont eux aussi bénéficié, depuis l’époque napoléonienne, d’une notoriété certaine à produire de l’eau de vie.
La consommation d’alcool constitue une norme, à tel point que la simple idée de proposer une journée sans alcool, à l’instar de la journée sans tabac – et même le mois sans tabac maintenant –, parait inacceptable à certains. Le caractère ordinaire, voire socialement valorisé de la consommation d’alcool conduit la plupart d’entre nous à refuser d’identifier l’alcool à une drogue. Pourtant, la molécule d’alcool répond à tous les critères utilisés pour identifier une drogue : action sur le cerveau, altération des sens (rôle psychotrope) et de la capacité de l’individu à se contrôler, et capacité addictive (rôle addictogène). Justement parce que l’alcool est une drogue socialement acceptée, sa consommation en quantité excessive constitue un enjeu majeur de santé publique. En France, environ 10 % de la population présente ainsi un rapport à l’alcool qui pose problème. La plupart d’entre nous estiment tout savoir de l’alcool, mais il existe en réalité un gouffre gigantesque entre les représentations positives (fête, plaisir, convivialité, bon vivant, etc.) et les dommages réellement induits. En France, moins de 10 % des personnes qui sont en difficulté face à l’alcool sont ainsi prises en soins, les 90 % restantes se retrouvant seules face à ce trouble bio-médico-psycho-social.
Ce faible taux de prise en soins est dénommé treatment gap. Il s’explique par de nombreuses barrières : la personne ne reconnait pas sa maladie, ne souhaite pas entrer dans les soins, ne souhaite pas prendre un médicament, accède difficilement aux soins ; l’équipe soignante connait trop peu la maladie, est peu encline à la traiter, à prescrire une pharmacothérapie ; les traitements eux-mêmes présentent des effets secondaires, une efficacité limitée et retardée, des posologies complexes, un cout élevé, etc.
L’usage nocif d’alcool constitue un sujet tabou. Le grand public est trop peu informé, et même les professionnels de santé ne sont généralement pas suffisamment formés sur le sujet. L’histoire de France joue indubitablement un rôle important dans la constitution du paysage actuel en matière de consommation d’alcool. Il apparait toutefois aussi indubitable que l’efficacité des acteurs économiques du secteur à communiquer et à influencer la législation joue un rôle majeur dans cette situation. Les rapports de la Cour des comptes et de l’Académie nationale de médecine sont venus rappeler l’impérieuse et urgente nécessité de réagir. L’enquête de la première a ainsi relevé un laxisme vis-à-vis de la problématique de l’alcool en matière de politique publique, ainsi qu’une proximité entre élus et alcooliers. Deux publications, l’une de l’OFDT (2015) et l’autre du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (2016), ont par ailleurs montré que les méfaits de la consommation d’alcool constituent la première cause d’hospitalisation en France, avec un cout de 120 milliards d’euros par an (pour un marché mondial évalué à 1 143 milliards d’euros en 2015). Ce cout global comprend : la valeur des vies humaines perdues (66 milliards d’euros), la perte de la qualité de vie (39,1 milliards d’euros), les pertes de production (9 milliards d’euros), les soins (7,7 milliards d’euros) et les dépenses de prévention-répression-recherche (283 millions d’euros). Sont déduites les économies de retraites non versées (1,7 milliard d’euros) et les recettes des taxes prélevées sur l’alcool (3,2 milliards d’euros). L’âge moyen au décès d’un consommateur à problème est de 63 ans (71 ans pour le tabac). Le cout de l’alcool représente ainsi à lui seul un demi-point de PIB. En revanche, la taxation sur les alcools couvre à peine 42 % du cout des soins engendrés par la consommation d’alcool. L’Académie nationale de médecine a par ailleurs demandé à ce que le syndrome d’alcoolisation fœtale soit élevé au rang de Grande Cause nationale.
L’alcool est la drogue qui cause le plus de dommages sanitaires et sociaux, non seulement pour les individus, mais aussi pour leur entourage et pour la société. En France, la mortalité attribuable à l’alcool est de 49 000 morts par an. Dans le monde, un décès toutes les dix secondes est lié à l’alcool (2,5 millions de morts par an, soit 4 % de la totalité de la mortalité mondiale). Les dommages sanitaires liés à l’alcool sont sérieux : effets toxiques pour nos organes, pour nos capacités cognitives et comportementales, dépendance. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le mésusage d’alcool est ainsi la cause unique de plus de quarante maladies, et il joue un rôle dans plus de deux-cents maladies.
Prévenir, identifier, et revenir d’un usage problématique d’alcool est donc un enjeu majeur pour la société, et pour l’individu. C’est dans ce contexte que le présent ouvrage a l’ambition de fournir les clés pour quantifier et pour qualifier sa consommation d’alcool, avec pour objectif d’aider à repérer et à résoudre les usages problématiques.
picto Un tribut social et individuel
L’alcoolisme, une prise de conscience récente
Dans son Enquête sur les effets des spiritueux sur le corps et l’esprit humains de 1784, le médecin et chimiste américain Benjamin Rush rédige une démonstration montrant que l’abus des spiritueux doit être qualifié en termes de maladie, « l’ivrognerie » menant inexorablement à la mort. En 1813, le médecin britannique Thomas Sutton s’attache à décrire les troubles du delirium tremens (confusion, délire, hallucinations, tremblements, agitation, fièvre). En France, l’aliéniste Philippe Pinel fait de l’alcool une cause possible de « l’idiotisme » (abolition totale des fonctions de l’entendement).
Il faut toutefois attendre 1849 pour que l’étude de l’alcoolisme entre véritablement en médecine. Le médecin suédois Magnus Huss publie cette année-là un Traité sur l’alcoolisme chronique, analysant la fréquence des affections neurologiques, cardiaques et hépatiques. Il décrit l’alcoolisme comme un phénomène lent d’empoisonnement du sang par l’alcool, suivi d’un processus de lésion du système nerveux. Après Huss, les études sur les troubles de l’alcoolisme se multiplient, menant à la découverte de deux syndromes fondamentaux qui se caractérisent tous deux