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Le droit des marchés publics à l'aune de la réforme du 1er juillet 2013
Le droit des marchés publics à l'aune de la réforme du 1er juillet 2013
Le droit des marchés publics à l'aune de la réforme du 1er juillet 2013
Livre électronique1 262 pages16 heures

Le droit des marchés publics à l'aune de la réforme du 1er juillet 2013

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À propos de ce livre électronique

Attendue depuis de nombreuses années, la réforme de la réglementation belge des marchés publics est – enfin – entrée en vigueur le 1er juillet 2013.

Cette réforme, qui assure la transposition des directives européennes 2004/17/CE et 2004/18/CE adoptées par le Parlement européen et le Conseil le 31 mars 2004, a été l’occasion d’opérer un travail de clarification et de structuration des lois et arrêtés d’exécution qui gouvernent le droit de la commande publique.

Sans être une complète révolution, cette nouvelle réglementation a introduit plusieurs modifications aux régimes d’attribution et d’exécution des marchés publics. Ainsi, de manière non exhaustive, l’on relève que le champ d’application de la réglementation est précisé pour tenir compte des enseignements de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne ; le rôle des centrales d’achat ou de marchés est consacré dans la loi ; de nouvelles procédures et modalités d’attribution sont introduites dans le régime classique par l’accordcadre, le dialogue compétitif et le système d’acquisition dynamique ; une nouvelle approche est prévue pour la formulation des spécifications techniques.

Un peu plus de six mois après l’entrée en vigueur de la réforme, l’ambition du colloque organisé par le Jeune Barreau est de proposer aux praticiens une analyse de questions choisies du droit de la commande publique, à la lumière des modifications intervenues.
LangueFrançais
Date de sortie31 mars 2014
ISBN9782804467678
Le droit des marchés publics à l'aune de la réforme du 1er juillet 2013

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    Le droit des marchés publics à l'aune de la réforme du 1er juillet 2013 - Éditions Larcier

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    Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larciergroup.com

    © Groupe Larcier s.a., 2014

    Éditions Larcier

    Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    Tous droits réservés pour tous pays.

    Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

    ISBN : 9782804467678

    La collection de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles rassemble les actes des colloques organisés par ses soins et reconnus pour leur grande qualité scientifique. Ils couvrent différents domaines juridiques, notamment le droit des sociétés, le droit des obligations, le droit de la concurrence, le droit social, le droit judiciaire ou encore le droit pénal.

    La collection est dirigée par le Président de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles.

    Derniers ouvrages parus dans la collection :

    Contentieux successoral. Les écueils juridiques du conflit successoral, 2013

    Sous la direction de Frédéric Lalière

    La vente. Développements récents et questions spéciales, 2013

    Sous la présidence de Patrick Wéry et la direction de de Jean-François Germain

    Droit des groupes de sociétés. Questions pratiques, 2013

    Sous la direction de Georges-Albert Dal

    La fraude à la T.V.A en matière pénale, 2013

    Sous la direction de Laurent Kennes et Emmanuel Rivera

    La réforme de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles. Première approche thématique, 2012

    Sous la direction de Frédéric Gosselin

    Le droit social en chantier(s), 2012

    Sous la direction d’Emmanuel Plasschaert et Olivier Rijckaert

    L’entreprise en difficulté, 2012

    Cédric Alter, Pia Sobrana Gennari Curlo, Frédéric Georges, Michèle Grégoire, Fabrice Mourlon Beernaert, Charlotte Musch

    Les obligations et les moyens d’action en droit de la construction, 2012

    Sous la direction de Marie Dupont

    Les mesures provisoires devant la Cour européenne des droits de l’homme. Un référé à Strasbourg ?, 2011

    Sous la direction de Frédéric Kenc

    Les pratiques du marché. Une loi pour le consommateur, le concurrent et le juge, 2011

    Sous la direction de Laurent de Brouwer

    La cession d’entreprise : les aspects sociaux, 2011

    Sous la direction de Loïc Peltzer et Emmanuel Plasschaert

    Les avocats face au blanchiment, 2011

    Sous la direction d’André Risopoulos

    Détention préventive : 20 ans après ?, 2011

    Sous la direction de Benoît Dejemeppe et Damien Vandermeersch

    Remerciements

    Cet ouvrage contient les rapports qui ont été présentés lors du colloque organisé les 13 et 20 mars 2014 par la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles.

    La Conférence remercie vivement les auteurs et intervenants, et plus particulièrement Me Sarah Ben Messaoud et Me François Viseur qui ont accepté d’assurer la direction scientifique des travaux et M. David de Roy pour sa conclusion.

    La Conférence remercie également chaleureusement Me Delphine Denblinden, commissaire en charge des activités scientifiques de la Conférence, pour son concours précieux dans la préparation de ce colloque.

    Muriel Bialek

    Présidente de la Conférence

    du Jeune Barreau de Bruxelles

    Avertissement

    Le 21 février 2014, à moins d’une semaine de la mise sous presse du présent ouvrage, l’arrêté royal du 7 février 2014 modifiant plusieurs arrêtés royaux d’exécution de la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services ainsi que de la loi du 13 août 2011 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité, est paru au Moniteur belge.

    Ce premier arrêté royal de « réparation » – deux autres sont encore attendus dans les mois qui viennent – apporte quelques corrections et clarifications bienvenues à un ensemble de textes dont les premières lacunes ont pu apparaître après quelques mois d’utilisation. De manière plus ponctuelle, il modifie de façon relativement importante certaines dispositions du cadre réglementaire (généralisation de la déclaration sur l’honneur pour la sélection, clarification des dispositions sur l’irrégularité formelle et l’irrégularité matérielle, obligation d’user des critères d’attribution même en procédure négociée sous les seuils européens, élargissement des possibilités d’obtenir des avances, etc.).

    Les contributeurs au présent ouvrage ont tenu compte, autant que faire se peut, des modifications apportées au cadre réglementaire. Nous attirons néanmoins l’attention des lecteurs sur la possibilité que, pour certains points de détails, il n’ait pas été tenu compte du nouvel arrêté royal.

    Certains auteurs ont également choisi d’évoquer dans leur contribution les modifications pressenties au cadre réglementaire suite à l’adoption des nouvelles directives secteurs classiques, secteurs spéciaux et concessions, en débat au parlement européen fin 2013 et qui devront être transposées en droit belge deux ans après leur publication au JOUE.

    Depuis la remise des épreuves, les projets de nouvelles directives ont encore été modifiés et ont finalement été adoptés par le Parlement européen (le 15 janvier 2014) et le Conseil de l’Union européenne (le 11 février 2014). Ces nouvelles directives seront donc publiées au JOUE dans le courant du premier semestre 2014 et il est possible que certaines des dernières modifications apportées n’aient pas été reprises par les contributeurs.

    Nous tenions à attirer l’attention des lecteurs sur ces points.

    Sarah Ben Messaoud

    et François Viseur

    1

    La réforme des marchés publics : une éternelle procession d’Echternach ?

    Samuel Wauthier

    Directeur de la Centrale d’achat du CPAS de Bruxelles

    Section I Pourquoi une législation spécifique aux marchés publics est-elle nécessaire ?

    Section II Depuis quand existe cette législation et sous quelle forme ?

    Section III Pourquoi une réforme si longue ?

    Section IV La structure de la réforme

    Section V Les points forts de la réforme

    Section VI Les points faibles de la réforme

    Section VII Les marchés publics : une matière souvent mal aimée, à juste titre ?

    Section VIII D’où vient cette complexité ?

    Conclusion

    La législation relative aux marchés publics relève de la compétence fédérale¹ et s’applique à l’ensemble des pouvoirs publics ainsi qu’aux entreprises. Cette législation a subi ces 10 dernières années de profondes mutations, en particulier au travers d’une réforme d’envergure qui a abouti le 1er juillet 2013, date d’entrée en vigueur de l’ensemble des textes qui la mettent en œuvre².

    I.

    Pourquoi une législation spécifique aux marchés publics est-elle nécessaire ?

    Un marché public est un contrat à titre onéreux ayant pour objet des travaux, des fournitures ou des services. Ce contrat est conclu entre un « acheteur public » (un « pouvoir adjudicateur » ou une entreprise publique) et un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de services (appelé « soumissionnaire »).

    Un tel contrat « public » se distingue d’un contrat privé sur plusieurs plans.

    D’une part, les moyens mis en œuvre sont des moyens publics puisque ce sont – directement ou indirectement – les contribuables qui les financent. Il en résulte que le choix de l’entreprise adjudicataire du marché ne peut être discrétionnaire ou arbitraire. Le pouvoir adjudicateur est en effet soumis à des règles strictes pour la passation des marchés. L’objectif de ces règles est d’assurer que les soumissionnaires (les entreprises qui remettent des offres) soient traités de manière égale et non discriminatoire, que la concurrence soit respectée et que les conflits d’intérêts et autres conduites illicites soient évités. Cette primauté du traitement égal par rapport à la recherche de la « meilleure » solution pour le pouvoir adjudicateur est parfois mal comprise : pourquoi changer de partenaire si les choses fonctionnent correctement ?

    D’autre part, la finalité d’intérêt général poursuivie par le pouvoir adjudicateur impose que des règles particulières gouvernent tant la passation que l’exécution du contrat, afin d’éviter que le service public ne soit interrompu. Ainsi, des prérogatives exorbitantes du droit commun sont accordées au pouvoir adjudicateur, qui peut, par exemple, unilatéralement modifier le marché. À titre de compensation, l’adjudicataire (celui qui exécute le marché) bénéficie par exemple de la possibilité de demander la révision du contrat à son avantage si de telles modifications sont demandées, ou si des circonstances imprévisibles en perturbent l’exécution.

    Vu ces spécificités, des règles particulières doivent nécessairement être élaborées, qui divergent en grande partie du droit commun des contrats et visent à assurer un équilibre entre les droits et obligations des parties prenantes.

    II.

    Depuis quand existe cette législation et sous quelle forme ?

    La législation relative aux marchés publics n’est pas une nouveauté en Belgique. Elle s’est manifestée pour la première fois dès 1846 sous la forme très rudimentaire de quelques articles de la loi du 15 mai 1846 relative à la comptabilité de l’Etat. Les grands principes énoncés alors : le paiement après service fait et accepté, la concurrence, la publicité et le forfait, demeurent en grande partie d’actualité.

    En dépit de l’adoption de plusieurs arrêtés royaux d’exécution durant plus d’un siècle d’existence de cette loi, l’activité législative resta pour le moins confidentielle et ce n’est qu’en 1963 que sera promulguée la loi suivante, à savoir la loi du 4 mars 1963 relative aux marchés passés au nom de l’Etat, qui constitue la première législation véritablement autonome propre aux marchés publics. Dans les années 70, sous l’influence des premières directives européennes en la matière³, lui succèdera la loi du 14 juillet 1976 relative aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services. Accompagnant également l’évolution législative au niveau européen, la loi du 24 décembre 1993 viendra transposer les directives des années 90⁴. Enfin, deux nouvelles directives européennes seront adoptées le 31 mars 2004⁵. La transposition de ces directives a été à l’origine de l’actuelle réforme de la législation, afin d’y intégrer les nouvelles procédures et règles déterminées par celles-ci. C’est de cette nécessité qu’est issue la loi du 15 juin 2006, entrée intégralement en vigueur le 1er juillet 2013⁶.

    L’ambition n’est pas ici d’entrer dans les détails de ces différentes législations et de leurs nombreuses mesures d’exécution⁷, lesquelles viennent encore d’être modifiées par un arrêté dit « de réparation » du 7 février 2014⁸. L’objectif est plutôt de constater une évolution manifeste de 1963 à 2013 : le volume et la fréquence des textes législatifs a augmenté de manière exponentielle et inédite. Non seulement le nombre de règles et de possibilités – en particulier les nouvelles procédures – s’est accru, mais le champ d’application ratione personae n’a jamais été aussi vaste. Le nombre de pouvoirs adjudicateurs, sous l’influence des directives européennes et de l’interprétation qui en est donnée par la Cour de Justice, est devenu pléthorique, au grand dam de certains intéressés.

    C’est dans ce contexte que s’inscrit la réforme globale introduite par la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services.

    III.

    Pourquoi une réforme si longue ?

    La réforme globale a été lancée en 2004 et n’est entrée en vigueur qu’au 1er juillet 2013. Ce délai peut sembler anormalement long, à juste titre. Un tel retard n’est pas du à l’impéritie ou à l’indolence des pouvoirs publics, loin s’en faut. Paradoxalement, l’activité législative et réglementaire n’a au contraire jamais été si prolifique que durant cette décennie. Outre la question de la méthode et des choix stratégiques qui ont étés posés, des facteurs sur lesquels il est extrêmement difficile – voire impossible – d’avoir une prise sont entrés en jeu. Ainsi, en parallèle aux travaux d’achèvement de cette réforme, le législateur belge a été confronté à de multiples contraintes qui ont eu pour effet collatéral de ralentir celle-ci plus que de raison. Ces facteurs sont les suivants :

    1. La condamnation de la Belgique en 2009⁹. Les directives européennes 2004/17/CE et 2004/18/CE du 31 mars 2004 auraient dû être transposées au 1er février 2006. Tel ne fut pas le cas. Assignée par la Commission européenne devant la Cour de Justice des Communautés européennes, la Belgique a du préparer sa défense. Partant d’une situation où la Commission européenne mettait en cause l’ensemble de la réglementation belge, l’Etat belge a réussi à démontrer progressivement à la Cour qu’une partie significative de ces directives en question était en réalité déjà transposée en droit belge, y compris via des dispositions qui leurs étaient antérieures. Ce maigre succès d’estime n’a toutefois eu aucun impact puisqu’au regard du droit européen une seule disposition manquante à l’échéance du délai de transposition suffit pour entraîner la condamnation de l’Etat membre en défaut. Dès lors, un certain nombre d’adaptations, dont beaucoup portaient sur des éléments non essentiels, ont dû être apportées à la hâte à la législation en vigueur en 2009 (à savoir celle toujours basée sur la loi du 24 décembre 1993) afin de rendre celle-ci conforme à l’interprétation pointilleuse résultant desdits arrêts. Autrement dit, rattrapé par le rouleau compresseur européen, l’Etat belge a du modifier en 2009 la loi du 24 décembre 1993¹⁰ alors que la loi – parfaitement conforme aux directives – du 15 juin 2006 était déjà publiée et en attente de ses arrêtés d’exécution. Pour pendre une image plus parlante : c’est un peu comme si l’on contraignait un maçon à suspendre la construction d’une nouvelle maison pour aller mettre en couleur la façade de la maison voisine qui est vouée à être démolie et remplacée. L’énergie considérable déployée dans ce contentieux et dans l’adaptation de la réglementation existante a détourné les moyens disponibles de ce qui aurait dû être la priorité : la réforme globale en tant que telle.

    2. L’éphémère arrêté royal du 12 septembre 2011 relatif au dialogue compétitif¹¹, dit « l’ornithorynque ». Par cet arrêté, l’objectif du législateur a été de rendre applicable anticipativement la procédure de dialogue compétitif, suite à une procédure d’infraction lancée par la Commission européenne à l’encontre du Royaume de Belgique dans le cadre d’un dossier spécifique, tout en évitant que soit créé un vide juridique ainsi qu’une absence de conformité par rapport à la directive 89/665/CE (directive « recours ») en cas d’utilisation du dialogue compétitif. Cet arrêté a donc fait usage des habilitations au Roi prévues dans la loi du 15 juin 2006 (grâce aux modifications apportées à dessein par une des lois du 5 août 2011¹²) afin de fixer, en ce qui concerne la procédure de dialogue compétitif uniquement, l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2006, et de ses règles d’exécution, ainsi que les modalités particulières d’application de cette procédure. Ont dès lors été rendues applicables au dialogue compétitif, d’une part, les règles relatives à la motivation, à l’information et aux voies de recours du livre IIbis de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, et d’autre part, les règles figurant dans l’arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics. De la sorte, un corps de règles complet (passation, recours, exécution) était reconstitué afin de permettre l’usage à bref délai du dialogue compétitif en Belgique. Cet exercice de haute voltige juridique, rendant applicable à une même procédure à la fois des dispositions de l’ancien et du nouveau régime, censées par nature ne jamais devoir s’appliquer simultanément, avait pour seul but d’éviter à la Belgique de passer une nouvelle fois sous les fourches caudines de la Cour de Justice. Ainsi, le dialogue compétitif est-il entré en vigueur – dans une certaine l’indifférence – le 28 septembre 2011 au lieu du 1er juillet 2013. Cet arrêté a été – non sans humour – qualifié d’« ornithorynque », ce mammifère semi-aquatique pondant des œufs et pourvu d’un bec, pour son caractère hybride et, somme toute, original. Cette parenthèse a –une fois de plus– détourné les moyens de la réforme globale au profit d’une adaptation de la réglementation existante.

    3. De 2010 à 2011, la crise politique historique de 541 jours séparant la démission du gouvernement Leterme II de la formation du gouvernement Di Rupo a également joué un rôle important dans le retard de la réforme. En effet, la gestion des affaires courantes restreint le champ d’action du gouvernement aux décisions quotidiennes du gouvernement qui sont nécessaires au fonctionnement ininterrompu du service public. Cette contrainte implique une gymnastique législative proche de l’acrobatie en cas de transposition de directives. Les directives comprenant des dispositions obligatoires et facultatives, il peut être considéré que seule la transposition des dispositions obligatoires justifie l’intervention du pouvoir exécutif en affaires courantes (pour éviter une nouvelle condamnation). Or, bien souvent, ce caractère obligatoire découle du respect de seuils financiers et le gouvernement en affaire courantes est n’est donc habilité à transposer ces dispositions que pour les marchés excédant ce seuil. Ceci peut sembler anodin mais conduit à la multiplication des textes, des exceptions, des hypothèses et – plus grave – provoque de véritables lumbagos conceptuels : une notion identique peut ainsi se voir attribuer une définition différente selon que le montant du marché est supérieur ou non au seuil européen… Ainsi en est il advenu des « spécifications techniques » dont notre système institutionnel interdisait de modifier la définition pour les marchés inférieurs aux seuils (la définition de l’ancienne directive restant alors applicable) alors que la définition pour les marchés supérieurs aux seuils devait impérativement être modifiée. Une situation plutôt insolite.

    4. L’inflation législative européenne : il ne faut pas imaginer que le législateur européen reste inactif entre deux réformes d’envergure. Au contraire, les initiatives se succèdent à un rythme frénétique :

    – la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics, publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 20 décembre 2007. Communément appelée directive « recours », cette directive devait être transposée pour le 20 décembre 2009 et contraignait les États membres à intégrer dans leur droit national des obligations qui peuvent être résumées comme suit :

    • des procédures rapides et efficaces de correction des illégalités commises par les autorités adjudicatrices et de protection des entreprises candidates ou soumissionnaires doivent être établies ;

    • les décisions des instances de recours doivent être exécutées de façon efficace ;

    • en cas de violation grave de certaines obligations résultant des directives, par exemple si aucun avis de marché n’est publié au niveau européen, si un délai d’attente n’est pas respecté, s’il est recouru à une procédure négociée sans publicité sans justification, etc., l’instance de recours doit recevoir la compétence de déclarer le marché conclu dépourvu d’effets. Cette annulation du contrat peut avoir un effet rétroactif ou non, et s’accompagner de sanctions de substitution telles que l’abrègement de la durée du contrat ou des pénalités financières à verser au Trésor public.

    Ce nouveau régime imposait donc une modification en profondeur du système belge. Les marchés visés étaient uniquement ceux entrant dans le champ d’application des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE. Cependant, afin de ne pas laisser les marchés inférieurs aux seuils européens sans protection juridique et d’éviter que l’application des règles ne soit contournée de manière volontaire ou non par les autorités adjudicatrices, des règles pour les autres marchés ont dû être adoptées. La loi du 16 juin 2006¹³, partie intégrante de la réforme globale et destinée à traiter des aspects liés à la motivation, à l’information et aux voies de recours, est devenue obsolète par l’effet de cette directive avant même d’être entrée en vigueur. Une loi « morte-née » en somme. Une fois de plus le législateur s’est vu contraint de modifier –à titre transitoire– la loi en vigueur du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics. La transposition de la directive « recours » est devenue effective le 25 février 2010 grâce à la loi du 23 décembre 2009¹⁴, l’arrêté royal du 10 février 2010¹⁵ complétant le régime des marchés « belges » auxquels la directive n’est en principe pas applicable. Grâce à une étroite collaboration des services de la Chancellerie avec les services de la Commission européenne et la consultation préalable de représentants du SPF justice et du Conseil d’Etat, le risque de procédure d’infraction a été neutralisé et notre pays a provisoirement quitté le groupe des Etats-membres systématiquement en retard important de transposition.

    – la directive 2009/33/CE du 23 avril 2009 du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie : cette directive s’inscrit dans la politique européenne de développement durable et vise, par le biais des marchés publics et du volume qu’ils représentent, à promouvoir le marché des véhicules de transport propres et économes en énergie et à encourager les producteurs et l’industrie à poursuivre le développement de tels véhicules. C’est l’arrêté royal du 20 décembre 2010¹⁶ qui en a assuré la transposition, permettant une entrée en vigueur le 15 janvier 2011.

    – la directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE. Dans le domaine de la défense, le champ d’application de la directive 2009/81/CE est basé sur l’article 346 du Traité et comprend, en principe, tous les contrats d’achat d’équipement, travaux et services militaires. En outre, cette directive est aussi applicable aux achats sensibles destinés à des fins de sécurité et impliquant de l’information classifiée. Les marchés visés couvrent tant les secteurs classiques que ceux des secteurs spéciaux. Tenant compte de ce champ d’application matériel et des règles, modalités et exclusions spécifiques prévues par la directive 2009/81/CE, il a été nécessaire d’élaborer un projet de loi distinct afin de ne pas surcharger et rendre trop diffuses les dispositions de la loi du 15 juin 2006. C’est ainsi qu’a été adoptée la loi du 13 août 2011¹⁷ et ses arrêtés d’exécution du 23 et du 24 janvier 2012¹⁸. A nouveau, malgré l’impact limité de cette législation séparée pour la plupart des praticiens, les moyens affectés à la réforme globale ont dû être détournés afin de rencontrer, ou plutôt de ne pas trop dépasser, les délais de transposition de cette directive supplémentaire. Par conséquent, la procédure d’infraction lancée à ce sujet par la Commission européenne le 29 septembre 2011 a pu être abandonnée et la Belgique a été en mesure d’éviter une nouvelle condamnation.

    – la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Cette directive vise à améliorer les délais de paiement aux entreprises et prévoit un délai de paiement de 30 jours précédé d’un éventuel délai de vérification de 30 jours. Elle renforce sensiblement les droits des créanciers et implique notamment :

    • le droit aux intérêts de retard sans mise en demeure en fonction du nombre de jours de dépassement de l’échéance ;

    • la suppression de la dispense ‘de minimis’ (permettant auparavant de ne pas devoir payer les intérêts de retard s’élevant à moins de 5 euros) ;

    • un taux de majoration de l’intérêt BCE passant de 7 % à 8 % ;

    • une indemnisation automatique de 40 euros pour frais de recouvrement ;

    • le droit de réclamer indemnisation raisonnable pour les autres frais de recouvrement.

    La transposition de cette directive était liée, d’une part, à l’élaboration d’un projet de loi par le SPF Justice (pour le régime général applicable entre entreprises) et, d’autre part, à l’élaboration par la Chancellerie de certaines règles spécifiques (régime particulier applicable entre pouvoirs publics¹⁹ et entreprises). Ceci impliqua une coordination étroite entre les deux SPF concernés. Non sans mal, les règles applicables en cas de marché public furent intégrées dans les règles générales d’exécution des marchés publics (arrêté du 14 janvier 2013) afin de ne pas dépasser la date limite de transposition du 16 mars 2013. Mais la base légale de ces dispositions était alors manquante. Ce vide fût réparé par l’adoption de la loi du 22 novembre 2013 modifiant la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales²⁰, laquelle entra en vigueur – avec effet rétroactif… – au 16 mars 2013.

    – Le dernier cycle de négociations européennes en 2012 et 2013. Le 20 décembre 2011²¹, la Commission européenne a adopté trois nouvelles propositions de directives :

    – une proposition de directive relative à la passation des marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, remplaçant la directive 2004/17/CE ;

    – une proposition de directive sur la passation des marchés publics, remplaçant la directive 2004/18/CE ;

    – une proposition de directive sur les concessions de travaux et de services.

    Un nombre impressionnant de réunions se sont tenues tant au niveau du groupe de travail « marchés publics » du Conseil européen (où la Représentation permanente et la Chancellerie représentent la Belgique) que du groupe de travail « marchés publics » au sein de la Commission économique interministérielle²². Ceci a impliqué au niveau belge durant ces 2 ans une collaboration étroite entre la Chancellerie, la CEI et la Représentation permanente de la Belgique auprès de l’Union européenne²³, ainsi que la consultation régulière de la Commission des marchés publics et de la Direction générale Coordination et Affaires européennes (DGE)²⁴, tandis que les travaux de réforme globale ont du être menés de front.

    De ce cycle de négociations, durant lequel la Belgique a joué un rôle de premier plan, est issu le texte des nouvelles directives européennes, adopté le 15 janvier 2014 au parlement européen²⁵ et le 11 février 2014 par le Conseil de l’Union européenne. Les directives entrent en vigueur le vingtième jour suivant celui de leur publication au Journal officiel de l’Union européenne et les Etats membres ont 24 mois pour les transposer.

    La structure du futur cadre législatif européen sera donc la suivante :

    fig001.jpg

    – La complexité et la lourdeur du parcours législatif et le soutien logistique, organisationnel et conceptuel que cela entraîne est une contrainte qui est un facteur objectif de ralentissement de toute réforme. La prise en compte des exigences non seulement de la Commission des marchés publics, mais également de la section de législation du Conseil d’Etat, du Conseil des ministres fédéral (les discussions étant préparées dans des groupes de travail de coordination de la politique²⁶ – où les visions idéologiques s’entrechoquent parfois…), de la Commission européenne – qu’il vaut toujours mieux ménager –, de l’Inspection des Finances, à quoi s’ajoutent en cas de projet de loi le suivi et la préparation des travaux des Commissions parlementaires (pour ce type de matière, le représentant du gouvernement doit pouvoir s’appuyer sur l’expertise de l’administration) et les votes en séances plénières, les courses à la signature (royale et ministérielles), les corrections d’épreuves du Moniteur belge et autres étapes intermédiaires qu’il serait fastidieux de développer ici. Le praticien des marchés publics n’a pas toujours conscience qu’entre le projet initial et le résultat publié, le texte législatif ou réglementaire est passé entre de nombreuses mains et a pu être profondément dénaturé. Soyons de bons comptes, ces étapes apportent nombre d’améliorations qui peuvent, tant sur le plan légistique que sur le plan du contenu, renforcer la qualité des textes. Ce sont par ailleurs des étapes obligatoires, gage de notre fonctionnement démocratique. L’on ne peut cependant occulter que ce trajet semé d’embûches est de nature à affecter la clarté et la cohérence d’une vision initiale et se révèle très long, voire interminable, au regard des délais de transposition imposés par les directives.

    IV.

    La structure de la réforme²⁷

    La loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services²⁸, a pour objet de réformer l’ensemble de la législation se fondant jusqu’alors sur la loi du 24 décembre 1993 et sur plusieurs arrêtés royaux. Rien de moins. Cette « nouvelle » loi a également pour but d’assurer la transposition de la plupart des dispositions non obligatoires des directives européennes 2004/17/CE et 2004/18/CE du 31 mars 2004. Les dispositions obligatoires de ces directives avaient déjà, depuis 2009, sous les coups de boutoirs de la Commission européenne, été transposées par des adaptations de la loi du 24 décembre 1993 et de ses arrêtés d’exécution.

    L’entrée en vigueur intégrale de la loi du 15 juin 2006 impliquait néanmoins pour l’essentiel l’adoption de quatre arrêtés royaux²⁹/³⁰ :

    – pour les secteurs classiques (administration générale) : l’arrêté royal « passation » du 15 juillet 2011³¹. Il constitue une refonte totale de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics. Contrairement à la solution retenue lors de l’élaboration de ce dernier, le nouvel arrêté n’est pas structuré en fonction de la nature du marché public (dispositions séparées pour les travaux, fournitures et services). Cette solution avait été retenue en 1996 du fait que les marchés de travaux, de fournitures et de services faisaient l’objet de directives européennes distinctes. La directive 2004/18/CE a regroupé les directives précédentes dans un ensemble cohérent, de sorte que cette solution, qui impliquait parfois la répétition de dispositions identiques, a pu être abandonnée.

    Un certain nombre de dispositions ont été reprises de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics (y compris de l’annexe fixant le Cahier général des charges) dans la mesure où elles concernait des prescriptions dont tant le pouvoir adjudicateur que les soumissionnaires sont censés déjà tenir compte au stade de la passation du marché. Il est toutefois entendu que ces dispositions valent aussi pour l’interprétation des documents du marché au stade de l’exécution de ce dernier.

    Sa structure est conçue de telle manière que les chapitres 1er à 5 (dispositions générales, règles d’estimation, publicité, règles relatives au dépôt des demandes de participation et des offres, règles en matière de droit d’accès et de sélection qualitative) et 11 (dispositions modificatives et finales) sont applicables en règle générale à tous les marchés et à toutes les procédures de passation, à moins que la loi ou l’arrêté ne prévoie une disposition contraire.

    Le chapitre 6 est consacré à l’attribution des marchés en adjudication et en appel d’offres, le chapitre 7 traite de l’attribution en procédure négociée, le chapitre 8 comprend les dispositions relatives à l’attribution en dialogue compétitif, le chapitre 9 regroupe les règles relatives aux marchés et procédures spécifiques et complémentaires, à savoir la promotion de travaux, le système d’acquisition dynamique, l’enchère électronique, l’accord-cadre, le concours de travaux, le concours de projets et l’attribution de certains services juridiques. Enfin, le chapitre 10 traite des concessions de travaux publics et des marchés passés au nom des concessionnaires de travaux publics.

    – pour les secteurs spéciaux « publics » (eau, énergie, transports et services postaux) : l’arrêté royal du 16 juillet 2012 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs spéciaux³² ;

    – pour les secteurs spéciaux « privés » (opérateurs privés dans lesdits secteurs spéciaux) : l’arrêté royal du 24 juin 2013 relatif à la mise en concurrence dans le cadre de l’Union européenne de certains marchés de travaux, de fournitures et de services, dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux³³ ;

    – pour l’ensemble des secteurs³⁴ : les règles générales d’exécution, faisant l’objet de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics³⁵. Au plan de la forme, la structure de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 comprenant l’arrêté royal proprement dit et une annexe établissant le Cahier général des charges n’a pas été conservée, afin de faciliter la lecture du texte. Au plan du fond, il ne reprend que les règles ayant une portée générale dans la mesure où elles doivent en principe s’appliquer sans distinction aux pouvoirs adjudicateurs et aux entreprises publiques car elles sont jugées indispensables dans le cadre de l’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics, indépendamment du niveau de pouvoir. Sur la base d’une analyse approfondie de l’ensemble des règles générales d’exécution menée par la Commission des marchés publics, l’objectif a été d’établir un projet cohérent prenant également en compte les enseignements de la pratique de ces quinze dernières années.

    Outre cette loi est ces arrêtés, la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l’information et aux voies de recours en matière de marchés publics et de certains marchés de travaux, de fournitures et de services³⁶ complète l’ensemble normatif applicable à la nouvelle réglementation. Cette loi reprend, en les adaptant techniquement sans autre modification de fond, les dispositions du livre IIbis³⁷ de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fourniture et de services, et de l’arrêté royal du 24 janvier 2012 fixant l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2011 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité, ainsi que les règles relatives à la motivation, à l’information et aux voies de recours concernant ces marchés. Elle porte donc non seulement sur les marchés « civils » mais également sur les marchés dans les domaines de la défense et de la sécurité.

    En vue d’une approche intégrale, sont en outre reprises, également sans modification de fond, les dispositions d’exécution nécessaires portant plus précisément sur le régime de protection juridictionnelle pour les petits marchés. Il s’agit de quelques dispositions issues de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics, ainsi que de l’arrêté royal du 10 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux.

    Le nouveau régime de protection juridictionnelle ne diffère guère du précédent, outre la suppression, malheureuse à notre sens, de l’hypothèse des marchés « glissants ». Il n’a en effet « pas été jugé opportun de reprendre la disposition qui étend le champ d’application aux marchés dont l’estimation initiale est inférieure au montant fixé par le Roi pour la publicité européenne, mais dont le montant hors taxe sur la valeur ajoutée de l’offre à approuver est supérieur de plus de 20 % à ce montant. Cette disposition n’est d’ailleurs pas prévue par la directive ».³⁸

    Le tableau suivant synthétise les principaux textes actuellement applicables en droit interne :

    fig002.jpg

    V. Les points forts de la réforme

    La réforme comporte nombre d’améliorations par rapport au régime antérieur. Il est proposé ici d’en évoquer les plus significatives.

    V.1. En ce qui concerne la passation des marchés :

    Un certain nombre de dispositions s’inscrivant dans le cadre des mesures de simplification administrative. Tel est le cas par exemple :

    – de la modalité de la procédure négociée directe avec publicité, applicable aux marchés n’atteignant ni le seuil européen ni, pour les marchés de travaux, la limite fixée à 600.000 euros³⁹. Le caractère « direct » de la procédure signifie que celle-ci se déroule en une seule phase au cours de laquelle les aspects liés au droit d’accès, à la sélection qualitative et à l’examen du contenu des offres sont traités chronologiquement mais donnent lieu à une seule décision formalisée, comme en procédure ouverte. Jusqu’au 1er juillet 2013, la procédure négociée avec publicité était toujours conçue comme une procédure organisée en deux phases clairement distinctes, donnant lieu à deux décisions formelles distinctes (décision de sélection et décision d’attribution). Or, cette approche présentait l’inconvénient de ne pas toujours être la plus efficace, notamment pour les marchés pour lesquels le respect de plusieurs délais et la prise de décisions successives au cours de plusieurs phases se révèlent inappropriés. Par ailleurs, la mise en œuvre de cette nouvelle possibilité permet dans de nombreux cas de remédier aux problèmes d’irrégularité des offres en autorisant la correction de celles-ci, y compris pour de graves irrégularités qui auraient entraîné en appel d’offres ou en adjudication l’écartement d’offres parfois dignes d’intérêt.

    – de la possibilité d’établir un système de qualification pour les marchés similaires soumis uniquement à la publicité belge⁴⁰ ;

    – de la règle permettant de dispenser les candidats ou soumissionnaires de produire les renseignements ou documents exigés pour un marché du même pouvoir adjudicateur s’ils les ont déjà fournis pour un autre marché⁴¹ ;

    – de la règle relative à la déclaration sur l’honneur obligatoire que le candidat ou le soumissionnaire ne se trouve pas dans une situation d’exclusion⁴².

    D’autres dispositions nouvelles résultent de la mise en œuvre de modalités de la directive 2004/18/CE dont la transposition est facultative, mais qui ont été intégrées dans la loi du 15 juin 2006. Tel est le cas notamment du dialogue compétitif,⁴³ du système d’acquisition dynamique⁴⁴, de la modalité permettant qu’une enchère électronique soit organisée à la fin de certaines procédures⁴⁵. A vrai dire, nous ne disposons pas encore à ce stade d’un recul suffisant pour déterminer si ces possibilités se révèleront in fine aussi fructueuses qu’espérées. La simple possibilité de les mettre enfin en œuvre est cependant à considérer comme positive, dans le but d’en évaluer et améliorer la mise en œuvre.

    Mais c’est certainement l’insertion des règles en matière d’accord-cadre⁴⁶, particulièrement lorsque celui-ci est conclu avec plusieurs participants, qui est susceptible d’être le plus utile aux acheteurs publics, du moins si un certain nombre d’inconnues sont levées.

    D’autres dispositions adaptent ou complètent des mécanismes existants dans la réglementation actuelle :

    – Dans le cadre des critères d’exclusion, alors que rien de tel n’était prévu jusqu’à présent en ce qui concerne les obligations fiscales, le fait de ne pas être en règle par rapport à de telles obligations devrait dorénavant conduire à l’exclusion obligatoire⁴⁷ en cas d’adjudication, d’appel d’offres et de procédure négociée avec publicité. Parallèlement à ce nouveau cas d’exclusion obligatoire, un mécanisme spécifique d’assouplissement, analogue à celui figurant dans l’arrêté royal du 8 janvier 1996⁴⁸ en matière de cotisations versées à l’ONSS, permet de ne pas faire l’objet d’une exclusion en présence de dettes fiscales dans certaines hypothèses (dette inférieure à 3000 euros HTVA, plan de paiement respecté strictement, créance certaine, exigible et libre de tout engagement à l’égard de tiers).

    – Les règles relatives aux lots et notamment :

    – le choix, lorsque la nature d’un marché déterminé le rend nécessaire, et dans les conditions fixées par le Roi⁴⁹, de limiter le nombre de lots pour lesquels le soumissionnaire peut faire offre⁵⁰. Quoique cette possibilité nous semble aller à l’encontre du principe de concurrence, elle peut se justifier dans certains cas précis, et la base réglementaire qui lui est conférée permet de résoudre l’insécurité juridique qui entourait auparavant sa mise en œuvre.

    – la possibilité offerte au pouvoir adjudicateur de fixer les niveaux d’exigences minimales relatifs à la sélection qualitative, non seulement pour chacun des lots séparément, mais également en cas d’attribution de plusieurs lots à un même soumissionnaire⁵¹. A cette faculté est assortie la possibilité – via les documents du marché – de contraindre un soumissionnaire à indiquer dans ses offres pour plusieurs lots son ordre de préférence pour l’attribution de ces lots, au cas où il ne satisferait pas aux niveaux d’exigences minimales requis pour tous les lots auxquels il a été répondu⁵².

    – la faculté qu’a le soumissionnaire de présenter des rabais ou des améliorations si plusieurs lots lui sont attribués devient la règle, à laquelle les documents du marché peuvent déroger⁵³.

    Le nouveau régime de la variante facultative

    La nouvelle approche de ce type de variante est l’une des nouveautés les plus marquantes du nouvel arrêté⁵⁴. En effet, le système de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 rend toujours obligatoire l’introduction d’une offre de base lorsqu’une variante facultative est prévue. Par exemple, dans un marché d’isolation thermique, un soumissionnaire qui souhaite remettre offre pour la variante « isolation en fibre de cellulose de papier » se voit contraint de répondre également à l’offre de base « isolation en fibres minérales traditionnelles », alors que les entreprises du secteur, a fortiori les plus petites, ne maîtrisent souvent qu’une seule de ces deux techniques fort différentes.

    Dès lors, le nouvel arrêté entend apporter une réponse à ce type de problème en rendant également facultative la remise d’une offre pour la solution de base. La terminologie même est adaptée en ce sens qu’il est précisé que le pouvoir adjudicateur décrit dans les documents du marché « l’objet, la nature et la portée de plusieurs variantes, dont une peut être désignée comme solution de base ». Sauf volonté contraire du pouvoir adjudicateur, il ne sera donc même plus question d’offre de base mais uniquement de plusieurs « variantes ».

    Ces nouvelles dispositions, qui suppriment le formalisme lié au dépôt et à la régularité des variantes, sont destinées à permettre davantage de souplesse et à élargir la concurrence.

    Les différents seuils applicables en cas de procédure négociée sans publicité sont revus afin de tenir compte de l’inflation. Les nouveaux seuils⁵⁵ sont les suivants :

    – le montant de 85.000 euros pour l’ensemble des types de marchés en cas de recours à article 26, § 1er, 1°, a, de la loi du 15 juin 2006, remplace le seuil précédent de 67.000 euros.

    – le montant de 207.000 euros (auparavant 200.000 euros) est désormais applicable à tous les services repris à l’annexe II, B, de la loi du 15 juin 2006 et non plus seulement aux services juridiques.

    – le montant de 30.000 euros correspond au montant précédent de 13.500 euros qui est la valeur des lots qui peuvent, lorsque le montant estimé du marché n’atteint pas le seuil européen, être passés par procédure négociée sans publicité pour autant que le montant cumulé des lots ainsi passés par procédure négociée ne soit pas supérieur à vingt pour cent du montant estimé du marché.

    – le montant de 8.500 euros correspond au montant de la dépense à approuver pour les marchés constatés par une facture acceptée, fixé auparavant à 5.500 euros.

    V.2. En ce qui concerne l’exécution du marché, les améliorations notables relevées sont les suivantes :

    Les seuils⁵⁶ liés au champ d’application ont été adaptés et sont passés pour les secteurs classiques de 5.500 euros à 8.500 euros, d’une part, et de 22.000 euros à 30.000 euros, d’autres part. Dès lors, les règles générales d’exécution ne s’appliquent pas en deçà de 8.500 euros et s’appliquent en totalité pour les marchés de plus de 30.000 euros, ce qui devrait répondre à la demande de plus grande souplesse exprimée par les pouvoirs adjudicateurs et les entreprises. Les marchés dont le montant estimé se situe entre 8.500 euros (17.000 euros pour les secteurs spéciaux) et 30.000 euros (pour tous les secteurs), ne seront soumis qu’à un certain nombre de disposition essentielles, comme par le passé (« noyau dur »).

    Le cautionnement⁵⁷ : celui-ci n’est plus exigé pour les marchés de fournitures ou de services dont le délai d’exécution est égal ou inférieur à 45 jours (au lieu de 30). Surtout, il n’est plus requis pour les marchés dont le montant est inférieur à 50.000 euros (100.000 euros pour les secteurs spéciaux), ce qui est une véritable avancée au niveau de la pratique quotidienne des marchés. En effet, l’effet repoussoir de ce cautionnement est une réalité de terrain et effraie (à tort) nombre d’entreprises. Par ailleurs, l’utilité d’un tel cautionnement pour un marché de faible montant est véritablement marginal.

    Des éléments de simplification administrative nouveaux sont également à saluer :

    – Le transfert automatique du cautionnement en cas de marché reconduit, le montant étant adapté s’il y a lieu ;

    – Le fait que la demande par l’adjudicataire de la réception provisoire ou définitive vaut demande de libération, selon le cas, de la moitié ou de la totalité du cautionnement (auparavant une demande distincte devait être introduite par l’adjudicataire).

    En matière d’amendes et de pénalités : la remise partielle des pénalités⁵⁸ est dorénavant possible (et même obligatoire) lorsqu’il y a disproportion entre le montant des pénalités appliquées et l’importance du défaut d’exécution (auparavant cette possibilité était seulement prévue pour les amendes). La remise partielle des amendes⁵⁹ en cas de disproportion entre le montant des amendes et l’importance minime des prestations en retard devient obligatoire et il y a extension de la règle actuelle des 5 %⁶⁰ aux marchés de fournitures et de services.

    En cas de circonstances imprévisibles fondant le droit à une révision du marché⁶¹, le législateur a franchi un pas important via la fixation d’un seuil uniforme du « préjudice très important » à 2,5 % du montant du marché initial. Cette nouvelle règle objective le seuil de recevabilité des demandes de révision du marché et met fin à une jurisprudence disparate. Elle est assortie de deux tempéraments :

    – ce seuil est en toute hypothèse atteint à partir d’un préjudice s’élevant à 100.000 euros ;

    – il y a cumul possible de préjudices résultant de plusieurs circonstances

    De plus, dans une optique de participation à son propre risque économique, le bénéficiaire est dorénavant redevable d’une franchise égale à 17,5 % du montant du préjudice, ce qui fixe une limite claire à l’étendue de la réparation (fin de la réparation intégrale). Un tempérament important est également prévu puisque cette franchise est au maximum de 20.000 euros.

    Globalement, la clarification apportée par le législateur semble tout-à-fait salutaire sur son principe. Des débats passionnants –et surtout passionnés– ont eu lieu sur les pourcentages à retenir et il est vrai que leur pertinence peut toujours être discutée en fonction notamment des marges bénéficiaires qui sont appliquées par les soumissionnaires lors de la remise de leurs offres. Un régime distinct pour les fournitures et les services aurait également pu se justifier vu leurs spécificités. Il n’en reste pas moins que dorénavant une ligne beaucoup plus claire est tracée et que celle-ci ne semble pas déraisonnable, au vu des importants tempéraments consentis. Une évaluation d’ici la prochaine réforme permettra de mesurer de quelle manière la pratique s’est approprié cette nouvelle règle.

    En matière d’avances : les dispositions sont comparables à l’article 5 de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 mais sont complétées par trois cas supplémentaires dans lesquels il est permis de contourner l’interdiction de verser des avances :

    – les marchés constatés par une facture acceptée ;

    – les services de transport aérien de voyageurs ;

    – les marchés de fournitures et de services qui, selon les usages, sont conclus sur la base d’un abonnement ou pour lesquels un paiement préalable est requis.

    Cette dernière hypothèse s’avère extrêmement utile dans la pratique et témoigne, sur ce point, d’une adaptation effective de la réglementation aux contraintes posées par de nombreux opérateurs, par exemple en cas de matériel médical de haute technologie.

    VI. Les points faibles de la réforme

    Comme dans toute réforme, certaines nouveautés peuvent faire l’objet d’une remise en question et être regrettée par les praticiens. Sont évoquées ci-après quelques éléments qui, de notre point de vue, constituent des difficultés.

    VI.1. En ce qui concerne la passation du marché :

    La révision obligatoire des prix

    La révision des prix⁶² est une mesure destinée à assouplir le principe du caractère forfaitaire des marchés publics en permettant d’adapter le prix des travaux, fournitures et services prestés par l’adjudicataire pendant l’exécution du marché afin de les faire correspondre à l’évolution des prix de certains composants du prix de revient⁶³. Envisagée surtout comme une mesure d’équité, on ne peut a priori que s’accorder sur son application la plus large possible. Les facteurs d’ordre économique et social à prendre en considération sont les salaires horaires du personnel et les charges sociales ainsi que, en fonction de la nature du marché⁶⁴, un ou plusieurs éléments pertinents tels que les prix des matériaux, des matières premières, les taux de change ou autres⁶⁵. Il est par ailleurs exigé que la révision reflète la structure réelle des coûts et se fonde dès lors sur des paramètres objectifs et contrôlables et utilise des coefficients de pondération exacts⁶⁶.

    Le nouveau régime se caractérise par le fait qu’il est propre aux marchés publics et aux concessions de travaux publics et ne trouve dès lors plus son fondement dans l’article 57 de la loi du 30 mars 1976 relative aux mesures de redressement économique⁶⁷, mais bien dans l’article 6 de la loi du 15 juin 2006 qui permet au Roi de fixer les modalités de la révision et de rendre celle-ci obligatoire pour les marchés qui atteignent certains montants ou certains délais d’exécution qu’Il fixe. Cette autonomie nouvelle permet de libérer l’action du pouvoir adjudicateur d’un double carcan légal.

    Premièrement, l’article 57, § 1er, de la loi du 30 mars 1976, interdit une formule d’indexation des prix industriels et commerciaux, des tarifs et des paramètres de formule de fluctuation des prix liés à l’indice-santé, à l’indice des prix à la consommation ou à tout autre indice. Or, l’article 20, § 1er, alinéa 2, de l’arrêté du 15 juillet 2011 permet au contraire au pouvoir adjudicateur, en cas de difficulté à établir une telle formule, de se référer à de tels indices. En effet, cet assouplissement part du constat que, en fonction de la nature du marché et de l’existence ou de l’absence des paramètres susmentionnés, il peut s’avérer difficile, voire impossible, pour le pouvoir adjudicateur d’établir une clause de révision respectant les conditions précitées. On peut toutefois se demander comment sera apprécié ce caractère « difficile » vu l’exigence très marquée de reflet de la structure réelle des coûts et de paramètres objectifs et contrôlables formulée préalablement. Il est surtout permis de s’interroger sur la conformité de l’usage de tels indices avec l’exigence posée par l’article 6, § 1er, alinéa 3, de la loi du 15 juin 2006 en vertu duquel « la révision doit rencontrer l’évolution des prix des principaux composants des prix de revient ».

    Deuxièmement, l’article 57, § 2, de la loi du 30 mars 1976 impose que la révision de prix ne s’applique qu’à concurrence de maximum 80 p.c. du prix final et comporte donc un terme fixe, non révisable, de 20 p.c.. L’idée du législateur de l’époque est que le prix offert par le soumissionnaire comporte nécessairement une part de frais fixes et de bénéfice qui ne doit pas faire l’objet d’une révision, ainsi qu’une part de risque économique qui doit normalement être assumé par l’entreprise lors de la remise de son offre. En vertu de l’article 20, § 1er, alinéa 3, du nouvel arrêté, il appartiendra dorénavant au pouvoir adjudicateur de décider en fonction des spécificités du marché s’il souhaite prévoir un tel terme fixe ainsi que son ordre de grandeur⁶⁸.Il est également mis fin, pour ce qui concerne les marchés publics, au régime de dérogations sectorielles accordées par le Ministre de l’Economie⁶⁹.

    Selon la nouvelle réglementation, une clause de révision des prix doit dorénavant être obligatoirement⁷⁰ prévue pour tous les types de marchés (travaux, fournitures, services). L’on sait que sous l’empire de l’ancienne réglementation l’article 13, § 1er, du Cahier général des charges ne rendait la révision obligatoire que pour les marchés de travaux et n’imposait une révision que pour la variation des salaires et charges sociales des ouvriers travaillant sur le chantier. La Cour de cassation⁷¹ avait même été plus loin en estimant que cette disposition « permet au pouvoir adjudicateur d’inclure une clause de révision dans le marché, sans toutefois accorder un droit à la révision du prix à l’entrepreneur, lorsque le cahier spécial des charges ou le contrat ne le prévoient pas. »

    La nouvelle réglementation a donc le mérite de tenter de clarifier ce débat en reconnaissant expressément un véritable droit à la révision. Ce droit n’est toutefois pas absolu. En effet, une révision des prix n’est pas obligatoire dans les cas suivants :

    – dans des « cas dûment justifiés⁷² » par le pouvoir adjudicateur. Le rapport au Roi précise que ce peut être par exemple le cas pour des emprunts à taux fixe. Le caractère vague de la dérogation laisse cependant place à de nombreuses interprétations possibles et l’appréciation variable qui en sera faite est un facteur d’insécurité juridique. Quid si le pouvoir adjudicateur n’a rien prévu dans son cahier des charges, comment cela sera-t-il réglé lors de l’exécution ? Ne fallait-il pas prévoir une solution supplétive, au moins quant à l’imposition ou non d’un terme fixe et de sa valeur ?

    – pour les marchés d’un montant estimé inférieur à 120.000 euros⁷³ ;

    – pour les marchés, quel qu’en soit le montant, dont le délai d’exécution initial est inférieur à 120 jours ouvrables ou 180 jours de calendrier⁷⁴. L’idée sous-jacente est que l’exécution aura lieu dans un laps de temps tellement bref que les prix n’auront pu fluctuer de manière significative. On peut s’interroger sur le sort réservé à des marchés à bons de commande pour lesquels l’exécution de la commande proprement dite pourra être relativement brève mais cependant avoir lieu plus de 120 ou 180 jours après l’attribution du marché. On peut également se demander si cette disposition est appropriée pour les marchés dont certains composants sont sujets à de très fortes fluctuations à très court terme, par exemple en ce qui concerne la fourniture d’électricité⁷⁵. Mais la pierre d’achoppement la plus fréquemment rencontrée reste le caractère obligatoire de cette révision pour tous les marchés d’une durée de plus de 120 ou 180 jours. En effet, cela concerne une très grande partie des marchés et, sur le terrain, il est extrêmement difficile aux acheteurs de définir une formule pertinente. Pour prendre un exemple très concret, dans un marché de fourniture, pose et réparation de volets sur un parc immobilier très important, le besoin est tellement diversifié qu’il est quasi impossible de définir une formule unique prenant en compte les éléments de chaque commande au sein d’un même marché : non seulement les matériaux proposés peuvent varier d’une commande à l’autre (PVC, aluminium, acier), mais le coût ne dépend pas que du matériau qui compose le volet : il dépend en effet du type de volet (électrique ou manuel, avec ou sans sangle, industriel ou non) et du type de placement en fonction de la surface du volet avec ou sans coffret. Il en va de même pour tous les marchés de fournitures dont les éléments constitutifs des articles ne sont pas connus au moment de lancer le marché et dépendront des offres remises.

    Ce qui pose problème n’est donc pas le principe de la révision de prix mais bien son application systématique aux marchés de plus de 120.000 euros de plus de 6 mois, et en l’absence d’outils aptes à permettre la mise en œuvre de cette exigence nouvelle. Dans l’exemple cité, le recours à l’indice des prix à la consommation serait peut-être justifié au regard de l’article 20 de l’arrêté (difficulté d’établir une clause) mais semble totalement dépourvu de pertinence par rapport au contenu réel de la commande. En somme, la durée de 6 mois est bien trop courte et une structure centrale d’aide à la rédaction de formules de révision de prix dans les marchés publics manque cruellement à la plupart des praticiens soumis à cette obligation de révision, à tout le moins pour les marchés de fournitures et de services.

    La vérification obligatoire des prix

    La vérification des prix est le contrôle du bien-fondé et de la justesse des éléments constitutifs des prix offerts, sur la base des indications et, le cas échéant, des pièces comptables fournies par le soumissionnaire. L’article 21 de l’arrêté du 15 juillet 2011, regroupe enfin sous la même section intitulée « vérification des prix », les principes figurant à l’article 88 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 et à l’article 110, § 3, de ce même arrêté, faisant clairement apparaître que l’examen du caractère apparemment anormalement élevé ou bas des prix fait partie intégrante du processus –plus large– de vérification des prix. La vérification des prix peut en effet porter sur d’autres éléments que le seul caractère anormalement haut ou bas d’un prix. Un prix peut être globalement « normal » mais erroné au niveau de sa composition. Peuvent par exemple être examinées : l’application correcte des conditions économiques du moment, d’une formule de révision des prix proposée, d’une formule d’adaptation au cours de change, de conditions de paiement, l’utilisation d’une marge bénéficiaire acceptable, … Le pouvoir adjudicateur peut également vérifier que des frais et charges qu’il avait annoncé ne pas pouvoir être pris en considération ne le sont effectivement pas⁷⁶.

    Une telle vérification doit désormais obligatoirement avoir lieu dans toutes les procédures⁷⁷ et non plus uniquement en cas de procédure négociée sans publicité, comme le prévoyait l’article 88, § 1er, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996⁷⁸ ou en cas de marchés sans fixation forfaitaire des prix⁷⁹. La justification du caractère obligatoire de cette mesure en procédure négociée sans publicité était de donner au pouvoir adjudicateur des bases objectives sur lesquelles s’appuyer pour négocier les prix, les négociations se déroulant parfois « d’une façon toute empirique » avant que n’ait été institué ce mécanisme de vérification⁸⁰. On peut dès lors s’interroger sur les raisons qui ont conduit à l’extension de cette obligation⁸¹ à des procédures où il est interdit de négocier⁸². En effet, quelles suites donner en cas de constat d’un prix jugé inadéquat ou inacceptable mais sans cependant se révéler anormalement haut ou bas ? Faudra-t-il considérer que l’on se trouve dans l’hypothèse de l’offre matériellement irrégulière au sens de l’article 95 du nouvel arrêté car elle contient des éléments qui ne concordent pas avec la réalité ? Le pouvoir adjudicateur devra alors juger s’il considère l’offre comme matériellement irrégulière ou non, mais, dans ce dernier cas, il prend le risque d’attribuer le marché à un soumissionnaire dont le prix ne correspond pas à la réalité sans pouvoir cependant le modifier, puisque les négociations sont interdites. Plus préoccupant, en l’absence de vérification ou en cas de vérification réduite à sa plus simple expression (les pouvoirs locaux par exemple n’ont généralement pas de moyens leur permettant de vérifier de manière approfondie la structure des prix), la responsabilité du pouvoir adjudicateur pourrait-elle être engagée s’il apparaît durant l’exécution que le prix était non justifié, non conforme ou anormal ? Bref, nombre de questions demeurent ouvertes.

    On peut tenter de relativiser la portée de cette nouvelle contrainte dans la mesure où, si le pouvoir adjudicateur doit procéder à la vérification des prix des offres introduites, ce n’est cependant qu’« à sa demande » que les soumissionnaires fournissent au cours de la procédure toutes indications permettant cette vérification⁸³. Il y a dès lors lieu de penser que cette obligation nouvelle revêtira le plus souvent un caractère platonique. Ceci constitue une raison de plus pour en contester l’existence en l’absence d’un organisme central et (gratuitement) accessible d’aide à la vérification des prix, un véritable « bureau des prix » qui épaulerait les pouvoirs adjudicateurs dans cette tâche ardue⁸⁴.

    VI.2. En ce qui concerne l’exécution du marché, les difficultés relevées sont les suivantes :

    – Le montant total maximal des amendes pour retard est passé de 5 % à 7,5 % du montant du marché pour les fournitures et les services⁸⁵, sans que cette augmentation ne se justifie de manière générale.

    Par ailleurs, une importante nouveauté prête à discussion : si le délai d’exécution constitue un critère d’attribution du marché, les documents du marché peuvent prévoir – sans devoir formellement motiver une dérogation – un pourcentage plus élevé en fonction de l’importance relative de ce critère d’attribution, avec un maximum de 10 %. Ceci concerne les travaux, les fournitures et les services⁸⁶. Si le but, louable, est de combattre la spéculation, il nous apparaît qu’il aurait pu être atteint par le recours possible à une dérogation conformément à l’article 9 de l’arrêté du 14 janvier 2013. L’équilibre entre les droits et obligations des adjudicataires et des pouvoirs adjudicateurs nous semble ici être quelque peu bousculé.

    – Les modifications au marché : le pouvoir adjudicateur a le droit d’apporter unilatéralement des modifications au marché initial si les conditions suivantes sont remplies (cumulativement) :

    – l’objet du marché reste inchangé

    – une juste compensation est octroyée à l’adjudicataire et,

    – la valeur de la modification est limitée à 15 % du montant initial du marché⁸⁷.

    Ce nouveau seuil mérite une explication. D’une part, il n’énerve pas l’application des articles 26, § 1er, 2°, a) et b), et 3°, b) et c), et 53, § 2, 2° et 4°, a) et b), de la loi du 15 juin 2006 et de l’article 25, 3°, a), et 4°, b), de la loi défense et sécurité (marchés complémentaires passés par procédure négociée sans publicité pour lesquels est prévu dans la loi un seuil spécifique de 50 %). Le cas des circonstances imprévues n’est donc pas remis en cause. D’autre part, il était devenu périlleux pour le législateur belge de maintenir le régime extrêmement indulgent prévu par l’ancienne réglementation au regard de l’évolution jurisprudentielle européenne. Il est difficilement contestable que l’explosion des coûts et des modifications en cours de marché se révèle préjudiciable, tant au regard du respect de la concurrence initiale que d’un point de vue budgétaire. Le fait de poser une limite peut donc aisément se défendre. La principale difficulté se situe plutôt dans l’établissement de cette limite. Selon le type de marché, celle-ci se révèlera trop haute ou trop basse. Dans tous les cas elle est arbitraire car son caractère absolu ne prend pas en compte les contingences réelles de l’exécution. Ajoutons qu’une modification n’est pas nécessairement chiffrable en valeur financière et que la mise en œuvre pratique de cette disposition ne s’accompagne d’aucune mesure particulière de transition, plaçant parfois les pouvoirs

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