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L’exploration du continent maudit
L’exploration du continent maudit
L’exploration du continent maudit
Livre électronique232 pages3 heures

L’exploration du continent maudit

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À propos de ce livre électronique

Véritable concentré d’action, de danger et
de mystère, MALRAGON est la périlleuse
aventure d’une poignée de jeunes hommes
et femmes qui s’éveillent en plein désert, sans un seul souvenir de leur passé pouvant expliquer leur présence en ces lieux hostiles et, comme ils ne tardent pas à le découvrir, redoutablement imprévisibles.

Au travers des déserts, des jungles gigantesques, des forêts enchantées et des marais, ils chercheront à percer l’énigme de leurs mésaventures. Mais un défi, plus urgent encore, accaparera toute leur énergie: survivre.
LangueFrançais
Date de sortie8 janv. 2018
ISBN9782897860233
L’exploration du continent maudit
Auteur

L.P. Sicard

LOUIS-PIER SICARD est un écrivain québécois né en 1991. Après avoir remporté plusieurs prix littéraires, tels que le concours international de poésie de Paris à deux reprises, L.P. Sicard publie sa première série fantastique en 2016, dont le premier tome se mérite la même année le Grand prix jeunesse des univers parallèles. Outre la parution d’une réécriture de Blanche Neige, en 2017, il publie également la trilogie Malragon, aux éditions ADA.

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    Aperçu du livre

    L’exploration du continent maudit - L.P. Sicard

    Sicard

    1

    Lorsque nous aurons les bras assez longs pour enlacer l’Univers tout entier, nous pourrons alors confirmer, sans ces équivoques qu’on

    m’accuse parfois de créer, que Malragon est

    l’une de ses plus grandes merveilles.

    Épilogue, Ce que j’ai découvert.

    Comme si des poids de cent kilos pendaient à chacun de ses cils, les paupières d’Alex se relevèrent péniblement. La lumière plongeant dans ses yeux éblouis eut l’effet de deux poignards. D’un geste qui lui apprit toute la lourdeur de son corps, il envoya son poignet sur son front afin de jeter sur son visage une ombre apaisante, mais cela ne suffit qu’à atténuer faiblement sa douleur. Sa vision demeura embrouillée longtemps encore ; la clarté lui était étrangère, comme s’il n’avait côtoyé que des ténèbres entières lors des précédentes années. Le menton collé à sa poitrine haletante, il tenta de se détourner du soleil ardent. La chaleur des rayons frappant sa chevelure noire lui tombant sur les oreilles confirmait qu’il lui faudrait, tôt ou tard, trouver de l’ombre où s’abriter, mais il suffisait d’offrir à ses pupilles le répit qu’elles espéraient tant. Ses mains s’enfoncèrent dans un sable si chaud qu’il les retira aussitôt. Quelques clignements rapides des yeux suffirent à éloigner les derniers phosphènes, et il put enfin observer son environnement.

    Une seule seconde suffit pour en venir à une première conclusion : il était dans un désert. Un sable brûlant l’entourait sur 360 degrés. N’eussent été le jeans et le tricot imbibé de sueur qu’il portait, sa peau serait sans doute brûlée partout où elle était entrée en contact avec ces grains blonds cuisants.

    Alex tenta de se relever, mais en fut incapable ; il avait l’impression de sortir d’un long combat, ne serait-ce qu’en raison de cette sensation d’avoir des ecchymoses sur tout le corps. Il repéra un rocher haut de trois mètres non loin de lui, qui, planté dans le sable tel un menhir, suffirait à lui offrir une ombre appréciable. Alex parvint à y ramper, maudissant une seconde fois le sable chaud tandis qu’il y plongeait les doigts pour avancer. À bout de souffle, il gagna l’ombre avec un soupir de soulagement. Cette simple noirceur faisait diminuer la température d’une dizaine de degrés.

    De la sueur coulait abondamment de ses cheveux sur son visage rougi ; des gouttes glissaient de ses aisselles le long de ses côtes. Comme il inspirait par la bouche, ses narines se révélant insuffisantes pour contenir un tel essoufflement, il se rendit compte de son état avancé de déshydratation : il avait la langue pâteuse, et sa trachée était douloureusement sèche. Alex tenta d’avaler, mais ne réussit qu’à s’étrangler ; il lui fallait boire à tout prix. Ce ne fut qu’à cet instant qu’il nota la présence d’un sac à son dos. Il s’empressa de retirer les courroies encore attachées à ses épaules à dessein d’en évaluer le contenu. Tout en empoignant le curseur de la fermeture à glissière, il remarqua une minuscule plaque en argent fixée à même le tissu du sac : « Alex ».

    Cette mention provoqua un froncement de sourcils. Alex aurait pu jurer n’avoir jamais possédé un pareil sac à dos. Mais qu’importait alors ! Il l’ouvrit de ses mains moites et y enfonça littéralement la tête et les bras. Ses doigts se refermèrent d’abord autour d’un objet angulaire d’une matière cartonneuse. C’était un livret à la couverture vert forêt qui ne comportait a priori nul titre. Bien que languissant de boire, il ne put s’empêcher de l’ouvrir au hasard. Deux pages couvertes de texte papillotèrent tandis qu’un vent chaud chargé de sable s’élevait autour de lui. D’un geste désinvolte, il lança le bouquin derrière son dos et poursuivit ses recherches. Alex mit la main sur un crayon à l’encre, un carnet vierge, un drapeau canadien enroulé sur sa hampe télescopique, puis, enfin, son pouce glissa sur le métal constellé de gouttes d’eau d’une gourde pleine, qui réfléchit son visage juvénile. Ses yeux s’écarquillèrent d’impatience alors qu’il en dévissait avidement le bouchon. Une eau encore fraîche lui revigora le corps telle une gorgée de népenthès. Le liquide rafraîchit sa bouche, puis sa gorge — il but si longtemps qu’il oublia de respirer et dut malgré lui cracher l’eau qui lui courait sur les lèvres pour reprendre son souffle. Soulagé, il reposa sa tête sur le rocher près duquel il était assis. Enfin, il lui fut possible de réfléchir.

    Alex étudia plus attentivement les alentours. Au-delà des dunes, il remarqua que le paysage changeait selon l’angle de vue. À sa gauche, il repéra une énorme montagne s’élever au loin ; droit devant, une rivière sèche découpait le désert en deux ; puis, très loin à sa droite, il reconnut, avec un battement de cœur léger et en plissant les yeux, la mer, qui s’étendait vers l’infini. Il lui était difficile d’évaluer la distance le séparant de la montagne ou de toute autre balise qu’il en viendrait à trouver, comme ce cactus esseulé qu’il percevait du coin de l’œil.

    Or de bien plus importantes questions et doutes habitaient son crâne traversé d’élancements violents. Que faisait-il ici ? Alex avait beau se creuser la tête jusqu’à en atteindre le fond, il n’avait aucun souvenir de ce qui avait précédé son réveil en cet endroit. Pourtant, quelque chose en lui savait qu’il y mettait les pieds pour la toute première fois. Un gémissement plaintif le tira tout à coup de ses réflexions. Son cœur prenant de la vitesse, il rangea sa gourde à demi vide dans son sac et prêta attentivement l’oreille. Le bruit suspect se répéta ; il provenait de derrière ce petit rocher auquel il était appuyé. Ressentant une énergie dégourdir ses jambes et ses bras, il déplia ses genoux et s’appuya sur la pierre chaude, avançant progressivement la tête sur le côté afin de percevoir ce qu’elle recelait. Il vit alors un jeune homme rouler à ses pieds.

    — Mes yeux ! s’écria-t-il entre ses dents serrées.

    Le corps d’Alex demeurait cloué sur place. L’inconnu, duquel il ne parvenait pas à détacher ses yeux, se traîna vers cette même pierre. Vu la difficulté avec laquelle il progressait et les râles qu’il émettait, Alex sut qu’il se trouvait dans un état identique au sien quelques minutes plus tôt. Il s’agissait d’un jeune homme d’environ son âge, soit 22 ans, pensa Alex. Il le devina d’après la barbe naissante recouverte de sable sous l’effet de la sueur sur ses joues. Ses cheveux blonds étaient nattés en dreadlocks, et une cicatrice profonde lui marquait latéralement la joue de l’oreille gauche à l’arête du nez. L’étranger parvint à gagner de peine et de misère le rocher, auquel il s’agrippa de sa main en sueur pour se hisser jusqu’à l’ombre. S’il avait d’abord pensé fuir, Alex n’éprouvait plus la moindre peur envers ce jeune homme blond — d’ailleurs, où aurait-il pu se cacher ? Au contraire, il extirpa de nouveau sa gourde de son sac et la lui tendit. En apercevant le récipient de métal dans sa vision périphérique, le blond sursauta et manqua de se heurter la tête.

    — C’est pour toi, bois, fit simplement Alex en agitant le bidon avec insistance.

    L’intéressé, encore sous le choc de la surprise, hésita, mais il avait tellement soif qu’il aurait avalé volontiers n’importe quel liquide, fût-il servi dans le fond d’une botte sale. Avec une parcimonie qui étonna Alex, il laissa l’eau rafraîchissante s’écouler doucement sur sa langue tendue et ne se satisfit que de deux petites gorgées.

    — Je te laisse le reste, le rassura Alex en étirant la main vers lui, je sais très bien que tu en veux plus.

    — Tu as bien raison, mon ami, répondit-il d’une voix enrouée, mais il en reste moins de la moitié, et qui sait combien de temps nous serons coincés dans ce désert ?

    Il tendit une main franche vers Alex. Son bras tremblotait sous l’effort de ce simple geste. En acceptant cette salutation, Alex fut frappé par la rugosité de sa paume et la fermeté de sa poigne malgré sa faiblesse manifeste.

    — Je suis Trevor.

    — Et moi Alex.

    Ils demeurèrent tous deux immobiles un instant, ce qui leur permit d’observer les alentours. D’après les sourcils froncés de Trevor, sa présence dans ce désert le troublait tout autant que lui. Son incompréhension se confirma lorsqu’il demanda, en secouant lentement la tête :

    — Où sommes-nous ?

    Alex eut un rire amer, qui se traduisit par une légère expulsion d’air de ses narines sèches.

    — Je n’en ai pas la moindre idée.

    Nouveau silence. Trevor, qui avait gardé la gourde froide contre sa poitrine, prit une autre gorgée, tout aussi économe que la précédente.

    — Dans de telles situations, expliqua-t-il en vissant le bouchon au goulot, mieux vaut de fréquentes mais petites doses. Pour ne rien gaspiller…

    — D’où tiens-tu cette information ? s’enquit Alex, qui essuya son front suintant de sa manche. Tu t’es déjà retrouvé dans un désert, avant aujourd’hui ?

    Son interlocuteur secoua la tête.

    — J’en ai la nette impression, mais je n’en suis pas sûr. J’ai… j’ai la tête qui tourne en ce moment.

    — À boire… agonisa une voix non loin d’eux.

    Leurs cœurs manquèrent un battement, et un corps s’affala de tout son long dans le sable ombragé, projetant tout autour des constellations de poussières. Alex reçut le menton d’une femme en plein ventre et en eut le souffle coupé. Tout naturellement, il prit son visage entre ses mains et le souleva avec douceur. Les yeux de l’inconnue se rivèrent sur les siens, habités d’une lueur qui témoignait à la fois de l’espérance et de l’abandon. Un geste vers la gourde de Trevor suffit à ce qu’il la lui rende. Usant d’une force délicate, il arqua le visage de l’éclopée vers l’arrière et y approcha le goulot. Lorsque les premières gouttes coulèrent au bord de ses lèvres, les réflexes de la jeune femme la poussèrent à s’emparer vivement du bidon. Les gorgées se succédèrent dans un gargouillement de gorge jusqu’à ce qu’il ne restât plus rien de leur unique réserve d’eau. Dépitée mais soulagée, elle laissa sa lourde tête retomber sur le buste d’Alex en soupirant longuement.

    — Je ne suis pas certain qu’elle ait toute sa tête, confessa Trevor à voix basse tout en arquant exagérément un seul sourcil.

    Alex se contenta de la fixer, encore hébété par son apparition soudaine. Elle semblait s’être rendormie. La peau hâlée de son visage brillait d’une centaine d’éphélides ; ses longs cheveux blonds ondulaient jusqu’à ses hanches ; son petit nez aux narines papillotantes surmontait des lèvres si rosées et luisantes qu’elles semblaient couvertes d’un baume. Trevor, constatant l’admiration dans laquelle était plongé son camarade, choisit de se relever ; même s’il n’en avait absorbé qu’une faible quantité, l’eau lui avait fait un grand bien. D’où cette fille venait-elle ? Il n’avait remarqué personne autour de lui à son réveil dans ce désert… Néanmoins, il eut rapidement la réponse à sa question : des empreintes sur une dune paraissaient droit devant lui. Le son d’un pied s’enfonçant dans le sable lui fit tourner la tête ; Alex, appuyé contre le rocher, avait choisi de se lever à son tour.

    — Eh bien, dis donc ! s’exclama-t-il en levant une main en visière sur son front. Il y en a peut-être d’autres non loin d’ici !

    — C’est exactement ce que je me disais, renchérit Trevor en plissant les yeux. Allons voir. Et ne t’inquiète pas pour la blondinette, ajouta-t-il en lui adressant un faciès faussement réprobateur, nous serons de retour dans quelques minutes.

    Tous deux prirent le chemin des traces d’un commun accord. Le soleil était si ardent qu’Alex avait l’impression de sentir sa peau cuire sous ses rayons. Bien que la marche ne fût que d’une centaine de mètres, les marcheurs s’étaient mis à haleter. Ils suèrent bientôt si abondamment qu’ils n’eurent qu’une idée en tête : revenir à l’ombre. Les empreintes laissées dans le sable disparurent au sommet de la dune. Là se trouvaient les vestiges évidents du corps étendu de la jeune femme, ce qui, en revanche, n’expliquait pas comment elle s’était retrouvée là. On eût dit qu’elle était tombée du ciel. Alex s’apprêtait à s’accroupir pour reprendre son souffle lorsque Trevor lui empoigna le bras de sa main rugueuse et moite.

    — Regarde !

    Alex suivit la direction du doigt pointé pour découvrir, au bas de la dune, près d’une dizaine de corps étendus ! Un calcul rapide lui permit d’en déterminer le nombre exact : sept individus se trouvaient là, assaillis par un soleil violent ! Aucun d’entre eux ne remuait — Alex craignit que ceux-ci ne soient morts de déshydratation et se mit à courir vers eux. Il projetait le sable brûlant de chaque côté de lui tandis qu’il dévalait la dune, ne se souciant guère plus de son épuisement. Il atterrit si brusquement près du premier corps qu’il se tordit légèrement la cheville. Sans plus attendre, il fit courir son index le long de la gorge d’un jeune homme, qui avait la moitié du visage enfoncée dans le sable, mais comme il n’avait jamais appris à chercher correctement le pouls, il ne sut alors s’il avait mal pris sa mesure ou si, véritablement, cet autre inconnu était mort.

    Sans qu’il s’avère nécessaire de se donner des ordres mutuels, Alex et Trevor cueillirent les corps les uns après les autres afin de les déposer de l’autre côté de la colline de sable, là où se trouvait un peu d’ombre. À leur retour, la jeune femme dont ils ignoraient encore le nom et à laquelle il tardait de poser leurs premières questions se mit également de la partie. Manifestement, l’eau et l’ombre lui avaient fait un grand bien. Les allers-retours effrénés se multiplièrent, et Alex se retrouva rapidement dans un dangereux état d’épuisement. Des scintillements étourdissants envahissaient sa vue, des haut-le-cœur faisaient tressaillir sa poitrine, ses mains s’étaient mises à trembler… mais il ne s’en souciait pas — à peine en était-il conscient. Ce ne fut qu’une fois la dernière personne inconsciente déposée près du rocher qu’il se laissa vaciller jusqu’à tomber à genoux. Trevor, dans un état similaire, glissa le long de la pierre.

    — Ton sac… articula péniblement Alex en essayant d’avaler la salive qu’il n’avait pas, regarde dans ton sac.

    Trevor retira les courroies toujours à son dos et fouilla le contenu du sac. En un tournemain, il repéra ce qu’espérait Alex : une seconde gourde pleine. Cette fois, il ne put se résoudre à n’en boire que de maigres gorgées, mais il eut la décence d’en laisser suffisamment pour ses deux nouveaux compagnons éveillés. Alex était assis, encore étourdi par les récents efforts déployés pour transporter les corps, lorsqu’il se mit à les étudier plus attentivement. Tous étaient vêtus de la même manière, lui-même y compris : un jeans délavé, un tricot de laine fort peu adapté à un climat si aride, ainsi qu’un sac à dos arborant la gravure d’un nom. À cet égard, il remarqua l’inscription étincelante sur celui qu’avait l’adolescente à présent sur ses genoux : « Nelly ».

    — Viens par ici, toi ! s’exclama-t-elle en levant victorieusement sa gourde à bout de bras.

    Alex, croyant qu’elle s’apprêtait à se rafraîchir encore, se préparait à intervenir, mais s’interrompit lorsqu’elle fit un pas vers le jeune comateux le plus rapproché. Elle lui pinça les trapèzes de ses doigts, claqua quelques fois des mains, mais en vain ; rien ne parvenait à réveiller cet autre inconnu. Approchant son oreille de sa bouche close, Nelly ferma les yeux, et ses lèvres effectuèrent le compte muet de dix secondes, puis elle se redressa en inspirant fortement du nez.

    — Il respire, conclut-elle en dévissant le bouchon de son bidon d’une laborieuse supination du poignet.

    Alex et Trevor échangèrent un regard circonspect.

    — Ce n’est pas très orthodoxe comme méthode, excusez-la… fit-elle avant d’asperger d’eau le visage du jeune homme.

    Cette tentative eut l’effet escompté ; dans un état de panique et d’incompréhension, celui-ci s’éveilla brusquement. Sa gorge douloureuse tenta vainement de pousser un cri.

    — Je sais, je sais, bois, c’est pour toi.

    Nelly lui plaqua doucement la gourde ruisselante contre la poitrine. Ainsi qu’un mourant parmi les morts s’empare du dernier remède, il empoigna le récipient d’une main tremblante et soulagea son être de sa déshydratation.

    — Merci, parvint-il à articuler sans pouvoir ôter la frayeur qui se reflétait au creux de ses pupilles. Qui… qui êtes-vous ?

    — Tutoie-moi si tu veux bien, très cher. Je m’appelle Nelly.

    Elle lui décocha un sourire des plus francs puis se tourna vers le corps suivant sans fournir d’explications supplémentaires — en avait-elle seulement ? Alex, trop étonné encore de cette scène, se contenta d’adresser un signe à cet inconnu nouvellement éveillé pour lui enjoindre de se rapprocher. Traînant avec peine le poids de son propre corps, il se trouva une place pour s’adosser contre le rocher. Il s’agissait d’un garçon efflanqué à mi-chemin entre l’enfance et l’âge adulte. Sa maigreur semblait accentuée par sa grande taille, et l’on devinait ses membres anguleux au travers des vêtements qui lui paraissaient à la fois trop courts et trop larges.

    — Je m’appelle William. Je…

    Sa voix se brisa. Il semblait sur le point d’éclater en sanglots.

    — Ne t’inquiète pas, le rassura Alex en esquissant un faible sourire. Tu n’as aucun souvenir et tu te demandes encore ce que tu fais dans le désert, pas vrai ?

    Il hocha la tête tel un enfant qui avoue son premier mensonge.

    — Il ne m’en reste plus un seul, confirma-t-il, les lèvres pincées. Tout ce dont je me souviens saurait se résumer à mon nom, ainsi qu’à ceux de toutes ces plantes que je sais avoir un jour étudiées, qu’ils soient en français, en anglais ou en latin. Astragalus membranaceus, Matricaria recutita, Eschscholtzia californica

    — On a compris le principe, je pense bien, le fit taire Nelly, affairée à réanimer une autre fille.

    — Mais le reste, tout le reste… poursuivit William sans s’attarder à la précédente remarque, plus rien !

    Alex, en ayant déjà assez de ses propres soucis, choisit de s’écarter de William sans daigner répondre à son cri d’angoisse. À vrai dire, il n’avait pas de réponses. Cela lui fit néanmoins prendre conscience que rien, a priori, n’avait résisté à la perte de mémoire qu’il accusait à ce jour. Aussi fut-il étonné

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