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Les défauts de la chose: Responsabilités contractuelle et extracontractuelle
Les défauts de la chose: Responsabilités contractuelle et extracontractuelle
Les défauts de la chose: Responsabilités contractuelle et extracontractuelle
Livre électronique921 pages11 heures

Les défauts de la chose: Responsabilités contractuelle et extracontractuelle

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À propos de ce livre électronique

Les Éditions Anthemis vous proposent un outil complet pour comprendre quelles sont les « défectuosités » en matière de responsabilité contractuelle et extracontractuelles

Le législateur, la doctrine et la jurisprudence francophones usent, parfois côte à côte, de termes distincts pour désigner les « imperfections » pouvant atteindre une chose, ou son usage, et dont la preuve justifie la mise en œuvre d’un dispositif protectionnel de celui qui s’en trouve lésé. Ils recourent, en effet, indifféremment aux notions de « défaut » et de « vice ».

Si tout juriste est spontanément capable d’identifier les bases légales susceptibles d’être invoquées, il lui est souvent plus délicat de préciser le contenu de chacune de ces notions et de les distinguer les unes des autres, voire d’autres termes apparentés (comme la dangerosité, par ex.). Il n’est d’ailleurs pas rare que, dans une même situation de fait, plusieurs dispositifs soient invoqués de façon concurrente. En outre, du vœu du législateur lui-même, ou sous couvert d’une extension prétorienne, certaines de ces « défectuosités » légalement nommées ne se réduisent pas à celles qui affectent la structure de la chose ; certaines peuvent lui être extrinsèques, et s’entendre en considération des attentes de celui qui en fait usage.

L’ouvrage a pour objet de préciser le contenu de ces « défectuosités » justifiant la mise en œuvre des régimes de responsabilité et de garantie en matière contractuelle et extracontractuelle. S’il est acquis que le défaut de la chose peut être un fait générateur de responsabilité ou de garantie, encore conviendra-t-il, par ailleurs, de rappeler sous quelles conditions et en vue de la mise en œuvre de quels remèdes ou sanctions, mais aussi d’apprécier si la liberté demeure de s’en écarter par la stipulation de clauses limitatives ou exonératoires.

Un tableau comparatif synthétise, enfin, les principaux éléments des régimes ainsi présentés, offrant au praticien une vision d’ensemble des recours envisageables et des principales contraintes, matérielles et procédurales, auxquelles ils sont soumis.

Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels

A PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS

Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie4 mai 2016
ISBN9782874558757
Les défauts de la chose: Responsabilités contractuelle et extracontractuelle

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    Les défauts de la chose - Collectif

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    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Communications s.p.r.l. (Limal) pour le © Anthemis s.a.

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    La version en ligne de cet ouvrage est disponible sur la bibliothèque digitale Jurisquare à l’adresse www.jurisquare.be.

    © 2015, Anthemis s.a.

    Place Albert I, 9 B-1300 Limal

    Tél. 32 (0)10 42 02 90 – info@anthemis.be – www.anthemis.be

    ISBN : 978-2-87455-875-7

    Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.

    Mise en page : Communications s.p.r.l.

    Couverture : Michel Raj

    Sommaire

    Le défaut de la chose vendue selon le droit « commun » de la vente (articles 1602 à 1649 du Code civil)

    par Sophie

    Damas

    Le défaut de la chose vendue selon le régime de la garantie des biens de consommation

    par Yannick

    Ninane

    Le défaut de la chose louée

    par Sophie

    Lebeau

    Le défaut de l’immeuble loué à titre de résidence principale

    par Jérémie

    Van Meerbeeck

    Le défaut de l’ouvrage réalisé

    par Olivier

    Gilard

    et Sébastien

    Vanvrekom

    Le vice dont répond le gardien ou le propriétaire sur le fondement des articles 1384, alinéa 1er, et 1386 du Code civil

    par Yannick

    Ninane

    et Jean

    van Zuylen

    Le défaut de sécurité au sens de la loi du 25 février 1991 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux

    par Catherine

    Delforge

    Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en matière de défaut de la chose

    par Edouard

    Cruysmans

    , Marie

    Defosse

    et Cédric

    Donnet

    Annexes – Tableaux de synthèse

    Le défaut de la chose vendue selon le droit « commun » de la vente (articles 1602 à 1649 du Code civil)

    par Sophie Damas

    Assistante à l’Université Saint-Louis – Bruxelles

    Introduction

    1. Objet de la présente contribution. Cette contribution présente le régime mis en place par le Code civil dans le cadre de la vente, en particulier les dispositions visées par le chapitre IV intitulé « Des obligations du vendeur », en mettant l’accent sur la notion de défaut.

    Après avoir précisé, dans le cadre de cette introduction, le domaine d’application de ce que l’on appelle le droit commun de la vente, nous identifierons les différentes compréhensions du défaut qu’offre le Code civil au regard des deux obligations principales mises à charge du vendeur et examinerons les moyens d’action mis à la disposition de l’acheteur ainsi que leurs conditions de mise en œuvre (chapitre 1). Nous terminerons en abordant la question de la transmission de ces actions en cas de ventes successives d’un même bien (chapitre 2).

    Dans un souci de simplification, nous avons choisi de traiter ce sujet en suivant l’ordre des articles du Code.

    2. Précision préliminaire : le champ d’application du droit dit « commun » de la vente. Les articles 1602 à 1649 du Code civil fixent le régime dit de droit commun de la vente en ce qui concerne les obligations du vendeur¹.

    Ratione personae, ce dispositif régit les ventes entre professionnels, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’une vente internationale soumise à la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises², ainsi que les ventes entre particuliers. Pour ce qui concerne les remèdes applicables en cas de non-conformité de la chose vendue³, il ne s’applique aux ventes conclues entre professionnels et consommateurs qu’après l’échéance du délai de la garantie légale⁴ (article 1649quater, § 5, du Code civil).

    Ratione materiae, le domaine d’application est extrêmement vaste pour autant que l’on soit en présence d’une vente au sens des articles 1582 et 1583 du Code civil, c’est-à-dire d’un « contrat par lequel une personne [le vendeur] transfère la propriété ou, à tout le moins, s’engage à transférer la propriété d’une chose à une autre personne [l’acheteur] en contrepartie d’un prix payable en argent »⁵. Il peut s’agir de ventes portant sur des biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels. Par combinaison avec le premier critère que nous venons de citer (ratione personae), les ventes de biens meubles corporels – que le législateur qualifie de « biens de consommation » à l’article 1649bis, § 1er, 3°, du Code civil – entre un professionnel et un consommateur n’y seront soumises qu’au-delà du délai de la garantie légale organisée aux articles 1649bis à octies du Code civil.

    3. Bientôt un droit communconcurrent ? Le projet de « droit commun européen de la vente » (DCEV). Avant d’aborder le régime ayant vocation à s’appliquer à toutes les ventes (quoique, le cas échéant, de façon conditionnée), il n’est pas sans intérêt de signaler que, le 11 octobre 2011, la Commission européenne a publié une « Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente »⁷ comportant la proposition en tant que telle et deux annexes, la première constituant le droit commun européen de la vente proprement dit, la seconde étant l’avis d’information type visé à l’article 9 de la proposition.

    Ce dispositif juridique est issu du constat que « les divergences entre droits des contrats (des différents États européens), ajoutées aux coûts de transaction supplémentaire et à la complexité accrue qu’elles génèrent à l’occasion des transactions transfrontières, découragent un grand nombre de professionnels, notamment les PME, de conquérir le marché d’autres États membres »⁸. Par conséquent, les institutions européennes ont entrepris d’établir « un corps autonome et uniforme de règles en matière contractuelle » ayant pour ambition de constituer un droit commun européen de la vente destiné à s’appliquer de façon supplétive, en lieu et place du droit national de chaque État membre, lorsque les parties en font le choix lors de la conclusion de leurs ventes transfrontières.

    Ainsi, à côté du droit commun de la vente que nous connaissons aujourd’hui en Belgique – et qui est inscrit dans le Code civil –, pourrait bientôt exister un droit commun européen de la vente que les parties à un contrat transfrontière, dont une au moins aurait son siège établi dans un État membre (en Belgique, par exemple), pourraient préférer appliquer à leur relation contractuelle⁹.

    Le Règlement a vocation à s’appliquer de manière optionnelle en ce sens que, suivant l’article 8 (1) de la Proposition de la Commission, « l’application du droit commun européen de la vente requiert une convention des parties à cet effet ». Un vendeur établi en Belgique ou sur le territoire d’un autre État membre pourrait, dès lors, proposer à un acheteur établi sur le territoire d’un autre État de soumettre leur convention au droit européen de la vente, en mentionnant expressément dans leur convention que les parties choisissent l’application de ce corpus de règles en lieu et place du droit national belge ou du droit national applicable en vertu des règles de conflit de lois. En l’absence d’une telle clause, le droit commun européen ne pourrait s’appliquer.

    S’agissant d’un règlement, il serait directement applicable et pourrait donc être volontairement choisi par les contractants lorsque :

    – l’on est en présence d’un contrat de vente portant sur un bien, un contenu numérique, voire même en cas de fourniture de service(s) annexe(s) à un contrat de vente de bien ou de contenu numérique (article 5 de la Proposition) ;

    – l’une au moins des parties contractantes est un « professionnel » au sens du règlement (article 7) ;

    – si les deux parties contractantes sont des professionnelles, vendeur et acheteur, l’une d’entre elles au moins est une PME (article 7).

    L’objet de cette contribution n’est pas de procéder à une analyse approfondie de la Proposition de Règlement¹⁰, qui n’a pas encore été adoptée en seconde lecture¹¹. Il est néanmoins intéressant de mentionner cette initiative dans la mesure où elle porte des évolutions au regard du droit commun de la vente tel qu’il existe aujourd’hui en Belgique¹². Il doit être précisé que le terme « droit commun » est employé, dans le cadre de la Proposition de Règlement, pour désigner à la fois les ventes entre professionnels (pour autant que l’un d’entre eux soit une PME) et les ventes entre un professionnel et un consommateur, contrairement au droit belge où les ventes aux consommateurs échappent au droit commun de la vente (pendant que court le délai de la garantie légale), tandis que sont exclues du droit commun européen les ventes entre particuliers, lesquelles sont par contre soumises au droit commun belge.

    Chapitre 1

    Le « défaut » au regard des principales obligations du vendeur

    Section 1

    Le « défaut » au centre des obligations principales auxquelles le vendeur est tenu en vertu du Code civil

    4. Introduction aux développements qui suivent. Le Code civil dispose, en son article 1603, que « le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ». En ce qui concerne l’obligation de délivrance, l’article 1604 précise que « le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme au contrat », la délivrance, dans sa dimension matérielle, étant quant à elle définie comme « le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ». Quant à l’obligation de garantie, l’article 1625 la dote expressément de deux objets : « le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires ».

    On remarque d’emblée que la notion de « défaut », qui fera l’objet de la présente contribution, renvoie à ces deux obligations principales mises à charge du vendeur, quoique de façon explicite s’agissant de l’obligation de garantie et de façon plus implicite en ce qui concerne l’obligation de délivrance. S’agissant de l’obligation de délivrance, il est communément admis que l’obligation de délivrer « une chose conforme au contrat » comprend l’obligation de délivrer une chose exempte de « vices apparents »¹³. Le « vice apparent », auquel le législateur fait référence à l’article 1642¹⁴ afin de l’exclure du domaine d’application de la garantie des vices, s’est construit, dans son contenu et dans sa portée, par opposition avec les défauts visés par la garantie, lesquels doivent être nécessairement cachés.

    5. Un rattachement à deux obligations juridiquement distinctes. À suivre l’enseignement de la Cour de cassation belge, nous pourrions nous contenter de conclure que l’existence d’un vice apparent affectant la chose vendue constitue un manquement à l’obligation de délivrance du vendeur, tandis que l’existence d’un vice caché constitue un manquement à l’obligation de garantie du vendeur.

    En effet, la haute juridiction a affirmé que « la chose livrée n’est pas conforme à la chose vendue lorsqu’elle est affectée d’un vice apparent qui peut être décelé par un examen attentif mais normal immédiatement après la livraison et qui la rend impropre à l’usage auquel elle est normalement destinée. (articles 1604 et 1610 du Code civil) »¹⁵, tandis que « lorsque la chose vendue est affectée d’un vice caché, seule l’action en garantie des vices cachés est ouverte à l’acheteur, à l’exclusion de l’action fondée sur la méconnaissance de l’obligation de délivrance d’une chose conforme à la chose vendue »¹⁶.

    Le caractère « apparent » ou « caché » serait donc le critère déterminant pour qualifier le manquement du vendeur (à l’obligation de délivrance ou à l’obligation de garantie) et, par voie de conséquence, constituer le départ entre deux régimes juridiquement distincts.

    6. Le défaut de conformité occulte, un vice caché fonctionnel donnant lieu à l’action en garantie ? La conclusion qui précède n’est pourtant pas si simple. En effet, on peut s’interroger sur le régime applicable en présence d’un défaut de conformité occulte, c’est-à-dire de tout défaut caché qui rend la chose non conforme à celle vendue, « soit qu’une des propriétés promises fasse défaut, soit que, bien qu’exempte de vice structurel, la chose ne soit pas adaptée à son usage »¹⁷.

    Un tel défaut de conformité caché n’apparaît, par définition, qu’à l’usage de la chose, soit postérieurement à la livraison et l’agréation éventuelle par l’acheteur. Faut-il, dès lors, le couvrir par la voie de l’action en délivrance ou celle en garantie ?

    Une réponse a été apportée par la Cour de cassation¹⁸, suivie par une doctrine importante¹⁹, par le biais de la théorie du vice caché fonctionnel. Cette théorie s’est développée par opposition au vice structurel ou conceptuel de la chose, consistant en un vice intrinsèque, inhérent à la chose et qui constitue la base traditionnelle de l’action en garantie des vices cachés visée à l’article 1641 du Code civil²⁰. Le vice fonctionnel se définit, quant à lui, en considérant la destination – habituelle ou spéciale – de la chose vendue et qui est entrée dans le champ contractuel : sans constituer un vice affectant la chose en tant que telle – celle-ci étant en soi irréprochable –, il la rend néanmoins impropre à l’usage qu’en attendait l’acheteur et qui était connu du vendeur²¹.

    Selon cette jurisprudence et cette doctrine, dès lors que la chose vendue est affectée d’un défaut caché, qu’il soit structurel ou fonctionnel, seule l’action en garantie légale est ouverte à l’acheteur²².

    Cette conception est vivement critiquée par une autre doctrine²³ qui considère, notamment, que le vice fonctionnel se confond avec le défaut de conformité occulte, lequel consiste en un manquement à l’obligation de délivrance, donnant lieu à l’action ad hoc, et non à la garantie des vices cachés²⁴.

    En effet, si l’acheteur ne devait bénéficier, en ce cas, que de l’action en garantie, comme le soutient la Cour de cassation, l’agréation qu’il aurait donnée lors de la livraison perdrait toute utilité puisqu’il n’aurait pu l’accorder en connaissance de cause, la chose étant affectée d’un défaut de conformité qu’il n’était pas en mesure de constater lors de la livraison. C’est, en tout cas, ce que défend la doctrine précitée. À ce propos, L. Simont considère notamment que « […] si la chose livrée est entachée d’un défaut de conformité indécelable lors de la livraison, consistant par exemple en l’absence d’une qualité qu’elle devait revêtir, […], (le vendeur) est en faute. Il n’a pas tenu ce qu’il avait promis soit expressément, soit implicitement. […] Le défaut de conformité occulte de la chose nous paraît constituer, comme tout défaut de conformité ne résultant pas d’un défaut structurel de la chose, un manquement à l’obligation de délivrance »²⁵.

    Si cette critique a le mérite de rendre son utilité à l’agréation, celle-ci ne privant pas l’acheteur d’une action postérieure en délivrance fondée sur un défaut de conformité occulte, elle complique, quand elle est suivie, la tâche des magistrats qui, dans les litiges qui leur sont soumis, ne peuvent pas se contenter d’apprécier le caractère caché ou apparent du vice pour déterminer le bien-fondé des prétentions de l’acheteur, mais doivent également déterminer s’il s’agit d’un défaut de conformité, le cas échéant occulte, ou d’un vice caché au sens de l’article 1641 du Code civil²⁶.

    Cette critique tend également à rendre la distinction entre défaut de conformité et vice caché superflue dans la mesure où les vices traditionnellement couverts par l’action en garantie (vices cachés) seraient inclus dans l’action en délivrance, ce qui fait dire à certains auteurs²⁷, que nous rejoignons, que l’évolution logique devrait conduire à fusionner les obligations de délivrance et de garantie des vices cachés pour ne plus laisser qu’une obligation générique de conformité du bien non seulement à ce qui est promis par le vendeur, mais également à l’usage, connu du vendeur, auquel l’acheteur le destine, cela supposant l’absence de défauts apparents et de défauts cachés. Le rejet de la théorie du vice fonctionnel n’a effectivement de sens, selon nous, que dans l’optique d’une seule et unique obligation à charge du vendeur. L’on sait que cette position est désormais légalement consacrée dans le cadre du régime de la garantie des biens de consommation²⁸ – qui transpose la directive 1999/44/CE du 25 mai 1999²⁹ –, lui-même inspiré du choix opéré par la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises³⁰.

    Section 2

    Le vice apparent ou le manquement du vendeur à son obligation de délivrer une chose conforme³¹

    § 1er. Les conditions de fond et de procédure

    7. La notion de vice apparent. Le vendeur est tenu de délivrer à l’acheteur une chose conforme à la chose vendue – et à l’objet des consentements –, ce qui suppose, notamment, qu’elle soit exempte de vice apparent.

    Nous avons indiqué supra³² que la Cour de cassation a, dans un arrêt du 9 octobre 2006³³, défini le vice apparent comme celui pouvant être décelé par l’acheteur moyennant un examen attentif mais normal immédiatement après la livraison. Il est donc attendu de l’acheteur qu’il procède à une vérification dite « usuelle, attentive et prudente », exigence qui s’apprécie en tenant compte de la nature du bien et de ses compétences particulières³⁴.

    En l’absence de protestation de l’acheteur au moment de la livraison ou peu de temps après, si l’examen de la chose ne peut être opéré qu’ultérieurement ou après une période de test³⁵, il sera considéré comme ayant agréé³⁶ la chose livrée.

    Précisons que les défauts qui ont été déclarés par le vendeur au moment de la conclusion de la vente sont traités de la même manière que des vices apparents et sont, donc, censés avoir été agréés par l’acheteur si, malgré leur existence, ce dernier a conclu le contrat de vente en toute connaissance de cause³⁷.

    8. Le défaut de conformité occulte. Qu’en est-il des défauts de conformité indécelables au moment de la livraison et qui apparaissent à l’usage de la chose ? Nous avons précédemment indiqué que, si la Cour de cassation est demeurée jusqu’à présent inflexible sur cette question, en ce qu’elle rattache systématiquement tout « défaut » caché à l’obligation de garantie du vendeur, qu’il s’agisse d’un défaut de conformité occulte ou d’un vice structurel de la chose, certains auteurs³⁸ et juges³⁹ estiment néanmoins qu’il convient de considérer le défaut de conformité occulte comme témoignant d’un manquement à l’obligation de délivrance, ce qui permettrait, en particulier, de mettre en œuvre les moyens d’action prévus par les articles 1610 et 1611 du Code civil.

    9. Quelques illustrations jurisprudentielles. Ont été jugés comme étant des vices apparents que l’acheteur était tenu de dénoncer au moment de la livraison, sous peine de perdre tout droit dans le cadre d’une action en délivrance :

    – des vices affectant les portières ou les pneus d’un véhicule devant être décelés par un examen normal dudit véhicule ou apparaître lors des premières utilisations⁴⁰ ;

    – l’apparition d’humidité dans une salle de bains en cave sans aucune aération naturelle, dès lors que « toute personne normalement attentive et avisée » devait prendre conscience du risque d’humidité dans ces circonstances⁴¹ ;

    – la présence de déchets de béton dans des camions longeant le chemin de passage de la zone des dépôts, l’acheteur ayant, par ailleurs, la qualité de professionnel⁴².

    Il est également intéressant de relever un récent arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles statuant en matière de délivrance conforme et concernant la livraison de système informatique. La cour a jugé que l’obligation de livrer une chose conforme à la chose vendue, à charge du fournisseur d’un tel système, incluait « la livraison, l’installation et la mise en service pour rendre le matériel opérationnel », la récupération des fichiers du client, à l’occasion de la fourniture d’un logiciel, ayant également trait à cette obligation de délivrance conforme⁴³.

    10. La charge de la preuve. L’obligation de délivrer une chose conforme est une obligation de résultat à charge du vendeur. Cela signifie qu’en présence d’un défaut affectant la chose – lequel doit être établi par l’acheteur – le vendeur ne pourra échapper à la mise en cause de sa responsabilité qu’en prouvant l’existence d’une cause étrangère libératoire⁴⁴.

    Pratiquement, la charge de la preuve reposera sur les épaules de la partie qui revendique l’exécution de l’obligation incombant à son cocontractant, conformément aux articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire. Ainsi, il appartiendra à l’acheteur, demandeur en justice, de prouver l’existence d’un vice apparent. À l’inverse, si c’est le vendeur qui assigne l’acheteur en paiement du prix, il lui incombera de démontrer qu’il a correctement exécuté son obligation de délivrance d’une chose exempte de vice⁴⁵.

    11. L’agréation : notion et incidence. « L’agréation s’entend de l’acte juridique par lequel l’acheteur reconnaît – expressément ou tacitement, mais de façon certaine – que le vendeur a correctement exécuté son obligation de délivrer une chose conforme, et renonce dès lors à mettre en œuvre sa responsabilité de ce chef »⁴⁶. Cet acte juridique unilatéral porte ainsi une double reconnaissance : celle de la correcte exécution de l’obligation de livrer matériellement la chose (livraison effective, respect des délais conventionnels, délivrance de la chose et de ses accessoires, etc.) et celle de la délivrance d’une chose conforme (en termes d’identité, de qualité et de quantité) à ce qui a été convenu – soit l’absence de vice apparent.

    Au regard des responsabilités pouvant jouer en présence d’un vice, l’agréation constitue, dès lors, le moment charnière puisque, après celle-ci, selon la conception classique, l’acheteur se voit privé de tout recours fondé sur un manquement à l’obligation de délivrance du vendeur et ne bénéficie plus à l’égard de ce dernier que de l’action en garantie des vices cachés. Selon une certaine doctrine et jurisprudence, déjà citée supra⁴⁷, l’agréation ne pourrait, cependant, couvrir les défauts de conformité occultes, de sorte qu’en ce cas, l’acheteur pourrait toujours se prévaloir d’un manquement à l’obligation de délivrance.

    L’agréation peut être expresse ou tacite, mais, dans ce dernier cas, elle doit être certaine. L’agréation tacite résulte d’une absence de protestation circonstanciée au moment de la livraison ou à bref délai. L’absence de protestation est circonstanciée, par exemple, lorsque l’acheteur a fait usage de la chose ou ne s’est pas plaint d’un défaut visible de cette chose⁴⁸.

    En pratique, il est cependant rare que les cours et tribunaux cherchent à savoir si le silence de l’acheteur manifeste l’intention d’agréer la chose vendue. Une certaine doctrine voit, dès lors, dans la nécessité de désagréer à bref délai une « sorte d’incombance ou d’obligenheit sanctionnée de déchéance »⁴⁹. En d’autres termes, si la désagréation expresse de la chose livrée, en présence d’un vice, ne constitue pas à proprement parler une obligation de l’acheteur⁵⁰, elle lui est fortement recommandée dans la mesure où l’absence de désagréation entraîne des conséquences juridiques importantes pour lui en termes de moyens d’action.

    § 2. Les remèdes ouverts à l’acheteur en présence d’un vice apparent

    12. Les moyens d’action issus du droit commun de la vente et des obligations contractuelles. L’article 1610 du Code civil dispose que « si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur ». L’article 1611 poursuit en précisant que « dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu ».

    Bien que les dispositions précitées ne prévoient de sanction qu’en cas de retard dans l’exécution de l’obligation de délivrance, il est unanimement admis que ce régime s’applique à toutes les composantes de cette dernière obligation, en ce compris en cas de délivrance d’une chose affectée d’un vice.

    Les dispositions précitées constituent une application des sanctions du droit commun des obligations contractuelles et, plus précisément, de l’article 1184 du Code civil, selon lequel une partie à un contrat synallagmatique, envers laquelle un engagement n’a pas été exécuté ou correctement exécuté, a le choix entre la résolution du contrat ou l’exécution (en principe en nature) de l’obligation litigieuse, sans préjudice de dommages et intérêts complémentaires.

    Rappelons que ce choix offert à l’acheteur ne peut, bien entendu, s’opérer que sous réserve d’abus de droit⁵¹. Ainsi, en matière de délivrance conforme, la Cour d’appel de Liège a jugé, concernant la vente d’un appartement compris dans un ensemble immobilier à construire, que si la modification du projet initial était telle qu’il « n’est raisonnablement pas possible de prétendre que les nouveaux appartements correspondront à ce qui avait été promis à l’acquéreur, on ne peut considérer que l’exécution en nature reste possible. Seule la résolution avec dommages et intérêts reste alors possible »⁵².

    Par ailleurs, la résolution ne sera accordée qu’en cas de manquement suffisamment grave dans le chef du vendeur. La livraison d’un bien immeuble entaché d’une infraction urbanistique, alors que le vendeur avait déclaré, dans un acte sous seing privé, qu’aucune infraction de ce type n’avait été commise, a été jugée comme non conforme – l’infraction urbanistique étant constitutive d’un vice –, un tel manquement étant suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat aux torts du vendeur⁵³.

    Remarquons que, si la mise en demeure est, en principe, le préalable obligatoire à une demande en justice de résolution du contrat ou d’exécution forcée (article 1139 du Code civil), elle pourra se révéler inutile lorsque la livraison conforme n’est plus possible ou ne peut plus intervenir utilement dans les délais convenus⁵⁴.

    Quant aux dommages et intérêts, la Cour de cassation a précisé qu’« il résulte de l’article 1184 C. civ. que l’acheteur qui invoque la livraison non conforme de la chose achetée et qui, malgré qu’il puisse suspendre totalement ou partiellement le paiement du prix d’achat en vertu de l’exception de non-exécution visée dans cet article, ne réclame pas la résolution du contrat, ne peut simultanément s’exonérer du paiement du prix de vente et réclamer des dommages et intérêts »⁵⁵. Jugé également qu’une partie à un contrat ne peut réclamer, d’une part, une clause pénale et, d’autre part, l’indemnisation ex aequo et bono du dommage résultant de l’inexécution de la convention⁵⁶.

    Il est admis que, comme pour tout contrat synallagmatique, l’acheteur dispose de tous les remèdes qu’offre le droit commun des obligations contractuelles, pour autant que leurs conditions de mise en œuvre soient rencontrées⁵⁷. Il est, ainsi, autorisé à invoquer l’exception d’inexécution ou à solliciter le remplacement judiciaire du vendeur (articles 1143 et 1144 du Code civil)⁵⁸.

    Dans la mesure où les moyens d’action de l’acheteur, fondés sur un manquement à l’obligation de délivrance, consistent en des actions personnelles, ils sont soumis au délai de prescription de dix ans visé à l’article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil. Le « bref délai » qui s’impose à l’acheteur désireux d’actionner son vendeur en garantie ne s’applique pas à l’action relative à un manquement à l’obligation de délivrance conforme, laquelle ne sera, toutefois, fondée que si l’acheteur a préalablement désagréé la chose livrée, au moment de la livraison ou rapidement après celle-ci, à tout le moins pour ce qui concerne les défauts de conformité apparents⁵⁹.

    13. Les sanctions particulières applicables en matière de ventes commerciales. En matière de ventes purement commerciales, c’est-à-dire conclues entre deux commerçants, deux sanctions particulières résultent des usages⁶⁰ :

    – la réfaction, c’est-à-dire une indemnisation sous forme de diminution du prix, en cas de livraison de marchandises légèrement inférieures en qualité ou en quantité par rapport à ce qui avait été convenu, pour autant que le vendeur soit de bonne foi⁶¹ ;

    – le remplacement extrajudiciaire, sans sommation préalable, aux frais du vendeur défaillant, en cas d’absence totale de livraison⁶².

    Section 3

    Le vice caché ou le manquement du vendeur à son obligation de garantie (articles 1641 à 1649 du Code civil)⁶³

    § 1er. Les conditions de fond et de procédure

    14. La notion de vice caché (articles 1641 à 1643 du Code civil). Il peut arriver qu’un défaut affectant la chose vendue ait légitimement échappé à l’acheteur au moment de la prise de possession, et ce, malgré un examen attentif de la chose. En ce cas, l’acheteur dispose d’une action en garantie à l’égard de son vendeur, action dont les conditions d’exercice sont énoncées aux articles 1641 à 1649 du Code civil.

    L’article 1641 du Code civil prétend définir le type de défaut donnant lieu à l’action en garantie : « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

    De cette définition, trois conditions peuvent être dégagées :

    – un vice doit exister ;

    – ce vice doit être caché ;

    – ce vice doit rendre la chose impropre à l’usage auquel l’acheteur la destine ou en diminuer de manière importante cet usage, condition qui se résume à l’existence d’un vice grave.

    Sans que cela soit expressément énoncé par la disposition précitée, la doctrine et la jurisprudence exigent, en outre, que le vice ait été présent au moment du transfert de la propriété ou, en d’autres termes, que son existence soit antérieure à ce transfert⁶⁴.

    Reprenons chacune de ces conditions.

    15. Le vice au sens des articles 1641 à 1649 du Code civil. Selon la conception classique, le vice est le défaut intrinsèque de la chose, celui qui en affecte la structure, et que l’on qualifie donc de vice « structurel »⁶⁵. La Cour de cassation⁶⁶ a, cependant, de longue date, étendu la notion de vice donnant lieu à l’action en garantie, au défaut dit « fonctionnel » ou extrinsèque, soit à celui qui, sans affecter la structure de la chose, la rend néanmoins impropre à l’usage spécial auquel l’acheteur la destine et dont il a préalablement informé le vendeur⁶⁷.

    Ont été jugés comme constituant un vice structurel de la chose⁶⁸, un virus affectant des disquettes formatées⁶⁹ ; les soudures d’une paroi intérieure d’une citerne, non conformes aux règles de l’art et rendant la citerne non étanche⁷⁰ ; la pollution d’un étang⁷¹ ; l’absence de permis d’urbanisme pour la vente d’un bien immobilier⁷² ; des boulons de fixation d’une roue de voiture mal serrés qui entraînent le détachement de cette roue⁷³ ; l’absence d’isolation acoustique dans un immeuble⁷⁴.

    A, de son côté, été jugé comme constituant un vice fonctionnel de la chose, une différence de 100 000 kilomètres entre le kilométrage réel d’un véhicule et celui affiché⁷⁵. Un vice fonctionnel est également retenu lorsque l’assemblage de biens voulus compatibles par l’acheteur se révèle défectueux⁷⁶, tel qu’une remorque inadaptée à un tracteur⁷⁷ ou un logiciel informatique incompatible avec le support matériel⁷⁸.

    La preuve de l’existence d’un vice, incombant à l’acheteur⁷⁹, peut parfois se révéler délicate dans la pratique. C’est pourquoi la jurisprudence tend à accepter une preuve par induction ou déduction⁸⁰, suivant laquelle l’acheteur, sans être tenu d’identifier précisément la nature du vice, devra démontrer que « toutes autres causes éventuelles du mauvais fonctionnement de la chose sont exclues »⁸¹ ou encore que « le dommage n’a pu être causé que par un vice de la chose »⁸².

    16. Un vice caché. L’article 1642 du Code civil dispose que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Cette disposition rappelle le basculement qui s’opère en termes de moyens d’action pour l’acheteur selon que le défaut affectant la chose vendue est apparent ou caché, seule l’action en délivrance étant ouverte en présence d’un vice apparent⁸³.

    L’action en garantie n’est, elle, à disposition de l’acheteur que pour sanctionner l’existence d’un vice caché que la Cour de cassation définit comme étant « celui que l’acheteur n’a pu ou n’a dû pouvoir déceler lors de la livraison (article 1641 du Code civil) »⁸⁴. Rappelons que l’acheteur est tenu de vérifier la conformité de la chose livrée à la chose vendue et de dénoncer sans tarder les éventuels vices apparents de cette chose, au risque de voir son absence de protestation qualifiée d’agréation tacite⁸⁵.

    Le caractère apparent ou caché d’un vice est laissé à l’appréciation souveraine des cours et tribunaux, ceux-ci devant tenir compte de la nature du vice, de la nature de la chose, mais également de la qualité de l’acheteur, professionnel ou non. Par exemple, la mérule constitue un vice caché si elle exige, pour être découverte, des recherches et des vérifications techniques échappant à la compétence d’un profane⁸⁶. À l’inverse, un entrepreneur professionnel qui achète un immeuble, même à titre privé, pourra plus difficilement se prévaloir du caractère caché de désordres affectant l’immeuble et qu’il aurait pu déceler par un examen normal mais attentif, compte tenu de ses qualifications.

    À noter que, si le caractère d’occasion d’une chose – d’un véhicule, par exemple – est censé attirer l’attention de tout acheteur sérieux sur l’existence potentielle de certains vices – lesquels, s’ils peuvent être découverts par un examen normal et attentif, seront considérés comme apparents et devront être dénoncés au moment de la livraison –, cela n’exclut pas complètement la possibilité pour l’acheteur d’agir en garantie pour sanctionner les défectuosités dont l’ampleur ne pouvait être prévue par lui⁸⁷.

    Il a également été jugé que « tout achat d’un véhicule dont la durée d’utilisation normalement prévisible est expirée constitue, par nature, un contrat aléatoire excluant, sauf convention contraire, toute garantie des défectuosités liées à l’ancienneté du véhicule et à l’utilisation antérieure qui a dû en être faite. Dans le cadre d’une telle vente, seules les défectuosités résultant d’événements extérieurs ayant entraîné des vices invisibles et imprévisibles constituent des vices cachés »⁸⁸.

    17. Un vice grave. Le vice doit présenter une certaine gravité, en ce sens qu’il doit rendre la chose impropre à l’usage auquel l’acheteur la destine, ou diminuer tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix (article 1641 du Code civil).

    Ainsi, les défectuosités qui n’empêcheraient néanmoins pas l’usage habituel ou attendu de la chose ne peuvent fonder une action en garantie⁸⁹. Précisons que, si l’acheteur soutient que la chose ne convient pas à l’usage spécial qu’il recherchait (vice fonctionnel), sans cependant qu’elle soit affectée d’un défaut intrinsèque, il devra, outre la preuve de ce défaut, démontrer que l’usage spécial recherché était entré dans le champ contractuel. Le vendeur ne peut, en effet, être tenu à garantie s’il ignorait l’usage spécifique que l’acheteur attendait de la chose, et que le vendeur ne pouvait raisonnablement prévoir. Ainsi, pour reprendre l’exemple cité par N. Verheyden-Jeanmart et M. Clavie⁹⁰, aucun reproche ne pourrait être fait au vendeur d’un porte-bagages, en soi dépourvu de défaut, si ce porte-bagages ne convenait pas pour des tandems – usage recherché par l’acheteur –, alors que ce dernier n’a pas stipulé, lors de la conclusion de la vente, qu’il s’agissait de la fonctionnalité attendue de ce porte-bagages.

    La gravité est souverainement appréciée par les juges du fond.

    18. L’antériorité du vice. Le vendeur ne peut être tenu à garantie si le vice affectant la chose n’était pas présent avant le transfert de propriété.

    Le vice caché, pour donner lieu à garantie, doit donc nécessairement exister au plus tard au moment de la conclusion du contrat, mais il suffit qu’il existe en germe⁹¹.

    § 2. L’exigence procédurale du « bref délai » (article 1648 du Code civil)

    19. Le principe. L’article 1648 du Code civil enjoint à l’acheteur désireux d’agir en garantie, de le faire à bref délai, que ce soit dans le cadre d’une action estimatoire ou d’une action rédhibitoire⁹². Ce délai, qui n’est pas légalement déterminé, doit s’apprécier en considération, nous dit le texte, de la nature des vices et l’usage du lieu où la vente a été faite.

    La jurisprudence tend, de façon générale, à prendre en considération toutes les circonstances de la cause⁹³, en ce compris la qualité des parties, la nature de la chose vendue, l’existence éventuelle de pourparlers entre parties⁹⁴ ou encore la durée d’une expertise judiciaire tendant à déterminer la nature du vice⁹⁵. Suivant en cela la jurisprudence de la Cour de cassation, en l’absence de précision légale ou conventionnelle, il appartient, en effet, aux juges du fond d’apprécier souverainement le point de départ et la durée de ce délai⁹⁶. Les contours du bref délai ont, ainsi, été façonnés par une doctrine et une jurisprudence abondantes.

    20. La raison d’être du bref délai. La Cour d’appel de Bruxelles a rappelé la jurisprudence dominante selon laquelle l’objectif de l’article 1648 du Code civil « est de pouvoir constater le vice et en déterminer rapidement l’origine et de permettre, le cas échéant, au vendeur d’exercer lui-même un recours contre son propre vendeur ou le fabricant de l’objet vendu »⁹⁷. L’objectif est, ainsi, principalement, d’empêcher la disparition des éléments de preuve par l’écoulement du temps et de faciliter la tâche non seulement de l’acheteur à l’égard de son vendeur, mais également du vendeur actionné en garantie à l’égard de son propre fournisseur⁹⁸.

    21. La durée du bref délai. Elle varie considérablement en fonction des circonstances de la cause. Dans l’espèce précitée, la Cour d’appel de Bruxelles a jugé qu’un délai de plus d’un an suivant la vente, pour actionner le vendeur en garantie des vices de l’immeuble vendu, répondait à l’exigence du bref délai visé à l’article 1648 du Code civil, compte tenu de ce que le vice n’était apparu qu’après l’enlèvement des machines et étant donné les procédures diligentées dans le but de faire constater les vices par une expertise judiciaire. Dans une autre espèce, la Cour d’appel de Liège a jugé que l’action intentée trois mois et demi après l’explosion d’une machine ayant accumulé des gaz détonnants sans système d’aération de sécurité respectait également l’exigence du bref délai⁹⁹. Par contre, le Tribunal de première instance d’Anvers a estimé qu’une action rédhibitoire intentée un an après la fin des négociations n’était pas intentée dans un bref délai¹⁰⁰.

    22. Le point de départ du bref délai. La jurisprudence semble désormais fixée sur le principe suivant lequel le bref délai débute à partir de la découverte du vice¹⁰¹. Il en va de même de la doctrine majoritaire¹⁰². Cette tendance a, cependant, été nuancée dans les hypothèses où, après la découverte du vice, les parties sont entrées en négociation ; dans ces cas, certaines juridictions ont jugé que le bref délai prenait court dès que l’acheteur constatait que la conciliation était devenue impossible¹⁰³.

    Le point de départ du bref délai diffère, par ailleurs, dans le chef du vendeur actionné en garantie. Ce dernier peut, en effet, désirer appeler son propre vendeur/fournisseur en garantie dans le cadre de la procédure diligentée à son encontre par l’acheteur final. En ce cas, il sera également tenu de le faire à bref délai, mais ce délai ne commencera à courir qu’au moment où il est appelé en justice par son acquéreur¹⁰⁴.

    Insistons sur le fait que seule une action en justice rencontre le devoir de diligence qui incombe à l’acheteur¹⁰⁵. Une simple réclamation, même écrite, de la part de l’acheteur est insuffisante¹⁰⁶.

    À défaut d’agir à bref délai, l’acheteur perd purement et simplement toute possibilité d’indemnisation à l’égard de son vendeur.

    23. La nature du bref délai. La Cour de cassation estime qu’il est « étranger aux dispositions générales du Code civil relatives à la prescription », et notamment à la prescription de droit commun pour les actions personnelles prévue par l’article 2262bis (dix ans)¹⁰⁷. L’incertitude demeure, par contre, sur la question de savoir si le bref délai s’apparente tout de même à un délai de prescription particulier ou possède plutôt les caractéristiques d’un délai préfix¹⁰⁸, la principale différence entre les deux types de délais étant liée à la possibilité, ou non, de l’invoquer par voie d’exception après l’écoulement du délai considéré comme raisonnable par le juge du fond¹⁰⁹.

    § 3. Les remèdes ouverts à l’acheteur en présence

    d’un vice caché

    24. L’action rédhibitoire et l’action estimatoire (article 1644 du Code civil). Comme pour un manquement à l’obligation de délivrance conforme, le Code civil offre à l’acheteur le choix entre deux types de demandes en cas de manquement à l’obligation de garantie : il a le choix entre rendre la chose et se faire restituer le prix (action rédhibitoire) ou garder la chose et se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts (action estimatoire).

    Contrairement à l’article 1610 du Code civil, toutefois, l’article 1644 n’est pas une application littérale de l’article 1184, en ce qu’il ne prévoit pas, en tout cas pas expressément, la possibilité pour l’acheteur de solliciter l’exécution en nature de l’obligation de garantie, c’est-à-dire le remplacement ou la réparation de la chose viciée.

    L’acheteur a, ainsi, le choix entre la dissolution de la vente, laquelle opère ex tunc, avec les conséquences que cela implique en termes de restitution de part et d’autre¹¹⁰, et le maintien de la vente accompagné d’une restitution partielle du prix, le montant de cette restitution pouvant¹¹¹ être arbitrée par experts. Cette seconde solution s’apparente à une exécution forcée par équivalent¹¹².

    Le choix ci-dessus énoncé appartient à l’acheteur seul, sous réserve, bien entendu, d’abus de droit. Il en irait ainsi, par exemple, si l’acheteur revendiquait le bénéfice de l’action rédhibitoire alors qu’il est, lui-même, dans l’impossibilité de restituer la chose au vendeur¹¹³.

    Les actions rédhibitoires et estimatoires ne sont, par contre, pas exclusives l’une de l’autre, l’acheteur pouvant intenter l’une à titre principal, l’autre à titre accessoire, ou mettre en œuvre l’une en instance et l’autre en appel. La Cour de cassation a, ainsi, cassé un arrêt rendu par la Cour d’appel de Liège, en ce qu’elle avait débouté l’appelant de son action estimatoire au motif qu’il avait initialement opté pour une action rédhibitoire¹¹⁴. La haute juridiction a rappelé que « le juge est tenu d’examiner la nature juridique des prétentions formulées devant lui par les parties et, quelle que soit la qualification que celles-ci leur ont donnée, peut suppléer d’office aux motifs invoqués, dès lors qu’il n’élève aucune contestation dont les parties ont exclu l’existence, qu’il se fonde uniquement sur des faits régulièrement soumis à son appréciation et qu’il ne modifie pas l’objet de la demande », l’appelant ayant postulé en appel le remboursement d’une partie du prix du véhicule vendu sans expressément qualifier sa demande d’action estimatoire.

    25. Les dommages et intérêts complémentaires en cas de mauvaise foi du vendeur (article 1645 du Code civil). L’article 1645 du Code civil porte que « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ». Cette disposition vise le cas où le vendeur connaissait le défaut de la chose vendue et ne l’a pas déclaré à l’acheteur au moment de la vente.

    Malgré son libellé, elle s’applique aussi bien dans l’hypothèse d’une action rédhibitoire que dans celle d’une action estimatoire. L’acheteur est, donc, en droit de solliciter à la fois la restitution d’une partie du prix et des dommages et intérêts complémentaires, pour autant que le vendeur soit de mauvaise foi.

    Il appartient à l’acheteur de démontrer non seulement la connaissance par le vendeur du vice de la chose vendue (articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire), mais également l’étendue de son dommage résiduel après la restitution du prix ou d’une partie de celui-ci.

    En pratique, ce cas de figure se rencontrera plus fréquemment lorsque le vendeur est un professionnel spécialisé, et davantage encore s’il est le fabricant de la chose vendue, car pèse dans son chef ce que la doctrine qualifie de présomption de connaissance du vice¹¹⁵, le fondement d’une telle présomption résidant dans l’obligation de résultat incombant au vendeur professionnel, dont il est attendu qu’il délivre une chose exempte de vice¹¹⁶.

    En effet, suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, « lorsqu’il est fabricant ou vendeur spécialisé, le vendeur a l’obligation de fournir la chose sans vice et doit prendre toutes les mesures nécessaires¹¹⁷ pour déceler tous les vices possibles, de sorte que, si l’existence d’un vice est démontrée, il est tenu à la réparation du dommage subi par l’acheteur, sauf s’il démontre que ce vice était indécelable »¹¹⁸.

    La tâche de l’acheteur est, ainsi, simplifiée face à un vendeur professionnel, puisqu’il lui suffira d’établir l’existence du vice pour qu’une présomption de mauvaise foi naisse dans le chef du vendeur. Ce dernier disposera, cependant, de la possibilité de renverser cette présomption en démontrant le caractère indécelable du vice, ce qui revient à démontrer son ignorance invincible, soit que tout autre vendeur normalement sérieux et diligent, placé dans les mêmes circonstances, n’aurait pas pu déceler le vice¹¹⁹.

    Remarquons que la Cour de cassation fait peser sur le vendeur-fabricant une charge particulièrement lourde, en ce qu’elle exige de lui qu’il respecte son obligation de prendre toutes les mesures nécessaires à la détection des vices possibles, « non seulement après mais également pendant la fabrication de la chose. En conséquence, il lui incombe notamment de veiller constamment à ce que la chose soit fabriquée dans le respect des normes liant tout fabricant en vue d’éviter l’apparition de vices et de constater à la lumière de ses connaissances et compétences les vices et manquements susceptibles d’affecter la chose lorsque celle-ci est fabriquée en dehors des normes précitées. La simple circonstance que le vice ne peut être décelé ou ne peut être décelé que par une méthode destructive postérieurement à la fabrication de la chose ou d’un de ses éléments n’exclut pas que le fabricant peut être présumé connaître l’existence du vice (article 1645 du Code civil) »¹²⁰.

    Dans le même arrêt, la haute juridiction a, cependant, précisé que le vendeur n’était pas tenu d’établir le caractère « absolument indécelable » du vice.

    À l’égard des non-fabricants, c’est-à-dire des vendeurs se trouvant plus proches de l’acheteur final dans la chaîne de production, tels que les détaillants, la jurisprudence¹²¹ semble se montrer plus souple dans l’appréciation de leur obligation de délivrer une chose exempte de vices. Ainsi, dans un récent arrêt, la Cour d’appel de Liège a jugé qu’« il ne peut être exigé des vendeurs ayant reçu la cabine de douche assemblée de la déballer et de faire des essais avant de procéder à la vente »¹²².

    La doctrine va également dans le sens d’une modulation de l’appréciation de la charge pesant sur le vendeur professionnel selon le niveau où il se trouve dans la chaîne de production, le vendeur spécialisé ou le fabricant devant être plus sévèrement jugé dans le renversement de la présomption que le détaillant¹²³.

    Il convient de préciser que les mêmes règles sont appliquées lorsque l’acheteur est lui-même un professionnel¹²⁴, la qualité de ce dernier n’ayant d’incidence que dans le cadre de l’appréciation du caractère caché du vice, mais non sur la présomption de connaissance de ce dernier par son fournisseur.

    Si l’acheteur ne parvient pas à démontrer la mauvaise foi du vendeur non professionnel, ou si le vendeur professionnel ou vendeur-fabricant parvient à renverser la présomption de mauvaise foi pesant sur lui, ce dernier ne sera alors tenu que de restituer le prix ainsi que « les frais occasionnés par la vente » (article 1646 du Code civil), lesquels comprennent les éventuels « frais d’acte, de transcription, de purge, de délivrance, d’enlèvement de la chose vendue, les impenses nécessaires et utiles faites par l’acheteur sur la chose vendue, mais également tous les débours que l’acheteur aurait été amené à payer en raison de la chose vicieuse, en ce compris les dommages et intérêts auxquels il serait tenu en raison d’un accident trouvant sa cause dans le vice caché »¹²⁵. C. Alter et R. Thüngen en concluent que « sur le plan des dommages et intérêts, la seule différence entre le vendeur de bonne foi et le vendeur de mauvaise foi tient en définitive au fait que le vendeur de bonne foi n’est pas tenu d’indemniser l’acheteur pour le manque à gagner que celui-ci aurait subi »¹²⁶.

    Il a été jugé que ne pouvait être imputé au vendeur le dommage résultant de la privation de jouissance de la chose viciée pendant une expertise judiciaire ayant duré 10 mois¹²⁷, que cela soit au titre de dommages et intérêts en cas de mauvaise foi du vendeur ou au titre de frais de la vente.

    26. Les moyens d’action issus du droit commun des sanctions contractuelles. Il a été dit supra¹²⁸ que l’article 1644 du Code civil ne consistait pas en une simple application du droit commun des sanctions en matière de manquement contractuel (article 1184 du Code civil). Ainsi, est a priori exclu pour l’acheteur qui s’est vu livrer une chose affectée d’un vice caché d’en demander le remplacement ou la réparation. C’est, en tout cas, ce que soutient une doctrine, semble-t-il, majoritaire¹²⁹.

    Une doctrine autorisée¹³⁰ estime, toutefois, que rien n’empêche l’acheteur de solliciter le remplacement ou la réparation de la chose viciée sur la base du droit commun des obligations contractuelles, ce qui reviendrait à solliciter l’exécution en nature forcée de son obligation par le vendeur¹³¹, pour autant que cette sanction soit possible et ne soit pas constitutive d’abus de droit dans le chef de l’acheteur.

    En tout état de cause, les règles instaurées par le Code civil en cette matière étant supplétives, les parties à un contrat de vente demeurent libres de prévoir contractuellement qu’en cas de manquement du vendeur à son obligation de garantie, il s’engage à réparer ou à remplacer la chose viciée.

    Par ailleurs, le vice caché, dans son acception « fonctionnelle »¹³², revêt les caractéristiques du défaut d’une qualité substantielle attendue par l’acheteur¹³³. En présence d’une chose ne présentant pas toutes les caractéristiques souhaitées et exprimées au moment de la vente par l’acheteur, celui-ci pourrait donc bénéficier, à côté d’une action en garantie, d’une action en nullité pour erreur sur la substance de la chose, pour autant que l’acheteur démontre, notamment¹³⁴, que c’est la caractéristique manquante qui avait été déterminante de son consentement (article 1110, alinéa 1er du Code civil)¹³⁵.

    L’avantage de ce moyen d’action, en présence d’un vice fonctionnel, est qu’il est soumis à la prescription décennale, tandis que l’action en garantie des vices cachés est tributaire du bref délai, dont la durée est aléatoire. Les effets de l’erreur sont également différents de la garantie puisqu’elle conduit à la nullité de la vente, chaque partie devant être remise dans son pristin état. Les deux actions se rejoignent toutefois en ce que le demandeur en nullité ne pourra pas plus réclamer de dommages et intérêts que l’acheteur qui agit contre un vendeur de bonne foi.

    Rappelons également que, suivant une certaine doctrine¹³⁶, l’existence d’un vice caché fonctionnel doit être rattachée à l’obligation de délivrance d’une chose conforme, en ce qu’un tel vice s’apparente nécessairement à un défaut de conformité. Or, comme l’action en nullité, l’action en délivrance se prescrit par dix ans, sous réserve toutefois d’une désagréation en temps utile par l’acheteur.

    La théorie du vice fonctionnel permet ainsi, comme le souligne F. Glansdorff¹³⁷, de mettre en lumière la multiplicité des recours qui s’offrent simultanément à l’acheteur victime d’une chose viciée, ce dernier pouvant, dès lors, invoquer en ordre subsidiaire les différentes qualifications du défaut de la chose vendue.

    Chapitre 2

    La transmission des actions en cas de ventes successives

    27. Principe (article 1615 du Code civil). Afin de répondre à la question de savoir quel est le régime applicable aux actions en responsabilité contractuelle et aux actions en garantie en cas de ventes successives d’un même bien, il convient de s’interroger sur l’étendue de l’obligation de délivrance à charge de chaque vendeur.

    L’article 1615 du Code civil nous apporte une réponse en ce qu’il porte que « l’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ». Cette disposition vise les accessoires tant matériels¹³⁸ que juridiques¹³⁹ de la chose, l’objectif étant de permettre à l’acquéreur de jouir pleinement de la chose vendue.

    Les actions en responsabilité contractuelle et en garantie sont considérées comme des accessoires juridiques de la chose vendue et sont, en conséquence, transmises avec elle en ce qu’elles présentent un intérêt pour l’acheteur¹⁴⁰.

    Tant la Cour de cassation que les juridictions de fond¹⁴¹ se sont prononcées à maintes reprises et de façon expresse sur la question de la transmission de l’action en garantie des vices cachés. La Cour de cassation a, ainsi, dit pour droit que « le droit à garantie de l’acheteur initial à l’égard du vendeur constitue un accessoire de la chose qui est vendu avec la chose aux acheteurs successifs »¹⁴².

    28. Les modalités du transfert d’actions. Une conséquence du caractère accessoire de l’action en garantie et de celle en responsabilité contractuelle est qu’elles sont tributaires du contrat de vente et du rapport juridique spécifique qui leur a donné naissance. Ainsi, chaque vendeur peut opposer aux acquéreurs successifs les exceptions et moyens qu’il tire du rapport de droit le liant à son acquéreur¹⁴³.

    Notons, par ailleurs, que la Cour de cassation a précisé que « dès lors que la transmission des droits étroitement liés au bien vendu s’opère en raison de l’intérêt qu’ils représentent pour l’acheteur, l’article 1615 du Code civil n’exclut pas que le vendeur puisse exercer ces droits quand leur exercice conserve pour lui un intérêt ». Il s’ensuit, selon la Cour, que « le vendeur qui y a intérêt conserve, malgré la vente et la délivrance de la chose, le droit d’actionner sur une base contractuelle les entrepreneurs avec lesquels il a contracté avant la vente relativement à cette chose »¹⁴⁴.

    Enfin, rappelons qu’en matière de garantie des vices cachés, le demandeur est tenu d’agir à bref délai, mais que ce délai ne commence à courir dans le chef d’un vendeur actionné en garantie, désirant se retourner contre son propre fournisseur, qu’à partir de la demande en garantie de son propre acquéreur¹⁴⁵.

    ¹ Voy. notamment, sur la question du champ d’application de la garantie des vices cachés, C. Alter et R. ­Thüngen, « Les obligations du vendeur », in Manuel de la Vente, Waterloo, Kluwer, 2010, p. 209 et les références citées.

    ² Les ventes commerciales internationales sont soumises à la Convention des Nations-Unies sur les ventes internationales de marchandises, ce qui résulte de son article 1er qui dispose que « La présente Convention s’applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des États différents […] » et de son article 2 selon lequel « [L]a présente Convention ne régit pas les ventes : a) de marchandises achetées pour un usage personnel, familial ou domestique […] ».

    ³ Ce droit commun sera applicable aux ventes entre professionnels et consommateurs pour toutes les questions qui ne concernent pas la conformité de la chose vendue, spécialement la délivrance matérielle de la chose et de ses accessoires.

    ⁴ Ce régime fait l’objet d’un examen spécifique dans cet ouvrage. Voy. la contribution de Y. Ninane, « Le défaut de la chose vendue : le régime de la garantie des biens de consommation », infra.

    ⁵ A. Cruquenaire, C. Delforge, I. Durant et P. Wéry, Précis de droit des contrats spéciaux, Waterloo, Kluwer, 2015, no 56 (à paraître).

    ⁶ Il est à noter que le terme « commun » ne s’entend en l’espèce pas en considération d’une vocation à régir toutes les ventes, mais bien au sens de droit uniforme, de droit commun aux États membres. On ajoutera que, dans le cadre du DCEV, ce droit « commun » tend à s’appliquer aux ventes entre professionnels (pour autant que l’un d’entre eux soit une PME) et aux ventes entre professionnels et consommateurs.

    ⁷ COM(2011) 0635. Pour un état actuel du texte : voy. http://www.europarl.europa.eu/œil/popups/ficheprocedure.do?reference=2011/0284(COD)&l=fr. Pour un premier commentaire de cette initiative, voy. C. Delforge, « Les ventes transfrontières aux consommateurs et aux PME belges bientôt régies par un Code européen de la vente en lieu et place de notre Code civil ? Quelques réflexions critiques à propos de la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente du 11 octobre 2011 », J.T., 2012, no 6497, pp. 753-762 ; B. Kohl et P. Wéry, « La proposition de Règlement relatif à un droit commun européen de la vente », in P. Wéry (prés.) et J.-F. Germain (coord.), La vente, développements récents et questions spéciales, Bruxelles, Larcier, 2013, pp. 8-71.

    ⁸ Extrait de l’exposé des motifs de la Proposition de Règlement, p. 4.

    ⁹ Pour davantage de précisions à propos du champ d’application du règlement, voy. C. Delforge, « Les ventes transfrontières aux consommateurs et aux PME belges bientôt régies par un Code européen de la vente en lieu et place de notre Code civil ? Quelques réflexions critiques à propos de la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente du 11 octobre 2011 », op. cit., pp. 754-757, no 4.

    ¹⁰ Voy. pour cela B. Kohl et P. Wéry, « La proposition de Règlement relatif à un droit commun européen de la vente », in P. Wéry (prés.) et J.-F. Germain (coord.), La vente, développements récents et questions spéciales, Bruxelles, Larcier, 2013, pp. 7 et s.

    ¹¹ Le Parlement européen a adopté, le 26 février 2014, une Résolution législative relative à la Proposition de Règlement de la Commission (A7-0301/2013), arrêtant sa position en première lecture et contenant une série d’amendements devant être revu par la Commission et le Conseil.

    ¹² Elle renferme, en effet, des différences qui, à certains égards, peuvent être considérées comme une évolution par rapport à ce dernier : voy. P. Van Ommeslaghe, « Rapport de synthèse », in La vente, développements récents et questions spéciales, op. cit., p. 319.

    ¹³ C. Alter et R. Thüngen, « Les obligations du vendeur », in Manuel de la vente, Waterloo, Kluwer, 2010, p. 188.

    ¹⁴ Selon cette disposition, en effet, « [L]e vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».

    ¹⁵ Cass., 9 octobre 2006, Arr. Cass., 2006, liv. 10, p. 1943.

    ¹⁶ Cass., 19 octobre 2007, Arr. Cass., 2007, liv. 10, p. 1973.

    ¹⁷ Définition reprise à C. Alter et R. Thüngen, « Les obligations du vendeur », op. cit., pp. 188-189.

    ¹⁸ Cass., 18 novembre 1971, Pas., 1972, I, p. 258 ; Cass., 17 mai 1984, Pas., 1984, I, p. 1128.

    ¹⁹ Voy. les références citées par F. Glandsorff, « Panorama des actions ouvertes à l’acheteur insatisfait », in

    L. Simont, P. A. Foriers et R. Jafferali, Actualités de quelques contrats spéciaux, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 8.

    ²⁰ Pour des exemples, voy. infra, no 15.

    ²¹ Voy. l’exemple donné par N. Verheyden-Jeanmart et M. Clavie, « Vente et conformité », in Vente et cession de créance, Liège, Édition Formation permanente CUP, vol. 15, 1997, p. 12 : l’achat d’un porte-bagages dont l’acheteur précise qu’il doit servir pour des tandems. À l’usage, il s’avère que les tandems ne sont pas bien maintenus. Le porte-bagages n’est pas, en soi, vicié, mais il ne convient pas à l’usage voulu par l’acheteur et, comporte, de ce fait, un défaut entendu, dans ce contexte, comme une caractéristique manquante.

    ²² Dans les arrêts de 1971 et 1984, la Cour de cassation a dit pour droit que « l’action en garantie

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