Une traversée
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Aperçu du livre
Une traversée - Geneviève Novellino
Une traversée
Geneviève Novellino
Une traversée
LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013
ISBN : 978-2-312-01854-6
à l’ourson
du hérisson
La terre n’est pas mon royaume
le plus beau de tous les signes, le point d’interrogation
Rezvani
Il se croyait fils de paysan et chacun le prenait pour tel. Il n’était pas garçon de ferme mais le fils des fermiers propriétaires de la ferme où il vivait.
Il n’avait pas de souvenirs d’enfance tout en sachant qu’on ne naît pas à dix-huit ans. Personne ne lui avait rien raconté de ses premières années et il n’y avait apparemment pas de photo que l’on regarde parfois en famille. On parlait peu dans la maison et plutôt de la ferme que de ses occupants.
La maison se dressait au milieu des champs cultivés, pas vraiment belle mais vaste et confortable. Il avait même une chambre à lui tout en haut sous les toits, chaude l’été, froide l’hiver, où il aimait se retrouver seul le soir après une journée bien remplie par les récoltes, les troupeaux, la pluie et le soleil, qui même le dimanche ne s’interrompaient pas puisqu’il faut manger tous les jours.
Il était même allé à l’école jusqu’à ses quatorze ans, âge où il avait obtenu le certificat d’études, avec mention ce qui n’avait pas ému la maison sur ses capacités hors du commun. Et il s’était mis au travail accompagnant ses parents dans leurs occupations journalières. Il avait lu à l’école tous les livres de la petite bibliothèque et il mit longtemps à découvrir la bibliothèque municipale du village où il s’inscrivit gratuitement et emprunta des ouvrages. Il n’y avait pas de livres à la maison.
On l’appelait Bertou ou Berthou qu’il écrivait parfois avec un h parfois sans. Il s’appelait ainsi quand on lui demandait son nom et il ne s’entendit jamais appeler autrement. Malgré que, un jour, la fermière l’avait pris à part pour lui annoncer qu’elle voulait lui dire quelque chose qu’il ne savait pas. Et elle raconta, apparemment sans émotion, qu’il avait été accueilli bébé dans la maison après avoir été trouvé un matin sur le seuil, dans un berceau au linge fin accompagné d’une feuille de papier manuscrite sur laquelle était inscrit : « Je m’appelle Hildebert, j’ai six mois, je suis né le 14 avril 19… Prenez soin de moi. Je ne peux vous dire mon patronyme qui doit rester secret. Prenez soin de moi. » Et nous t’avons gardé sans hésitation et d’autant plus que nous ne pouvions pas avoir d’enfant et qu’une bourse bien garnie avait été placée dans le berceau, commenta la fermière. Apparemment Berthou ne réagit pas en entendant ce conte à dormir debout. D’autant plus que sa mère ajouta qu’il ne fallait pas que son père sache qu’elle lui avait raconté ça et que ça ne changeait rien.
Cela ne changea rien. Berthou continua à être appelé Bertou et à se plier régulièrement aux travaux de la ferme. Peut-être ses lectures changèrent un peu. Il chercha des œuvres qui racontaient des histoires de famille, des relations d’enfants à leurs parents mais sans s’inquiéter consciemment de sa propre histoire. Il eut quand même envie d’aller voir l’instituteur pour le questionner sur le phénomène d’enfant trouvé, comment ça se vivait, quel impact cela pouvait avoir sur le futur du trouvé
, comment une mère et un père pouvaient laisser leur enfant aux soins aléatoires de gens sans enfant. Mais il n’en fit rien. A partir de là il vécut seul avec son secret.
Si mes parents m’ont abandonné c’est qu’ils n’avaient pas besoin de moi ou même que je les encombrais, se dit-il un jour. Comment se rappelleraient-ils que j’existe encore ! Pourtant ils connaissent le lieu où ils m’ont déposé et ne sont jamais revenus. Ce n’est pas vingt ans après qu’ils vont se souvenir de moi. Et l’héritage s’envola comme il était apparu sur les ailes du songe.
Mais le constat resta du je suis seul s’accompagnant bientôt d’un je ne vis pas. Et qu’est-ce que vivre en plus de manger, boire, dormir et travailler.
Berthou n’avait pas d’amis et cela ne lui avait pas manqué jusque-là. Il avait peu de temps à lui et les quelques livres qu’il ouvrait lui laissaient assez de champ libre.
Tout changea parce que le père mourut, assez brutalement, sans qu’on sache vraiment pourquoi, le vétérinaire appelé en hâte connaissait mieux les vaches et les moutons que les êtres dits humains. Berthou se retrouva à la tête du domaine. Sa mère éplorée, ne lui était d’aucun secours. Les quelques ouvriers qu’employait son père cherchèrent bientôt un emploi ailleurs et, à part les vaches que Bertou trayait régulièrement, le reste s’en fut à vau l’eau. Il fallait vendre.
Bertou ne savait pas ce que c’était que l’argent. Il n’avait jamais été rétribué pour ses travaux vu qu’il était l’enfant de la maison. L’idée qu’il pouvait être issu d’un milieu riche, abandonné non pas à cause de la pauvreté mais pour des raisons obscures, d’illégalité peut-être, le fit rêver. Si ses vrais parents mouraient et qu’il puisse se faire reconnaître, il pourrait bénéficier d’un héritage. Il élucubrait des scenarii fantaisistes. Et il se demanda tout à coup : si j’avais de l’argent qu’est-ce que j’en ferais ? Une maison ? il en avait une. Des vêtements ? il en était pourvu. Il mangeait à sa faim et dormait dans un lit. Et puis ? exhala-t-il. Et puis je mourrai et on me fera un enterrement convenable. Et… je n’aurai jamais existé.
Aucune fée ne s’est penchée sur mon berceau, aucun vœu n’a été fait pour moi. Je suis seul conclut-il comme avec étonnement. Un jour je me marierai dit-il comme s’il se tutoyait et s’adressait à un autre. Aucune fille du village ne m’a fait bander l’âme. Et l’idée de faire des enfants me répugne autant que de manger de la charogne.
Y a-t-il d’autres manières de vivre, de vivre maintenant et pas dans le temps des romans que j’ai lus sans qu’ils ne m’apportent rien que l’idée de la souffrance que je ne connais pas. Est-ce que j’aimerais souffrir ? s’étonna-t-il sans savoir ce qu’il pensait. Est-ce que j’aimerais… et le souffle lui manqua, aimer… osa-t-il sans penser l’impensable. Il avait lu quelques romans dits d’amour mais aucun ne l’avait réveillé. Les princes et les princesses n’étaient pas de son royaume et la terre ne faisait pas naître ni apparaître la beauté.
Il tenta d’agir. De plus en plus fasciné par les livres, il imagina ouvrir une librairie mais pour cela il fallait quitter le village et se rendre en ville. Il le fit dans une indifférence qui l’étonna lui-même. Faisant connaissance avec la littérature contemporaine il comprit qu’il y avait des gens qui écrivaient et aimeraient se faire entendre. Il se donna un rôle d’éditeur, lut des manuscrits, ne sut pas bien quoi en penser tout en découvrant parfois des sentiments qu’il connaissait ou reconnaissait. Il se rêva même en écrivain, tenta la page blanche qu’il eut du mal à noircir : qu’ai-je à raconter se demandait-il. Tout cela s’écroula au fur et à mesure que cela essayait d’exister et il ne se sentait toujours pas exister lui-même. Mais il commençait à en souffrir.
Il était plus facile de voir des femmes en ville qu’au village et il s’appliqua à les regarder. Elles étaient si variées, si différentes les unes des autres que cela lui donna le tournis. Laquelle choisir ! Pour faire quoi ? à part l’amour qu’il avait essayé une fois au bordel, sans grand succès et le cœur aussi triste que le corps. Vivre à deux ? mais il ne ressentait pas la solitude même s’il était seul. Il s’était fait quelques relations mais pas d’amis ni d’amante. Il se demanda s’il était normal et sourit en pensant aller voir un psychothérapeute, car il ne se sentait pas malade, il mangeait, buvait, dormait normalement. Et sa normalité ne lui paraissait pas monstrueuse.
Son capital fondait doucement au travers de ses déroutes mais cela ne l’inquiétait pas. Il ne se disait même pas : cela durera autant que moi. Il ne pensait pas à sa mort. Le temps n’était fait que de journées successives. Il n’avait pas de temps à lui et n’en connaissait pas le besoin.
Il lui arriva de converser avec un clochard un jour qu’il marchait sans but dans les rues de la ville. L’homme était en haillons mais propre, ce qui était pour lui un critère d’humanité. La vie de ce démuni était remplie d’événements et de personnages. Jeune et beau il s’était tourné vers la peinture et il exécutait tableau sur tableau, attiré par les visages qu’il ne cessait de croiser. Et il était tombé amoureux, tombé comme l’on dit, alors qu’il s’agit de l’élévation la plus profonde vers celle qu’il considéra comme une déesse. Plus belle que le jour, plus profonde que la nuit, elle occupa son corps et son âme dans une extase hors du temps. Et il la peignit, la peignit, finissant par ne plus peindre qu’elle, sur des toiles qu’il collectionnait dans son atelier sans plus les montrer à personne.
Elle était d’un lointain pays d’Amérique latine et la maladie de sa mère la rappela dans son lieu d’origine d’où elle lui écrivit souvent puis moins souvent puis plus du tout. Il se torturait de cette absence et le pinceau lui tomba des mains. Elle lui apprit en quelques mots la mort de sa mère, le désespoir de son père à qui elle se dévoua devenant comme la femme qu’il avait perdue. Et puis plus rien. Ne vendant plus, ne peignant plus, il perdit leur appartement qu’il ne pouvait plus payer et les ponts de la ville et quelques hospices de nuit furent ses derniers refuges. Il s’adonna à l’alcool pour oublier comme l’on dit ou plutôt pour se perdre et ne plus se reconnaître.
L’homme du village rencontra la souffrance de l’autre et pris de compassion lui offrit de partager son petit appartement où ils se parlaient sans discontinuer, partageant l’alcool qui n’apportait pas l’oubli.
Pourquoi ne pas te remettre à peindre interrogea le jeune homme. Et le vieil ami sourit comme il avait longtemps oublié de le faire. Des toiles, des pinceaux, des couleurs, un chevalet furent achetés et l’ex-clochard passa des jours entiers devant des toiles qui restaient vierges. L’homme du village passait ses journées dehors pour ne pas gêner son ami, et rien ne se passait. Un soir où il rentra plus tard encore que d’habitude, il trouva le peintre devant le chevalet, traçant, colorant, créant le visage d’une femme dont la beauté était presque insoutenable. C’est elle, dit-il hypnotisé. C’était elle reprit l’ex-amant, obnubilé par son œuvre. Il faut la montrer, reprendre contact avec des galeries, dit l’homme pratique. Il n’en est pas question réagit le peintre. Personne d’autre que toi et moi ne peut ni ne doit la voir. L’homme du dehors ne comprit pas jusqu’à ce que quelques soirs plus tard, rentrant dans l’atelier, il vit le peintre effondré devant le chevalet : mort.
Et il comprit la douleur de la séparation, et il comprit le non-sens de la création et il comprit… que l’amour conduit à la mort.
Les obsèques furent plus que discrètes et rapides et la toile, décrochée du chevalet fut précautionneusement enroulée et gardée sans être vue.
Mais le modèle avait existé quelque part et existait peut-être encore. Deux adresses étaient restées dans un petit carnet du peintre, serré dans la poche de la besace dont il ne se séparait pas. L’une dans la capitale du Guatemala, l’autre qui devait se trouver dans un village quelque part.
Sans lien, bientôt sans lieu parce qu’il ne supportait pas la solitude de l’appartement, il vendit son espace, monta à Paris avec l’argent en poche, et s’embarqua à l’aéroport. Sans se demander ce qu’il faisait.
A Guatemala City, l’adresse était celle d’une famille qui ne savait rien et il n’avait pas d’autre ouverture que de trouver le village. Il le trouva et s’y installa ou campa dans une chambre chez l’habitant dont il ne parlait pas la langue. Le village était coupé en deux, la partie haute avec des cafés où les hommes se réunissaient pour boire et se disputer, la partie basse où les femmes se réunissaient chaque soir aux temples évangéliques qui les faisaient prisonnières. Il découvrit les enfants affamés et pieds nus, les adolescents à la réputation de voyous, mais aucun visage de femme, de la femme du tableau dont il ne dévoila jamais la toile. De six heures du matin à six heures du soir la lumière et l’ombre se succédaient sans répit. Il ne faisait
