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Annales du droit luxembourgeois : Volume 23 - 2013
Annales du droit luxembourgeois : Volume 23 - 2013
Annales du droit luxembourgeois : Volume 23 - 2013
Livre électronique444 pages5 heures

Annales du droit luxembourgeois : Volume 23 - 2013

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Annales du droit luxembourgeois. Volume 23. 2013
LangueFrançais
ÉditeurBruylant
Date de sortie5 mars 2015
ISBN9782802750338
Annales du droit luxembourgeois : Volume 23 - 2013

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    Annales du droit luxembourgeois - Anonyme

    couverturepagetitre

    REVUE FONDÉE EN 1991

    PAR

    Marc THEWES et Dean SPIELMANN

    ANNALES DU DROIT LUXEMBOURGEOIS

    Revue de droit luxembourgeois paraissant tous les ans

    • La correspondance est à adresser à :

    Me Marc THEWES

    B.P. 55

    L-2010 Luxembourg

    La revue rend compte des ouvrages dont elle reçoit deux exemplaires.

    Sauf indication contraire, les articles publiés dans le présent volume sont à jour au 15 juillet 2014.

    Les mémoires d’université pour le Prix de la Fondation Bibliothèque du droit luxembourgeois 2012 sont à adresser en double exemplaire à la Fondation Bibliothèque du droit luxembourgeois à l’adresse ci-dessus.

    Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.bruylant.be

    © Groupe Larcier s.a., 2015

    Éditions Bruylant

    Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    EAN 978-2-8027-5033-8

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    LA FONDATION

    BIBLIOTHÈQUE DU DROIT LUXEMBOURGEOIS

    contribue au développement de la doctrine juridique luxembourgeoise par le soutien accordé à la réalisation du présent ouvrage.

    L’ORDRE PUBLIC ÉCONOMIQUE

    ET L’ASSURANCE-VIE

    PAR

    Robert WTTERWULGHE

    PROFESSEUR ÉMÉRITE UCL

    AVOCAT AU BARREAU DE BRUXELLES ET DE PARIS

    ET

    François MOYSE

    AVOCAT À LA COUR

    Sommaire

    Introduction

    I. Le droit de l’Union Européenne

    II. L’ordre public en droit belge

    III. L’ordre public en France

    IV. L’ordre public au Luxembourg

    Conclusion

    Introduction

    Les années 60 se distinguent par une forte croissance économique et par le développement du processus d’intégration européenne qui s’opère par la mise en place du marché intérieur en Europe.

    Du point de vue juridique, cette période se caractérise par le développement des directives d’harmonisation au niveau européen qui vise à assurer la réalisation et le bon fonctionnement du marché intérieur dans l’Union européenne. Ces directives établissent des normes qui régulent l’économie et la finance en assurant la libre prestation de services et la liberté d’établissement. Le principe de reconnaissance mutuelle va guider ce processus d’harmonisation.

    Définir ce qu’est l’ordre public économique n’est guère facile. Le concept a mis du temps à émerger. Actuellement, on peut s’accorder à déclarer que l’ordre public – en droit public – comporte « deux intentions, protectrice et directrice ». ¹

    Un domaine particulièrement sensible en ce qui concerne la notion d’ordre public économique est celui des assurances et notamment des assurances-vie. Cette notion concerne les rapports entre le droit du contrôle et celui du contrat ², en d’autres termes entre les règles prudentielles prises dans l’intérêt général, et les règles de protection du consommateur, celle-ci étant « également assurée de manière indirecte mais certaine, par la réglementation de contrôle » ³.

    D’ailleurs en Belgique, la nouvelle loi du 4 avril 2014 relative aux assurances a comme (un des) objectif(s) déclaré(s) d’augmenter la protection des consommateurs.

    Les directives assurance-vie s’inscrivent dans cette finalité. En cette matière le législateur belge a, en transposant les directives successives dans le secteur de l’assurance, obéi à la double finalité de ces directives, d’assurer un objectif d’intérêt général à savoir le bon fonctionnement du marché intérieur d’une part et, d’autre part, d’assurer une protection renforcée et harmonisée des assurés. Les dispositions légales de transposition relèvent à ce titre, en Belgique, de l’ordre public.

    La législation belge de l’assurance-vie s’inscrit donc dans l’ordre public économique décrit par G. Farjat comme « l’ensemble des règles obligatoires dans les rapports contractuels, relatives à l’organisation économique, aux rapports sociaux et à l’économie interne du contrat » ⁴.

    Il est d’un intérêt certain d’analyser dès lors, à l’aune du droit de l’Union européenne, cette notion d’ordre public, en s’inspirant de l’exemple belge, mais encore en poussant l’analyse vers le droit français, pour enfin revenir au Luxembourg sur le territoire national.

    I. – Le droit de l’Union Européenne

    Le droit de l’Union Européenne ne donne pas de définition de l’ordre public. La Cour de Justice de l’Union Européenne considère de façon constante qu’il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les conséquences contractuelles que doit entraîner la violation des obligations qui résultent de directives d’harmonisation, en veillant au respect des principes d’équivalence et d’effectivité ⁵.

    « Les mesures que les États membres prennent à ce titre restent néanmoins soumises au contrôle de la Cour de Luxembourg qui veille notamment à ce qu’elles restent proportionnées au regard de l’objectif qu’elles poursuivent » .

    Sans définir l’ordre public, la Cour de Justice a néanmoins à diverses reprises reconnu implicitement à certaines normes, le caractère d’ordre public en confirmant « la faculté ainsi reconnue au juge d’examiner d’office le caractère abusif. »

    Dans un arrêt récent portant sur l’application de la directive relative à la protection du consommateur, la Cour de Justice s’exprime en ces termes : « il importe en outre de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, cette directive, dans son intégralité, constitue une mesure indispensable à l’accomplissement des missions conférées à l’union, et en particulier, au relèvement du niveau et de la qualité de la vie dans l’ensemble de cette dernière (voir arrêt du 4 juin 2009 Pahon GSM, C-243/08, Rec p.I-4713 point 26, et Banco Espanol de Credito (C-618/10, point 67) » .

    « La Cour a d’ailleurs jugé que, étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive assure aux consommateurs, l’article 6 de celle-ci doit être considéré comme une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public (voir arrêt du 6 octobre 2009, Asturcom Telecommunicationes C-40/08, Rec p. I-9579, point 52 et ordonnance du 16 novembre 2010, Photovost, C-76/100, Rec. p. I-1157, point 50). Il y a lieu de considérer que cette qualification s’étend à toutes les dispositions de la directive qui sont indispensables à la réalisation de l’objectif poursuivi par ledit article 6. » ⁹.

    Le rapport de la Cour de cassation française en 2013 rappelle aussi qu’en « droit de la concurrence, la Cour de Justice juge que les articles 81 CE et 82 CE (devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE) constituent des dispositions d’ordre public qui doivent être appliquées d’office par les jurisprudences nationales (CJUE, arrêt du 1er juin 1999, ECO Swisco, C-126/97, points 36 et 39 ; CJUE arrêt du 13 juillet 2006. Manfredi, affaires jointes C-295/04 à C-298/04 points 31 et 39 ; CJUE, arrêt du 4 juin 2009, T.Mobile Netherlands CA, C8/08, point 49) ¹⁰ ».

    En matière d’assurance, la Cour de Justice des Communautés Européennes a confirmé à l’époque que : « Ces caractéristiques particulières propres au secteur de l’assurance ont conduit tous les États membres à introduire des législations soumettant les entreprises d’assurance à des règles impératives en ce qui concerne aussi bien leur situation financière que les conditions dans lesquelles elles s’appliquent et à un contrôle permanent du respect de ces règles » ¹¹.

    De cette jurisprudence de la Cour de Justice, on peut déduire que les obligations qui résultent des directives assurance-vie sont, au niveau national, des normes équivalentes aux règles de l’ordre public. L’interprétation de la Cour de cassation tant belge que française se conforme à l’interprétation de la Cour de Justice de l’Union. Quoique moins prolixe, la jurisprudence de la Cour de cassation du Grand Duché du Luxembourg va dans le même sens.

    II. – L’ordre public en droit belge

    Dans un arrêt de principe du 9 décembre 1948, la Cour de cassation belge a défini l’ordre public comme : « la loi qui touche aux intérêts essentiels de l’État ou de la collectivité ou qui fixe, dans le droit privé, les bases juridiques sur lesquelles reposent l’ordre économique ou moral de la société » ¹². Cette définition est adoptée par la doctrine et est de jurisprudence constante. Elle a été rappelée en effet à diverses reprises par la Cour de cassation, notamment dans les arrêts du 10 mars 1994 ¹³, du 29 novembre 2007 ¹⁴ et du 29 avril 2011 ¹⁵.

    La Cour de cassation a utilement précisé la portée de cette définition dans le domaine du droit financier dans l’arrêt dit des wagons-lits.

    Elle a précisé que la volonté du législateur d’assurer le bon fonctionnement du marché financier implique que les dispositions législatives soient d’ordre public. La Cour confirme l’arrêt de la cour d’appel selon lequel les dispositions de la législation financière en cause constituent « une réglementation de police de l’économie en matière d’offre publique d’acquisition et de modification du contrôle des secrets ayant fait ou faisant publiquement appel à l’épargne (…) prise afin d’assurer le bon fonctionnement du marché – et, partant, de l’économie du pays – ce qui implique que les porteurs de titres bénéficient tant des règles de la transparence et d’information que du respect du principe d’égalité entre les actionnaires. »

    La Cour de cassation confirma sur base de ces considérations, que l’arrêt décide légalement que la disposition en cause est d’ordre public. ¹⁶

    La Cour de cassation a ajouté que le fait que « certains intérêts particuliers tirent avantage d’une disposition d’ordre public, ne modifie en rien la nature et n’exclut donc point son caractère d’ordre public, la protection de l’intérêt général étant jugé primordiale dans ce cas » ¹⁷.

    La législation belge qui réglemente l’assurance-vie répond à ce double souci de protéger les assurés et d’assurer le bon fonctionnement du marché dans l’intérêt général conformément à la finalité des directives assurance-vie, et plus précisément de la directive 2002/83/CE qui est d’application aujourd’hui. ¹⁸

    Pour déterminer la nature d’une disposition légale, il faut rechercher l’intention du législateur ainsi que les objectifs poursuivis par la disposition ¹⁹. Comme l’expose B. MAES, il faut « rechercher l’intention du législateur selon l’histoire de la loi et/ou l’objet et la nature de la règle » ²⁰.

    C’est dans les directives assurance-vie que réside la finalité de ces lois de transposition. Ces dernières doivent respecter l’effet utile de la directive et la finalité de celle-ci. À ce titre, les lois belges relatives au contrat d’assurance-vie doivent viser à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur et partant concernent directement l’économie du pays.

    La violation d’une disposition d’ordre public est sanctionnée en droit belge par la nullité absolue ²¹. La nullité peut être invoquée par toute personne ayant un intérêt ainsi que par les tiers. La nullité doit être soulevée d’office par le juge. Le moyen déduit de la violation de l’ordre public peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

    Par conséquent, les contrats conclus en violation de la législation belge relative à l’assurance-vie relevant de l’ordre public économique, sont déclarés nuls, de nullité absolue.

    D’autre part, les obligations légales, notamment en matière d’information, prescrites en vertu de cette législation relative à l’assurance-vie créent un droit subjectif en faveur des assurés.

    Le droit subjectif résulte de « l’obligation juridique précise qu’une règle de droit objectif met directement à charge de tiers ».

    Le droit subjectif repose sur l’intérêt propre « de celui qui exige l’exécution de cette obligation ». ²² Ce dernier peut alors exiger de la part du débiteur du droit subjectif que celui-ci rapporte la preuve qu’il a bien respecté son droit.

    III. – L’ordre public en France

    L’ordre public est davantage analysé par la doctrine en France. Pour G. Drago : « Notion complexe et protéiforme, l’ordre public apparaît comme l’horizon de l’État légal fixant les bornes de ce qui est possible et de ce qui est interdit comme le rappel des limites qu’il ne faut pas franchir afin de consacrer ce vouloir vivre ensemble qui fait une nation ». ²³

    Une définition plus classique reprise usuellement par la doctrine est celle de Planiol qui exprime sans doute cette réalité de la façon la plus pratique : « une disposition est d’ordre public toutes les fois où elle est inspirée par une considération d’intérêt général qui se trouverait compromis si les particuliers étaient libres d’empêcher l’application de cette loi. » ²⁴

    L’ordre public économique est un concept relativement récent. Une première étude consacrée à cette notion paraît être celle du doyen Ripert en 1934 dans son ouvrage intitulé « L’ordre économique et la liberté contractuelle » ²⁵. Par la suite, Gérard Farjat consacre sa thèse de doctorat en 1963 à l’étude de l’ordre public économique. Celui-ci est un des premiers à accorder un contenu juridique plus précis à cette notion. Le doyen Savatier a publié la même année son ouvrage intitulé « L’ordre public économique » ²⁶.

    L’ordre public économique se distingue de l’ordre public classique en ce qu’il n’est pas seulement prohibitif et négatif mais également dispositif ²⁷. R. Savatier considère que ce concept est « plastique, de manière à tenir compte, dans leur variété, suivant les temps et les lieux, des besoins fluctuants de la politique économique. Et il répugne à s’emprisonner dans la stabilité de formules légales, pour tenir empiriquement compte des circonstances » ²⁸.

    À la différence de la Belgique, la Cour de cassation française et une majorité d’auteurs français distinguent deux grandes catégories de règles d’ordre public économique : l’ordre public économique de direction et l’ordre public économique de protection ²⁹.

    L’ordre public économique de direction « se propose de concourir à une certaine organisation de l’économie nationale en éliminant des contrats privés tout ce qui pourrait contrarier cette direction » ³⁰. Les dispositions d’ordre public de direction visent à la direction de l’économie et à la protection de l’intérêt général.

    L’ordre public économique de protection est composé de « toutes les mesures qui tendent à la protection d’un contractant et qui modifient les relations contractuelles des parties en accordant un droit à l’une d’entre elles » ³¹. Les dispositions d’ordre public de protection n’ont d’autre but que de protéger, dans divers contrats, la partie économiquement la plus faible ³².

    Cette distinction entre l’ordre public de direction et l’ordre public de protection est aujourd’hui remise en question par certains auteurs ³³. P. Malaurie considère que cette distinction n’est pas facile à faire entrer dans la pratique dans la mesure où il note, à juste titre, qu’il existe une interaction entre les objectifs économiques et sociaux d’une politique ³⁴. Des auteurs soulignent la difficulté de marquer précisément la frontière entre l’ordre public de direction et l’ordre public de protection dans la mesure où derrière toute règle de protection existe un intérêt social ³⁵. Cette distinction paraît être accueillie par la jurisprudence, encore qu’elle soit difficile à manier et parfois incertaine ³⁶.

    Les dispositions d’ordre public de direction sont sanctionnées par une nullité absolue, qualifiée de nullité d’ordre public, tandis que les dispositions d’ordre public de protection sont sanctionnées par une nullité relative ³⁷. En effet, « on conçoit pour les premières (dispositions d’ordre public de protection) que les individus protégés soient seuls admis à les faire valoir… mais que pour sauvegarder les intérêts supérieurs (dispositions d’ordre public de direction) on ouvre largement la voie de la nullité » ³⁸.

    Dans le domaine de l’ordre public économique, cette distinction constitue une vue de l’esprit. La finalité de ces lois de police est d’assurer l’intérêt économique général mais également d’assurer une égalité entre les agents économiques. Le fonctionnement du marché implique en effet le respect d’un ensemble de règles qui veillent à assurer la protection des agents les plus faibles. Un marché efficient repose sur une égale information des opérateurs économiques, que l’économiste appelle la condition de transparence. L’ensemble des règles qui imposent des informations ou répriment des abus du marché assurent certes la protection de l’agent économique le plus faible mais sont aussi autant de moyens d’assurer la transparence du marché. Intellectuellement séduisante, cette distinction entre les deux ordres publics n’est par conséquent, dans la pratique, pas fondée.

    Certains auteurs en sont conscients. Selon eux, les règles d’ordre public de protection devraient toujours être sanctionnées par une nullité absolue car ils estiment qu’au-delà de la protection des personnes considérées, c’est la moralisation de l’ensemble des relations contractuelles qui est en cause ³⁹.

    Dans le cas où les dispositions d’ordre public ont une finalité double – ce qui est le cas dans les domaines économique et financier – c’est-à-dire que celles-ci appartiennent à l’ordre public économique de direction mais visent également à protéger certains contractants, G. Farjat considère à juste titre que « lorsqu’une règle est à la fois de protection et de direction, il est normal que le second but l’emporte sur le premier : il y a une hiérarchie des règles d’ordre public » ⁴⁰.

    En matière d’assurance-vie, la distinction opérée en France n’a guère de conséquence. La législation française répond en effet à un objectif d’ordre public de direction. En conséquence, comme en Belgique, la violation de ces normes est sanctionnée par la nullité absolue.

    IV. – L’ordre public au Luxembourg

    Au Luxembourg, la notion d’ordre public économique a émergé dans le domaine du droit de la concurrence.

    Ainsi, la loi du 23 octobre 2011 relative à la concurrence ⁴¹ prévoit à son article 12 que le président du Conseil de la Concurrence peut prendre des mesures conservatoires à partir du jour de la saisine du Conseil, et ce à la demande de toute partie concernée, après avoir entendu les parties en cause.

    Le texte poursuit ainsi : « Ces mesures conservatoires ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et irréparable à l’ordre public économique ou à l’entreprise plaignante… ».

    Cette référence à l’ordre public économique a été reprise mot-à-mot de la loi antérieure du 17 mai 2004 relative à la concurrence (ancien article 11).

    Les travaux parlementaires de cette loi indiquent que le système est directement calqué d’une part sur les dispositions de l’ordonnance française de 1986, et, d’autre part, sur le texte de l’article du Règlement No 1/2003 (pour les mesures transitoires). ⁴² ⁴³

    Un jugement du Tribunal administratif a statué comme quoi « l’atteinte à l’ordre public économique ne s’analysait pas en un grief qui était à communiquer par le président à l’entreprise concernée, étant donné que la notion de grief se rapporte aux faits ou agissements susceptibles de constituer un abus de position dominante, tandis que le constat d’une atteinte grave, immédiate et irréparable à l’ordre public et économique est le résultat d’une appréciation que le président du conseil porte sur la pratique dénoncée afin de pouvoir légalement prendre des mesures conservatoires » ⁴⁴.

    Ce jugement statue donc sur un incident procédural en citant la loi de 2004 de l’époque sur la concurrence, estimant que l’atteinte à l’ordre public (et) économique était, au vœu de la loi, une des causes justifiant que le président du conseil de la concurrence prenne le cas échéant des mesures conservatoires permettant d’éviter un abus de position dominante, ancrant ainsi cette notion dans la jurisprudence administrative.

    La seule correction faite dans la loi de 2011 précitée était d’abroger le mot « et » qui figurait dans l’expression « ordre public et économique » dans la loi de 2004 sur la concurrence, alors qu’il « ne semble pas donner de sens particulier ». ⁴⁵

    L’ordre public économique a, pour sa part, été évoqué dans quelques jugements rendus par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg ⁴⁶.

    Dans un jugement du 1er mars 1989, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg s’inspire de la jurisprudence et de la législation françaises. Ce jugement considère que la loi du 2 juin 1962 déterminant les conditions d’accès et d’exercice de certaines professions est d’ordre public économique. Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg ajoute que « la finalité de la loi est double : elle tend d’une part à assurer une certaine direction de l’économie et une certaine organisation des rapports sociaux de production, et elle a d’autre part pour objet la protection des consommateurs » ⁴⁷. Le juge sanctionne la conclusion d’un contrat en violation d’une règle d’ordre public de direction économique de nullité absolue ⁴⁸. Par conséquent, il a été jugé que « les contrats conclus en violation de la loi du 2 juin 1962 sont nuls. » ⁴⁹

    Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a également rendu un jugement le 21 avril 1993 où il a été jugé que la législation qui a remplacé la loi de 1962, citée dans le jugement précédent, à savoir la loi du 28 décembre 1988, régissant l’accès à certaines professions contient des dispositions pénales et est, par conséquent, d’ordre public économique. Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a ajouté que « cette législation tend d’une part à assurer une certaine direction de l’économie et une certaine organisation des rapports sociaux de production, et elle a d’autre part pour objet la protection des consommateurs. (…) La sanction la plus efficace pour parvenir au but visé par la loi est de déclarer nulles les opérations conclues en violation de cette législation » ⁵⁰. Le Tribunal a estimé que « les contrats conclus en violation de la loi de 1988 doivent être sanctionnées au plan civil par la nullité » ⁵¹.

    Pourtant, actuellement il ne semble pas que la violation de dispositions d’intérêt général amène, du moins dans une certaine jurisprudence relative au secteur financier, à considérer que cette violation entraîne pour le particulier lésé un droit subjectif à invoquer la nullité de dispositions violant les règles prudentielles. Du moins en est-il ainsi lorsque le demandeur tente d’obtenir du juge l’écartement d’un comportement contraire à ces mêmes règles. Ce courant de jurisprudence ne respecte pas l’effet utile des directives européennes concernées. Elle est à ce titre critiquable.

    Ainsi, un arrêt récent de la Cour d’appel, s’il indique bien que « Les règles de conduite édictées tant par la loi du 5 avril 1993 que celle du 12 novembre 2012 relative à la lutte contre le blanchiment et le terrorisme ainsi que les circulaires également invoquées par V. sont [bien] conçues dans l’intérêt général », que « traduisant sur un plan strictement disciplinaire les normes déontologiques à observer par les professionnels du secteur financier ». La Cour cependant estime à tort selon nous qu’elles « ne constituent pas une base légale permettant aux particuliers d’agir directement en justice en invoquant une violation de ces dispositions ». ⁵² Pareille jurisprudence détonne au niveau européen et semble révéler un certain mépris du droit européen et des règles d’interprétation qui s’imposent selon la Cour de Justice de l’Union.

    Conclusion

    En matière économique et financière, nous pouvons soutenir que toutes les dispositions légales qui ont pour finalité l’intérêt général, et plus précisément le bon fonctionnement du marché, relèvent indiscutablement de l’ordre public économique.

    Par conséquent, la législation belge relative à l’assurance-vie, dite branche 23, ayant pour finalité première le bon fonctionnement du marché relève incontestablement de l’ordre public économique.

    Tel devrait être le cas également au Luxembourg en matière d’assurance-vie. Faut-il rappeler que la loi du 18 décembre 2006 portant transposition de la directive 2002/65/CE concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs a introduit le droit de rétractation en matière du contrat d’assurance-vie à l’article 100 de la loi du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance.

    ⁵³

    Il sera intéressant de suivre à la fois la position doctrinale et l’évolution jurisprudentielle quant à la portée de l’ordre public économique, alors que la législation en la matière découle directement des directives européennes.

    1. E. PICARD, L’influence du droit communautaire sur la notion d’ordre public, AJDA, no spécial, 1996, p. 56.

    2. M. FONTAINE, Droit des Assurances, 4e édition, Larcier, 2010, no 59.

    3. M. FONTAINE, ibid., no 63.

    4. G. FARJAT, L’ordre public économique, Paris, L.G.D.J., 1963, p. 38.

    5. CJUE, affaire C-591/10, du 15 juillet 2012 cité par Arrêt CJUE, C-604/11, du 30 mai 2013.

    6. Cour de cassation française, Rapport 2013, Titre II, chap. 1, p. 3.

    7. CJUE, affaire C-429/05, 4 octobre 2007, point 62.

    8. CJUE, affaire C-488/11, considérant 43, 30 mai 2013.

    9. CJUE, affaire C-488/11, considérant 44, 30 mai 2013.

    10. Cour de cassation française, Rapport 2013, op. cit., p. 3.

    11. Cour CEE, affaire 205/84 du 4 décembre 1986, point 32.

    12. Cass., 9 décembre 1948, Pas., I, p. 699.

    13. Cass., 10 mars 1994, R.D.C., 1995, p. 15.

    14. Cass., 29 novembre 2007, disponible sur http://www.juridat.be, consulté le 4 juillet 2014.

    15. Cass., 29 avril 2011, disponible sur http://www.juridat.be, consulté le 4 juillet 2014.

    16. Cass., 10 mars 1994, op. cit.

    17. F. MOURLON BEERNAERT, « La querelle des anciens et des modernes. À propos de l’affaire des wagons-lits », DAOR, 1997, p. 68.

    18. La directive Solvability II lui a succédé en 2009. Mais la création de l’autorité Européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) a conduit la Commission Européenne à établir une nouvelle proposition de directive : Omnibus II qui soulève de nombreux débats. En conséquence de quoi les dates de transposition et d’application de la directive 2009 Solvability II ont été postposées à deux reprises, par le biais de deux directives, le 12 septembre 2012 d’abord et ensuite le 11 décembre 2013. La date limite de transposition est fixée aujourd’hui au 31 mars 2015 et la date de mise en application et de l’abrogation de la directive 2002 Solvability I est fixée au 1er janvier 2016.

    19. F. MOURLON BEERNAERT, op. cit., p. 67.

    20. B. MAES, Cassatiemiddelen naar Belgisch recht, Mys en Breesch, Gent, 1993, p. 134, no 161, cité par F. MOURLON BEERNAERT, op. cit., p. 67.

    21. P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, Tome I., Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 341 ; Voy. Cass., 9 décembre 1948, Pas., I, p. 699 ; Cass., 10 mars 1994, R.D.C., 1995, p. 15 ; Comm. Charleroi, 29 août 2002, DAOR, 2002, p. 433.

    22. J. VELU, Conclusions Cass. 19 avril 1987, p. 288.

    23. G. DRAGO, Avant-propos, Rapport annuel 2013, Cour de cassation de Paris.

    24. Cité par J. GHEDEN, Traité de droit civil, 3e éd., LCDJ, Paris, 1993, no 104.

    25. G. RIPERT, « L’ordre économique », Chronique, Paris, Dalloz, 1965, p. 37.

    26. R. SAVATIER, « L’ordre public économique », Chronique, Paris, Dalloz, 1965, p. 37.

    27. Ph. MALAURIE, op. cit., p. 321 ; G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil : les obligations. Tome 1, Paris, Sirey, 1988, p. 75.

    28. R. SAVATIER, La théorie des obligations : vision juridique et économique, Paris, Dalloz, 1967, p. 166.

    29. G. FARJAT, Droit économique, Paris, Presses universitaires de France, 1971, pp. 42-43 ; Voy. J. GHESTIN, Traité de droit civil : la formation du contrat, Paris, L.G.D.J., 1993, pp. 85-122.

    30. J. CARBONNIER, op. cit., p. 147 ; G. FARJAT, op. cit., p. 43.

    31. G. FARJAT, op. cit., p. 43.

    32. F. MOURLON BEERNAERT, op. cit., p. 66 ; Cons. également J. MÉADEL, op. cit., p. 21 et suivants.

    33. Cons. pour plus de précisions M. CUMYN, « Les sanctions des lois d’ordre public touchant à la justice contractuelle : leurs finalités, leur efficacité », R.J.T., 2007, pp. 1-85.

    34. Ph. MALAURIE, op. cit., p. 322.

    35. F. TERRE et PH. SIMLER, Droit civil : les obligations, Paris, Dalloz, 2009, p. 401.

    36. G. MARTY et P. RAYNAUD, op. cit., p. 74 ; F. TERRE et

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