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La maltraitance: Perspective développementale et écologique
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La maltraitance: Perspective développementale et écologique
Livre électronique706 pages7 heures

La maltraitance: Perspective développementale et écologique

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À propos de ce livre électronique

La maltraitance est un phénomène mondial qui, en dépit d’une attention médiatique accrue, continue d’affecter les individus les plus vulnérables de notre société. Ce problème sociétal complexe a des effets dévastateurs sur le développement des enfants. Ce livre a pour objectif d’éclairer les lecteurs sur les processus développementaux qui contribuent à la maltraitance et à ses effets nuisibles sur les trajectoires développementales des enfants.

Cet ouvrage collectif se penche sur différents contextes d’intervention, offre des pistes de réflexion touchant des enjeux cliniques, organisationnels et de politiques publiques, et porte un regard multidimensionnel sur les processus développementaux, en tenant compte de l’influence des facteurs de risque et de protection de divers systèmes écologiques.
LangueFrançais
Date de sortie9 mars 2022
ISBN9782760556539
La maltraitance: Perspective développementale et écologique

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    Aperçu du livre

    La maltraitance - Diane Saint-Laurent

    La maltraitance

    État des connaissances et perspectives cliniques

    Karine Dubois-Comtois

    Chantal Cyr

    Diane St-Laurent

    La maltraitance envers les enfants se définit comme la commission ou l’omission d’actions par le donneur de soins – le plus souvent le parent – qui compromet la sécurité ou le développement de l’enfant. Il est ici question autant d’épisodes d’abus¹ physiques, sexuels ou émotionnels que de négligence parentale. Ces épisodes constituent des traumatismes interpersonnels chroniques chez les enfants qui en sont victimes puisqu’ils surviennent souvent de façon répétée et parce que les parents ne les protègent pas de ces situations perturbantes (Ford et Courtois, 2013; Milot, Collin-Vézina et Godbout, 2018). La prévalence mondiale de la maltraitance envers les enfants âgés de 0 à 18 ans et signalés aux services de la protection de la jeunesse est d’environ 4 enfants sur 1 000 (Stoltenborgh et al., 2015). Ces chiffres, qui ne tiennent compte que des cas signalés, sous-estiment nécessairement le phénomène de la maltraitance. Les données recueillies rétrospectivement à l’aide de questionnaires suggèrent plutôt que la maltraitance pourrait toucher entre 127 et 363 enfants sur 1 000 selon le type de maltraitance subie (Stoltenborgh et al., 2015).

    Ces statistiques décrivent bien l’ampleur du phénomène de la maltraitance, mais derrière celles-ci se trouvent des individus gravement éprouvés. Au Québec, en avril 2019, une jeune fille âgée de 7 ans est décédée au domicile de son père et de sa belle-mère des suites de maltraitance. Ce drame nous a rappelé que l’issue de la maltraitance peut être tragique. Le Québec tout entier a été bouleversé et, face à ce drame, nous avons un devoir de mémoire, mais aussi la responsabilité de veiller à ce que ces situations de maltraitance, même celles qui ne font pas les manchettes, soient prises en charge de façon prompte et efficace. Cet événement a contribué, en mai 2019, à la mise sur pied, au Québec, de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, sous la présidence de madame Régine Laurent². Les travaux de la Commission de même que les nombreux mémoires qui y ont été déposés ont tous convergé vers la nécessité de mieux répondre aux besoins des enfants et des familles en contexte de maltraitance, et de réformer la façon dont les services sont donnés afin qu’ils soient dirigés plus efficacement vers les familles vulnérables, qu’ils soient accessibles bien avant que se produisent les situations de compromission et qu’ils placent l’intérêt supérieur de l’enfant au centre de toutes les décisions.

    1.Présentation de l’ouvrage collectif et ses chapitres

    Le présent ouvrage s’inscrit tout à fait dans cette perspective de placer les besoins des enfants au cœur des réflexions. Il s’appuie sur les plus récents travaux de recherche et présente des connaissances ayant émergé de solides assises scientifiques. Cet ouvrage collectif se distingue des écrits francophones antérieurs parce qu’il fait une analyse du phénomène de la maltraitance à travers la perspective développementale et écologique-transactionnelle. Cette perspective permet de porter un regard multifactoriel sur les processus développementaux en cause dans l’émergence et les effets de la maltraitance sur l’enfant en tenant compte des influences réciproques et transactionnelles de facteurs de divers niveaux écologiques, certains proximaux à l’enfant, comme les relations parents-enfants, et d’autres plus distaux, tels que le réseau de soutien social des parents et leur statut socioéconomique. Ce livre se veut donc un ouvrage de référence qui place le développement de l’enfant au centre des préoccupations en posant un regard critique sur les multiples facteurs qui entourent le phénomène de la maltraitance. Cet ouvrage vise à mieux saisir les mécanismes qui contribuent aux épisodes de maltraitance et à leurs effets néfastes sur l’individu. Il offre également des pistes de réflexion pour soutenir les initiatives scientifiques et cliniques, de même que pour générer des changements dans les politiques sociales afin qu’elles tiennent compte des multiples facteurs impliqués dans la maltraitance et de leurs interactions. L’ouvrage se divise en trois partie: 1) étiologie de la maltraitance; 2) maltraitance et développement de l’enfant; et 3) maltraitance et intervention.

    2.Étiologie de la maltraitance

    Les quatre premiers chapitres permettent au lecteur de mieux apprécier les contextes dans lesquels survient la maltraitance et de connaître les mécanismes développementaux qui contribuent à maintenir ou à briser le cycle intergénérationnel de la maltraitance. L’ouvrage s’amorce avec le chapitre de Valentino et Edler, qui expose les assises théoriques du modèle conceptuel dans lequel s’inscrivent les connaissances scientifiques et les travaux cliniques et empiriques présentés dans les chapitres subséquents. Les auteurs expliquent pourquoi la perspective développementale et écologique-transactionnelle est fondamentale à une compréhension multifactorielle de la maltraitance et des processus impliqués. Le contexte de maltraitance s’inscrit dans un système environnemental et familial dont les interrelations sont complexes et dynamiques dans le temps, et dont les acteurs sont en situation de vulnérabilité. Intervenir dans ce contexte nécessite alors de bien cerner les facteurs en cause.

    Le chapitre 2 de St-Laurent, Dubois-Comtois, Milot et Cantinotti aborde la question de la continuité et de la discontinuité intergéné-rationnelle de la maltraitance. Le fait d’avoir vécu des expériences de maltraitance durant l’enfance est associé à un risque accru, à l’âge adulte, d’adopter des pratiques parentales négligentes ou abusives envers son enfant, indiquant la présence d’une continuité intergénérationnelle de la maltraitance. Une proportion substantielle de parents victimes de maltraitance durant l’enfance ne reproduisent toutefois pas le cycle de la maltraitance avec leur enfant. Les auteurs présentent divers facteurs individuels, familiaux, contextuels et sociodémographiques associés à la continuité et à la discontinuité intergénérationnelle, contribuant ainsi à identifier des cibles d’intervention afin de soutenir les familles et de rompre le cycle intergénérationnel de la maltraitance.

    Berthelot et Garon-Bissonnette présentent, au chapitre 3, un modèle développemental des cycles intergénérationnels de la maltraitance. Plusieurs mécanismes sont impliqués dans la trajectoire développementale des individus ayant vécu de la maltraitance et contribuent à expliquer le fait que certains, une fois devenus adultes, parviennent à briser le cycle de la maltraitance alors que d’autres voient les traumatismes du passé se réactiver dans la relation avec leur enfant. Les auteurs portent leur attention sur trois mécanismes altérés par la maltraitance durant l’enfance, qui affectent à leur tour la parentalité: la mentalisation, les représentations d’attachement et le développement neurocognitif. Ces mécanismes représentent des avenues pertinentes pour la prévention et l’intervention auprès de cette population.

    Le chapitre 4 de Lecompte, Rousseau et Cognard-Bessette porte sur la maltraitance dans un contexte familial bien précis, soit celui de l’immigration et de la diversité culturelle. Les familles issues de ce contexte sont surreprésentées dans les signalements en protection de la jeunesse, sans que ces signalements soient nécessairement fondés. Les intervenants qui travaillent auprès de ces familles doivent bien comprendre leurs particularités et les enjeux entourant le parcours migratoire, et offrir des interventions qui répondent à leurs besoins particuliers et qui sont sensibles sur le plan culturel. Les notions de culture, de repères culturels et de migration doivent faire partie de la formation des intervenants et être intégrées dans les interventions à privilégier auprès des familles immigrantes.

    3.Maltraitance et développement de l’enfant

    La maltraitance fait référence à des gestes perturbateurs qui induisent un stress chronique ou intense chez l’enfant en plus de s’inscrire dans un contexte familial et social plus large marqué par de multiples facteurs de risque. Il n’est donc pas étonnant que la maltraitance laisse de profondes traces dans le parcours de vie des enfants qui en sont victimes. La deuxième partie de cet ouvrage collectif brosse un portrait des sphères développementales affectées par la maltraitance.

    Le chapitre 5 de Comtois-Cabana, Matte-Landry, Cantave, Provençal et Ouellet-Morin décrit les mécanismes neurophysiologiques qui sont altérés de façon persistante par l’exposition à la maltraitance. Trois systèmes neurophysiologiques sont présentés: le système neuroendocrinien à travers l’axe hypothalamo-pituitaire-surrénal, les structures cérébrales liées aux fonctions exécutives, et les marques épigénétiques par le biais de la méthylation de l’ADN. Ces mécanismes permettent de mieux saisir la relation entre les épisodes de maltraitance et les difficultés de fonctionnement des enfants qui surviennent parfois des années après les traumatismes vécus.

    Le chapitre 6 de Stipanicic, Sylvestre, Nolin et Paquette aborde les principales difficultés langagières et cognitives que l’on retrouve chez les enfants victimes de maltraitance. Ces difficultés sont présentées en considérant les différentes formes de maltraitance, tout particulièrement l’abus physique et la négligence. Aux prises avec des difficultés langagières et cognitives, bon nombre d’enfants abusés ou négligés présentent également un fonctionnement scolaire altéré. Les auteurs formulent des recommandations sur la conduite à adopter pour mieux soutenir ces enfants dans leur développement langagier et cognitif et leur réussite scolaire. Ils invitent aussi les lecteurs à réfléchir à la portée des connaissances actuelles en considérant les principaux défis méthodologiques des études sur la maltraitance.

    Le fonctionnement socioémotionnel des enfants victimes de maltraitance est décrit au chapitre 7. Grisé Bolduc, Turgeon, Urbain et Milot y présentent différents types de conséquences socioémotionnelles de la maltraitance telles que les difficultés dans les relations d’attachement, les perturbations des relations avec les pairs, les difficultés de régulation émotionnelle et les problèmes de comportement intériorisés et extériorisés. Ces difficultés issues des épisodes de maltraitance et observées durant l’enfance sont susceptibles d’engendrer, chez le jeune, un éventail de troubles émotionnels persistants dans plusieurs sphères de développement, voire des traumatismes qui altéreront son fonctionnement global à long terme. Conséquemment, l’importance d’offrir un soutien clinique, fondé notamment sur les théories du trauma³ complexe, constitue une voie à privilégier pour ces jeunes.

    Le chapitre 8 de Racine, Eirich et Madigan aborde le phénomène de la résilience face à la maltraitance. Il offre un éclairage autant théorique qu’empirique sur les situations d’enfants qui, malgré l’expérience de la maltraitance, présentent un fonctionnement adaptatif élevé similaire à celui observé chez les enfants non maltraités. Pour développer des stratégies de prévention et d’intervention efficaces susceptibles de favoriser une adaptation positive chez ces enfants, il est fondamental de comprendre les mécanismes qui favorisent la résilience des enfants victimes de maltraitance. La portée clinique des études sur la résilience est indiscutable.

    4.Maltraitance et intervention

    Les enfants victimes de maltraitance et leurs parents constituent une population hautement vulnérable à de nombreux égards. Ces individus, grandement éprouvés par un ensemble de facteurs de risque et par la présence d’événements perturbateurs, reçoivent souvent des services de divers établissements ou organisations tels que le milieu scolaire, les organismes communautaires et les établissements de santé et de services sociaux, incluant la protection de la jeunesse. Pour soutenir ces enfants et leur famille, les intervenants doivent bien saisir leur réalité et leur offrir de l’aide et des interventions qui répondent à leurs besoins. Du côté des intervenants, travailler auprès de cette population amène son lot de défis en raison, dans bien des situations, de l’urgence d’intervenir, mais aussi à cause des nombreuses sphères dans lesquelles ces familles ont besoin de soutien. La dernière partie de cet ouvrage collectif porte un regard sur différents contextes d’intervention et aborde, de façon plus large, certains enjeux de structure organisationnelle (au sein des établissements et interétablissements) et de politiques publiques pouvant affecter tant l’identification des enfants et des familles vulnérables que la mise en place de mesures de soutien et d’intervention adaptées à leurs besoins particuliers et à la complexité des situations de maltraitance.

    Dans certains contextes, le placement en famille d’accueil devient l’avenue privilégiée, que ce soit de façon transitoire ou permanente, afin de mettre un terme aux épisodes de maltraitance et d’offrir aux enfants un environnement familial stable et sécuritaire. Le chapitre 9 de Chateauneuf, Poirier et Bédard aborde le contexte du placement et tout particulièrement les facteurs associés au succès de cette mesure et au bien-être de l’enfant placé. Pour mieux comprendre ces facteurs, il importe de poser un regard sur la perspective de chaque acteur impliqué dans la mesure de placement, que ce soit les parents d’origine ou d’accueil, les enfants ou les intervenants. Une attention particulière est accordée aux enjeux relationnels.

    Le chapitre 10 de Dubois-Comtois, Côté, Cyr, Tarabulsy, St-Laurent et René-Lavarone présente l’Intervention relationnelle, une stratégie d’intervention parent-enfant fondée sur la théorie de l’attachement et utilisant la rétroaction vidéo pour améliorer la sensibilité parentale et le développement de l’enfant. Les auteurs illustrent la pertinence de cette intervention dyadique en contexte de maltraitance. Plusieurs travaux de recherche de même que des initiatives dans les milieux cliniques témoignent de l’utilité de l’Intervention relationnelle en protection de la jeunesse. Les auteurs discutent en outre des défis que soulève cette intervention quant à la capacité de la pérenniser dans les établissements.

    Le chapitre 11 de Cyr, Myre, Hearson et Dewitte-Rasseneur aborde les enjeux à considérer dans le processus d’évaluation des capacités parentales lorsque le contexte familial est ambigu, que la capacité des parents à protéger leur enfant est incertaine et que des décisions doivent être prises quant au maintien ou au placement de l’enfant. Parmi les éléments importants à évaluer, il y a la capacité des parents à changer, laquelle peut s’observer à partir d’interventions de courte durée. L’Intervention relationnelle ajoutée au processus d’évaluation des capacités parentales permet d’évaluer le potentiel des parents à améliorer leur sensibilité aux besoins de leur enfant. La pertinence de cette intervention pour orienter les décisions de placement des enfants est présentée par les auteures à partir d’une étude ayant examiné l’efficacité d’un tel protocole d’évaluation.

    Le chapitre 12 de Tarabulsy, Rousseau, Lacerte, Chateauneuf, Vaillancourt et Nadeau propose un état des lieux concernant les signalements à la protection de la jeunesse, au Québec. Les auteurs présentent les résultats d’une vaste étude incluant les données administratives sur les signalements entre 2005 et 2018 et des entrevues effectuées auprès des directeurs de la protection de la jeunesse. Constatant une hausse des signalements, les auteurs offrent des pistes de réflexion pour mieux en comprendre les raisons, telles que la nouvelle loi de 2007 sur la protection de la jeunesse et la loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux. Ce chapitre permet de porter un regard macrosystémique sur des enjeux qui peuvent influencer de façon considérable l’organisation des services en protection de la jeunesse, les critères et les seuils permettant d’identifier les enfants et les familles qui requièrent ces services et, ultimement, la vie de ces enfants et de ces familles.

    Finalement, le chapitre 13 propose un cadre de référence qui vise la transformation des cultures organisationnelles et l’adaptation des pratiques professionnelles en protection de l’enfance. Lacharité, Balsells, Milani, lus, Boutanquoi et Chamberland misent sur une approche participative qui implique la participation des enfants et des parents dans les décisions et les actions qui les concernent. Différents enjeux entourant la mise en place d’une approche participative sont abordés, notamment la gouvernance organisationnelle et la création d’espaces de dialogue intersectoriel impliquant les acteurs des établissements partenaires et auxquels participent directement les enfants et les parents. Cette approche place résolument les enfants au cœur du travail clinique en valorisant leur voix et en favorisant la collaboration entre les intervenants, les parents et les enfants.

    Références

    FORD, J. D. et COURTOIS, C. A. (dir.) (2013). Treating Complex Traumatic Stress Disorders in Children and Adolescents: Scientific Foundations and Therapeutic Models. Guilford Press.

    MILOT, T., COLLIN-VÉZINA, D. et GODBOUT, N. (dir.) (2018). Trauma complexe: Comprendre, évaluer et intervenir. Presses de l’Université du Québec.

    STOLTENBORGH, M., BAKERMANS-KRANENBURG, M. J., ALINK, L. R. et VAN IJZENDOORN, M. H. (2015). The prévalence of child maltreatment across the globe: Review of a series of meta-analyses. Child Abuse Review, 24(1), 37-50.

    1.Note de l’éditeur: nous retenons le terme abus, largement utilisé dans la langue parlée et dans le domaine d’expertise des auteurs, bien qu’il s’agisse d’un faux ami lorsqu’il est employé dans le sens de sévices, violences, agressions ou mauvais traitements.

    2., consulté le 30 novembre 2021.

    3.Note de l’éditeur: dans le domaine d’expertise des auteurs, l’expression trauma complexe est commune et fait référence à un trouble précis. Il est donc préférable d’écrire trauma et non traumatisme dans ce cas. Le mot trauma est aussi employé lorsqu’il est question des interventions ou des approches centrées sur le trauma, car il s’agit de l’expression utilisée en français dans le domaine.

    Perspective écologique-transactionnelle sur la maltraitance

    Kristin Valentino

    Katherine Edler

    La maltraitance à l’égard des enfants est un problème de santé publique grave et répandu qui met les enfants à risque élevé de développer des problèmes de santé mentale et physique. Les effets néfastes de la maltraitance mènent non seulement à des conséquences développementales sérieuses durant l’enfance, mais ils occasionnent aussi une cascade de processus développementaux négatifs qui perdurent tout au long de la vie (Anda et al., 2006; Cicchetti et Toth, 2016; Cicchetti et Valentino, 2006). À la lumière de ces conséquences pernicieuses, il est essentiel de comprendre, guidé par un cadre théorique, les mécanismes qui peuvent sous-tendre l’apparition des actes de maltraitance, les mécanismes par lesquels la maltraitance peut conduire à la psychopathologie et à une mauvaise santé physique, et aussi les facteurs de protection qui pourraient diminuer ces effets toxiques. L’objectif de ce chapitre est de présenter le modèle écologique-transactionnel de la maltraitance (Cicchetti et Lynch, 1995; Cicchetti et Valentino, 2006) comme un cadre théorique qui peut structurer notre compréhension de la maltraitance et de ses conséquences développementales ainsi que faciliter les progrès dans les efforts de prévention et d’intervention.

    1.Définition de la maltraitance

    Alors que la définition de la maltraitance varie souvent selon les pays, les autorités locales et les disciplines, il importe que la communauté de recherche en psychologie partage une compréhension commune de la maltraitance. Notamment, il est crucial d’incorporer des définitions opérationnelles claires de la maltraitance et de ses sous-types dans les devis de recherche, afin de faciliter la reproduction des résultats entre les études et de mieux comprendre leur potentiel de généralisation (Cicchetti et Manly, 2001).

    À la base, la maltraitance reflète un échec grave de la capacité à fournir des soins adéquats à l’enfant. Il existe un large consensus quant au fait que la maltraitance inclut tant l’abus (sexuel, physique, émotionnel) que la négligence, et qu’elle reflète à la fois des actes de commission et d’omission qui mettent en danger la sécurité des enfants (Cicchetti et Toth, 2016). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) (World Health Organization, 2014) définit la maltraitance à l’égard des enfants comme incluant «tout type de mauvais traitements physiques ou émotionnels, d’abus sexuels, de négligence et d’exploitation commerciale ou autre qui entraînent des dangers réels ou potentiels à la santé, à la survie, au développement ou à la dignité de l’enfant» (traduction libre) et reconnaît que les estimations de la maltraitance varient beaucoup en raison des différences de définitions partout dans le monde. Le système de classification de la maltraitance (Maltreatment Classification System [MCS]) fournit des critères opérationnels pour chaque sous-type de maltraitance, qui sont cohérents avec les définitions de l’OMS, ainsi que des critères pour l’évaluation de la sévérité à l’intérieur de chaque sous-type (Barnett, Manly et Cicchetti, 1993). Selon le MCS, l’abus sexuel réfère au contact sexuel ou à la tentative de contact sexuel entre un donneur de soins ou un autre adulte et un enfant, ayant comme objectifs la gratification sexuelle du donneur de soins ou le profit financier. L’abus physique renvoie aux blessures infligées à l’enfant par des moyens non accidentels. La négligence réfère à une incapacité de fournir des soins minimaux de base et une supervision adéquate. La maltraitance émotionnelle (ou abus émotionnel) consiste à faire entrave, de façon extrême et persistante, aux besoins émotionnels de l’enfant, et cela inclut son exposition à la violence conjugale. Le MCS repose principalement sur l’information contenue dans les dossiers officiels des services de protection de l’enfance. Cependant, d’autres chercheurs affirment que les mesures autorapportées récoltées auprès du donneur de soins et de l’enfant sont aussi des sources d’information essentielles, car seuls les cas les plus sévères de maltraitance seraient enregistrés dans les dossiers officiels de la protection de l’enfance. À cet égard, une recherche récente a permis de documenter les conséquences néfastes associées à la maltraitance autorapportée, même en l’absence de corroboration de cette maltraitance dans les dossiers de la protection de l’enfance (Danese et Widom, 2020). Dans l’ensemble, une évaluation de la maltraitance reposant sur diverses stratégies et méthodes est probablement la meilleure approche à adopter pour que l’information puisse être colligée et intégrée sur la base de multiples sources et répondants.

    2.Perspectives historiques sur l’étiologie de la maltraitance

    En cohérence avec une perspective de psychopathologie développementale, la maltraitance est aujourd’hui vue comme un phénomène qui est la résultante d’un patron complexe d’inadaptation se déroulant dans le temps et à travers de multiples niveaux de l’écologie. Les premiers modèles étiologiques de la maltraitance avaient toutefois tendance à se concentrer sur un facteur de risque unique et suggéraient, par exemple, que les effets principaux de la psychopathologie parentale ou du vécu de maltraitance des parents durant l’enfance pouvaient expliquer la présence de maltraitance (Cicchetti et Rizley, 1981). Au fil du temps, ces modèles unidimensionnels d’«effets principaux» ont évolué vers des explications plus complexes et élaborées, puisqu’il est devenu clair que la maltraitance est multidéterminée par plusieurs facteurs de risque (Belsky, 1980). Par ailleurs, Belsky a intégré le modèle du développement humain de Bronfenbrenner (1979) dans son modèle étiologique de la maltraitance, et il a proposé que la maltraitance ne puisse être comprise sans prendre en considération les multiples contextes et niveaux écologiques dans lesquels les individus évoluent (Belsky, 1980). En particulier, Belsky s’est concentré sur quatre niveaux écologiques issus des travaux de Bronfenbrenner: le macrosystème, l’exosystème, le microsystème et le développement ontogénétique. Le macrosystème réfère aux croyances et aux valeurs culturelles dans lesquelles baignent les enfants et les familles. L’exosystème renvoie aux aspects de la communauté qui contribuent à la maltraitance. Le microsystème inclut les facteurs dans l’environnement immédiat de l’individu, comme le contexte familial, tandis que le niveau ontogénétique réfère pour sa part aux facteurs au sein même de l’individu qui contribuent à la maltraitance. Le modèle de Belsky souligne que, à mesure que la proximité avec l’enfant augmente à travers les niveaux écologiques, il en va de même de l’influence de ce niveau sur la maltraitance et le développement de l’enfant.

    S’appuyant sur les idées fondatrices de Sameroff et Chandler (1975), Cicchetti et Rizley (1981) ont fait avancer encore davantage les modèles étiologiques de la maltraitance en intégrant des transactions complexes dans leur compréhension de la maltraitance. Ces transactions reposent sur la notion qu’il existe des influences continues, bidirectionnelles, réciproques entre l’environnement, le donneur de soins et l’enfant, qui influencent le risque de maltraitance, et ce, quel que soit le moment. Le modèle de Cicchetti et Rizley (1981) introduit aussi les idées de facteurs précipitants et compensatoires, qui augmentent ou réduisent respectivement le risque de maltraitance, et il fait des distinctions temporelles entre la présence de mécanismes transitoires et de ceux qui sont plus durables. Intégrant toutes ces idées, ce modèle propose que les transactions entre les niveaux de l’écologie résultent en des facteurs précipitants et compensatoires, et que c’est l’équilibre probabiliste de ces facteurs à plusieurs niveaux d’analyse qui peut influencer la survenue d’incidents de maltraitance (Cicchetti et Rizley, 1981).

    3.Modèle écologique-transactionnel et théorie de la psychopathologie développementale

    Le modèle écologique-transactionnel de la maltraitance, initialement proposé par Cicchetti et Lynch (1993) et plus tard révisé par Cicchetti et Valentino (2006), est le résultat de l’intégration du modèle de Belsky (1980) et du travail de Cicchetti et Rizley (1981). Ce modèle probabiliste de la maltraitance explique comment les processus à chaque niveau de l’écologie de l’enfant peuvent exercer des influences réciproques ou transactionnelles les uns sur les autres afin d’expliquer l’émergence de la maltraitance et façonner le cours du développement de l’enfant. Comme dans le modèle de Belsky, le modèle écologique-transactionnel se concentre sur quatre niveaux de l’écologie dans lesquels l’individu est impliqué. Le niveau écologique le plus distal est le macrosystème, qui inclut les valeurs et croyances culturelles. Enchâssé dans ce niveau se trouve l’exosystème, qui comprend les facteurs au niveau de la communauté. Encore plus proximal à l’enfant est le microsystème, qui fait référence aux contextes immédiats de l’enfant, comme la famille ou le milieu scolaire. Finalement, le modèle met l’accent sur le niveau ontogénétique du développement, qui réfère aux processus opérant au niveau de l’individu. La conceptualisation initiale des processus de développement ontogénétique se concentrait sur les domaines cognitif, émotionnel et social du fonctionnement. Cependant, la version révisée du modèle écologique-transactionnel inclut aussi les mécanismes neurobiologiques du développement individuel, tels que le neurodéveloppement structurel et fonctionnel, le développement neuroendocrinien ainsi que les processus génétiques et épigénétiques (Cicchetti et Valentino, 2006).

    Ce modèle continue de souligner que les facteurs précipitants et compensatoires, ou facteurs de risque et de protection, liés à la maltraitance sont présents à chaque niveau de l’écologie; de plus, ces facteurs peuvent en influencer d’autres qui se situent au même niveau (horizontalement) et aussi à travers les différents niveaux (verticalement) au fil du temps. En cohérence avec d’autres cadres conceptuels écologiques, il est attendu que les facteurs qui opèrent aux niveaux plus proximaux à l’enfant aient une plus grande influence sur le développement de ce dernier que les facteurs qui agissent à des niveaux écologiques plus distaux (Cecil et al., 2014). Considérant que de multiples processus de risque et de protection opèrent à travers différents niveaux et qu’ils changent potentiellement au fil du temps, il existe une infinité de trajectoires pouvant mener à la maltraitance, un concept connu sous le nom d’équifinalité (Cicchetti et Rogosch, 1996).

    Le modèle écologique-transactionnel met également l’accent sur la période développementale et le contexte. Des facteurs qui augmentent le risque de maltraitance durant une période développementale donnée peuvent ne pas avoir les mêmes effets négatifs plus tard dans le développement (p. ex. Cowell et al., 2015). De même, un processus qui est protecteur à un certain moment peut ne plus être adapté plus tard ou dans un contexte différent. Par exemple, des recherches ont montré que les enfants qui ont subi de l’abus physique détectent plus rapidement les expressions faciales de colère et ont une plus grande amplitude de réponse à la colère comparativement à d’autres états émotionnels (Gibb, Schofield et Coles, 2009; Pollak et al., 2000). Alors que ces réactions peuvent faciliter l’adaptation dans le contexte d’un environnement familial abusif où la menace de danger peut être imminente, elles peuvent également interférer avec le développement de la régulation émotionnelle et la création de relations positives avec les pairs dans l’environnement scolaire.

    Enfin, le modèle écologique-transactionnel adopte une perspective organismique du développement (Werner, 1957). Cette perspective considère les enfants comme étant des participants actifs et des influenceurs de leur propre développement, lequel devient de plus en plus différencié et hiérarchiquement organisé. Plus précisément, les enfants jouent un rôle actif dans leur développement, en réagissant aux influences de risque et de protection et en s’engageant dans la résolution des tâches développementales importantes associées à leur stade de développement. Puisque le développement est conceptualisé comme étant hiérarchique, le niveau de résolution de chaque tâche affecte la capacité de l’individu à réaliser les tâches développementales importantes des stades de développement subséquents (Sroufe et Rutter, 1984). Ces tâches incluent, entre autres, l’identification des émotions, l’organisation de l’attachement, le développement du soi et de relations avec les pairs, et l’adaptation à l’école. Par exemple, la création de relations d’attachement est une tâche développementale centrale durant les deux premières années de vie. Les interactions parent-enfant tout au long de cette période façonnent les habiletés émergentes de régulation affective et physiologique des enfants, ainsi que leurs patrons de réponse biocomportementaux (Gunnar et Vazquez, 2006), desquels émerge la capacité d’attachement. Une sensibilité et un soutien émotionnels constants du donneur de soins sont essentiels au développement de représentations d’attachement sécurisantes, car les jeunes enfants dépendent de ces régularités tout au long de la petite enfance afin de développer des modèles internes d’eux-mêmes et des autres, et de créer des attentes pour le futur (Bowlby, 1973). En l’absence de ces comportements parentaux cruciaux, le développement d’une relation d’attachement sécurisante est souvent entravé et il en résulte un attachement insécurisant. En effet, les taux d’insécurité d’attachement, en particulier d’attachement désorganisé, rapportés chez les dyades mère-enfant maltraité atteignent jusqu’à 80-90% (Barnett, Ganiban et Cicchetti, 1999; Cicchetti, Rogosch et Toth, 2006). La sécurité d’attachement joue un rôle critique dans le soutien d’un développement positif ultérieur de l’enfant, incluant la régulation des affects, les stratégies d’adaptation, le fonctionnement émotionnel et comportemental, les relations avec les pairs et la régulation physiologique (voir Schore, 2001; Toth et al., 2013 pour des recensions). Au contraire, l’attachement désorganisé augmente le risque d’inadaptation, comme la psychopathologie (Carlson, 1998; Lyons-Ruth et Jacobvitz, 2008). Ainsi, l’identification de l’attachement insécurisant comme un mécanisme médiateur entre la maltraitance et un éventail de difficultés chez l’enfant oriente les efforts d’intervention et de prévention qui visent à promouvoir l’adaptation chez les enfants maltraités (Toth et al., 2013; Valentino, 2017).

    4.Étiologie et conséquences de la maltraitance

    Ainsi, un cadre écologique-transactionnel, en cohérence avec les principes de la psychopathologie développementale, éclaire notre compréhension à la fois de l’étiologie de la maltraitance et des trajectoires développementales des enfants victimes de maltraitance. L’équilibre des facteurs de risque et de protection qui opèrent à plusieurs niveaux de l’écologie au fil du temps peut potentialiser des trajectoires vers l’inadaptation et la psychopathologie ou vers l’adaptation et la résilience. Cette notion de plusieurs résultantes développementales possibles à la suite de l’exposition à la maltraitance, un concept connu sous le nom de multifinalité (Cicchetti et Rogosch, 1996), offre une perspective non déterministe des effets de la maltraitance. Dans les prochaines sections, nous présentons brièvement des résultats clés provenant de recherches à chaque niveau écologique et de recherches qui intègrent des processus multiniveaux afin de comprendre les conséquences de la maltraitance. Nous discutons ensuite des implications cliniques de ces travaux et des orientations de recherche futures dans le domaine.

    4.1.Influences du macrosystème

    Le niveau écologique le plus distal est le macrosystème, qui réfère à l’ensemble des valeurs et croyances culturelles qui sont généralement reflétées dans les services de la communauté offerts par une société (Cicchetti et Lynch, 1995). L’intérêt pour l’influence de la culture sur la santé et le développement de l’enfant a crû de façon exponentielle dans les dernières décennies, en particulier en ce qui a trait aux disparités en matière de santé (Valrie, Thurston et Santos, 2020). Cependant, même si l’influence de la culture sur les facteurs microsystémiques comme les comportements parentaux a été (et continue d’être) examinée, les efforts pour comprendre les influences culturelles sur la maltraitance accusent du retard. Ce problème n’est pas propre au domaine de la maltraitance; en fait, une étude récente a souligné le manque criant de recherches sur les facteurs macrosystémiques dans des domaines connexes tels que la science de la psychologie clinique (Buchanan et Wiklund, 2020).

    L’examen des enjeux culturels en lien avec la maltraitance a inclus l’évaluation des grandes tendances nationales, telles que l’acceptation culturelle des crimes violents et les taux nationaux de violence (Hayes et O’Neal, 2018), ainsi que l’identification des valeurs au sein des multiples sous-cultures qui composent une société. Malgré les efforts consentis dans cette direction, la recherche a été quelque peu entravée par la confusion entre culture et ethnicité. Comme souligné par Elliot et Urquiza (2006), plusieurs chercheurs ont tenté d’étudier la culture et la maltraitance en utilisant l’ethnicité comme concept apparenté. L’ethnicité est définie comme l’appartenance à un groupe ayant en commun les mêmes ancêtres, héritage, culture ou histoire, tandis la culture est définie comme étant les valeurs, comportements, croyances, normes, traditions, coutumes et idées partagés par des sous-groupes de personnes (Elliot et Urquiza, 2006). Un autre problème est l’utilisation de catégorisations ethniques trop larges dans l’étude des différences culturelles, une façon de faire souvent désignée comme «amalgame ethnique» (ethnic lumping) (Fontes, 2005). Par exemple, aux États-Unis, les recherches ayant étudié l’ethnicité et la maltraitance ont examiné des groupes de Blancs non-latinos, de Noirs, de latinos et d’Asiatiques américains. Cependant, les comparaisons intergroupes négligent la diversité des cultures à l’intérieur de ces catégories, elles n’abordent pas les importantes différences intragroupes et elles peuvent masquer de réelles différences culturelles qui influencent la prévalence, le signalement et les conséquences de la maltraitance (Elliot et Urquiza, 2006).

    Les enfants issus de la diversité culturelle dans les pays occidentaux, en particulier les jeunes Autochtones, sont plus à risque de faire l’objet de signalements à la protection de l’enfance (Fontes, 2005). Aux États-Unis, les enfants noirs et latinos sont plus susceptibles d’être retirés de leurs foyers et placés en familles d’accueil, d’y rester plus longtemps, de subir plus de perturbations/changements de placement, et ils sont également moins susceptibles d’être réunifiés avec leurs parents (Hill, 2008). De même, des recherches récentes menées au Canada montrent que les familles noires et autochtones font l’objet d’enquêtes pour maltraitance significativement plus souvent que les familles blanches (King et al., 2017; Lavergne et al., 2008).

    Des recherches ont mis en évidence le rôle de la pauvreté et des facteurs de risque socioéconomiques, en opposition à la race et aux biais raciaux, comme facteurs contribuant aux taux élevés de maltraitance chez les familles issues de la diversité culturelle (Kim et Drake, 2018). Cependant, d’autres ont montré que les biais raciaux, y compris ceux parmi les travailleurs de la protection de l’enfance, contribuent à la disproportion et la disparité raciales dans le système de protection de l’enfance (Miller et al., 2013), et cela même après avoir contrôlé les facteurs socioéconomiques (Dettlaff et al., 2011). De toute évidence, il est prioritaire, pour les recherches futures, de faire des efforts accrus pour évaluer le racisme structurel au niveau macro et pour préciser comment il affecte à la fois le risque de maltraitance et les expériences des familles au sein du système de protection de l’enfance. De plus, il est essentiel que des efforts soient consentis pour aller au-delà des catégorisations larges d’ethnicité, afin de considérer plutôt la variabilité intragroupe dans des construits culturels aux niveaux ontogénétique et microsystémique tels que l’acculturation, l’identité ethnique et l’identité raciale (Cuéllar, Arnold et Maldonado, 1995). De tels efforts peuvent aider à identifier les facteurs de risque et de protection culturellement pertinents qui influencent le risque de maltraitance et les conséquences qui lui sont associées. Ce travail sera particulièrement important pour identifier des cibles de prévention et d’intervention ainsi que pour développer des adaptations d’intervention qui soient appropriées sur le plan culturel.

    4.2.Influences de l’exosystème

    L’exosystème représente le contexte immédiat dans lequel les familles et les individus évoluent, et il se concentre traditionnellement sur les structures et les systèmes sociaux tels que les quartiers et les interconnexions entre ces éléments. L’exosystème comprend aussi la disponibilité des services et de l’emploi ainsi que le climat socioéconomique (Cicchetti et Valentino, 2006). Dans cette section, nous passons brièvement en revue les recherches menées sur les liens entre la maltraitance et la pauvreté, les processus structurels et sociaux du quartier et la violence communautaire, ainsi que les travaux qui incluent des facteurs exosystémiques dans des études multiniveaux.

    La pauvreté est un facteur de risque exosystémique central associé à la maltraitance. Par exemple, dans les familles à faible statut socioéconomique ou qui comptent des parents sans emploi, le risque d’abus physique est trois fois plus élevé et le risque de négligence est jusqu’à sept fois plus élevé que dans les familles où ces facteurs de risque sont absents (Sedlak et al., 2010). La pauvreté peut également être considérée comme une caractéristique du quartier qui est associée au risque de maltraitance (Coulton et al., 2007). En effet, en plus de la pauvreté, plusieurs facteurs structurels du quartier ont été rattachés à la maltraitance, y compris le stress et l’instabilité liés au logement (Warren et Font, 2015), la densité résidentielle (Zuravin, 1986) et la disponibilité d’alcool et de drogue (Freisthler et al., 2007; Freisthler, Needell et Gruenewald, 2005).

    Au-delà des aspects structurels des quartiers, les facteurs sociaux du quartier influencent également le risque de maltraitance. Fondé sur un cadre écologique, le modèle du développement de la maltraitance de Coulton et de ses collègues (2007) postule que les caractéristiques structurelles du quartier (la pauvreté, la ségrégation raciale, le non-emploi, etc.) influencent les processus sociaux qu’on y trouve, comme l’efficacité collective, définie comme la cohésion sociale entre voisins combinée à leur volonté d’intervenir au nom du bien commun; par ailleurs, l’équilibre de ces facteurs de risque et de protection contribue à la multifinalité des conséquences associées à la maltraitance. Plusieurs études ont appuyé ce modèle et, en particulier, l’influence des facteurs sociaux du quartier. Par exemple, une étude indique que, après avoir contrôlé les facteurs structurels, les troubles sociaux dans le quartier sont liés à des taux plus élevés d’abus physique (Freisthler et Maguire-Jack, 2015). De même, on retrouve des proportions moindres d’abus physique et sexuel et de négligence physique dans les quartiers caractérisés par une plus grande efficacité collective, par une meilleure connectivité intergénérationnelle (dans quelle mesure les adultes et les enfants d’une communauté sont liés les uns aux autres), par des réseaux sociaux plus forts et par la présence de moins de troubles, et cela en contrôlant les différences dans les facteurs structurels (Molnar et al., 2016).

    L’exposition à la violence dans la communauté est un autre élément de l’exosystème qui augmente le stress familial et qui est associé à la maltraitance (Cicchetti et Lynch, 1993; Coulton et al., 2007; Valentino et al., 2012). Par exemple, dans une étude longitudinale d’un an, les taux de maltraitance étaient positivement liés aux niveaux de violence dans la communauté tels que rapportés par les enfants (Cicchetti et Lynch, 1993). De plus, l’exposition à la violence dans la communauté a également été associée à la continuité intergénérationnelle de la maltraitance (Valentino et al., 2012). Des recherches multiniveaux plus récentes, incorporant des facteurs de niveau exosystémique au sein d’études portant sur des processus des niveaux microsystémique et ontogénétique associés à la maltraitance, ont par ailleurs donné lieu à de nouveaux résultats importants. Par exemple, Guterman et ses collègues (2009) ont identifié le stress parental (un facteur de niveau microsystémique) comme un médiateur clé de l’association entre les processus sociaux du quartier et le risque d’abus physique et de négligence. Des processus modérateurs importants ont également été identifiés. Par exemple, il a été montré que le statut de pauvreté de la famille modère le lien entre, d’une part, différents facteurs de risque et de protection sur les plans individuel et de la communauté et, d’autre part, les expériences d’abus et la négligence. En particulier, le niveau de défavorisation du quartier accroît le risque de maltraitance chez les familles vivant dans la pauvreté, alors que les caractéristiques du quartier qui agissent comme facteurs de protection auprès des familles à revenu élevé n’ont aucun effet protecteur chez les familles à faible revenu (Maguire-Jack et Font, 2017). Ces études soulignent l’importance de tenir compte de facteurs de plusieurs niveaux écologiques, y compris les facteurs exosystémiques, pour apporter un éclairage nuancé sur les influences différenciées des processus plus proximaux sur la maltraitance.

    4.3.Influences du microsystème

    La conceptualisation du microsystème de Bronfenbrenner fait référence à tous les contextes dans lesquels se trouve la personne en développement, incluant les milieux tels que la famille, la maison, l’école et le lieu de travail. En ce qui concerne la maltraitance, le microsystème est généralement conceptualisé comme le contexte au sein duquel la maltraitance se produit, qui est le plus souvent la famille. En effet, la maltraitance est décrite comme une «expérience relationnelle pathogène» survenant le plus souvent dans la relation parent-enfant (Cicchetti et Valentino, 2006; Valentino, 2017). Ainsi, les caractéristiques des expériences de maltraitance, incluant le sous-type, la sévérité, la chronicité et la période de développement à laquelle elles surviennent, sont des attributs importants du microsystème de maltraitance (Barnett et al., 1993). Fait important: il a été montré que ces caractéristiques ont des effets indépendants et interactifs significatifs sur divers aspects du développement de l’enfant (Manly et al., 2001). Par exemple, la chronicité et la comorbidité des expériences de maltraitance ainsi que les périodes de développement auxquelles elles surviennent modèrent les effets de la maltraitance sur de multiples aspects du développement ontogénétique, y compris le contrôle inhibiteur et la mémoire de travail des enfants (Cowell et al., 2015) et des indices plus larges du développement émotionnel, social, cognitif et physique des enfants (Green et

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