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Retour à Gaïa: Thriller
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Livre électronique294 pages3 heures

Retour à Gaïa: Thriller

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À propos de ce livre électronique

Le meurtre d'un professeur amène un jeune romancier à faire son enquête et découvrir le rites cheyennes.

Lors d’un séminaire, le romancier Baptiste Beltram croise la route du professeur Delmont, un conférencier à la retraite qui consacre son temps et son énergie à tenter d’alerter l’opinion publique sur le désastre écologique qui menace la Terre. Cet homme semble bien connaître Baptiste et attendre beaucoup de lui… Lorsque ce dernier assiste, impuissant, au meurtre du vieux professeur, il décide d’embrasser cette cause, sans pour autant en comprendre tous les tenants et les aboutissants.
D’Istanbul à New York, en passant par Paris et la Chine, Baptiste devra déjouer les pièges tendus par une organisation prête à tout pour le faire taire.

À cinq cents ans de là, Yepa, une jeune Cheyenne, se destine à devenir guérisseuse. Elle va connaître l’arrivée des Blancs sur ses terres et les bouleversements profonds qui vont marquer le quotidien de son peuple. Baptiste ne sait pas encore qu’il retrouvera sa trace, des siècles plus tard.

Plongez-vous dans un thriller haletant et découvrez les liens qui unissent les hommes à la nature au travers des coutumes Cheyennes. Un demi-siècle sépare ces deux histoires qui finissent par s'entrecroiser.

EXTRAIT

Cette vénération pour la terre était maintes fois exprimée au cours de cérémonies et fêtes données lors d’événements marquants. La terre nourricière, avant tout, qui leur assurait les moyens de subsistance indispensables ; la terre protectrice, sans laquelle ils ne pourraient ni se chauffer ni s’abriter ; la terre spectacle enfin, qui leur offrait des paysages à couper le souffle et des tableaux somptueux au gré des saisons. Pourtant, l’homme avait sa place dans cette nature sauvage et dure et cette place il devait la gagner, jour après jour, et selon sa peine. Pour y arriver, son peuple avait divisé les tâches quotidiennes d’une manière pragmatique et les hommes et les femmes étaient très tôt initiés aux gestes et attitudes essentiels pour la survie de la communauté. Les sages guérisseurs ne manquaient jamais de rappeler à tous, lors des rituels et des cérémonies, la position que leur peuple occupait dans cette nature. L’être humain appartenait au monde et non l’inverse.
Dans cet univers où tout était interrelié, dans un échange incessant de vibrations et d’énergie, l’homme ne représentait qu’une des branches du vivant parmi les végétaux et les frères animaux dont il devait obtenir respectueusement le concours s’il voulait se nourrir et se vêtir.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Un excellent thriller ésotérique sur fond d'écologie et spiritualité. - Cocomylady, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Placide Petralia, formateur pour adultes, a commencé très tôt à écrire des poèmes, des nouvelles et des textes de chansons. Sa curiosité insatiable le conduit à s’intéresser à la communication, au développement personnel et à la question du devenir de la planète et de nos sociétés. L’auteur s’interroge sur la place de l’homme et sa responsabilité face aux enjeux majeurs qui se présentent à lui. Avec ce premier roman, il nous livre les prémices de sa réflexion sur nos modes de vie et de pensée et les pistes qui pourraient nous inspirer sur le chemin qui mène à soi.
Les principaux thèmes abordés dans le récit sont repris et développés sur le site Internet de l’auteur : www.placidepetralia.com.
LangueFrançais
ÉditeurThoT
Date de sortie13 déc. 2018
ISBN9782849214718
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    Aperçu du livre

    Retour à Gaïa - Placide Petralia

    anges.

    1

    — Combien de temps faudra-t-il ?

    — Ça dépend !

    — Ça dépend ? De quoi ? De la volonté ? Encore un concept bien humain ! Elle a bon dos la volonté ! Que n’a-t-on pas mis sur le compte de ce concept ! « Avec de la volonté, on peut soulever des montagnes ! », « Si on veut, on peut ! », comme s’il suffisait de décréter : « Allez tiens ! Je vais avoir de la volonté » pour obtenir ce que l’on veut.

    — Tu as raison.

    — Alors ?

    — Alors, il lui faudra puiser dans des ressources inédites. Envisager des approches différentes.

    — Emprunter des chemins inconnus ?

    — C’est cela ! Le plus dur sera d’abandonner ces concepts du passé : la volonté, le compromis, la compétition, la force…

    — Et faire confiance à l’intuition, la coopération, le consensus ?

    — Exactement ! La route est longue et ardue. Mais ça en vaut la peine.

    Les deux voix s’évanouirent dans la nuit. Avait-il rêvé ? Ou bien était-ce encore une de ces hallucinations toujours plus fréquentes ? Il se leva et alla se rafraîchir le visage au lavabo de la salle de bains. Il était bientôt quatre heures du matin et il décida de se remettre au travail, ce travail qui l’occupait maintenant depuis trois ans, depuis ce jour où tout avait basculé dans sa vie. Il s’assit à son bureau, alluma l’ordinateur portable et se tint la tête entre les mains en attendant le démarrage des logiciels. Après une minute, il leva les yeux et vit apparaître les icônes à l’écran. Il cliqua sur celle intitulée « Écrits ». Le document ouvert, il relut ce qu’il avait rédigé la veille, y apporta des corrections et reprit l’écriture de la suite de son récit. Avril était passé comme une flèche et il lui restait quatre mois pour finir le nouveau roman commandé par son éditeur. Quatre mois et après, il ferait une pause. Il travailla jusqu’au lever du jour et descendit pour se rendre à la maison de la presse du quartier et acheter les journaux du matin. La lecture des quotidiens était une source essentielle de sa créativité et il avait instauré ce rituel au début de sa carrière de romancier. Perdu dans ses pensées, comme en état d’hypnose, il n’entendit pas tout de suite la voix. Puis revenant à lui, il la perçut, cette fois distinctement.

    — Bonjour, Baptiste !

    Il s’arrêta net et, en se retournant, se demanda s’il avait manqué une étape.

    — J’ai rêvé ! se dit-il pour se rassurer.

    Au moment où il allait rependre son chemin, la voix se fit entendre de nouveau :

    — Non, vous n’avez pas rêvé !

    Cette fois-ci, aucun doute, la voix était bien réelle. Derrière lui, personne, ni sur le trottoir d’en face ni au-dessus, à l’une des fenêtres du bâtiment qu’il était en train de longer. Se pouvait-il que… ? Son regard se focalisa sur le seul occupant du trottoir : l’horodateur. Il s’en approcha à pas lents et se mit à l’examiner.

    — Les horodateurs parlent maintenant ! dit-il, amusé, mais sur ses gardes. Il sourit et allait repartir.

    — Parfois !

    Il sursauta. Une voix distincte, humaine venait de surgir de l’appareil. Stupéfait, il hésita une minute puis sa raison prit le relais. « Encore un coup de ces gamins qui se prennent pour des génies de l’informatique et qui ont bidouillé un système pour faire parler un horodateur, pensa-t-il. Ils doivent se tapir derrière une fenêtre de l’immeuble d’en face, morts de rire, se taper sur les mains et se dire qu’ils ont ridiculisé un passant de plus. »

    Son portable sonna. Il hésita un moment, déstabilisé. La voix reprit :

    — Répondez, c’est Emma !

    Les yeux écarquillés, pointés sur la machine, il tira le téléphone de la poche intérieure de son manteau et appuya sur le bouton. Il s’entendit bafouiller :

    — Oui ?

    Un silence.

    — Oui, ça va !… Enfin presque… Non, je t’expliquerai. Il scrutait l’horodateur tandis qu’il écoutait son Emma. Non, non, je n’ai pas oublié… Vingt heures, oui ! D’accord… Oui, oui, ça va… OK… À ce soir… Oui… Moi aussi. Je t’embrasse.

    Il resta figé devant l’appareil.

    — Mais qu’est-ce que… ?

    Une porte d’immeuble s’ouvrit. Un homme âgé en jogging sortit sur le trottoir, tenant un petit chien en laisse. Une voiture passa dans la rue. Le quartier s’animait, mais toujours pas de voix. Son esprit était embrouillé. Puis il se rendit compte qu’il devait paraître idiot, planté là à examiner un horodateur. Il promena son regard autour de lui et constata qu’il n’était pas observé. Il reprit sa marche en se demandant si la voix allait encore l’interpeller. Mais rien ne vint. À son grand soulagement. Au bout de la rue, il entra dans la maison de la presse et se servit sur le stand réservé aux quotidiens. Les journaux sous le bras, il rentra chez lui en évitant de repasser devant l’horodateur. Il se remit au travail jusqu’au soir. Vers dix-neuf heures, il prit une douche, s’habilla et se rendit chez Emma.

    Le dîner en tête à tête lui apporta le réconfort espéré. Il ne lui parla pas de la scène vécue devant l’horodateur, mettant cela sur le compte de la fatigue. Les mets qu’elle lui servait étaient toujours simples et bien préparés. À la fin du repas, il la regarda se diriger vers la cuisine pour aller chercher le dessert et se dit qu’il avait de la chance de l’avoir rencontrée deux ans plus tôt au cours d’une séance de dédicaces dans la plus grande librairie de la ville.

    — Pour quel nom ?

    — Emma.

    Il leva les yeux sur la jeune femme.

    — Vous savez que vous avez des airs de…

    — Emma Thomson ? coupa-t-elle ! Il paraît, oui. Mais la remarque semblait lui déplaire.

    — Désolé ! On vous l’a déjà dit. J’adore cette actrice.

    Un peu confus, il ouvrit le livre à la première page et écrivit : « Pour Emma, une lectrice unique. »

    — Ne soyez pas gêné, vous pouvez encore vous racheter en m’offrant un verre après votre séance de dédicace, murmura-t-elle en se penchant à son oreille.

    Cela lui plut. Il approuva d’un signe de tête et ils convinrent de l’heure et du lieu de rendez-vous le soir même.

    Les instants qu’ils passèrent ensemble furent agréables. Il trouva Emma naturelle et spontanée. Deux qualités qui avaient cruellement fait défaut, dans son entourage professionnel, avant le licenciement. Au moment de se séparer, elle lui griffonna son numéro de téléphone sur un bout de papier.

    — J’aimerais vous revoir, lui dit-elle en le glissant dans la poche du revers de sa veste.

    « Comme dans un film », pensa-t-il.

    Il s’éloigna à pas lents.

    — Je ne suis pas un homme facile ! lâcha-t-il en lui souriant.

    Ils se retrouvèrent. Au musée, d’abord, pour une exposition des œuvres de Kandinsky, où ils se découvrirent une passion commune pour la peinture. Au cinéma, pour la première d’un film d’Almodovar. Dans un restaurant japonais, pour déguster « les meilleurs makis de la ville » selon elle. Il n’avait pas vécu d’instants aussi intenses et riches depuis des mois. Enfin, il l’invita chez lui un soir pour lui faire goûter un plat sicilien : des paupiettes, réalisées à base de viande de bœuf hachée, de fromage râpé, de persil et d’oignons émincés, et passées à la poêle, recette apprise dans son enfance en regardant sa mère. L’asti qu’ils savourèrent leur monta à la tête et ils firent l’amour, ce soir-là, pour la première fois.

    Il était encore perdu dans ses souvenirs quand elle revint avec le dessert.

    — Alors ? Qui est cette beauté qui accapare tes pensées ?

    Lorsqu’elle fut tout près, il la regarda en silence, l’attira à lui doucement et appuya sa tête contre son ventre. Ses mains remontèrent de chaque côté de ses longues jambes sous sa jupe ample pour parvenir à l’endroit où les bas laissaient la place à la douceur de la peau. Puis il souleva la jupe et déposa des baisers tendres sur les cuisses de son amante.

    2

    Accroupie au bord de la rivière, le regard fixé au loin, la jeune Cheyenne resta immobile de longues minutes, à l’affût du moindre bruissement de feuilles ou frémissement de buissons qui pouvait lui indiquer l’approche tant désirée de Yahto ¹. Même si son peuple n’avait pas de mot pour exprimer le temps, elle ne pouvait s’empêcher de penser que depuis le départ de son homme pour la chasse, elle commençait à le trouver long. Elle avait nettoyé le tipi et ramassé les plantes et autres racines, graines et bulbes dont sa sœur aînée, Kateya ², la première femme de son foyer, avait besoin pour cuisiner. Depuis que sa tribu avait installé le nouveau campement, au pied d’une colline, au bord d’une large rivière, l’effervescence des premiers jours avait laissé la place à la routine. Les femmes et les enfants arpentaient les alentours pour ramasser du bois, des fruits et des baies de toutes sortes. Les hommes s’aventuraient toujours plus loin et rapportaient le gibier, abondant dans la région, dont une partie serait consommée sur-le-champ et l’autre, séchée ou fumée pour être stockée. Il n’était pas rare qu’un chasseur parti seul rentre plus tard et Yepa ³ ne s’en inquiétait pas outre mesure. Elle savait son retour imminent et elle l’appelait de tous ses vœux, ne supportant plus les railleries et le traitement dur que lui infligeait sa sœur. Celle-ci ne manquait pas une occasion de lui ressasser que, toute Yepa qu’elle était, elle serait toujours la seconde femme. En présence de Yahto, Kateya évitait de harceler Yepa, elle avait trop peur de s’attirer les foudres de leur homme si elle dépassait les limites qu’il posait à chacune.

    C’était une belle matinée de printemps et la prairie luxuriante ondoyait au sud par-delà le cours d’eau. Des saules et des sassafras bordaient la rivière et de nombreux oiseaux sur les branches pépiaient gaiement. Elle appartenait à un peuple de chasseurs-cueilleurs pacifiques, respectueux de la nature qu’ils plaçaient au sommet de leur pyramide de valeurs. Cette vénération pour la terre était maintes fois exprimée au cours de cérémonies et fêtes données lors d’événements marquants. La terre nourricière, avant tout, qui leur assurait les moyens de subsistance indispensables ; la terre protectrice, sans laquelle ils ne pourraient ni se chauffer ni s’abriter ; la terre spectacle enfin, qui leur offrait des paysages à couper le souffle et des tableaux somptueux au gré des saisons. Pourtant, l’homme avait sa place dans cette nature sauvage et dure et cette place il devait la gagner, jour après jour, et selon sa peine. Pour y arriver, son peuple avait divisé les tâches quotidiennes d’une manière pragmatique et les hommes et les femmes étaient très tôt initiés aux gestes et attitudes essentiels pour la survie de la communauté. Les sages guérisseurs ne manquaient jamais de rappeler à tous, lors des rituels et des cérémonies, la position que leur peuple occupait dans cette nature. L’être humain appartenait au monde et non l’inverse.

    Dans cet univers où tout était interrelié, dans un échange incessant de vibrations et d’énergie, l’homme ne représentait qu’une des branches du vivant parmi les végétaux et les frères animaux dont il devait obtenir respectueusement le concours s’il voulait se nourrir et se vêtir.

    Yepa en était là dans ses pensées quand une truite arc-en-ciel de belle taille s’aventura près du bord. En un instant, elle avait bondi sur elle et l’avait agrippée avec ses ongles. Yepa, très habile pour la pêche à mains nues, en avait fait une de ses spécialités. De l’eau jusqu’aux genoux, elle ne fit pas attention à une pierre plus haute très glissante dans le lit de la rivière et ne put éviter de poser le pied sur celle-ci. La suite se déroula comme en accéléré. Elle perdit l’équilibre et lâcha sa prise pour amortir sa chute. Elle eut le temps de voir une flèche se ficher dans le corps de la truite avant que celle-ci ne retombe dans l’eau. Lorsqu’elle émergea, elle entendit un éclat de rire et se trouva ridicule, un peu honteuse de s’être donnée ainsi en spectacle. Pour faire bonne figure, elle fit l’effort de récupérer la truite avant que le courant ne l’emporte.

    Debout sur un roc surplombant la rivière, Yahto avait replacé l’arc sur son épaule et entreprit de descendre en sautant d’un rocher à l’autre pour rejoindre Yepa. Il l’aida à sortir de l’eau et ils échangèrent des sourires. Puis il lui fit signe de le suivre jusqu’à l’endroit où il avait posé le fruit de sa chasse. Ils rentrèrent au camp à pas lents, chargés lourdement et heureux d’être de nouveau réunis.

    Ce soir-là, il y eut une grande fête dans le tipi de Yahto en l’honneur de son retour et de la quantité de gibier qu’il avait rapporté. Celui-ci était mis en commun dans sa tribu et la viande était ensuite distribuée à chacun selon ses besoins.

    Dans le foyer de Yahto, Kateya était sa première femme, Tyee ⁴ et Hehawee ⁵, les enfants de cette première union. Yepa était devenue sa seconde femme lorsque la mère des deux sœurs, veuve depuis longtemps, avait été emportée par une maladie. La vie dans leur tipi ne souffrait d’aucune improvisation et chacun connaissait parfaitement son rôle et sa place. À Kateya incombait la tâche de cueillir toute nourriture qui pouvait subvenir aux besoins du foyer et de faire la cuisine. Yepa devait l’aider et avait en plus la charge de ramasser les plantes dotées de vertus médicinales. Elle préparait les tisanes, les décoctions et les poudres qui servaient à soigner, panser et soulager les maux de toutes sortes. Elle apprenait cela de ses enseignants, qui avaient remarqué ce don chez elle, et se passionnait pour cette activité qu’elle prenait très à cœur. Tyee et Hehawee devaient veiller à ce que le tipi soit toujours propre et que l’eau ne manque pas. Ils étaient assez grands à présent pour laver les ustensiles de cuisine et ils devaient s’assurer que tout soit bien rangé lorsque Kateya se mettait au travail. Ce soir-là, il y avait de la truite cuite sur pierres bouillantes et du pemmican ⁶. Des légumes variés accompagnaient le tout.

    Le repas terminé, le moment que tout le monde attendait arriva enfin lorsque Yahto se mit à raconter par le menu détail les péripéties de sa chasse. Les deux enfants, les yeux écarquillés, ne manquaient pas une de ses paroles et ne cessaient de poser des questions auxquelles Yahto se faisait un devoir de répondre par des envolées lyriques. Il se prêtait d’autant plus volontiers à ce jeu qu’il avait l’art et la manière pour décrire avec précision ses moindres faits et gestes lorsqu’il tuait un lièvre, frondait un volatile ou achevait un cerf. Sans rien laisser paraître, les deux femmes l’écoutaient aussi avec une attention particulière et pouvaient ainsi entrer dans le monde très secret des chasseurs.

    Finalement, Tyee et Hehawee eurent du mal à garder les yeux ouverts et leurs bâillements répétés furent le signal pour tous que la soirée arrivait à son terme et que tout le monde devait se hâter d’aller dormir. Sur un matelas d’aiguilles de pin, les enfants se glissèrent sous des fourrures de bison et ne tardèrent pas à s’endormir profondément. Kateya s’allongea près d’eux, car la dernière fois que Yahto était rentré de la chasse elle avait partagé la couche de son homme. C’était donc au tour de Yepa de s’étendre auprès de celui qu’elle avait tant attendu et lorsqu’il la serra dans ses bras musclés, elle se laissa emporter dans l’étreinte vigoureuse qu’il brûlait de partager avec elle depuis le moment où il l’avait vue toute mouillée au bord de la rivière.

    1. La couleur bleue.

    2. Traces de pas dans le sable.

    3. Princesse de l’hiver.

    4. Chef.

    5. Elle rit.

    6. Viande de bison séchée puis broyée et mélangée à des baies et des herbes.

    3

    Comme à son habitude, Emma se leva tôt. Une fois douchée et habillée, elle avala un café et partit au bureau, non sans avoir déposé un baiser sur la joue de son amant, à demi endormi. Un peu plus tard, Baptiste émergea lentement de son sommeil. Une fois debout, il prit une douche, s’habilla et descendit au bar du coin.

    — Un grand café et un croissant ? lança le patron.

    Installé toujours au même endroit derrière la large baie vitrée, Baptiste pouvait ainsi regarder les passants partir travailler. Après le petit déjeuner, il rentrait chez lui pour reprendre la rédaction de son roman. Le temps comptait ! Écrire avait été sa bouée de sauvetage au moment d’être licencié. L’acte lui-même représentait une sorte de catharsis en même temps qu’il lui procurait un véritable plaisir. Il avait commencé par jeter des phrases sur le papier, puis une idée de roman avait émergé et s’était dessinée distinctement. Il lui fallait exprimer son vécu professionnel : la réduction des effectifs, l’augmentation progressive de sa charge de travail, du nombre de ses missions, les heures supplémentaires l’obligeant à rester au bureau de plus en plus et surtout, surtout, le manque de reconnaissance. Puis tout s’enchaîna : le burn-out, la période de convalescence, la reprise pénible du travail et pour finir le licenciement. Des épreuves terribles dont il gardait encore un souvenir douloureux. Un roman social, voilà l’idée ! Il commença à rédiger quelques chapitres et, au fur et à mesure qu’il avançait dans l’histoire, il fut surpris du plaisir que lui procuraient l’écriture et l’intensité du processus de création. Il en parla autour de lui, ce qui constitua la deuxième étape cruciale. « Un roman ! Mais c’est génial. Et ça porte sur quoi ? » Il dut admettre la difficulté de s’exprimer sur son travail, d’aller à l’essentiel, de synthétiser sa pensée. Une amie insista pour en lire un chapitre.

    « C’est pas mal ! On a envie de connaître la suite. »

    Cette première confrontation l’incita à continuer et à terminer un premier jet. D’autres encouragements suivirent.

    — Tu vas le proposer à un éditeur ? Qu’est-ce que t’as à perdre ? L’idée fit son chemin. Il se décida enfin à envoyer son manuscrit, trois semaines avant de recevoir la lettre recommandée de son employeur.

    Un matin, le téléphone retentit. La maison d’édition souhaitait le rencontrer. Le texte, malgré des maladresses dues à un manque d’expérience, avait attiré l’attention. Encore sous le choc du licenciement, il eut un premier entretien et se vit proposer un contrat. Au plaisir d’écrire s’ajouta la nécessité de passer à une autre vie. Il s’était trouvé à la croisée des chemins et il pensait que le destin avait choisi pour lui.

    Le premier roman ne fut pas un succès de librairie, loin de là, mais il laissa entrevoir de « réelles potentialités d’écriture » comme le stipulait la seule critique parue dans une revue spécialisée. Sa maison d’édition décida de poursuivre l’aventure pour un nouveau roman et lui renouvela son contrat au moment où il ne s’y attendait plus. Ce deuxième roman lui valut quelques critiques plus élogieuses et l’éditeur lui demanda alors s’il était prêt à écrire un ouvrage par an. C’était un défi pour lui, mais cette expérience lui avait au moins appris qu’il prenait du plaisir à mettre le fruit de son imagination noir sur blanc. Il se laissa convaincre qu’il pouvait tenir le rythme et se mit à travailler d’arrache-pied.

    Mais cette cadence commençait à lui peser. Plusieurs années à produire des romans avaient fini par entamer son énergie. Il s’était usé à courir après le temps pour respecter les délais, le cahier des charges, les conférences et les diverses interviews données pour la promotion dans les médias. Il fallait trouver une sortie, une échappatoire, souffler un peu. Ce jour-là, il quitta son ordinateur, à la mi-journée, pour se préparer un plat de pâtes. Il les accommoda d’un peu d’huile d’olive et de parmesan. Son repas avalé, il s’installa à nouveau devant l’écran, relut le dernier paragraphe, y apporta quelques ajouts et reprit la suite de son récit.

    Au milieu de l’après-midi, la sonnerie du téléphone retentit. L’affichage du combiné indiqua « Anonymous » et après quelques secondes il se décida à décrocher.

    — Oui ?

    — Monsieur Beltram ? Bonjour !

    — Bonjour.

    — Monsieur Beltram, j’espère ne pas vous déranger, mais je ne serai pas trop long. Connaissez-vous le programme « Aide au Sahel » de l’Unicef ?

    — Non ! répondit Baptiste, attentif.

    — Ce programme concerne les enfants du Sahel qui souffrent de malnutrition. Vous avez certainement entendu parler des difficultés croissantes pour les nomades de ces régions, lourdement

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