À propos de ce livre électronique
Alors que le «petit feu symbolique» qu’ils avaient planifié se transforme en un brasier se propageant à une vitesse fulgurante, les deux voyous s’affolent. L’un se sauve, l’autre demeure interdit, figé devant l’horreur.
Un seul accusé pour un crime commis à deux, c’est déjà injuste. Mais que l’un des coupables passe dix ans de sa vie derrière les barreaux tandis que l’autre se complait dans une existence trop douce, sans jamais subir les conséquences de son geste, c’est tout simplement inadmissible!
Dix ans plus tard, l’heure des comptes a sonné. Il était temps.
Un suspense grinçant, aux personnages presque trop réels pour être fictifs, dans lequel on plonge instantanément!
Éric Chassé
Éric Chassé est un musicien professionnel qui vit dans la région de Montréal. La mort en vedette est son premier roman à voir le jour, mais ses disques durs regorgent de récits dans lesquels se distinguent son style franc et son humour noir.
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Aperçu du livre
Ils étaient deux - Éric Chassé
Première partie
Dix ans plus tard
1
David se resservit une portion de poulet. Le plat, encore fumant, était au centre de la table. Amélie, sa blonde, lui jeta un regard de côté qui semblait dire: «Laisses-en aux autres.» Il l’ignora. David avait une faim de loup. Deux heures plus tôt, juste avant l’arrivée des invités, il était sorti fumer un joint qui lui avait creusé l’appétit. La dernière fois, son vendeur ne lui avait pas vendu la même herbe que d’habitude. Depuis, chaque fois que David en fumait – c’est-à-dire tous les jours – il se transformait en ogre peu de temps après.
— Encore un peu de vin, Yann? demanda Amélie en saisissant la bouteille qu’on lui avait suggérée à la SAQ cet après-midi.
— Pourquoi pas? sourit celui-ci en tendant sa coupe encore à moitié pleine. Je vais en profiter un peu étant donné que j’suis pas sur appel ce soir.
Yann, le frère d’Amélie, jugeait qu’il n’était pas nécessaire d’apporter ne serait-ce qu’une seule bouteille d’alcool lorsqu’il était convié quelque part. Le policier venait de fêter son trente-deuxième anniversaire, et Amélie, vingt-cinq ans, avait toujours vu son grand frère comme un être protecteur, rôle qu’il avait pris très au sérieux toute sa vie.
— OK, c’est correct, dit Yann en faisant signe à sa sœur de cesser de lui verser du vin. Veux-tu me saouler, coudonc? Hé, hé!
En disant cela, il massa frénétiquement la jambe de Karine, son épouse, qui se tenait à sa droite. On aurait dit qu’il voulait qu’elle rie avec lui.
— Mon amour, je peux conduire si tu veux, dit celle-ci. J’aime pas ça conduire le soir, mais si tu veux fêter un peu, il n’y a vraiment pas de problème.
— Non, non, ça va. C’est mon deuxième et dernier verre. Il y a quand même des limites.
Amélie sourit et répliqua à son frère qu’il pouvait bien faire le fou de temps en temps. Yann se contenta de hocher la tête pour clore la discussion. David, qui pour sa part commençait à être sérieusement éméché, regardait la scène comme on regarde une pièce de théâtre. Il surnommait secrètement son beau-frère «Monsieur Parfait». Le sobriquet était encore plus pertinent depuis que Yann avait reçu une médaille de bravoure. En mars dernier, le beau-frère de David avait sauvé la vie d’un jeune homme en l’extirpant de sa voiture accidentée pour lui prodiguer les premiers soins. Yann répétait à tout vent que son intervention avait permis à la victime de survivre jusqu’à l’arrivée des ambulanciers. Le journal local avait même couvert l’événement. Deux pages avaient été consacrées au nouveau héros de Sorel-Tracy.
— Eh boy, je pense qu’on va en entendre parler longtemps de ça, avait réagi David au moment des faits.
Dès l’instant où il s’était mis à fréquenter Amélie et qu’il avait rencontré sa famille, Yann lui était immédiatement tombé sur les nerfs, et les choses n’avaient cessé d’empirer. À l’époque, il y a de cela cinq ans, Yann venait tout juste d’obtenir un poste à la Sûreté du Québec et il était déjà la fierté de sa famille. Dès lors, David avait compris qu’Amélie et son frère étaient comme les deux doigts de la main et que cet individu allait faire partie de l’équation tant et aussi longtemps que son couple existerait. Déjà, l’indifférence de Yann au sujet de David était flagrante. La preuve est que cela avait pris au moins trois rencontres avant que Yann ne s’intéresse à David et qu’il lui demande ce qu’il faisait dans la vie.
— Plombier, ah oui? C’est cool ça. Oui, là, j’me souviens, Amélie me l’avait dit, je pense.
David avait toujours su que Yann croyait ardemment que sa sœur méritait mieux que lui. Il n’était pas nécessaire d’être un psychanalyste pour s’en rendre compte. Amélie prétendait pourtant le contraire. «Il t’adore, mon frère. C’est juste qu’il n’est pas aussi expressif que toi.» À compter du jour où David et Amélie s’étaient mis à vivre ensemble en appartement, le beau-frère était vite devenu un sujet de discorde. Par exemple, Amélie invitait Yann et Karine à souper tous les dimanches. «Encore?» Au bout de quelques mois, David en avait eu assez. Doucement et en choisissant les bons mots, il avait réussi à faire comprendre à Amélie qu’il désirait baisser la fréquence des invitations.
— Sont ben fins là, mais à un moment donné, je ne saurai plus de quoi leur parler si on continue à les voir à chaque semaine.
Les soupers s’étaient donc espacés pendant quelques années, mais lorsque David et sa blonde avaient fait l’acquisition de leur coquette petite maison, l’année dernière, la routine était rapidement revenue au galop. David avait fini par rendre les armes, préférant endurer Monsieur Parfait et Karine quelques heures par semaine plutôt que de s’obstiner avec Amélie.
Aujourd’hui était un de ces dimanches, et Amélie apportait maintenant le dessert à la table.
— Voilà! dit-elle. Bagatelle à la framboise.
— Wow, c’est donc bien beau, s’extasia Karine en regardant Yann. On devrait essayer de s’en faire à la maison.
Vous pourriez en profiter pour nous inviter, peut-être? faillit répliquer David qui préféra garder le silence. À l’instant où Amélie commença à distribuer les coupes, des pleurs d’enfant attirèrent l’attention du groupe. David jeta un œil à l’horloge. Eva dormait pourtant depuis un long moment.
— Elle doit avoir fait un cauchemar, supposa David en se levant de table. J’y vais.
— Dis-lui que son parrain l’aime! lança Yann comme si ces paroles réconfortantes allaient aider l’enfant à se rendormir sans la moindre opposition.
— Chut, moins fort, nono, lui intima Amélie. Si Eva entend ta voix, elle voudra pu se coucher pis elle va vouloir venir avec nous.
Cette remarque sembla faire plaisir à Yann. David s’éloigna de la cuisine d’une démarche incertaine qui lui rappela qu’il allait sans doute avoir de la difficulté à se lever demain matin. Il alluma la lumière dans le passage avant d’ouvrir la porte de la chambre d’Eva, qui s’était remise à pleurer de plus belle. En voyant son père, la petite se calma instantanément. La lumière du couloir éclairait légèrement la pièce. Eva, qui venait tout juste d’avoir deux ans, était debout dans sa bassinette.
— T’as fait un mauvais rêve, mon trésor?
— Voui.
Eva tendit les bras pour que son papa la prenne. Ce dernier savait pertinemment que s’il la sortait de son lit, elle refuserait d’y retourner et il s’ensuivrait alors de longues négociations avant que lui ou Amélie puisse la recoucher. Il opta plutôt pour lui chanter une chanson.
— Non, pas ça, dit-elle tout endormie en pointant le sol. Dadoune.
— Hon, Dadoune est tombée du lit.
David se pencha et tendit à Eva son toutou préféré. Immédiatement, la petite serra la chose poilue contre son cœur. Encore à ce jour, David ignorait totalement quel animal terrestre était censé représenter cet objet. Amélie prétendait que c’était une girafe, alors que lui demeurait convaincu qu’il s’agissait plutôt d’un cerf confectionné quelque part dans le monde par des individus qui n’avaient jamais vu de cervidés.
— Il est tard, là, mon amour. Il faut faire un beau dodo. T’as juste fait un mauvais rêve.
Il lui embrassa le dessus de la tête et en remettant l’enfant à l’horizontale, il s’étonna de voir qu’Eva venait de refermer les yeux. Son joli visage tout rond baignait dans la lumière du corridor. Elle était angélique. La bouffée d’amour que David éprouva à ce moment pour sa fille était indéfinissable. S’il devait un jour lui arriver quelque chose, j’en mourrais. Comme chaque fois qu’il tombait dans cet état, il pensa à la famille qu’il avait décimée par accident voilà une dizaine d’années. À ce père qui avait tout perdu dans ce brasier. Femme, garçon et enfant à naître. Tous disparus. Comment un homme pouvait-il survivre à un drame aussi épouvantable? David secoua la tête, comme pour chasser les images qui y avaient trouvé refuge. Pense pas à ça. Du bout des doigts, il caressa la douce chevelure d’Eva qui s’était bel et bien rendormie. À voix basse, il lui dit une dernière fois bonne nuit et, tel un voleur, quitta la pièce sur la pointe des pieds. En revenant à la cuisine, il s’aperçut qu’Amélie et les autres ne l’avaient pas attendu pour manger le dessert. Ce manque de délicatesse ne blessa pas David. Il prit place et termina sa coupe de vin avant d’entamer la bagatelle.
— Mmm. Ça a l’air bon, ça.
— Elle est déjà rendormie? s’étonna Amélie.
— Oui.
— Wow. Bravo, chéri, fit-elle en appuyant sa tête sur l’épaule de David. Bon papa.
— Vous êtes cutes, dit Karine. Vous êtes tellement des bons parents.
Amélie la remercia et expliqua à Karine que le secret entre elle et David était l’écoute de l’autre.
— C’est vrai, poursuivit-elle. On a un couple d’amis, ben en fait, c’est plus des amis à David que moi, mais bon! Eux autres, ils sont toujours en train de s’obstiner sur la façon d’éduquer leur petit gars. Ils sont toujours en désaccord. Des fois, c’en est gênant. À un moment donné, ils se sont pognés d’aplomb devant nous autres.
— Ah oui? À ce point-là?
Amélie donna quelques exemples qui décrivaient l’animosité qui régnait dans le couple en question. Karine écoutait, visiblement intéressée. Yann, quant à lui, devint tout à coup mal à l’aise. Le sourire qu’il affichait une minute auparavant venait de prendre le large. David savait pourquoi et constata que c’était tout de même fascinant qu’Amélie ne s’en soit jamais rendu compte. Sinon, elle aurait fait bien plus attention. Chaque fois que la paternité se glissait dans une conversation, Yann se refermait telle une huître. Souvent, il tentait de changer de sujet ou bien il s’éclipsait aux toilettes même s’il venait d’y aller cinq minutes auparavant. Yann et Karine tentaient depuis plusieurs années d’avoir un enfant. En vain. Ils cumulaient échec après échec. Ils avaient consulté des spécialistes. Apparemment, ils avaient dépensé une fortune en clinique de fertilité. Jamais le couple n’en avait parlé ouvertement – Yann étant trop orgueilleux –, mais Karine s’était confiée une fois auprès d’Amélie à ce sujet. Cette dernière avait par la suite résumé les grandes lignes à David. «Mais parles-en pas, OK? Il paraît que mon frère le prend ben mal.» Or, depuis environ un an, Karine semblait moins amère lorsque le thème parental venait sur la table. Elle donnait même l’impression de s’être résignée au triste sort de ne peut-être jamais avoir d’enfant. Yann, pour sa part, ne semblait pas digérer ce qui leur arrivait. Ça doit être lui le problème, supposa David. Même s’il ne se l’avouerait jamais, David se réjouissait quelque peu de la situation. Pour une fois que Yann ne pouvait se vanter d’être meilleur que lui dans un domaine. Monsieur Parfait ne se reproduirait peut-être jamais. C’était d’ailleurs la seule et unique raison pour laquelle David avait accepté de nommer Yann et Karine parrain et marraine d’Eva. Amélie lui avait dit: «T’imagines? Parti comme c’est là, ils n’auront peut-être jamais d’enfant. J’me dis qu’au moins, en les mettant parrain-marraine, Eva serait comme un baume pour eux. En plus, ils sont quand même assez présents dans notre vie.» David avait répliqué avec ironie: «Ah, ça, pour être présents, ils sont extrêmement présents.»
Yann regarda sa montre pour la troisième fois en deux minutes. La discussion entre sa sœur et Karine le dérangeait profondément. Les filles parlaient maintenant de l’importance pour les parents de jeunes enfants de se préserver en tant que couple. Sans succès, Yann avait tenté deux fois de faire bifurquer la conversation vers autre chose. Histoire d’enfoncer le clou, David passa à un cheveu de lui demander quand ils allaient leur faire un beau petit neveu ou une jolie petite nièce, mais n’en fit rien. Il se contenta de se resservir du vin en toisant son beau-frère de plus en plus embarrassé. Hallucinait-il ou bien le visage de Yann devenait cramoisi?
— Nous autres, si un jour on a un enfant, c’est sûr qu’on se garderait des soirées pour nous de temps en temps, continua Karine en tournant la tête vers son amoureux. Hein, chéri?
— Ben oui, répondit sèchement Yann avec un léger rictus.
D’un geste plutôt brusque, le policier vira sa chaise vers David.
— Pis toi, l’beau-frère, as-tu ben de l’ouvrage ces temps-ci? Tu viens pas de changer de compagnie, ou quelque chose de même?
Voilà le moment que David attendait depuis quelques minutes. L’instant où Yann, mal pris, daigne lui parler. Amusé, David répliqua qu’il était retourné dans la plomberie résidentielle sans préciser que s’il lui avait posé la question six mois plus tôt, il aurait déjà été au courant de ce scoop.
— J’ai vraiment pas aimé ça, l’industriel, expliqua David. Je préfère être sur la route pis faire du résidentiel. Je suis revenu chez Bédard, ici, à Sorel. Il m’a repris tout de suite quand je suis allé le revoir. Ce qui est l’fun, c’est que souvent, je suis capable de venir dîner à la maison.
David voyait bien que Yann ne l’écoutait que d’une oreille. Nerveusement, le regard du policier déviait constamment en direction de Karine et Amélie. Bien sûr, David connaissait l’origine de ce malaise. L’autre craignait sans doute que Karine ne s’échappe et mette au grand jour leur problème de fertilité. David pouvait lire en Yann comme dans un livre ouvert. Eva vint sauver les meubles. La petite s’était remise à pleurer. Excité, Yann se leva d’un bond:
— Viens, Eva a besoin de voir son parrain et sa marraine! proposa-t-il tout de suite à Karine alors que celle-ci était en train de résumer à Amélie le rôle de la progestérone sur le corps de la femme. On va aller la réconforter et après ça, on va rentrer chez nous. Il commence à être tard.
David remarqua que Yann tenait le bras de Karine assez fermement.
— Euh, OK, désolée, dit cette dernière à Amélie. Ça a l’air que le devoir nous appelle.
Tout sourire, Karine se leva et suivit Yann. Le couple s’éclipsa dans le couloir menant aux chambres tandis que la petite Eva s’époumonait pour être certaine qu’on l’entende. David porta son regard vers l’horloge au-dessus de la poubelle en acier inoxydable qui, depuis qu’ils avaient un enfant, était constamment recouverte de traces de doigts. Il était vingt-deux heures et la visite était sur le point de partir. Good. David allait avoir le temps de sortir en fumer un petit dernier avant de se mettre au lit.
Yann conduisait alors que Karine, le regard au loin, lui racontait combien elle avait apprécié la soirée.
— La petite est tellement adorable.
Les mains crispées sur le volant, Yann ne répondit rien. Le couple avait la moitié du trajet de fait pour se rendre à son domicile. Yann et Karine n’habitaient qu’à dix minutes de chez David et Amélie. Parfois, en vélo, ils allaient faire un saut chez ces derniers. «Coucou, c’est nous!» S’ils savaient à quel point David détestait ces visites surprises, les deux cyclistes y penseraient peut-être deux fois avant d’arriver à l’improviste.
— Ça va, chéri? demanda Karine en passant la main dans les cheveux de son amoureux.
— Ben oui, ça va.
Karine le sentait tendu. À la fin du dessert, elle avait remarqué que Yann avait complètement changé d’attitude.
— Est-ce qu’il y a quelque chose que tu voudrais me dire? voulut-elle savoir. T’as l’air stressé.
— Des fois, on dirait que tu fais exprès, répondit-il froidement. Je… J’ai…
Yann cessa de parler, comme s’il hésitait à aborder le sujet.
— Ben voyons, mon amour. Faire exprès de quoi? Je comprends pas. De quoi tu parles?
Yann leva légèrement le pied de la pédale d’accélérateur et ralentit sa vitesse de croisière. Il jeta un bref regard à Karine avant de ramener ses yeux sur la route, puis:
— Tu l’sais que j’haïs ça.
C’était sorti rapidement, dans un seul souffle. Karine attendit la suite qui ne vint pas.
— T’haïs quoi, Yann?
Elle semblait commencer à s’impatienter devant l’absurdité de la conversation. Yann finit par lui avouer ce qu’il avait sur le cœur. Il reprocha à Karine de parler de leur problème de fertilité à tout le monde.
— T’as pas à étaler notre vie privée comme ça, la blâma-t-il.
— Tu me niaises-tu? J’ai rien dit de ça pantoute.
— Ben non, tsé. Tu parlais de progestérone avec Amélie pis…
— J’ai ben l’droit de parler de ce que je veux, l’arrêta Karine. C’est quoi le problème? Je suis majeure et vaccinée à ce que je sache. Pour ton information, tantôt, j’ai pas dit que je prenais des hormones, j’ai juste expliqué à Amélie l’effet que ça faisait sur le corps des femmes. J’en reviens pas que ce soit juste à cause de t’ça que tu capotes.
Le ton montait.
— Penses-tu que c’est facile pour moi de voir toutes les filles à ma job tomber enceintes? poursuivit-elle. Y a pas juste toi là-dedans. Pis j’commencerai pas à me censurer quand je parle avec du monde juste parce que monsieur est mal dans sa peau. Ce qui nous arrive, ça arrive à plein de monde, OK? On n’est pas tout seuls à vivre ça.
Yann se tut. Il n’aimait pas qu’on le remette à sa place, mais que pouvait-il rajouter à cela? Elle avait raison et il le savait bien. Juste au Québec, un couple sur sept était infertile. Il avait lu ça quelque part. Mais pourquoi était-ce tombé sur eux? Yann ne supportait plus cette pression. Juste au travail, on le questionnait un peu trop souvent à ce propos. «T’avais pas dit, à un moment donné, que toi et ta blonde essayiez d’avoir un bébé?» Au poste, Yann n’en avait parlé qu’une seule fois. Et c’était lorsque son collègue Patrick, devant une poignée de témoins, lui avait demandé s’il pensait vouloir des enfants.
— On est justement en train d’essayer, avait répondu Yann sans se douter que cinq ans plus tard, la situation serait parfaitement identique.
Karine et lui tentaient déjà d’avoir un bébé au moment où Amélie s’était mise à fréquenter David. Et maintenant, Eva – qui était arrivée par accident – avait aujourd’hui deux ans. Aux yeux de Yann, c’était tellement injuste. En fait, ce qui le dérangeait le plus dans tout ça était son beau-frère.
— Ce qui me fait chier, je vais te le dire, Karine. C’est qu’un gars comme David soit père, pis pas moi.
Un silence de mort régna dans la voiture. Karine écarquilla les yeux, visiblement troublée par les paroles vénéneuses que son conjoint venait de proférer.
— C’est grave ce que tu dis là, Yann.
— C’est humiliant, Karine. Mets-toi à ma place. Le gars, c’est un petit plombier. Il fait pas attention à ce qu’il mange, il fume du pot…
— Ça a l’air qu’il a arrêté de fumer, le coupa tout de suite Karine. En tout cas, c’est ce que ta sœur m’a dit. Pis de toute façon, c’est pas de nos affaires, ça.
— N’empêche que c’est pas juste. Moi, je m’entraîne comme un malade, je prends des suppléments, je surveille tout ce que je bouffe. Toi aussi, tu fais hyper attention.
Karine l’écouta poursuivre sa litanie sans dire un mot. Elle était estomaquée par ce qu’elle entendait. Son mari enviait leur beau-frère. Jamais il n’avait fait allusion à cette compétition avant ce soir. Pourtant, lorsqu’il était en face de David, Yann donnait plutôt l’impression d’être au-dessus de ses affaires.
— C’est la première fois que tu me parles de ça, chéri. Pourquoi tu gardais ça en dedans de toi?
Contrarié, comme s’il regrettait ce qu’il venait d’avouer, Yann lui dit d’oublier tout ça, qu’il ne pensait pas réellement ce qu’il venait de dire.
— Je suis fatigué, s’adoucit-il. Je dis n’importe quoi.
Karine n’en crut pas un mot. Jusqu’à ce soir, elle croyait connaître son mari sur le bout des doigts. Ce qu’il venait de lui confesser démontrait tout le contraire. Son homme était maladivement jaloux, et elle réalisait maintenant que quelque chose venait de se briser. Déçue, elle tourna la tête et contempla le triste décor qui défilait sous ses yeux.
Yann et Karine étaient partis depuis une trentaine de minutes. Amélie était au lit et dormait déjà à poings fermés: David s’en était assuré. Comme chaque fois qu’elle buvait un peu de vin, elle tombait comme une bûche. Lorsqu’Amélie avait demandé à David pourquoi il ne venait pas se coucher tout de suite, il avait mentionné qu’il voulait sortir un peu afin de s’aérer l’esprit.
— J’vais peut-être même faire le tour du bloc. Me semble que j’ai trop mangé.
Il n’aimait pas mentir, mais c’était parfois nécessaire.
— T’essaieras de pas faire de bruit en rentrant, OK? lui avait-elle demandé. Il faut que je me lève tôt demain.
— Promis, ma belle. Bonne nuit.
Dans la noirceur, assis sur les marches du perron de sa maison, David tirait maintenant sur son joint. Il fermait les yeux à chaque bouffée, en proie à un pur moment d’extase. Au moment de le rouler, il n’y était pas allé de main morte avec la quantité d’herbe à mettre dans le papier. J’vais être sûr de bien dormir. David avait pris soin de fermer la lumière extérieure pour qu’on ne le voie pas. Même s’il n’était pas en train de consommer du crack à la pipe, il jugeait qu’il était préférable que ses voisins ne sachent pas qu’il fume du pot. Simple précaution. La plupart des habitants du coin étaient des baby-boomers qui avaient certainement fumé des tonnes de drogues dans leurs folles jeunesses, mais David souhaitait néanmoins rester discret. Amélie et lui étaient les plus jeunes propriétaires de la rue, qui comptait une vingtaine d’adresses. David n’avait peut-être que vingt-sept ans, mais travaillait à temps plein depuis qu’il était sorti de l’école. Avec son salaire de plombier et les occasions multiples de faire des heures supplémentaires, l’argent n’était pas un problème pour lui. Ni pour Amélie, d’ailleurs. Celle-ci était infirmière auxiliaire à l’hôpital Hôtel-Dieu-de-Sorel. Cette stabilité financière à un si jeune âge avait bien impressionné le voisin d’en face lorsque le couple avait fait l’acquisition de cette petite demeure: «Vous allez remettre un peu de pep par ici! s’était exclamé l’homme en ébouriffant les cheveux d’Eva alors âgée d’à peine un an. On est tous rendus des p’tits vieux dans rue.»
David prit une dernière bouffée de son joint et se brûla le bout des doigts.
— Ayoye, murmura-t-il avant d’étouffer le mégot contre une planche de bois de sa galerie.
Il descendit les marches et alla se débarrasser de la pièce à conviction dans la bouche d’égout. Si Amélie apprenait qu’il n’avait finalement pas arrêté de fumer, elle le crucifierait sur place. David lui avait fait la promesse de cesser cette manie pour de bon. Il y a quelque temps, elle avait admis à David qu’elle avait de plus en plus de difficulté à endurer ça. «Quand je te vois prendre la petite pis que t’es gelé, ça me met toute à l’envers. Je voudrais pas qu’Eva grandisse là-dedans.» Même si David avait trouvé cet argument un peu exagéré, force était d’admettre qu’Amélie n’avait pas tout à fait tort. À vrai dire, lui aussi était légèrement blasé de cette dépendance qui prenait de plus en plus de place dans sa vie. L’hiver dernier, par exemple, il s’était même privé d’un voyage dans le Sud simplement parce qu’il savait qu’il lui serait impossible de se priver d’herbe pendant toute une semaine. David fumait de la marijuana quotidiennement depuis qu’il avait dix-huit ans. Amélie avait raison. Le moment d’arrêter était peut-être enfin venu. «OK, le timing est bon, je pense», avait-il dit à Amélie qui l’avait embrassé tendrement.
Avec toute la volonté du monde, David avait tenu le coup pendant six jours. Six longues nuits durant lesquelles il n’avait pas fermé l’œil, se contentant de transpirer comme s’il se liquéfiait. N’en pouvant plus, il était retourné voir son vendeur, la queue entre les jambes. Depuis, David avait considérablement ralenti la cadence, mais s’abandonnait tout de même à son vice au moins deux fois par jour. Toujours en cachette. Après s’être assuré que le joint était bien tombé dans l’eau de la bouche d’égout, David sortit de sa poche une plaquette de menthe qu’il colla sur sa langue afin de masquer l’odeur et le goût de la marijuana. Il monta ensuite les marches et retourna s’asseoir sur son perron. Détendu, il se laissa bercer par la brise fraîche qui venait caresser son visage. Il allait très bientôt s’ennuyer de ces paisibles moments.
2
Comme chaque vendredi, le Bazooka était rempli à sa pleine capacité. Bon nombre de clients assoiffés tentaient de se faufiler au comptoir du bar, histoire de faire tomber la pression de leur dure semaine de travail. Assis sur une banquette, près de la fenêtre, se trouvaient David et son grand ami Alex. Ils étaient arrivés suffisamment tôt pour avoir une place. Ce soir, David avait quartier libre. Une fois par mois, Amélie ou lui s’autorisait une soirée à l’extérieur tandis que l’autre demeurait à la maison pour veiller sur Eva. David se forçait maintenant pour terminer son assiette de tacos dont la sauce d’accompagnement était vraiment trop épicée à son goût.
— Ç’a pas de bon sens comme c’est fort, dit-il en repoussant son plat, totalement vaincu. J’abandonne.
— Je te l’avais dit, répondit Alex en ricanant. C’est ça que j’ai mangé la dernière fois pis j’ai eu des brûlures d’estomac toute la nuit. Pis quand je suis allé aux toilettes le lendemain, ça a tellement chauffé que j’avais l’impression d’avoir le trou de balle rouge comme un lighter de char.
David faillit s’étouffer en prenant une gorgée de sa pinte de bière.
— Merci, Alex, ça m’encourage, rit-il en s’épongeant le front avec sa serviette de table. Si toi, avec tout ce que t’es capable de manger, t’as eu des brûlements d’estomac, j’vais sûrement finir la soirée à l’urgence.
Alex était une force de la nature. Un jour, David l’avait vu ingurgiter neuf pointes de pizza dans un restaurant où l’on pouvait se servir à volonté. L’instant d’après, il avait eu le culot de demander la carte des desserts. David n’avait aucune idée où son ami pouvait stocker toute cette nourriture, car depuis qu’ils se fréquentaient, Alex n’avait pas pris une seule livre. Les deux jeunes hommes avaient fait connaissance à l’école des métiers alors qu’ils suivaient le programme de plomberie. Leur amitié s’était bonifiée avec le temps. Il se passait rarement trois semaines sans qu’ils se voient.
— Me semble qu’on serait dus pour un ti-batte, suggéra David. Ça va m’aider à faire descendre ce que je viens de bouffer.
Alex approuva en terminant d’une gorgée le fond de son verre. Voilà une autre chose qui ralliait les deux hommes: l’amour des fines herbes. Pour ne pas perdre leurs places, Alex fit signe à la serveuse qu’ils allaient revenir. Celle-ci, plateau en main, répondit d’un hochement de tête qu’elle avait compris. David suivit son ami jusqu’à la sortie en se frayant un chemin à travers la clientèle variée de l’établissement. Ici se croisaient autant des hommes d’affaires en fin de carrière que de jeunes femmes à peine sorties de l’adolescence.
Le niveau sonore avait augmenté d’un cran. Cette petite pause allait faire du bien aux deux amis. Une fois à l’extérieur, David jeta un coup d’œil à sa montre. Il n’était que vingt et une heures. Alex et lui marchèrent une ou deux minutes jusqu’à leur banc fétiche aux abords du carré Royal, le seul espace vert du centreville. Au fil des ans, ils avaient dû fumer des centaines de joints à ce même endroit. Dans quelques siècles, plaisantaient-ils souvent, si des archéologues s’attardaient à scruter ce petit bout de territoire,
