La prison
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À propos de ce livre électronique
Trouvera-t-il les réponses à ses questions? Le mystère qui plane sur cette île maléfique sera-t-il mis à jour? Aux extrêmes limites de la folie, Hugo tentera de ne pas perdre la raison. Mais à quel prix?
Elyse Charbonneau
Mère de deux merveilleux enfants, Elyse Charbonneau est née à Laval où elle a passé la majeure partie de sa vie. Amoureuse de la nature, elle tente de s'approcher le plus possible des Laurentides. Elle a fait des études en cinéma au Cégep Montmorency, domaine dans lequel elle a travaillé quelques années, pour ensuite évoluer dans le secteur de la santé. Puis, après une grossesse difficile, on lui a suggéré de se lancer dans l'écriture. Un conseil qu'elle a suivi, pour notre plus grand bonheur.
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Aperçu du livre
La prison - Elyse Charbonneau
Remerciements
Je voudrais tout d’abord remercier ma mère, Martine Dupuy et ma meilleure amie, Mélanie Parent qui sont là depuis toujours, qui me lisent, me corrigent, me conseillent et m’encouragent. Merci à mes bêta lectrices Valérie L-Blouin et Annie Desjardins. Une mention spéciale à Andra et Isabelle ainsi que tous les administrateurs-trices et tous les membres du groupe : Les lecteurs de romans « Noir-Horreur-policier » pour leur dévouement, leur passion et leur amour pour la littérature. Merci à mon copain, Eric Gilbert qui me comprend, m’appuie et m’aide énormément; sans toi ce ne serait pas pareil! Merci à Océanne Lefebvre qui s’est prêtée au jeu en me laissant utiliser ses expressions et sa façon d’être afin de créer un personnage que j’adore (qui ne reflète en rien sa réelle personnalité ni comportements qui sont absents de toutes formes de violence ou d’inconduites). Merci à tous les lecteurs, les nouveaux ainsi que ceux qui me suivent depuis le début, je vous adore. Sans oublier le seul et l’unique gars du câble, un fan incontestable; Mathew Paré!
Paniqué, Hugo se leva difficilement. Même si le couloir était très sombre, il devait à tout prix éviter de jeter un œil aux résidents du sous-sol; il n’y avait aucune chance à prendre. Voulant absolument atteindre l’interrupteur, Hugo monta tranquillement les marches, une à une. Hurlant à qui voulait bien l’entendre de le laisser sortir, il cribla la porte de coups. N’obtenant aucune réponse, il continua de frapper de toutes ses forces jusqu’à ce que l’épuisement lui suggère de laisser tomber. En s’assoyant sur la première marche, il courba l’échine de découragement et laissa choir son front sur ses bras déjà affalés sur ses genoux. C’est alors qu’Hugo releva la tête brusquement.
Cette voix… Elle était revenue, certes, mais cette fois elle avait un petit quelque chose de différent. Une certaine familiarité dans son ton, son air… ressemblant drôlement à celle… d’Isabelle. Sa douce voix mélodieuse et particulière qu’il reconnaîtrait parmi tant d’autres. C’était la sienne, sans aucun doute, mais comment cela pouvait-il simplement être possible? Son esprit et sa mémoire devaient être brouillés vu le nombre de coups reçus. Et pourtant, il fut incapable d’y résister.
Complètement envoûté, il descendit l’escalier. Bien que son corps fût présent, sa tête et son cœur étaient ailleurs. Il voulait à tout prix se laisser enlacer par cette belle mélodie rassurante, même si son prochain geste allait l’envoyer directement au milieu de tous ces monstres. De toute façon, le pire qu’il pouvait lui arriver désormais était de mourir, et il avait réussi à y trouver un côté positif.
Chapitre 1
Cinq semaines plus tôt
Assis à une table et avalant sa dernière bouchée de sandwich insipide, Hugo regardait distraitement dans tous les coins. Outre quelques affiches, la pièce était demeurée telle quelle depuis qu’il avait été engagé, il y avait de cela maintenant plusieurs années. Tout en passant la main sur son visage, il réalisa qu’il avait largement négligé son aspect physique, et ce, depuis trop longtemps. Sa barbe, habituellement trimée de façon régulière, ainsi que ses cheveux d’une longueur discutable en disaient long sur sa dernière visite chez le barbier et sur son niveau de lâcheté. Le changement de trou dans sa ceinture était également un signe de laisser-aller, mais Hugo était toutefois très loin de s’en préoccuper.
Malgré le faible taux d’occupation à l’intérieur de la cantine, il réussit à se sentir jugé et épié par ses collègues. De là l’une des principales raisons pour laquelle il ne leur adressait plus la parole depuis quelques semaines. De toute évidence, il était le sujet de conversation de l’heure, mais vu la situation, il ne pouvait les blâmer. Il n’avait envie ni de partager avec eux ses malheurs ni prendre la chance de leur fournir l’opportunité d’alimenter les cancans. En restant discret sur sa vie privée, il évitait ainsi de provoquer des ragots mensongers et altérés résultants d’une mauvaise interprétation de paroles qu’il aurait pu prononcer. Il n’avait pourtant surpris aucune conversation le concernant ni eu vent de quoi que ce soit et tous donnaient l’impression de respecter son silence ainsi que son besoin de solitude. Au début, tout un chacun venait lui témoigner de l’empathie, mais Hugo restait incapable de leur répondre, préférant s’éclipser et se vautrer dans un mutisme malaisant. Il n’éprouvait plus de plaisir, et de sa flamme intérieure ne restait qu’un tison ardent.
Perdu dans ses pensées, il regarda l’horloge pour la énième fois. L’heure du lunch s’étant presque entièrement écoulée, il se leva, ramassa ses effets personnels et sortit de la cantine. Tel un zombie, il erra ensuite dans les couloirs ternes menant vers la sortie, désirant épuiser les dernières minutes de sa pause à l’extérieur. Malgré la perte de temps évidente, il fit volontairement un large détour afin d’éviter de croiser le poste des infirmières. Il était encore trop tôt. Hugo souffrait encore et toujours trop pour se trouver à proximité de leur local sans que sa détresse émotive qui persistait à se prolonger ne soit exhibée devant tous.
En poussant la porte qui donnait dans la cour extérieure réservée au personnel, il fut accablé d’une grande déception, puisque les bienfaits de se retrouver dans la nature lui apportèrent tout sauf l’effet escompté. Malgré la température parfaite sous un ciel rayonnant et le doux vent qui caressait son visage, Hugo demeurait privé de son sourire jadis omniprésent. Depuis ce jour fatidique, plus rien ne lui semblait beau, apaisant ou joyeux. Il comprenait désormais comment les daltoniens percevaient la vie et se surprit à les envier. On ne peut regretter les couleurs vives que la vie nous offre si on ne les a jamais vues. Malheureusement pour Hugo, il n’avait pas que sa vision qui était déficiente; ses quatre autres sens l’étaient également. Tout ce qu’il touchait était absent de chaleur et de finesse tandis que l’acidité et l’amertume avaient remplacé toutes les saveurs. Son ouïe ne percevait dès lors que les sons agressants et suraigus. De plus, il redoutait que son odorat soit complètement détraqué, puisque de tout ce qui existait ne semblait s’exhaler que la douce odeur de son parfum. Si au moins, on lui avait laissé la chance de lui dire au revoir.
Le fil de ses pensées fut brusquement coupé lorsqu’un bruit étrange vint solliciter son attention. Intrigué, il chercha du regard la provenance de ce râle étouffé, scrutant le terrain boisé qui l’entourait. C’est alors qu’une silhouette se présenta à lui. Au loin, derrière un arbre, se terrait un homme. Enfin, l’ombre d’un homme. Ce dernier, qui semblait le fixer, donnait l’impression d’être décédé depuis longtemps. Étonné et croyant halluciner, Hugo se frotta les yeux. Mais l’homme était toujours là. Malgré qu’il ne se trouvât pas à proximité, Hugo put constater qu’il était atteint d’une maigreur morbide et si extrême que l’ensemble de ses os étaient visibles. Sa peau grisâtre et sèche ainsi que l’absence de près de l’entièreté de ses cheveux suggéraient que cet homme avait atteint une étape cruciale dans le processus de décomposition d’un corps, probablement celle qui précède la mise à nue du squelette. Cette situation relevait de l’impossible. Hugo dût se frotter les yeux une seconde fois, et à son grand bonheur, la silhouette avait disparu. Soupirant, il constata avec découragement que même son esprit était sur le point de dérailler complètement.
Chapitre 2
Sa cigarette s’étant consumée jusqu’au bout quelques minutes plus tard, Hugo l’échappa en se brûlant les doigts. Après avoir juré à plusieurs reprises, il l’écrasa du bout du pied avec beaucoup plus de conviction que nécessaire. Passant tout près de lui, Maxime, l’un de ses collègues et amis depuis toujours, lui donna un petit coup de poing amical sur l’épaule tout en lui annonçant que la pause était malheureusement terminée. Il jeta un dernier regard rempli d’appréhension vers le boisé désert, se leva et le suivit sans toutefois prononcer le moindre mot. Toujours prisonnier de ses souvenirs, il restait incapable de sortir Isabelle de ses pensées.
Il savait très bien que cette tragédie ferait à tout jamais partie de sa vie. Il espérait tout de même trouver un baume, un apaisement ou une échappatoire quelconque, car cette plaie ouverte le faisait souffrir au plus haut point. Il avait enfin trouvé la perle rare et pour une raison qui lui échappait, on la lui avait enlevée presque aussitôt.
Après avoir passé sa carte d’identité devant le scanner, il tira fermement la porte dédiée aux employés de la prison et entra dans le bâtiment. Souriant, Maxime lui demanda s’il voulait bien sortir le soir même pour aller manger ou prendre une bière quelque part, mais Hugo refusa sèchement. Comme ils ne se voyaient presque plus depuis la disparition d’Isabelle, il insista un peu, mais en vain. Maxime comprenait et voulait respecter le fait que son ami avait besoin de solitude. Cependant, il ne pouvait l’abandonner, car il savait très bien qu’il avait besoin d’aide… Et de lui.
N’ayant guère le temps de se rendre à son poste de travail, Hugo entendit la voix du directeur par l’entremise de l’interphone. Comme ce dernier l’invitait à le rejoindre à son bureau, il tourna les talons et s’y rendit tout en soupirant. Il était rare que ce vieil homme grincheux et bedonnant convoquât un employé, si ce n’était pour le réprimander.
Voyant son supérieur immédiat tirebouchonner nerveusement le bout de sa moustache, Hugo comprit qu’une mauvaise nouvelle était sur le point de débouler sur sa journée déjà peu reluisante. Pourtant, il ne croyait pas avoir commis de fautes professionnelles ni s’être embrouillé avec un autre employé. Était-il victime d’une plainte non fondée de l’un de ses collègues?
Attendant que son employeur trouve enfin le courage de le mettre aux faits des raisons qui l’avaient poussé à le convoquer, le regard d’Hugo bifurqua vers le boisé que les carreaux de la fenêtre du bureau lui présentaient. Au moment même où il repensa à la silhouette rebutante, le reflet de cette dernière réapparue, mais cette fois, derrière son épaule. Après avoir sursauté, Hugo se retourna rapidement. Personne ne se trouvait près de lui et heureusement, son supérieur immédiat ne semblait s’être aperçu de rien.
L’homme dans la cinquantaine avancée évitait son regard en se pinçant les lèvres. Il replaça inutilement feuilles et dossiers sur son bureau, tentant ainsi de dissimuler le malaise qui l’habitait. Pendant ce temps, Hugo, de plus en plus impatient, attendait toujours. Il le fixait en relevant l’une de ses arcades sourcilières, exprimant clairement son niveau d’incompréhension vis-à-vis l’étrange comportement emprunté par son employeur. Afin de mettre un terme à cette situation en suspens, il décida d’y aller de l’avant et brisa le silence écrasant.
— Monsieur Larocque? Vous avez demandé à me voir?
— Euh, oui… en effet… je… écoute Hugo… ça fait longtemps que tu travailles pour nous et… J’avoue avoir un peu de mal à t’annoncer ce genre de nouvelle. Essaie de le prendre du bon côté, même si… en fait, il n’y en a pas vraiment…
Surpris d’entendre son employeur patiner et le tutoyer ainsi pour la première fois depuis huit longues années de service, Hugo sentit une contrariété déstabilisante grandir en lui. Il lui alloua donc une oreille des plus attentives. Malgré sa carapace d’homme aigri et insensible, le directeur avait toujours été un excellent patron et avait toujours agi avec ses subordonnés de façon professionnelle, voire même amicale. Il n’avait toutefois jamais adopté un comportement aussi familier.
— Je ne sais pas si tu es au courant, mais mon frère est policier… Alors, j’ai pris sur moi de lui demander si c’était possible pour lui de faire un genre de suivi sur votre accident. C’était important pour moi, car Isabelle était une employée modèle que j’admirais et affectionnais particulièrement. Mon frère m’a appelé plus tôt et… eh bien… disons qu’après deux mois de recherche intensive, les autorités du secteur ont… ils ont suspendu les recherches. Définitivement. Demain… ils vont officialiser son décès. Je… je suis vraiment…tellement…
Un lourd silence, rempli de souffrance, planait dans l’air tandis que les deux hommes se fixaient, attendant chacun que l’autre réagisse. Sentant son employé pris d’assaut par de douloureuses émotions, le dirigeant de la prison se leva et s’approcha. Les contacts physiques n’étant pas son point fort, celui-ci ne put que lui tapoter maladroitement l’épaule. Les yeux brumeux, Hugo restait sans mot.
— J’ai pensé qu’il serait préférable que tu l’apprennes d’un ami… Enfin, de quelqu’un de proche, que tu connais. Bref… tu sais, je t’ai permis de rester au travail même si ton état ne le permettait pas vraiment, mais vu les circonstances, je suis dans l’obligation de te donner un congé forcé de quelques jours…
Entretenant beaucoup plus un monologue qu’un dialogue et n’obtenant aucune réaction dans l’immédiat, le directeur tenta vainement de le réconforter. N’appréciant guère cette tâche obligatoire et désagréable infligée par son titre professionnel, il souhaitait se sortir de cette situation embarrassante dans les plus brefs délais.
— Profites-en pour faire des activités que tu aimes, aller voir tes amis, ta famille. Occupe-toi l’esprit avec des choses plus intéressantes que le boulot!
— C’est effectif à partir de quand? lui demanda nonchalamment Hugo.
— Immédiatement… Ne m’en veux surtout pas, je n’ai pas vraiment le choix, tu sais. C’est la meilleure solution.
Après avoir repris son air de zombie dépourvu d’émotions, Hugo se leva et se dirigea droit vers la sortie, sans ajouter un mot de plus. Cependant, son interlocuteur le retint encore quelques instants et s’adressa à lui d’un ton compatissant.
— Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite surtout pas. Et sens-toi bien à l’aise… si tu crois qu’il sera trop difficile pour toi de reprendre ton poste ici, tu m’en parles et je ferai une demande de transfert pour un autre établissement. Un de mes collègues et amis est à la recherche d’un bon employé pour la prison en haute mer. Je peux te référer, si c’est ce que tu souhaites.
Hugo se contenta de lui faire signe de la tête et sortit du bureau sous le regard empathique de son patron. Se rendant à son casier, il s’abstint de répondre à ses collègues qui lui demandèrent s’il allait bien. Le plus rapidement possible, il poursuivit tout simplement son chemin, tel un missile télécommandé. Se rendre du point A au point B, et sortir de l’édifice.
Le blocage dans son esprit se dissipant peu à peu, Hugo fut désormais en mesure d’assimiler les informations reçues. Il réalisa dès lors qu’Isabelle ne reviendrait plus, ce qui le plongea au cœur d’un chagrin aussi profond et ténébreux que les abysses océaniques. Dès que le siège de son véhicule l’accueillit, sa souffrance qui l’enveloppait tel un grand voile noir se manifesta aussitôt en un flot de larmes amères et impossibles à retenir.
— C’est pas possible! haleta-t-il.
Il voulait, espérait et implorait le Tout-Puissant qu’il soit victime d’une supercherie, d’une erreur sur la personne, ou simplement prisonnier d’un cauchemar sur le point de se terminer. Ne sachant que faire, il décida de rentrer chez lui, redoutant d’exposer ainsi sa détresse au reste du monde.
Enfin seul, Hugo se laissa tenter par une bonne douche chaude. Cependant, l’ampleur de son désespoir le submergea et il laissa s’échapper bon nombre de larmes aussi douloureuses que libératrices qui se mêlèrent à la cascade d’eau ruisselant sur sa peau. Recroquevillé au fond de la douche, la tête enfouie dans le creux de ses bras, il avait dû sortir puisque l’eau devenue tiède perdait de plus en plus de ses vertus réconfortantes. Les mains appuyées sur le lavabo, il releva la tête vers son miroir embué. Bien qu’il ne désirât pas à tout prix constater l’état désastreux de son reflet, Hugo se résigna toutefois à essuyer la glace à l’aide d’une serviette. Ne reconnaissant pas son visage dans l’immédiat, il fronça les sourcils et s’approcha afin que l’image projetée s’éclaircisse. Cependant, lorsqu’il réalisa que c’était cet inquiétant personnage qu’il avait aperçu dans le boisé qui se trouvait dès lors dans le miroir, il sursauta, fit un pas de recul, puis tomba à la renverse dans un fracas magistral.
Secoué et endolori, Hugo se releva tranquillement. Craintif, il fit quelques pas, puis regarda de nouveau dans le miroir tout en se frottant la tête. Il soupira de soulagement lorsqu’il constata que son propre reflet était de retour. Croyant fermement qu’il était sur le point de devenir fou, il ne tenta pas de comprendre pourquoi cet homme étrange lui apparaissait ainsi. De plus, il avait un petit quelque chose de différent cette fois. Son état semblait s’être légèrement amélioré, comme si le processus de décomposition dont il était atteint avait décidé de prendre le chemin inverse.
Ayant eu vent de son arrêt de travail obligatoire, Maxime se rendit chez Hugo afin de s’assurer qu’il se nourrissait et se lavait convenablement, vu la situation. Comme il était sans nouvelles de lui depuis plusieurs jours, l’inquiétude était au rendez-vous. Ami fidèle depuis la tendre enfance,