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Le droit de la construction au Luxembourg
Le droit de la construction au Luxembourg
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Livre électronique788 pages7 heures

Le droit de la construction au Luxembourg

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À propos de ce livre électronique

Dans cet ouvrage, l‘auteur brosse un tableau complet et actuel du droit de la construction au Luxembourg. À partir d’une analyse fouillée du contrat d’entreprise, il détaille les obligations des constructeurs et du maître d’ouvrage pour procéder ensuite à une analyse détaillée du régime de la responsabilité du constructeur.
Suit l’analyse du régime de la vente en l’état futur d’achèvement laquelle renvoie en partie aux articles régissant la responsabilité des constructeurs.
Une attention particulière est accordée à la responsabilité du constructeur dans ses relations avec les tiers, que ce soit au niveau des troubles de voisinage ou de la servitude de tour d’échelle.
Avant de terminer son ouvrage avec une analyse complète des obligations et de la responsabilité des architectes et ingénieurs, il présente les caractéristiques du contrat de la vente sous l’angle de la vente immobilière.
LangueFrançais
Date de sortie13 mars 2018
ISBN9782879981888
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    Aperçu du livre

    Le droit de la construction au Luxembourg - Cyril Chapon

    Introduction

    Les différents intervenants dans le domaine de la construction

    1 Constructeur, promoteur, vendeur…, la liste des qualifications est longue et chaque terme désigne une situation juridique différente que le particulier n’aurait pas nécessairement décelée.

    D’ailleurs il n’existe nulle part une définition du terme de constructeur ; certains articles du Code civil en donnent, de façon indirecte, une énumération non limitative.

    Quant au particulier, il peut être à la fois un acquéreur passif, ou le maître d’ouvrage dirigeant la construction.

    Quand il intervient à titre privé, il prend de surplus la qualité de consommateur qui bénéficie dans certaines hypothèses d’un régime de protection spéciale.

    En guise d’introduction, nous verrons donc successivement les différentes personnes intervenant dans le domaine de la construction, parfois d’ailleurs il s’agit de la même personne mais sous une casquette différente.

    Pour une différenciation sommaire des différents contrats – contrat d’entreprise, vente, vente en l’état futur d’achèvement, – le lecteur se référera utilement à La distinction du contrat d’entreprise des autres contrats (infra, nos 32 à 36).

    Section 1

    DU CÔTÉ DU PROFESSIONNEL

    2  Dans la pratique d’aujourd’hui, la notion juridique de constructeur recouvre une multitude d’activités.

    À part la vente ordinaire d’immeubles d’ores et déjà construits, cette qualité de « constructeur » va intervenir tant dans le cadre de la vente d’immeubles à construire, que dans celle du contrat d’entreprise.

    En réalité, il n’existe pas de définition légale unique du constructeur, alors que ce terme englobe une multitude d’activités participant à la construction d’un édifice.

    L’on songe d’abord à l’article 1792 du Code civil, régissant la garantie décennale pour les vices affectant le gros ouvrage, qui vise l’architecte, l’entrepreneur « et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ».

    L’article 1779, alinéa 3 du Code civil cite au titre de ces autres personnes les « techniciens par suite d’études, devis ou marchés ». Les travaux parlementaires à l’origine de la loi du 28 décembre 1976 sur la vente d’immeubles à construire exposent qu’il s’agirait concrètement des « techniciens du bâtiment procédant à des études ou à l’élaboration de devis (bureaux d’études, ingénieurs, métreurs, etc.) » ¹ sur les points particuliers et précis de l’ouvrage projeté. C’est la voie suivie par la jurisprudence qui attribue la qualité de constructeur aux ingénieurs-conseils, bureaux de contrôle et tout autre corps de métier, lié au maître de l’ouvrage par un contrat d’entreprise, qui participe à la réalisation d’une œuvre immobilière. Notons que le projet de loi no 5704 portant réforme des régimes de responsabilité en matière de construction, en suspens depuis 2010, n’a nullement prévu d’apporter plus de précisions à la notion de « constructeur » ².

    § 1. – Le constructeur au sens traditionnel : l’entrepreneur du bâtiment

    3  Au sens premier du terme, le constructeur est l’entrepreneur, lié à un maître d’ouvrage par un contrat d’entreprise, qu’il soit entrepreneur « général » en charge de la construction de l’intégralité de l’immeuble ou entrepreneur « particulier », en charge seulement d’une partie des travaux.

    La loi du 28 décembre 1976 relative aux ventes d’immeubles à construire met à charge d’un vendeur – qu’on qualifie souvent de promoteur et qui s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé en le construisant lui-même ou en le faisant construire par autrui – la responsabilité incombant normalement aux constructeurs : soit il s’agit du promoteur-constructeur, c’est-à-dire d’un entrepreneur qui réalise lui-même entièrement ou partiellement l’opération de construction, soit du promoteur-vendeur qui s’adresse à un ou plusieurs entrepreneurs pour faire édifier l’immeuble promis.

    Le terme de constructeur, dans le cadre du contentieux pouvant naître de la responsabilité des bâtisseurs, est donc aujourd’hui une notion large et englobe, au-delà des entrepreneurs qui réalisent matériellement l’ouvrage, une série d’autres corps de métier qui participent ou concourent à cette réalisation ³.

    Tout d’abord, le constructeur est le locateur d’ouvrage traditionnel désigné à l’article 1792 du Code civil, à savoir l’entrepreneur mais aussi l’architecte qui est également directement visé par la disposition légale.

    4  Au sens de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, l’entrepreneur du secteur de bâtiment est un artisan, c’est-à-dire un professionnel qui exerce une activité économique qui consiste à produire, transformer, réparer ou fournir des services relevant de la liste des activités artisanales ⁴.

    Selon cette liste, il existe 96 activités artisanales classées en différents secteurs dont notamment celui de la construction duquel va directement dépendre l’entrepreneur de construction et de génie civil ⁵. Chaque secteur est ensuite « sous-catégorisé » en deux listes A et B. L’accès à la première nécessite un diplôme de Brevet de Maîtrise alors que celui à la seconde requiert un diplôme de DAP/CATP. Il existe ainsi, bien évidemment, beaucoup de métiers, ou plutôt spécialisations, qui relèvent du secteur de bâtiment dont pour la liste A, en sus de l’entrepreneur de construction ⁶ :

    l’entrepreneur d’isolation thermique, acoustique et d’étanchéité,

    l’installateur chauffage-sanitaire-frigoriste,

    l’électricien,

    le menuisier-ébéniste,

    l’entrepreneur de constructions métalliques,

    l’installateur d’ascenseurs, de monte-charges, d’escaliers mécaniques et de matériel de manutention,

    le charpentier-couvreur-ferblantier,

    le carreleur-marbrier-tailleur de pierres,

    le peintre-plafonneur-façadier,

    et pour la liste B :

    l’entrepreneur de terrassement, d’excavation, de canalisation, d’asphaltage, de bitumage-poseur de jointements, ferrailleur pour béton armé,

    l’entrepreneur de forage et d’ancrage,

    l’entrepreneur-paysagiste,

    le confectionneur de chapes,

    l’installateur d’enseignes lumineuses,

    l’installateur de mesures de sécurité en altitude,

    le monteur d’échafaudages,

    le poseur-monteur de fenêtres, de portes et de meubles préfabriqués,

    le vitrier-miroitier,

    etc.

    § 2. – L’architecte

    5  L’architecte est un autre constructeur expressément visé par l’article 1792 du Code civil au titre de la garantie décennale.

    Sa profession est définie à la loi du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d’architecte et d’ingénieur-conseil et reprise par la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales. Il s’agit d’une « activité libérale qui consiste à créer et à composer une œuvre de construction, d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, à établir les plans d’une telle œuvre, à faire la synthèse et l’analyse des activités diverses participant à la réalisation de l’œuvre » ⁷.

    Conformément à la loi, le recours à un architecte est en principe rendu obligatoire pour entreprendre des travaux soumis à autorisation de bâtir aux fins d’établir un projet à caractère architectural ⁸, cette notion englobant les édifices résidentiels, administratifs, d’enseignement, de recherche, de soins, ainsi que toute construction courante ne comportant pas de problèmes techniques particuliers ⁹.

    L’intervention d’un architecte ou d’un ingénieur est imposée dans le cadre de projets à caractère mixte, c’est-à-dire visant la réalisation de travaux pour la construction d’établissements industriels – usines, centrales d’énergie, hall et bâtiments agricoles – ainsi que pour des travaux d’urbanisme et d’aménagement du territoire ¹⁰.

    Le règlement grand-ducal du 17 juin 1992 déterminant la déontologie des architectes et des ingénieurs-conseils impose la conclusion d’un contrat de mission écrit et signé, énonçant les obligations respectives des parties ainsi qu’un avenant écrit pour toute modification substantielle, mentionnant son incidence financière. Nous renvoyons le lecteur au dernier chapitre du présent ouvrage pour une analyse en détail tant du régime de l’architecte, que de celui des « autres constructeurs », à savoir de l’ingénieur-conseil et des bureaux de contrôle ¹¹.

    § 3. – L’extension de la notion de constructeur aux techniciens du bâtiment

    6  S’il est vrai qu’à côté de l’entrepreneur et de l’architecte, l’article 1792 du Code civil évoque d’« autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage », leur définition dans la pratique soulève encore aujourd’hui de vifs débats judiciaires.

    Il importe de souligner que « ce n’est pas en raison de leur profession que le Code civil dispose que les architectes, les entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont soumis à la garantie décennale, mais en raison de leurs activités et de la nature des prestations fournies » ¹².

    Contrairement à nos pays voisins, le Luxembourg n’a pas légiféré pour préciser le champ de ces « autres personnes ». L’article 1779 du Code civil peut servir de repère dans la mesure où il énumère les professionnels du bâtiment susceptibles d’être engagés par un contrat de louage d’ouvrage, en citant notamment les entrepreneurs, architectes et « techniciens par suite d’études, devis ou marchés ». Cependant, faute d’une définition légale, il appartient à la jurisprudence de fournir aujourd’hui les critères nécessaires à l’application d’une telle qualification.

    Si les architectes sont donc expressément visés par l’article 1792 du Code civil, la question se posait surtout pour les bureaux de contrôle et d’études, ces entités qui ne concourent pas toujours directement ni matériellement à la réalisation de l’ouvrage. Selon les critères retenus par la Cour de cassation, un tel prestataire est à qualifier de constructeur au sens de l’article 1792 du Code civil lorsqu’en raison de ses activités et de la nature des prestations qu’il a fournies, il a contribué à ériger ou à diriger la construction de l’ouvrage ¹³.

    Concernant notamment les sociétés de contrôle technique, la jurisprudence les qualifie de constructeur lorsqu’elles s’engagent à prévenir les différents aléas techniques susceptibles de se rencontrer dans la réalisation des ouvrages et de diminuer ainsi les risques de désordres pouvant engendrer la responsabilité décennale ¹⁴, contrôler la conception et l’exécution de l’ouvrage par rapport aux plans et documents techniques de conception et de réalisation et veillent au respect des règles de l’art. Le contrôleur technique, dont la mission consiste à assurer la réception des gros et menus ouvrages est également à considérer comme étant un constructeur ¹⁵.

    A. L’ingénieur-conseil

    7  L’activité d’ingénieur-conseil du secteur de la construction est une activité libérale consistant à concevoir des œuvres de construction à caractère technique, d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, à en établir les plans et à faire la synthèse des activités diverses participant à la réalisation de celles-ci ¹⁶.

    Le recours à ce professionnel du bâtiment est obligatoire pour tout projet à caractère technique et, en concurrence avec les architectes, pour tout projet à caractère mixte, ce dernier étant d’ores et déjà défini ci-avant ¹⁷. Le projet à caractère technique porte sur les routes, voies ferrées, ponts, constructions souterraines, barrages, ouvrages de soutènement, réservoirs, travaux d’alimentation, d’évacuation et de traitement des eaux, d’aménagement des cours d’eaux, réalisations du domaine de l’énergie et des télécommunications ¹⁸.

    La mission de l’ingénieur-conseil peut être résumée comme suit : « il s’agit de prestations intellectuelles qui, soit remplacent celles habituellement exercées par l’architecte – lorsque, soit son intervention n’est pas requise par la loi (par exemple pour des ouvrages de type purement industriel), soit son intervention est limitée à un aspect seulement du projet (par exemple la conception et la réalisation d’un bâtiment (soumis à permis d’urbanisme) dans un projet d’ingénierie plus large), – soit sont complémentaires à celles-ci. Dans ce dernier cas, l’ingénieur-conseil réalise une mission d’étude, de conception et de contrôle de l’exécution de certains aspects des travaux, lorsque cette mission suppose la maîtrise des connaissances qui dépassent celles relevant de la formation normale des architectes » ¹⁹.

    Comme le laisse sous-entendre la citation qui précède, il n’est pas nécessaire que l’intervention d’un ingénieur soit obligatoire pour que le maître de l’ouvrage ou l’entrepreneur général sollicitent son concours au processus de la construction. La complexité et les exigences normatives croissantes en matière de bâtiment rendent ce concours souvent indispensable pour effectuer toute une série d’analyses et d’études ponctuelles et spécifiques sur la faisabilité de l’ouvrage.

    D’ailleurs, en termes de rémunération des ingénieurs-conseils, la jurisprudence applique le même principe qu’en matière de travail presté par un architecte ²⁰, lequel a droit, sauf accord contraire, au paiement d’honoraires dès la demande de projet, même si son intervention se limite exclusivement aux simples études préliminaires ou avant-projet ²¹ et qu’il n’interviendra plus par la suite.

    Selon les travaux parlementaires intervenus à l’occasion de la procédure d’approbation de la future loi du 28 décembre 1976, les ingénieurs et bureaux d’études font indéniablement partie de ces « autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage » visées par l’article 1792 du Code civil au titre de la garantie décennale. En effet, conformément à l’article 1979 du même code, ces personnes sont des « techniciens par suite d’études, devis ou marchés ». Or, tant les auteurs du projet de loi que le Conseil d’État s’accordent pour dire qu’il s’agit des techniciens et conseils en bâtiment procédant à des études sur des points particuliers – statique, fondations, béton armé, charpente métallique, isolation, chauffage, etc. – ou à l’élaboration de devis, en d’autres termes, les bureaux d’études et des ingénieurs-conseils.

    La question a par ailleurs été tranchée par un arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 2012 ²², ayant décidé que le bureau d’ingénieurs-conseils, ayant préconisé la mise en place d’un joint conformément à ses plans d’exécution et sous sa surveillance, était revêtue de la qualité de constructeur au sens des articles 1792 et 2270 du Code civil.

    Il a été décidé par ailleurs, dans l’hypothèse d’une assistance bénévole à une opération – cas qui peut se présenter lorsque le professionnel rend au maître de l’ouvrage un service gratuit dépassant sa mission – que l’ingénieur-conseil engageait sa responsabilité dès lors que cette assistance n’avait pas été réalisée suivant les règles de l’art et avait concouru à la réalisation du dommage ²³.

    B. Bureau de contrôle

    8  La mission des organismes de contrôle en matière de construction immobilière est principalement de vérifier si les travaux sont exécutés conformément aux plans et règles de l’art et ainsi de réduire le risque de sinistres et d’éviter des dégâts inhérents à toute construction. Afin de parvenir à ce but, les missions concrètes qui leur sont confiées peuvent être d’un contenu et d’une nature différents. Elles peuvent consister tant dans l’étude des ouvrages que dans le contrôle de l’exécution des travaux, concernant notamment le respect des plans et des règles de l’art, la vérification de la qualité des matériaux mis en œuvre. Les organismes sont, dans ces circonstances, généralement tenus de porter à connaissance du maître de l’ouvrage et des intervenants sans délai les défauts ou manquements de nature à compromettre la stabilité et la durabilité de l’ouvrage contrôlé ²⁴.

    Si le recours à de tels organismes n’est pas obligatoire au Luxembourg, il est néanmoins incontournable dès l’instant où le constructeur souhaite pouvoir souscrire une assurance pour sa responsabilité du chef de la garantie décennale. C’est en effet son assureur – soucieux d’évaluer et de minimiser le risque assuré – qui imposera le contrôle de la conception et de l’exécution des travaux par un bureau agréé.

    La loi du 21 avril 1993 relative à l’agrément de personnes physiques ou morales privées ou publiques autres que l’État pour l’accomplissement de tâches techniques d’étude et de vérification dans le domaine de l’environnement dispose que les bureaux de contrôle sont appelés « à accomplir diverses tâches techniques d’étude et de vérification et tout particulièrement à réaliser des évaluation d’incidence sur l’environnement, des audits environnementaux, des expertises, des enquêtes et des recherches, pratiquer des réceptions de travaux, des révisions techniques, des mesurages et des analyses » sous la surveillance et avec la collaboration des mandants privés ou publics ²⁵.

    9  Au sens d’une jurisprudence désormais bien établie, le bureau de contrôle est susceptible de revêtir la qualité de constructeur du moment que, de par les tâches qu’il accomplit, il concourt à la réalisation d’un ouvrage. Il se voit de ce fait soumis aux garanties instituées par les articles 1792 et 2270 du Code civil ainsi qu’à l’obligation de résultat ²⁶ en matière de responsabilité contractuelle de droit commun régie par les articles 1142 et 1147 du même code. En France, la responsabilité des bureaux de contrôle au titre de la garantie décennale est expressément prévue par la loi, notamment par l’article 111-24 du Code de la construction et de l’habitation. La même disposition contient cependant une limite à cette responsabilité, en précisant que « Le contrôleur technique n’est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu’à concurrence de la part de responsabilité susceptible d’être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d’ouvrage » ²⁷.

    Au Luxembourg, la question a été définitivement tranchée par un arrêt du 26 mars 2003, ayant décidé que « le contrôleur technique qui a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles de se rencontrer dans la réalisation des ouvrages et de diminuer ainsi les risques de désordres pouvant engendrer la responsabilité décennale, peut être soumis à la présomption de responsabilité édictée par l’article 1792 du Code civil » ²⁸. Comme le laisse sous-entendre le libellé même de cette motivation, la responsabilité décennale du bureau de contrôle n’est pas automatique puisqu’elle dépendra de l’importance, respectivement de la nature, de sa mission. Il échet de souligner dans ce contexte que les travaux parlementaires ayant précédé la loi sur la vente d’immeubles à construire du 28 décembre 1976 ne mentionnent guère le contrôleur technique au titre de la garantie décennale ²⁹. C’est à juste titre que l’auteur M. ELVINGER a pu remarquer dans son excellent article qu’« il semble clair que les auteurs de la loi n’ont pas envisagé la situation particulière du contrôle technique » ³⁰. Il appartiendra au tribunal saisi du litige de décider si, concrètement, les tâches exécutées par le bureau de contrôle lui font revêtir la qualité de constructeur. Dans une affaire relative à des infiltrations d’eau apparues suite à la construction d’une école, l’adjudicateur public recherchait entre autres la responsabilité de l’organisme de contrôle intervenu sur le chantier. Ce dernier tentait d’y échapper sous prétexte d’une clause du contrat de mission aux termes de laquelle il ne serait soumis qu’à une obligation des moyens. La Cour d’appel ne s’est cependant pas laissée malmener par cet argument et a écarté l’application de la clause litigieuse au motif que « au vu de l’ampleur de sa mission telle que définie au contrat, cette clause est sans effet, la garantie découlant des articles 1792 et 2270 du Code civil étant d’ordre public » ³¹. Elle insiste par ailleurs sur la nature de la mission de surveillance du bureau de contrôle qui relève, pour la Cour, de l’obligation de résultat : « Si X estime, avec certains auteurs (Marc Elvinger et Myriam Pierrat, La responsabilité des organismes de contrôle technique au Grand-Duché de Luxembourg, Nord Compo, éditions du Jurisclasseur, Mélanges Philippe Malinvaud, p.187 et suiv. 15 avril 2005), que sa responsabilité ne serait que de second rang engendrant tout au plus une obligation de résultat dite allégée,…, il n’en reste pas moins qu’il appartient à l’appelante de prendre elle-même toutes les dispositions pratiques pour exercer son contrôle de façon efficace. X ne saurait partant s’exonérer de sa responsabilité en se prévalant de son manque de présence au chantier. Elle reste également en défaut de préciser à quel évènement exceptionnel elle aurait été confrontée et qui serait de nature à l’exonérer de la responsabilité sur les points retenus dans le jugement » ³². Par analogie, le même raisonnement devrait logiquement être retenu concernant l’obligation de contrôle et de surveillance à charge de l’architecte lorsque celui-ci s’est engagé pour une mission allant au-delà de son intervention minimale découlant de la loi du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d’architecte et d’ingénieur-conseil, à savoir l’établissement d’un projet architectural dans le cadre d’une autorisation de construire.

    Notons encore que la Cour de cassation a eu l’occasion de décider en 2010 que le contrôleur technique, chargé de la surveillance de la conformité de l’étanchéité aux règles de l’art, ne pouvait se décharger de sa responsabilité sous prétexte que le matériel utilisé pour la réalisation des murs n’était pas celui qui était initialement prévu, alors qu’il était préalablement informé du remplacement envisagé ³³. Il semble ainsi qu’il n’existe désormais aucun allègement de la responsabilité des bureaux de contrôle ³⁴, ce qui se trouve parfaitement en phase avec le droit français ³⁵, dont s’inspirent largement nos juridictions.

    Dans l’hypothèse où les garanties biennale et décennale ne devraient pas venir trouver à s’appliquer – notamment lorsque la réception de l’immeuble n’a pas eu lieu – la responsabilité du contrôleur technique pourra être en toute hypothèse engagée sur base de la responsabilité contractuelle de droit commun vis-à-vis de ses contractant et sur le fondement de la responsabilité délictuelle en cas d’absence de lien contractuel, comme ce serait notamment le cas en présence d’un maître de l’ouvrage n’ayant pas directement contracté avec le bureau de contrôle.

    § 4. – Le promoteur

    10  La profession de promoteur immobilier est aujourd’hui définie à l’article 2 de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales.

    Il s’agit de « l’activité commerciale consistant à s’obliger envers le maître d’un ouvrage, à faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d’ouvrage, à la réalisation d’un programme de construction d’un ou de plusieurs édifices, ainsi qu’à procéder ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou partie des opérations juridiques, administratives ou financières concourant au même objet » ³⁶.

    Le rôle du promoteur va cependant aller au-delà de cette définition selon laquelle il va rechercher des entreprises en vue de réaliser une construction selon les désirs d’un maître de l’ouvrage. Il va notamment pouvoir personnellement assumer, totalement ou partiellement, les fonctions de maître de l’ouvrage.

    Ainsi, le promoteur est généralement connu au Luxembourg par le grand public dans le contexte particulier de la vente d’immeubles à construire. Or, comme il sera exposé plus loin, le rôle du vendeur-promoteur portera alors obligatoirement sur la maîtrise du projet de construction alors que l’acquéreur ne pourra quant à lui venir interférer que concernant des points accessoires des travaux à réaliser. En ce sens, la définition fournie par la loi modifiée du 2 septembre 2011 sur le droit d’établissement est beaucoup trop restrictive.

    En réalité, la promotion immobilière peut être définie comme un terme qui abrite de « multiples formes d’organisation d’un programme de construction immobilière » : « Les différents visages que présente la promotion immobilière ont néanmoins ceci de commun qu’ils constituent tous un renversement du processus classique de construction, c’est-à-dire du triangle traditionnel dans lequel un maître de l’ouvrage charge un architecte de la conception et du contrôle de l’exécution des travaux et fait appel à un ou plusieurs entrepreneurs pour la réalisation matérielle de ceux-ci. En fait, quelle que soit l’acception retenue, la promotion immobilière se distingue par le fait que c’est le promoteur, non le maître de l’ouvrage, qui prend l’initiative et la maîtrise du projet, qui en assume le risque commercial et financier et qui offre une globalisation de différents services menant à la réalisation du programme de construction » ³⁷.

    Comme indiqué ci-avant, la forme la plus répandue de la promotion immobilière au Luxembourg est la promotion-vente, c’est-à-dire une opération dans laquelle le promoteur s’oblige à construire ou faire construire par autrui, dans un délai déterminé, un ouvrage pour le compte de son client, et ce, sous la forme de la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA).

    Le promoteur sera assimilé à un constructeur dans le litige l’opposant à l’acquéreur. C’est un vendeur réputé constructeur même s’il n’intervient pas matériellement dans la réalisation de l’ouvrage. L’extension de la garantie décennale aux vendeurs professionnels d’immeubles à construire est expressément prévue à l’article 1646-1 du Code civil, introduit à l’époque par la loi du 28 décembre 1976 sur la vente d’immeubles à construire et disposant que « le vendeur d’immeuble à construire est tenu pendant dix ans, à compter de la réception de l’ouvrage par l’acquéreur, des vices cachés dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792 et 2270 du présent code. Le vendeur est tenu de garantir les menus ouvrages pendant deux ans à compter de la réception de l’ouvrage par l’acquéreur ».

    La jurisprudence explique en effet cette assimilation par le fait que « Le vendeur-promoteur apparaît comme un garant du résultat du travail effectué par l’architecte et l’entrepreneur chargé de l’exécution du travail » ³⁸.

    § 5. – Les sous-traitants

    11  Les sous-traitants sont des corps de métier chargés par un constructeur ou une entreprise générale de l’exécution d’une mission particulière et déterminée de construction, telle la toiture, l’isolation, la façade, les chapes… En d’autres termes, l’entreprise chargée de la réalisation de travaux par le maître de l’ouvrage va elle-même déléguer, respectivement faire réaliser, une partie de son intervention par une entreprise tierce.

    Le sous-traitant est donc un entrepreneur qui, sous la direction d’un autre entrepreneur, souvent principal, s’engage envers ce dernier à réaliser un travail en sous-œuvre.

    Il bénéficie d’un régime lui permettant, sous certaines conditions, de se faire payer directement par le maître de l’ouvrage (voir infra, numéro 103 et suivants).

    En cas de faute de sa part, le sous-traitant peut être condamné à garantir l’entreprise principale de tout ou d’une partie de la condamnation mise à sa charge au profit du maître de l’ouvrage, suivant une proportion que la juridiction saisie du litige appréciera souverainement ³⁹.

    Pour une analyse plus développée du statut du sous-traitant et des conditions d’un paiement direct par le maître de l’ouvrage, nous renvoyons au paragraphe spécialement consacré à cette question, au no 103 et ss.

    Section 2

    DU CÔTÉ DU CLIENT

    § 1. – L’acheteur / acquéreur

    12  L’acheteur originairement est le cocontractant du vendeur dans un contrat de vente. En droit immobilier, on parle généralement de l’acquéreur, à savoir le bénéficiaire du contrat, et ceci tant en matière de vente en l’état futur d’achèvement qu’en matière de vente d’immeubles existants. L’acheteur peut être tant un particulier – une personne physique qui acquiert pour ses besoins personnels – qu’un professionnel, c’est à dire une personne ou une entité qui fait l’acquisition dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle. L’acheteur ne doit dès lors pas toujours et d’office être classé parmi les non-professionnels, respectivement parmi les consommateurs.

    § 2. – Le maître de l’ouvrage

    13  Le maître de l’ouvrage est la personne (personne physique ou morale, privée ou publique) pour le compte de laquelle sont réalisés les ouvrages de bâtiment ou d’infrastructure. Il en est le commanditaire et celui qui en supporte le coût financier (avec des partenaires financiers ou non).

    Le maître de l’ouvrage peut être défini comme « celui envers lequel l’entrepreneur s’engage à fournir un ouvrage, dans le contrat de louage d’ouvrage (spécialement en matière de construction) ». Ce terme marque le pouvoir de direction du maître de l’ouvrage dans la réalisation de la construction, bien qu’il ne soit pas le patron de l’entrepreneur. Une spécificité existe cependant en matière de vente en l’état futur d’achèvement dans laquelle « le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l’ouvrage jusqu’à la réception des travaux » ⁴⁰. L’acquéreur joue ainsi, dans ce type de contrat, un rôle purement passif puisqu’il va laisser au vendeur la liberté de définir les éléments principaux caractérisant sa future habitation, hormis quelques éléments d’équipement ou de décoration intérieure qu’on lui permettra éventuellement de choisir.

    Le maître de l’ouvrage – simple particulier, professionnel, investisseur ou promoteur – sera en conséquence le client de l’entrepreneur qui commande la réalisation de la construction et pourra être tout autant propriétaire du terrain que titulaire du droit de construire : « Ainsi, outre le propriétaire du sol, sera maître de l’ouvrage le preneur qui dispose du droit de construire sur le sol en vertu d’un bail à construction ou d’un bail emphytéotique ; de même, on doit admettre qu’un simple locataire peut avoir la qualité de maître de l’ouvrage si son bail, ou un statut légal, lui confère effectivement le droit de construire sur le sol ou de réaliser sur une construction existante des travaux constitutifs d’un ouvrage et s’il devient le propriétaire de l’ouvrage qu’il a fait réaliser » ⁴¹.

    Le maître de l’ouvrage est à distinguer du maître d’œuvre qui est la personne physique ou morale qui a en charge la réalisation d’un ouvrage. Le maître d’œuvre peut aussi bien être une entreprise à laquelle on a fait appel, qu’un professionnel ou une organisation. Le maître d’œuvre conçoit les plans, organise, supervise, coordonne les différentes personnes qui travaillent sur un même projet et livre le produit une fois terminé. Il est choisi par le maître de l’ouvrage pour qui le projet est réalisé. La législation française définit la mission de maîtrise d’œuvre comme étant celle que le maître de l’ouvrage peut confier à une personne de droit privé ou à un groupement de personnes de droit privé pour permettre d’apporter une réponse architecturale, technique et économique à la réalisation d’un ouvrage ⁴².

    § 3. – Le consommateur

    14  Le consommateur est défini par l’article L010-1 du code de la consommation comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». Ainsi, tout contrat conclu entre un consommateur au sens de la loi et un professionnel défini selon ce même article comme « toute personne physique ou morale, qu’elle soit publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale », sera soumis aux dispositions protectrices du code de la consommation.

    Dès lors que l’acquéreur ou encore le maître de l’ouvrage agissent à des fins privées, non professionnelles, ils sont également consommateurs, et soumis en tant que tels aux dispositions protectrices du code de la consommation.

    Section 3

    LES AUTRES INTERVENANTS PRIVÉS

    § 1. – Le coordinateur de santé et de sécurité

    15  Le coordinateur de santé et de sécurité est un professionnel désigné à l’article 2 du règlement grand-ducal du 27 juin 2008 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles.

    Or, au sens de cette même loi, la notion de « chantier » est extrêmement large puisqu’elle va s’appliquer aux travaux d’excavation, de terrassement, de fondations et soutènement, de travaux hydrauliques, voiries et infrastructures, de pose des réseaux utilitaires, de montage et démontage d’éléments préfabriqués, d’aménagement ou équipement, transformation, rénovation, réparation, démolition, maintenance, entretien et assainissement ainsi que la construction de tout genre, et notamment les bâtiments, maisons unifamiliales, ouvrages industriels et de génie civile, etc. ⁴³.

    L’article 3 de la loi oblige le maître de l’ouvrage à désigner au moins un coordinateur en matière de sécurité et de santé pour tout chantier sur lequel interviennent deux ou plusieurs entreprises.

    Le coordinateur de santé et de sécurité peut être soit un tiers, soit une personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de travail ⁴⁴, mais ayant, en tout état de cause, reçu la formation appropriée.

    Le coordinateur de santé et de sécurité va intervenir non seulement au stade de l’élaboration du projet de l’ouvrage mais également, par la suite, lors de la réalisation proprement dite des travaux ⁴⁵.

    Au stade de l’élaboration, la tâche du coordinateur consiste à concevoir un plan général de sécurité et de santé compte tenu des règles spécifiques en vigueur pour le chantier concerné ⁴⁶.

    Lors de la réalisation de l’ouvrage, le coordinateur est chargé de la mise en œuvre des principes généraux de prévention et de sécurité, de veiller à la sécurité des ouvriers et de prévenir les accidents et les risques professionnels ayant un impact sur la santé, cette liste n’étant pas exhaustive.

    Les coordinateurs de santé et de sécurité doivent avoir reçu une formation appropriée et exercent leurs missions en pleine indépendance, malgré les rapports contractuels, voire le lien de subordination dans lequel ils peuvent se retrouver le cas échéant avec le maître de l’ouvrage, de l’œuvre ou l’entreprise prestataire dont ils relèvent ⁴⁷.

    Qu’en est-il de la responsabilité du coordinateur vis-à-vis du maître de l’ouvrage ?

    Ne participant que très indirectement à la réalisation de l’ouvrage, il n’est en principe pas à revêtir de la qualité de constructeur, à moins qu’à côté des missions de coordination de santé et de sécurité, le coordinateur exerce des fonctions relevant véritablement de l’édification d’un ouvrage.

    Il est intéressant de noter qu’en France, une controverse existait à ce sujet entre les Ministères du Travail et de la Justice. Le premier estimait en effet que « la mission dévolue au coordinateur concerne strictement la prévention et la sécurité des travailleurs et en aucun cas la sécurité de l’ouvrage en tant que telle ou de ses futurs utilisateurs » ⁴⁸. Le second en revanche, en faisant une lecture littérale de l’article 1792 du Code civil, était d’avis que du moment que le coordinateur est lié au maître de l’ouvrage par un contrat d’entreprise – et non pas un contrat de travail – il revêt automatiquement la qualité de constructeur ⁴⁹. Dans son avis du 16 juin 1998, le Conseil d’État français, section des travaux publics, s’est prononcé dans le sens du premier raisonnement en ne retenant pas une telle qualification de constructeur au regard de la portée limitée de son intervention pour l’édification concrète de l’immeuble ⁵⁰. L’on pourrait s’attendre à la même analyse de la part des juridictions luxembourgeoises, lesquelles, au-delà de la forme, s’attachent aux missions concrètes exercées par le professionnel en matière de bâtiment.

    § 2. – L’expert

    16  L’expert peut être défini comme : « L’expert est avant tout un technicien mais en même temps un sapiteur ; il peut être défini comme l’homme versé dans la connaissance d’une science, d’un art, d’un commerce ou d’un métier. C’est l’architecte, l’ingénieur, le peintre, le sculpteur, le médecin le chimiste, le comptable, en un mot le spécialiste que l’on consulte et que l’on charge de faire un rapport dans les constatations auxquelles donnent lieu les questions intéressant la science, l’art, le commerce ou le métier dont il fait profession » ⁵¹.

    Étymologiquement, le terme expert vient du latin « expertus », éprouvé, reconnu, ayant fait ses preuves. L’expert, en langage courant, est donc la personne qui maîtrise parfaitement son domaine de compétence, qui dispose de connaissances approfondies et une solide expérience. C’est un spécialiste reconnu qui réalise des études et des constatations et à qui l’on demande conseil.

    En règle générale, les experts qui sont mandatés par les parties prenantes à un contrat portant sur la construction ou la vente d’un immeuble, en-dehors de tout litige judiciaire, ne sont autres que des architectes ou ingénieurs-conseils, autorisés à exercer leur profession conformément à la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales. Les experts judiciaires sont, de plus, inscrits auprès de la Chambre des experts du Grand-Duché de Luxembourg. Cette inscription requiert, entre autres, une pratique professionnelle d’au moins quatre ans après l’obtention d’un diplôme post-secondaire, dont deux dans la discipline choisie, ou alors de dix ans dans la discipline pour laquelle le candidat au membre de la Chambre veut être admis ⁵².

    Que ce soit dans un cadre amiable ou judiciaire, l’expertise est donc une mesure d’information confiée à un ou plusieurs techniciens pour en obtenir un avis motivé, consigné dans un rapport, sur une question de leur compétence propre ⁵³.

    17  La saisine de l’expert en dehors de tout litige peut se faire tant d’un commun accord des parties qu’à l’initiative d’une seule d’entre elles. Qu’en est-il alors du rapport unilatéral de l’expert, c’est-à-dire établi à l’initiative et en présence d’une seule des parties, généralement le maître de l’ouvrage ? Face au moyen classique de l’adversaire visant à critiquer l’opposabilité d’un rapport pour défaut du contradictoire ⁵⁴ (le principe exigeant que les opérations des experts se fassent en présence des parties ou à condition qu’elles aient été dûment convoquées), la jurisprudence considère actuellement que « Le terme opposabilité doit rester réservé aux expertises judiciaires. L’expert judiciaire doit respecter le principe de contradictoire et c’est le respect du contradictoire lors des opérations d’expertise qui rend son expertise opposable aux parties qui y ont été présentes ou représentées. Cette opposabilité de l’expertise judiciaire ne peut toutefois être étendue à des parties qui sont restées étrangères aux opérations d’expertise. L’expertise unilatérale ou officieuse, qu’une partie se fait dresser à l’appui de ses prétentions ou contestations, n’est par définition pas contradictoire. Toutefois, une telle expertise constitue un élément de preuve au sens de l’article 64 du Nouveau Code de Procédure civile et s’il est régulièrement communiqué et soumis à la libre discussion des parties, il est à prendre en considération en tant qu’élément de preuve et ne peut être écarté en raison de son seul caractère unilatéral » ⁵⁵.

    La Cour de cassation a en effet eu l’occasion de souligner en 2009 que « L’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales qui concerne le droit de tout un chacun de voir statuer équitablement sur ses contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil par un tribunal indépendant et impartial, n’est pas applicable en dehors de tout procès » ⁵⁶.

    Il convient cependant d’insister sur le fait que des décisions divergentes étaient antérieurement intervenues quant à la valeur de ces expertises unilatérales alors que certains jugements ou arrêts retenaient une inopposabilité du rapport à l’égard des parties non participantes aux opérations d’expertise et ce, même si elles avaient pu par la suite avoir communication d’un exemplaire du rapport et qu’elles avaient pu valablement en discuter devant les juridictions saisies du litige.

    De même, la simple participation aux opérations d’expertise n’est pas suffisante pour qualifier le rapport de contradictoire. La Cour a pu décider qu’elle ignorait « dans quelle mesure l’expert a soumis à une discussion complète et objective tous les éléments recueillis au cours de l’expertise et pris en considération les dires de la partie A. En ces circonstances, la Cour ne peut pas accorder à ce rapport d’expertise la force probante d’un rapport amiable contradictoire et encore moins celle d’une expertise judiciaire, mais il y a lieu de le prendre en considération à titre de renseignement. » ⁵⁷.

    En revanche, le principe du contradictoire est fondamental en matière d’expertise judiciaire ⁵⁸, quoi que la nullité qui sanctionne le défaut de son respect ne soit que relative. Les juges ont ainsi été amenés à refuser de la prononcer du moment que les droits des parties n’ayant pas assisté aux opérations d’expertise ont été suffisamment sauvegardés. La jurisprudence estime que tel est le cas lorsque le rapport litigieux a été régulièrement communiqué et soumis aux débats ⁵⁹.

    Qu’en-est-il de la portée des conclusions de l’expert ? L’article 446 du NCPC indique que « Le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien ». Ceci vaut tant pour les expertises extrajudiciaires que pour celles, ordonnées dans le cadre d’un procès en justice. La jurisprudence considère cependant que « les juges ne doivent en effet s’écarter de l’avis des experts judiciaires qu’avec une grande prudence et lorsqu’ils ont de justes motifs d’admettre que les experts judiciaires se sont trompés ou lorsque l’erreur de ceux-ci résulte dès à présent, soit du rapport, soit d’autres éléments acquis en cause » ⁶⁰.

    Par ailleurs, l’expert judiciaire doit en principe remplir personnellement la mission qui lui est confiée. La Cour de cassation française a décidé qu’à défaut de se conformer à cette obligation, ses opérations étaient frappées de nullité ⁶¹.

    Dans la mesure où ils seraient considérés, compte tenu de leurs missions, comme étant des constructeurs, les experts sont redevables envers le maître de l’ouvrage de la garantie décennale. Leur concours à la construction, tel que décrit auparavant, est cependant plutôt exceptionnel. Cependant, la Haute juridiction française a admis la possibilité de retenir la responsabilité d’un expert judiciaire, chargé par une juridiction d’une mission de maîtrise d’œuvre, dès lors que l’existence d’un lien contractuel entre l’expert maître d’œuvre et le maître de l’ouvrage était établie ⁶². L’expert devra partant avoir conscience qu’un dépassement de sa stricte mission d’expertise ordonnée par la juridiction, pourrait l’amener à voir sa responsabilité engagée sur base d’un contrat d’expertise. Tel pourrait notamment être le cas lorsque l’expert va participer directement aux opérations de remise en état d’un immeuble en assurant une véritable mission de surveillance des travaux de reprise à réaliser. Il est bien entendu toujours responsable en cas de faute dans l’exercice de sa mission.

    § 3. – L’agent immobilier

    18  Aux termes de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, l’agent immobilier est un professionnel qui exerce l’activité commerciale consistant à intervenir comme intermédiaire dans les opérations portant sur les biens immobiliers. « Cette intermédiation est généralement effectuée à titre de courtier dans le sens où l’agent immobilier met en relation deux personnes en vue de la conclusion d’un contrat portant sur des biens immobiliers » ⁶³.

    Lorsqu’il agit en tant qu’intermédiaire, mettant en contact un vendeur et un acheteur, l’agent immobilier est juridiquement lié à son co-contractant par un contrat de louage d’ouvrage, plus précisément un contrat d’entreprise, même si le plus souvent, son contrat sera intitulé « mandat » (de vente notamment). Ce n’est pourtant que si sa tâche consiste effectivement à conclure un contrat en lieu et place du maître de l’ouvrage qu’il est à qualifier de mandataire, ce qui n’est en pratique presque jamais le cas.

    Le contentieux en matière de contrat d’agence immobilière peut être regroupé autour de deux catégories principales : d’une part, l’obligation de renseignement et de conseil de ce professionnel et, d’autre part, son droit à rémunération en l’absence d’un contrat écrit ; une analyse détaillée de son statut dépasserait cependant le cadre du présent ouvrage ⁶⁴.

    Section 4

    L’INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS

    18-1 Nous n’allons pas entrer dans le détail de toutes les réglementations publiques affectant de près ou de loin l’immobilier, qui d’ailleurs changent de commune en commune au niveau du règlement des bâtisses notamment.

    Par contre, l’intervention accrue des autorités publiques a fortement influencé ces dernières années le domaine de la construction, d’un côté par l’instauration d’un droit de préemption au profit de l’État et des communes ainsi que le Fonds pour le développement du logement et de l’habitat, d’autre part par l’exigence de la mise en place d’un passeport énergétique, de sorte que nous ne pouvions passer complètement sous silence ces deux réglementations.

    § 1. – Le droit de préemption des pouvoirs publics

    19  En effet, l’on ne peut parler de la vente immobilière sans mentionner le droit de préemption, introduit dans notre ordre juridique par la loi dite « Pacte logement » du 22 octobre 2008 et étendu par la loi « Omnibus » du 3 mars 2017, entrée en vigueur le 1er avril de la même année.

    Il s’agit d’un mécanisme permettant au pouvoir préemptant, l’État, les communes ou le Fonds pour le développement du

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