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Un roman dont vous êtes la victime - Laissez-les brûler
Un roman dont vous êtes la victime - Laissez-les brûler
Un roman dont vous êtes la victime - Laissez-les brûler
Livre électronique214 pages2 heures

Un roman dont vous êtes la victime - Laissez-les brûler

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À propos de ce livre électronique

La série des Romans dont vous êtes la victime présente des choix narratifs déchirants au lecteur. Ici, pas besoin de calculs ni de notes; que des décisions à prendre, qui mèneront inévitablement à des péripéties et des fins différentes.

Vous comprendrez bien vite qu’il y a parfois des conséquences pires que la mort.

Une pluie diluvienne. Un enterrement.

Un curé qui abandonne la cérémonie.

Des croix de chemin drapées de flammes.

Un incendie indomptable dans un rang de
Saint-Odilon.

Sarah Bonenfant, pompière volontaire, prévoyait passer son weekend au chalet.

L’appel d’urgence la rejoint au fond du bois.

L’incertitude lui noue la gorge. Pendant que son doigt frôle le bouton de sa radio, elle doit choisir.

Rester au sec. Ou combattre.
LangueFrançais
Date de sortie9 avr. 2020
ISBN9782898190148
Un roman dont vous êtes la victime - Laissez-les brûler
Auteur

Dominic Bellavance

Dominic Bellavance est bachelier multidisciplinaire en création littéraire, en littérature québécoise et en rédaction professionnelle. Il est lauréat d’un prix Aurora Awards et a été finaliste aux Prix littéraires Bibliothèques de Québec — SILQ.

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    Aperçu du livre

    Un roman dont vous êtes la victime - Laissez-les brûler - Dominic Bellavance

    Green

    Chapitre 1

    Assise à l’arrière de la nef, le plus près possible de la sortie, Sarah observait d’un œil scrutateur la marée humaine à l’intérieur de l’église de Saint-Odilon-de-Cranbourne. Tout le monde portait du noir de la tête aux pieds, à l’exception des maladroits qui avaient ignoré le code vestimentaire exigé par les célébrations de funérailles catholiques.

    Cela faisait tout drôle pour Sarah de voir Alexis Paré habillé en soutane, debout sur la chaire, en train de prêcher devant ses fidèles. Depuis combien d’années ne lui avait-elle pas adressé la parole ? Cinq ans ?

    Certes, Alexis faisait beaucoup jaser au village. Sarah savait que personne n’osait encore l’appeler « monsieur le curé », étant donné qu’il était plutôt jeune pour avoir cette position dans l’Église. En temps normal, la prêtrise était un club réservé aux croûtons échevelés dans la soixantaine, et de son côté, Alexis n’avait même pas trente ans. Il n’avait surtout pas la tête de l’emploi. Si la plupart des curés du Québec étaient aussi attirants sexuellement qu’un tronc d’arbre, Alexis avait tout pour lui : en plus d’avoir un regard capable de faire fondre du beurre sans micro-ondes, il ressemblait comme deux gouttes d’eau à l’acteur Kit Harington, qui incarnait Jon Snow dans Game of Thrones. Sans les problèmes d’alcool. Les gars comme lui, avec des cheveux noirs légèrement bouclés, une barbe fine, des yeux perçants comme ceux-là, le tout assorti avec un air mystérieux et sombre, on ne les appelait pas « monsieur le curé ».

    Sarah se demandait si les dames assises dans les premières rangées devaient changer leurs sous-vêtements en revenant chez elles le dimanche, après chaque célébration. Un charisme comme le sien ne s’inventait pas.

    Sarah en savait quelque chose.

    Et pourtant…

    Ce matin-là, le sermon d’Alexis ne collait en rien avec l’image qu’elle avait conservée de ce jeune homme, de l’époque où elle et lui étaient, disons… plus proches. L’homélie était saccadée, maladroite. Alexis bégayait sans cesse ; on aurait dit un gamin de troisième année du primaire qui récitait un exposé oral, les yeux plantés sur sa feuille de notes, les fesses serrées.

    Une odeur de chien mouillé flottait dans l’église ; il devait y avoir une centaine de parapluies dégoulinants cachés sous les bancs. La lumière turquoise filtrée par les vitraux latéraux donnait une ambiance tout sauf chaleureuse à ce lieu de culte. Sarah grelotta. Elle songea à remettre son manteau sur ses épaules.

    Elle lorgna la sortie du coin de l’œil, encore une fois, puis redirigea son attention vers le curé.

    Devant l’autel, Alexis réajusta le micro filiforme accroché à sa tête. Il prit une profonde inspiration ; les haut-parleurs retransmirent un sifflement aigu dont l’écho subsista quelques secondes sous le plafond vertigineux.

    — Ne crains point.

    Le « p » avait explosé dans les enceintes. Alexis bougea son micro une deuxième fois.

    — Je suis… le Premier et le Dernier, et le Vivant. J’ai été mort…

    Il s’essuya le visage avec la manche de sa soutane, tout en observant les paroissiens assemblés devant lui. Il cligna des yeux à répétition comme s’il venait de se réveiller.

    Enfin, il continua :

    — … et voici que je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clés de la mort et de l’Enfer.

    Sarah ignorait si c’était le cercueil à la base des marches de la chaire qui troublait Alexis à ce point. Avait-il connu feu Ludovic Jolicoeur personnellement ?

    Sarah se pencha à l’oreille de Justine, assise à sa gauche.

    — Cibole. On dirait qu’il est aussi magané que toi.

    Depuis qu’elle avait déposé ses fesses de taille 3 sur le banc d’église, aux côtés de Sarah et de Bianca, Justine se plaignait sans cesse d’avoir mal à la tête. Sarah se demandait si Alexis et elle n’avaient pas attrapé le même microbe.

    — J’ai l’air si pire que ça ? maugréa Justine. Je me suis arrangée avant de venir, pourtant. Mon fond de teint est flambant neuf.

    — Ta face rayonne pas de santé. Même si t’en avais mis trois couches, ça aurait rien changé.

    — J’ai fait ce que j’ai pu.

    Agacée, Bianca souffla en direction de Sarah et de Justine :

    — Chut ! Voyons, les filles !

    — Calme-toi, répondit Sarah en chuchotant. On est assises au fond. Personne nous entend.

    Comme elles, plusieurs personnes tournaient la tête pour discuter à voix basse avec leurs voisins, sûrement pour commenter l’état général du curé.

    — En passant, dit Bianca en sifflant les mots entre ses dents, pourquoi t’es pas venue à l’exposition de Ludo, hier ? Je pensais que tu connaissais sa famille. Tes parents étaient pas amis avec les Jolicoeur ?

    — Mes vieux sont pas ici, ils sont en croisière dans le Sud avec mon frère. Nah… Ça aurait été vraiment bizarre que je me pointe sans eux.

    Bianca haussa les sourcils, étonnée.

    — Comment ça, « bizarre » ? Qu’est-ce qu’il peut y avoir de bizarre à venir serrer des mains et à dire « mes sympathies » ? Moi, j’aurais ben trop peur qu’on remarque mon absence. Le village aurait jasé.

    — C’est pas une catastrophe. Tout le monde sait que ma famille est partie. Ils ont dû penser que j’étais avec eux.

    — Pourquoi t’as pas pris l’avion, toi ?

    — J’ai mes raisons, Bianca.

    — En tout cas, aujourd’hui, les gens voient que t’es là… Je te le dis, ça va jaser.

    — Chuuuuuuuuut ! ironisa Justine, clairement à l’attention de Bianca, qui lui avait fait le même reproche.

    Mais comme prévu, personne ne semblait avoir remarqué cette petite discussion. Les trois personnes assises directement en avant d’elles devaient cumuler 405 années de vie terrestre à elles seules. Si elles avaient un superpouvoir, ce ne devait pas être lié à l’audition.

    — Je voulais juste pas y aller, OK ? J’aurais même pas su où me placer dans la salle.

    Bianca la fixa deux secondes, comme si son pouvoir à elle, c’était de juger le monde sans intermittence.

    — Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

    — Le gars dans le cercueil, là-bas. C’était mon… chum ?

    — HEIN ? dirent Justine et Bianca.

    Sarah se frotta le visage, privilège de fille qui ne mettait jamais de maquillage.

    — Ah… C’est compliqué. J’ai rencontré Ludovic sur Tinder il y a de ça même pas deux semaines. On se voyait un soir sur deux. Pour le fun. Sans arrière-pensées. Vous comprenez ? On a pas eu le temps de faire grand-chose. Je savais même pas si on était exclusifs, j’ai pas osé demander ce qu’il voulait tirer de « ça », de « nous ». Et sa famille était au courant de rien. Vous m’auriez vue, vous autres, me pointer à l’exposition hier pour annoncer la nouvelle à sa mère ? « Salut, Francine. Mon nom, c’est Sarah Bonenfant, j’étais la blonde secrète de ton fils de 28 ans… ou 29, je sais pas trop, bref… Ça te dérange-tu si je viens ramasser des sympathies à côté de toi ? » Jamais de la vie.

    — Voyons, Sarah, protesta Bianca. T’aurais pu nous le dire. Le gars dans le cercueil, c’est ton chum ?

    — Je viens de te dire que non. Je l’sais pas. Asti. Arrête.

    — Sacre pas dans une église.

    — J’ai pas sacré.

    Justine, qui avait déjà l’air malade sous son épaisse couche de maquillage, eut du mal à cacher son malaise en entendant l’histoire de Sarah.

    — Tu te sens comment ? demanda-t-elle avec douceur, en posant une main sur son avant-bras.

    — Je le sais pas, comment je me sens, Justine. Est-ce que je devrais pleurer ? Me fâcher ? Je le connaissais à moitié pas, Ludovic. Il m’a dit qu’il a toujours habité à Saint-Odilon, et me semble que je l’ai jamais croisé avant ce mois-ci. C’était bien le fun, les deux semaines qu’on a passées ensemble, c’est vraiment plate son AVC, y’était trop jeune pour mourir de façon niaiseuse comme ça. Mais qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? Y’est mort ! J’suis quand même pas pour aller brailler sur son cercueil en grattant le bois avec mes ongles ? C’est poche, mais la vie continue.

    — Ouf, souffla Bianca. C’est fucked-up, ton histoire.

    — J’étais déjà au courant, merci.

    — Donc, t’as pas de peine ? demanda Justine.

    — C’est quoi, cette question-là ? Est-ce que j’suis obligée d’en avoir ? Est-ce que c’est requis par la loi ?

    — Tu dois ressentir quelque chose, non ?

    Sarah s’immobilisa pour fixer le vide.

    Elle resta volontairement silencieuse pour éviter de se faire assaillir de questions par Bianca, qui n’était pas sa confidente naturelle. Sarah était beaucoup plus proche de Justine, et c’était précisément à elle qu’elle avait avoué, autrefois, le problème qui la taraudait depuis des années, soit qu’elle croyait avoir un cerveau dysfonctionnel, incapable d’accueillir les émotions humaines « normales ». Alors que la société patriarcale considérait souvent les filles comme des bombes d’irrationalité prêtes à exploser aux moindres stimuli, Sarah avait l’impression d’avoir une courbe émotionnelle aussi rebondissante qu’un boulet de plomb, et cet état avait commencé à l’inquiéter depuis quelque temps.

    Au bout d’une dizaine de secondes, elle échappa un seul mot :

    — Non.

    L’une des trois portes de l’église s’ouvrit lentement derrière les filles, laissant glisser un mince rai de lumière sur les sièges de la nef. Quelques têtes se tournèrent au son du grincement, l’entrée se referma, et le jeune prêtre put regagner l’attention de ses fidèles.

    Ingrid Johansen venait d’arriver. Elle plia son parapluie tout dégoulinant d’eau, puis scruta la foule de son seul œil valide. Promptement, Sarah lui envoya un signe de la main, et Ingrid répondit à l’appel en marchant sur la pointe des pieds. Pour les funérailles, elle avait enfilé une robe noire serrée aux hanches, assortie d’un veston sobre. Sarah remarqua le nouveau cache-œil d’Ingrid : elle avait choisi de couvrir son orbite vide avec une demi-lune en cuir décorée de minuscules boutons métalliques, le tout attaché avec une mince bandelette qui passait sous ses longs cheveux blond argent.

    Blessée au visage à l’âge de 19 ans dans un accident de voiture, Ingrid avait toujours refusé de se faire poser un quelconque accessoire en verre. Elle avait trouvé dans les cache-œils une occasion d’arborer un article de mode inusuel. Dans son appartement à Montréal, elle devait collectionner une trentaine de ces accessoires, tous fabriqués à la main, commandés sur Etsy à des prix exorbitants.

    — Salut, Ingrid, dit tout bonnement Bianca. T’es en retard.

    — C’est pas ma faute, il y avait un accident sur la 20. Ajoute par-dessus ça le trafic de mongol d’une fin de semaine de trois jours. Salut, vous autres.

    Elle distribua des bises rapides, mais évita de passer devant Sarah pour se rendre jusqu’à Bianca.

    — Je pensais que t’arriverais hier pour préparer le chalet, avoua Justine. Qu’est-ce qui advient de notre journée de gaming ? Préfères-tu qu’on laisse tomber ?

    — Jamais de la vie. Non, hier, j’ai choisi de rester à Montréal. Quand mes parents m’ont dit que c’était l’exposition funéraire de Ludovic, je me suis inventé une défaite pour pas y aller.

    — C’était quand même ton cousin, non ? rétorqua Justine avant de froncer les sourcils en grognant un léger « ouch », à peine audible.

    — Ouais… C’est cheap, hein ? J’ai fait croire à mes parents que je travaillais et que ma boss me laisserait pas partir, même un Vendredi saint. Et c’est pas comme si j’étais bien proche de Ludovic, t’sais ? Mon père est le plus jeune d’une famille de treize, ça fait que je suis cousine avec la moitié du village. On est pas super proches. La dernière fois que j’ai vu Ludovic, c’était au party de Noël d’il y a trois ans. En plus, les expositions funéraires, j’haïs ça à mourir – désolée pour le jeu de mots, c’était pas voulu.

    Elle salua de la main ses parents assis à l’avant, qui venaient tout juste de la voir.

    — OK, cool, ma mère a pas l’air fâchée, chuchota-t-elle à ses amies. C’est bon signe. Les sympathies, les sandwiches pas d’croûtes, le small talk… c’est pas son genre d’affaires non plus, ça me surprendrait pas qu’elle se sauve avant qu’on sorte le cercueil. Ça va, vous autres ? Seigneur ! Justine, es-tu correcte ?

    — J’ai mal à la tête… lança-t-elle en brandissant sa main devant elle. Ça va passer.

    — Le connaissais-tu, Ludovic ?

    — Pas vraiment, sauf que mes parents sont amis avec les siens. Ma mère m’a forcé la main pour venir.

    — Toujours aussi control freak, hein ?

    — Dis pas ça… Mouais… Peut-être.

    — Et toi, Sarah ?

    Sarah soupira intérieurement. Si elle voulait lui donner des nouvelles, elle devrait nécessairement réciter à nouveau son histoire pathétique avec Ludovic. Mais avait-elle le choix ? Même si Ingrid était partie à Montréal depuis deux ans, elle était une amie d’enfance, comme Bianca et Justine. Elle avait le droit de savoir.

    — Tu dois être dévastée, répondit Ingrid après avoir écouté son court récit. Mon doux. C’est plate que ta famille soit pas là pour te supporter. Je suis désolée.

    — Ça va, je te jure.

    — Je sais que t’es forte, mais tu peux brailler et éteindre des feux.

    Elle faisait évidemment référence à son rôle de pompière volontaire au sein de la municipalité.

    — Ouais, soupira Sarah. Sûrement.

    Ingrid lui tapota l’épaule.

    — Lâche pas, ma grande. Toi, Bibi ?

    — Moi ? Pourquoi je suis ici ? J’connaissais Ludovic de vue. Mais surtout, j’trouve ça important de participer à la vie d’église.

    Ingrid s’arrêta un moment, comme si elle était incapable d’assimiler l’information qu’elle venait d’entendre.

    — Tu veux dire que t’es ici… parce que t’aimes aller à l’église ?

    — As-tu un problème avec ça ?

    — Euh, j’ai-tu l’air d’en avoir ?

    Ingrid mit abruptement fin à cette discussion en recollant son dos contre le banc. D’apprendre qu’une personne de sa génération pût pratiquer encore la religion chrétienne l’avait laissée bouche bée. Pourtant, il n’y avait aucun scoop là-dedans : pour Bianca, l’église avait été un passage obligé depuis sa tendre enfance, et maintenant qu’elle avait 24 ans, elle continuait d’honorer la routine que ses parents lui avaient imposée, au point où elle se glissait dans les célébrations d’obsèques où elle avait « plus ou moins » rapport. Son père et sa mère se trouvaient eux-mêmes dans les premières rangées, bien peignés et en beaux habits. Ils avaient sans doute rechigné quand Bianca leur avait annoncé qu’elle voulait s’asseoir avec ses amies, à l’arrière.

    — Alors, reprit Ingrid, toujours en susurrant ses mots du bout des lèvres, on maintient les plans ? Allez-vous venir au chalet ? Je veux pas vous mettre de pression, mais c’est prévu depuis un mois. Ça m’a pris assez de temps pour convaincre mon père d’avoir la place cet après-midi… J’ai apporté des manettes de Super Nintendo flambant neuves que je me suis commandées sur eBay. Pas question que le bouton B reste jammé comme la dernière fois.

    Sarah répondit immédiatement :

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