Ados & suicide : en parler et se parler: Recherche scientifique
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À propos de ce livre électronique
Ces questions, et bien d’autres, trouveront des réponses dans cet ouvrage, qui met la parole de l’adolescent au centre de son propos, pour mieux le comprendre et l’aider. La recherche progresse chaque jour, l’écoute et la prise en charge des souffrances s’améliore en permanence, et chacun (familles, proches, aidants, soignants, etc.) trouvera ici des outils pertinents pour mieux agir et pour soutenir plus efficacement les jeunes en détresse.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jonathan Lachal est pédopsychiatre. Il est praticien hospitalier universitaire à la Maison de Solenn et à l’université Paris-Descartes. Au sein de l’équipe « Méthodes et cultures » de l’Inserm, il dirige de nombreux travaux de recherche sur le thème des agressions contre soi (suicide, automutilations) à l’aide de méthodes qualitatives qui donnent la parole aux adolescents et à leurs familles.
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Avis sur Ados & suicide
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Aperçu du livre
Ados & suicide - Jonathan Lachal
Biographies
100000000000020000000316DE1E36301DCBD9FD.jpgPourquoi tant d’adolescents, si jeunes, si vivants pensent-ils un jour à leur mort ? Non pas au concept de la mort en général, mais bien à leur propre mort, leur propre destruction, leur propre disparition ? Par quels mécanismes psychiques passe-t-on de l’innocence d’une vie d’enfant à la violence d’une tentative de suicide ? Comment peut-on penser – et panser – ces jeunes qui songent à disparaitre ? Faut-il lire ce geste comme l’expression d’une détresse individuelle, d’un souffrir de soi ? ou plutôt d’une difficulté à exister dans le lien à l’autre (à l’entourage) et aux autres (à la société), d’un souffrir des autres ? Ces questions, nous les aborderons au fil l’ouvrage en donnant la parole aux adolescents. C’est notre manière d’envisager la recherche : elle doit laisser une place centrale au sujet, l’adolescent, à son vécu, à son expérience, et à son savoir de sa souffrance. Cette recherche, nous la menons au sein de la Maison des adolescents – la Maison de Solenn à Paris – et dans les différents services d’adolescents partenaires.
Une autre de nos préoccupations est de toujours interroger les effets de la société et de la culture sur la perception et sur l’expression de la souffrance psychique. Nous avons souhaité transmettre dans cet ouvrage toute l’intensité des débats et des incertitudes sur la question du suicide de l’adolescent. La mort interroge depuis toujours. Elle n’est pas entièrement accessible à la raison humaine, et constitue ce qu’on appelle une impasse ontologique – une impossibilité à penser et à étudier. Elle est source d’angoisse et l’être humain, depuis qu’il est Homo, n’a cessé de tenter de l’apprivoiser, à travers les rituels, les habitudes, les coutumes sociales et culturelles. La confrontation à un jeune qui prône et met en acte sa propre mort nous fait violence, nous renvoie à nos propres angoisses de mort, et met en question notre capacité à accompagner ce jeune, à le porter du côté de la vie. En abordant les différents niveaux de souffrance, les différents niveaux de compréhension des comportements suicidaires, cet ouvrage propose des clés pour dépasser l’effet de cette violence, pour mieux accompagner ces jeunes, pour les aider et les soigner.
100000000000020000000316514FDEB4844EAE58.jpgAux alentours des années 1700, l’expression meurtre contre soi-même est remplacée par le terme suicide, dérivé du latin sui (« soi ») et caedere (« tuer ») : il s’agit de l’action de se donner délibérément la mort. Pour autant, ce livre ne se résume pas à la question du suicide ; il s’intéresse également à toutes les questions qui lui sont associées : idées ou pensées suicidaires, conduites suicidaires, comportements à risque, etc. Tous ces concepts ne se recouvrent pas et ne concernent pas toujours la même population – et probablement plus encore chez les adolescents. Le concept de continuum (ou de spectre), aujourd’hui très utilisé en psychiatrie, est souvent proposé pour envisager les comportements suicidaires. Celui-ci désigne une dimension morbide qui irait des préoccupations non pathologiques autour de sa propre mort jusqu’au suicide complété (qui conduit au décès de la personne). Au sein de cette dimension sont rangés tous les comportements qui entrainent une mise en danger, un risque d’autodestruction partielle (automutilations) ou totale (suicide). Le concept de continuum permet de penser la crise suicidaire comme un processus évolutif, avec des passages possibles dans le sens de l’aggravation (par exemple, la présence d’idées suicidaires intenses depuis plusieurs semaines qui évolue vers un passage à l’acte) comme dans le sens de l’amélioration. Ces termes ont aussi l’avantage de ne pas fixer l’adolescent, en pleine construction, dans un diagnostic psychiatrique irréversible. Les spécialistes de l’adolescence le savent bien : quand on a (enfin) l’impression d’avoir compris l’adolescent assis en face de nous, il a déjà changé ! Les spécialistes s’accordent toutefois pour différencier les idées ou pensées suicidaires, les comportements suicidaires et les suicides complétés.
Selon les derniers chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne se suicide toutes les quarante secondes dans le monde. Les trois quarts des suicides concernent des pays à revenus moyens faibles et modérés. Après une explosion du nombre de suicides, en particulier chez les jeunes, jusque dans les années 1980, les programmes de prise en charge et de prévention ont permis un net recul des cas, d’abord en Occident, et de plus en plus dans le reste du monde. Le suicide est la deuxième cause de mortalité des 15-25 ans dans le monde, derrière les accidents de la route. Dans cette classe d’âge, un peu plus d’un décès sur quinze est un suicide. En France, en 2011, près de 500 jeunes sont morts par suicide, ce qui représente un sixième des décès à cet âge. Il existe des inégalités face au suicide selon le sexe, le niveau socioéconomique, la région d’habitation, ou encore le cadre d’habitation (milieu urbain ou rural). En Europe, le taux de suicide des jeunes varie considérablement d’un pays à l’autre, et la France se situe dans la moitié des pays européens qui ont le taux le plus fort. Les jeunes garçons se suicident environ quatre fois plus que les jeunes filles.
Les tentatives de suicide sont plus difficiles à chiffrer, mais elles concerneraient quinze à vingt fois plus d’adolescents que le suicide complété si l’on tient compte des automutilations. Ainsi, un adolescent américain sur vingt rapporte un antécédent de tentative de suicide, un sur dix si l’on tient compte des automutilations. Ces chiffres sont sensiblement identiques en Europe, où la moitié de ces jeunes effectuerait une récidive au cours de leur vie. Les chiffres français sont un peu moins élevés (un sur douze en 2010). Les filles présentent deux à trois fois plus de gestes suicidaires que les garçons. On sait ces chiffres sous-estimés, puisque l’on considère que cinq à sept tentatives de suicide sur dix ne sont pas prises en charge médicalement.
Les chiffres qui concernent les pensées suicidaires sont encore plus difficiles à évaluer. Des études basées sur l’autodéclaration avancent des chiffres allant de 10 à 25 % des adolescents, soit un jeune sur cinq en moyenne qui présenterait des idées suicidaires au cours de son adolescence. Un adolescent français sur douze a pensé au suicide au cours de l’année précédente.
De nombreux facteurs influencent ces chiffres, et nombre de théories sociales expliquent les variations à l’échelle de la population. Il existe par exemple une inversion du ratio sexuel en Chine (il y a plus de jeunes femmes chinoises âgées de 20 à 25 ans que de jeunes hommes chinois qui meurent de suicide). La raison serait à la fois sociale et culturelle : les jeunes épouses sont soumises à de très fortes contraintes et à un très fort contrôle social, notamment de la part de la belle-famille. Le suicide n’y est jugé ni lamentable, ni honteux, mais davantage comme une mise en accusation de l’autre, une vengeance. C’est ce que les sociologues nomment le suicide vindicatif.
Le questionnement autour de la mort est souvent présenté comme une « question de l’adolescence ».¹ Ainsi, il est important de différencier ce travail nécessaire de l’adolescent d’un véritable désir de mort – qui serait alors davantage le signe d’une souffrance sous-jacente impossible à gérer pour l’adolescent.
Le travail de l’adolescent face à la mort participe de son développement cognitif, affectif et social, sous le rythme de son développement pubertaire. Il lui impose de faire le deuil d’une position d’enfant immortel et de concevoir sa propre mortalité, à partir du constat de la mortalité de ses proches, du vieillissement de ses parents et de son inscription progressive dans le monde adulte. De nombreux adolescents présenteront ainsi un appétit pour les jeux vidéo sanglants, pour les films et les lectures gores ou d’horreur, ou encore pour les sites internet parlant de la mort ou la montrant. Ils pourront également se rallier à des groupes, des modes ou des tendances associant des symboles et des comportements se référant plus ou moins directement à la mort (les mouvements gothique ou emo, par exemple). Le rapport au corps, à la douleur est souvent recherché, de sorte qu’il n’est pas rare de voir les adolescents s’exposer au froid ou à