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Cataclysmes
Cataclysmes
Cataclysmes
Livre électronique233 pages3 heures

Cataclysmes

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À propos de ce livre électronique

Véritable concentré d’action, de danger et
de mystère, MALRAGON est la périlleuse
aventure d’une poignée de jeunes hommes
et femmes qui s’éveillent en plein désert, sans un seul souvenir de leur passé pouvant expliquer leur présence en ces lieux hostiles et, comme ils ne tardent pas à le découvrir, redoutablement imprévisibles.

C’est cette fois dans une forêt parsemée de pièges, en de calmes prairies, sur une mer houleuse ainsi qu’en des steppes volcaniques que les survivants feront des découvertes infiniment troublantes. Les objectifs et priorités basculent, mais un seul défi est et demeure: survivre.
LangueFrançais
Date de sortie8 janv. 2018
ISBN9782897860264
Cataclysmes
Auteur

L.P. Sicard

LOUIS-PIER SICARD est un écrivain québécois né en 1991. Après avoir remporté plusieurs prix littéraires, tels que le concours international de poésie de Paris à deux reprises, L.P. Sicard publie sa première série fantastique en 2016, dont le premier tome se mérite la même année le Grand prix jeunesse des univers parallèles. Outre la parution d’une réécriture de Blanche Neige, en 2017, il publie également la trilogie Malragon, aux éditions ADA.

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    Cataclysmes - L.P. Sicard

    ADA.

    1

    Et l’on m’a demandé : « Comment croyez-vous que cette mission se terminera ? » À cela, je ne vis d’autre réponse que celle-ci : « Elle ne connaîtra d’autre fin que la victoire. »

    Entrevue avec le fondateur de la mission

    Brainer, Décompte.

    Malragon.

    Il s’agissait peut-être d’une planète. Peut-être d’un continent. Peut-être de tout autre chose, qui se serait apparenté à un long et infranchissable mirage, à la fois rêve et cauchemar, à la fois vie et mort. Ici, même les évidences étaient ombrées de mystère.

    Chaque seconde représentait un combat contre la folie. Lorsque le passé est oublié, que l’avenir se rétrécit jusqu’à n’être plus qu’un long et étroit couloir empli de brume, où l’on avance à tâtons sans savoir si un précipice nous guette quelques mètres plus loin, que peut être le présent, sinon une inexorable et épuisante lutte ?

    Tout avait changé depuis la découverte du drapeau russe à proximité. Si Trevor, Nelly, William, Annie, Doug, Damien et Alex s’étaient crus en danger dans la nature sauvage et surnaturelle de Malragon, maintenant, ce ne pouvait qu’être pire. À la menace d’un monde imprévisible s’ajoutait celle d’un camp ennemi, et peut-être de plusieurs. Au vu de l’immonde torture que les Russes avaient fait subir à Trevor sans motif apparent, il aurait été sot de ne point les craindre. Le seul point positif était que Déborah était de retour parmi le groupe, et qu’elle détenait peut-être des informations vitales qu’il tardait à Alex de connaître. Ce dernier n’avait cessé de se poser les mêmes questions, qui effectuaient d’inutiles allers-retours dans sa conscience sans jamais s’épuiser. À bien y penser, il y avait un bon côté à cette pluie de cristal qui tombait vaillamment dès la nuit tombée : sans cette vapeur somnifère, il aurait assurément souffert d’insomnie tant son esprit était alourdi d’incompréhension et d’impuissance.

    La nuit était sur le point de tomber sur Malragon, qui avait encore cet aspect marécageux où ne résidait nulle source de vie. Les huit explorateurs entouraient un feu discret, n’osant prendre la parole par peur de couvrir un bruit suspect provenant des alentours enténébrés. Le crépitement du bois consumé par les flammes suffisait à faire sursauter les plus vulnérables du groupe. Selon leurs estimations, il ne restait que quelques minutes avant que ne tombent du ciel obscur les flocons éthérés qui les plongeraient peu après dans un profond sommeil. Tout ce qu’ils désiraient, en cet instant, était que l’environnement dans lequel ils s’éveilleraient le lendemain leur permît de mettre en œuvre tout ce qui fut dit au courant de la journée.

    Il y avait tant à faire, et si peu de temps, si peu de ressources ! Déborah, l’œil vigilant, n’avait pas quitté son arbalète une seconde depuis les six dernières heures ; encore à cet instant, son index reposait contre la détente, comme le carreau à la pointe effilée luisait sous les braises. À l’aide de son canif, Trevor s’était construit une lance improvisée, l’ayant attachée au bout d’une branche solide à l’aide de cordages. Étant donné que son épaule était encore coincée dans l’attelle confectionnée par Nelly, il avait prêté son arme à Alex, qui en était venu à avoir mal aux jointures à force d’en serrer le manche au creux de sa paume. Leurs traces, laissées dans la boue, les avaient tourmentés sans relâche : quiconque les aurait repérées — et rien n’aurait été plus aisé que de les découvrir — aurait aisément pu se rendre jusqu’à leur abri et les attaquer sans avertissement. La tombée du jour avait contribué à redoubler leur appréhension.

    Par chance, les nuits étaient courtes sur Malragon.

    — Plus que quelques minutes, lança distraitement William, qui effectuait mentalement un laborieux décompte.

    — Tais-toi ! lui murmura sèchement Déborah, sans même le regarder.

    — Même si les pièges se déclenchaient maintenant, ils n’auraient pas le temps de se rendre jusqu’à nous.

    — La ferme !

    Ces pièges avaient été l’idée de Trevor. L’expert en survie avait d’amples connaissances en trappage, et avait proposé de les utiliser non pas pour capturer leur dîner — d’ailleurs, il n’avait, de toute la journée, pas entendu ni vu quoi que ce fût ayant pu laisser croire qu’un quelconque animal vécût dans ces marais moribonds —, mais pour piéger d’éventuels ennemis. Grâce aux cordes trouvées dans le havresac d’Alfie, ils avaient délimité un périmètre de sécurité. Du fil, tendu à la hauteur des chevilles, avait été soigneusement attaché au tronc des arbres et relié à la casserole vide de Trevor par un complexe système de nœuds. Le dispositif avait été maintes fois testé. Dès lors qu’on l’effleurerait du pied, une pierre remuée ainsi qu’un pendule heurterait la casserole, les alertant immédiatement d’un danger imminent.

    — Plus que cinq secondes, poursuivit William, insensible aux ordres désobligeants de la chasseuse. Quatre… Trois…

    Alors que, durant les premières nuits, ce phénomène extraordinaire était classé parmi les menaces potentielles, il faisait désormais partie des délivrances — ils étaient convaincus que nul être vivant ne pouvait résister à ce somnifère venu du ciel, et se savaient conséquemment en sécurité, ce qui n’était pas peu dire.

    — Deux… Un…

    Même si nul ne fit montre de porter attention aux dires du botaniste, tous levèrent à cet instant les yeux vers le ciel sombre, que n’illuminaient ni lune ni étoiles. Il fallut encore près d’une minute avant que ne tombât un premier flocon. William, pareil à un enfant qui voit la neige pour la première fois, bondit de son siège pour le cueillir entre ses paumes jointes. Ayant réussi à l’attraper, il approcha le minuscule cristal de la lumière du feu.

    — Fantastique, souffla-t-il, obnubilé.

    Alex voulut lui demander de lui prêter l’objet de sa contemplation pour y jeter aussi un regard plus attentif, mais se ravisa lorsqu’un flocon se déposa sur son tricot. C’était la première fois qu’il prenait le temps de l’observer aussi minutieusement. On eût dit une microscopique boule de cristal, au cœur de laquelle tournoyait une vapeur cristalline. Quelle réaction chimique, là-haut dans le ciel, permettait la création systématique de ce bijou empoisonné ? Une pointe d’amertume lui perça le cœur lorsqu’il se dit qu’il ne le saurait probablement jamais.

    Ce qui naguère causait tant d’émoi lentement s’intégrait dans la routine. Ce fut sans empressement ni panique que le groupe, sous la tombée des cristaux, se dirigea vers l’abri de branches et de feuilles qu’ils avaient ensemble construit quelques jours plus tôt. Nelly ne ressentit pas le besoin, cette fois, de tenir la main d’Alex. Tous deux, d’ailleurs, étaient trop absorbés par leurs réflexions et angoisses pour échanger n’aurait-ce été que quelques mots. Dès que le sortilège serait résorbé, que leurs paupières s’ouvriraient sur un environnement nouveau, sonnerait le début d’une journée au cours de laquelle ils auraient énormément de travail à accomplir.

    Sans être glaciale, la température était devenue inconfortable ; Alex s’était mis à grelotter en s’écartant du feu. À bien y penser, il se dit que la température représentait l’un de leurs plus menaçants ennemis. Il n’était pas impossible, comme plus d’un en fit mention, qu’ils s’éveillent en plein hiver. Pouvait-on mourir durant la nuit ? Avec un jeans et un simple tricot, il doutait de pouvoir survivre des heures durant à une température sous zéro. Il aurait été naïf de sous-estimer cette menace ; cette nuit qu’il s’apprêtait à traverser pourrait bien être la dernière.

    Sur ces pensées noires qu’il choisit de ne pas partager, Alex perçut la première détonation, loin dans le marais, que relayèrent ensuite des centaines d’autres. Des regards inquiets s’échangèrent parmi le groupe, dont les individus se rapprochèrent d’instinct les uns des autres. Les inévitables vapeurs blanches s’immiscèrent par chaque ouverture, chaque fissure, voletant momentanément parmi les corps immobiles. Alex inspira des bouffées du somnifère, sentant aussitôt ses paupières s’alourdir, et il ne vit pas, tout autour de lui, les troncs s’affaisser sur le lit de feuilles mortes ni le marais qui l’entourait disparaître tel un mirage.

    ***

    Il y a quelque chose d’effrayant dans la perte de la notion du temps ; ce n’est pas d’ignorer quelle heure il est, mais bien de ne pas savoir depuis combien d’heures, de jours, de semaines ou de mois je suis alité dans cette même pièce, où les néons me servent de soleil et les murs blancs, de nuages. On vient régulièrement me rendre visite, mais on ne me dit pas un mot. Ces hommes vêtus de sarraus doivent savoir qu’il me serait impossible de répondre à leurs questions ; je suis encore incapable de remuer plus que mes doigts et orteils. Je sens qu’à mon corps sont branchés de nombreux fils et tubes dont l’utilité m’échappe. Je devine que l’un d’entre eux sert à me nourrir, comme je n’ai rien pu avaler depuis… depuis combien de temps ? J’en suis venu à me demander si je pourrais un jour sortir de cet endroit, de cet état comateux duquel je reste prisonnier. J’ai tout essayé pour me souvenir, mais rien n’a fonctionné ; je crois qu’il m’est arrivé un grave accident, peut-être une collision sur la route ou le crash d’un avion…

    Je n’ai pas revu cette femme dont j’ai reçu les larmes sur ma joue. Je ne pourrais dire que je la connaissais et être persuadé de ce que j’affirme, bien qu’elle m’ait à plusieurs reprises désigné comme son fils. Comment pourrais-je oublier le visage de ma propre mère ? Quoi qu’il en soit, cette absence me laisse perplexe. M’a-t-elle abandonné ? Sait-elle ce que j’ignore, que je suis condamné à mourir sous peu, qu’il n’y a aucun remède à mon apparente amnésie ? Est-ce cela, l’Alzheimer ? Non, ma maladie, si elle en est une, est encore plus grave. Quelquefois, je cesse de réfléchir pour apaiser les maux qui tambourinent dans ma tête, mais, n’ayant rien d’autre à faire, je recommence peu après.

    J’ai hâte qu’on me sorte d’ici.

    ***

    Pour la première fois depuis son arrivée sur Malragon, Alex ne fut pas le premier à s’éveiller. Nelly, avec douceur, lui tapota l’épaule, tandis qu’autour d’eux s’étiraient et bâillaient les autres. Malgré toute la tendresse qui imprégnait ses gestes et murmures, Alex sursauta, cherchant de tous côtés la présence d’un danger qui n’était pas encore.

    — Ça va ! C’est moi, Nelly ! le rassura-t-elle.

    Elle avait un sourire radieux aux lèvres. Ce fut encore mieux que le soleil.

    — Comment c’est, dehors ? demanda-t-il de sa voix enrouée par le sommeil.

    — Je crois que nous avons été chanceux, pour une fois ! se réjouit-elle sans plus d’explications. Viens, tu verras !

    Encouragé par la bonne nouvelle, Alex se redressa en toute hâte malgré le tournis sévissant dans son cerveau et prit la sortie de l’abri en s’accroupissant. Il n’avait pas encore noté la température ambiante, comme elle était confortablement semblable à celle de son corps. Ce qu’il remarqua d’entrée de jeu fut la vivifiante verdure qui tapissait le sol exactement là où stagnait précédemment une boue visqueuse. Partout, de l’herbe duveteuse, comme taillée minutieusement, lui donnait l’envie de s’y rouler, de s’en faire des draps et couvertures desquels se draper. Quant aux arbres, qui avaient été dépourvus de toute source de vie, ils regorgeaient à présent de fruits et de fleurs. Des oiseaux, battant des ailes d’une branche à l’autre, ramageaient joyeusement sous le ciel azuré sans nuages, et la rivière bruissait de son flot continu. Il était difficile de penser qu’une aussi charmante nature pût abriter quelque danger que ce fût, mais Alex n’était pas assez naïf pour croire en un paradis terrestre ; environnement prometteur ou pas, le travail devait être fait.

    Un bref examen des lieux lui confirma que plusieurs s’étaient déjà relevé les manches pour se mettre au boulot : Doug et Damien s’affairaient à ramasser des pierres provenant de la rivière et des branches solides ; Trevor, qui s’était départi de son attelle et n’était plus encombré de ses blessures sur le chemin de la guérison, tentait tant bien que mal de réanimer les braises du feu de la nuit précédente ; William recueillait des échantillons de feuilles, fleurs et racines ; Annie était penchée sur la peau qu’il lui fallait tanner ; Déborah, accroupie parmi les buissons, cherchait des empreintes sur le sol. Aussi, Nelly et Alex n’avaient nul besoin qu’on leur rappelât ce qu’ils avaient à accomplir : tous deux avaient pour tâche de cartographier — et cette fois d’une sérieuse manière — le terrain en indiquant quelle zone appartenait à la Russie, voire à d’autres pays. On leur avait remis les deux couteaux que possédaient la chasseuse et l’expert en survie, sachant que leur mission comportait certains risques.

    — On y va ? demanda Alex à sa partenaire.

    Il aurait volontiers pris quelques bouchées d’un déjeuner avant de prendre le chemin de la forêt, mais on était à l’instant même en train de chercher des aliments, et la maigre réserve de biscuits qu’avait Déborah avait rapidement été épuisée. La blonde acquiesça en prenant les devants. C’était si agréable de se promener sur une pelouse moelleuse, avec tous ces parfums et un vent léger ! En fouillant dans son carnet, il revit sa première ébauche, avec ses impasses et son ridicule « Rituel des feuilles sacrées pour Nelly » raturé à quatre reprises. Sentant ses joues rougir à la seule vue de cette mention, il entreprit dans l’immédiat de déchirer la première page du carnet. Le bruit en résultant attira l’attention de Nelly.

    — Qu’est-ce que tu fais ?

    Elle n’attendit pas sa réponse, voyant qu’il cachait quelque chose au creux de sa main.

    — Tu comptes mes pas, n’est-ce pas ? dit-elle en plissant les yeux. Donne-moi ça !

    Elle désigna du regard ce qu’Alex cachait. Ne désirant surtout pas s’embourber davantage dans la honte en feignant de ne rien receler, il lui lança la boulette du papier qu’il avait froissé, espérant du même coup en abîmer suffisamment l’écriture. Nelly l’attrapa au vol et la fourra dans sa poche sans même l’examiner.

    — Nous sommes rendus à 1 386 ! lança Alex, espérant vite changer de sujet.

    Elle hocha brièvement la tête sans le regarder davantage, trop concentrée qu’elle était à poursuivre le compte de ses pas. Alex effectuerait avec ces données une estimation de la distance parcourue. Dans sa main gauche, il tenait la longue-vue ayant appartenu à Alfie et prenait régulièrement des pauses afin de s’assurer qu’ils étaient bien seuls. L’œil vissé à l’oculaire, il suivait les pentes, longeait le sol, scrutait même les cimes des arbres, craignant qu’on pût leur tendre une embuscade des airs. Par ailleurs, il s’assurait constamment de garder un trajet linéaire grâce à leurs empreintes laissées sur l’herbe ; s’il cherchait à dessiner une carte précise, il leur fallait des balises le plus possible. Lorsqu’il n’était pas concentré sur sa longue-vue, il ajoutait des détails à son esquisse : la rivière, l’entrée de la caverne qu’ils avaient aperçue lors de la crue, et l’endroit où avaient été installés leur piège et son dispositif d’alarme, qu’ils avaient enjambés quelques minutes plus tôt avec une grande précaution. Il prit même le temps de dessiner les rochers, les ravins traversés et les surélévations.

    Si nous entendons s’approcher des ennemis, nous aurons vaguement une idée des endroits où ils pourraient se cacher.

    — Attends une petite minute, murmura Alex à Nelly en l’arrêtant doucement de sa main. Cet endroit me rappelle quelque chose.

    Il s’apprêtait à utiliser sa jumelle lorsqu’il vit droit devant, au sommet d’une colline verte, flotter le drapeau russe. Son sang se glaça.

    — C’est ici.

    — Trois mille six cent quarante, débita Nelly avant de l’oublier. Voilà le nombre de pas qu’il a fallu pour se rendre jusqu’ici.

    Ils s’accroupirent près d’un rocher afin de ne pas attirer l’attention. Alex prit en note le nombre, estimant grossièrement que deux pas équivalaient à un mètre. Selon ces données, le territoire russe se trouvait à moins de deux kilomètres de leur abri. C’était encore pire que ce qu’il avait craint ! À l’aide de son crayon, il traça une épaisse ligne près de laquelle il ajouta la mention : « Danger, zone ennemie ». C’était suffisant pour l’instant. Alex savait que, tôt ou tard, il leur faudrait pénétrer dans cette zone afin d’en savoir plus, mais ce ne serait qu’après des semaines de préparatifs. En rangeant son carnet dans son sac, il se rendit compte qu’aucun oiseau ne chantait dans cette section de la forêt, contribuant à accentuer son effet sinistre détonnant sur sa beauté verdoyante. L’arbre auquel on avait laissé Trevor pour mort se dressait toujours au même endroit, désormais rayonnant de couleur et de vitalité. Alex ressentit l’empressement de quitter cet endroit qui lui donnait la chair de poule.

    — Partons, résuma-t-il en se relevant.

    Son cœur avait doublé de vitesse, ses jambes s’étaient mises à courir d’elles-mêmes. D’un geste rapide, il s’assura que le canif était toujours attaché à sa taille. Il avait le sentiment qu’un danger rôdait autour d’eux, comme s’il marchait sous un nuage menaçant en plein orage. Il avait été idiot de s’éloigner autant du campement ! Ils n’auraient jamais dû proposer cette mission ; elle était fort trop dangereuse !

    — Alex…

    Son sang ne fit qu’un tour dans ses veines, et Alex s’arrêta subitement. La voix de Nelly était empreinte de frayeur.

    — Il y a quelqu’un…

    Elle leva un doigt tremblant vers une silhouette à peine discernable au travers des feuillages, qui marchait à une centaine de mètres d’eux. En l’apercevant, Alex saisit le bras de Nelly et plongea dans le bosquet le plus près. À s’en écorcher la peau, il s’engouffra dans les branchages épineux, ramenant bras et jambes près de son corps. Il n’était pas certain d’avoir bien vu, mais cet individu semblait marcher dans leur direction. Il ne restait plus qu’à espérer qu’il ne les eût pas remarqués. Alex contrôlait sa respiration avec peine afin d’en réduire le bruit ; les dernières minutes de course, jointes à cet état d’alarme dont son cœur s’affolait, avaient contribué à grandement l’essouffler.

    De nombreuses secondes s’écoulèrent sans un signe de quelque présence humaine. Alex et Nelly échangèrent un regard, sans risquer un mot de plus. Ils resteraient recroquevillés dans cet amas d’épines et de branches entortillées durant une heure, si cela pouvait leur assurer de retourner au campement sains et saufs. Émergeant cruellement du silence, le bruit d’une branche cassée à quelques mètres seulement d’où ils étaient tapis les fit blêmir. Alex porta aussitôt sa main

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