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Le syndrome du bébé secoué (traumatisme crânien non accidentel): Vers une convergence des interventions
Le syndrome du bébé secoué (traumatisme crânien non accidentel): Vers une convergence des interventions
Le syndrome du bébé secoué (traumatisme crânien non accidentel): Vers une convergence des interventions
Livre électronique445 pages4 heures

Le syndrome du bébé secoué (traumatisme crânien non accidentel): Vers une convergence des interventions

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À propos de ce livre électronique

Le syndrome du bébé secoué (SBS) ou traumatisme crânien non accidentel est une condition neurologique sévère dont l’étude est relativement récente. Les connaissances en termes de dépistage et de diagnostic ont connu un progrès considérable depuis les premières descriptions de ce tableau clinique. Toutefois, les interventions en réadaptation à moyen et long termes sont encore trop peu nombreuses et mal connues. Les dommages cérébraux, physiques et sociaux entraînent des séquelles dont l’impact risque de compromettre le développement de l’enfant dans une ou plusieurs sphères ainsi que de mettre en péril l’équilibre familial.
LangueFrançais
Date de sortie7 sept. 2012
ISBN9782760535534
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    Aperçu du livre

    Le syndrome du bébé secoué (traumatisme crânien non accidentel) - Annie Stipanicic

    couverture.

    Annie STIPANICIC, M. Ps. Ph. D.

    Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières

    Pierre NOLIN, M.A., Ph. D.

    Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières

    Gilles FORTIN, MD FRCP(c)

    Faculté de médecine, Université de Montréal

    Ce livre, qui porte sur le traumatisme crânien non accidentel (TCNA) communément appelé syndrome du bébé secoué (SBS), propose une lecture interdisciplinaire de cette problématique. Nous avons en effet non seulement regroupé des spécialistes de disciplines variées mais également cherché à provoquer des échanges entre leurs expertises dans le but de dégager une vision commune d’intervention. Ainsi, des cliniciens, des chercheurs, des gestionnaires et des représentants de la loi ont contribué à l’ouvrage en apportant une réflexion sur le processus de prise en charge de l’enfant, de la plainte jusqu’à son intégration dans son milieu de vie.

    Le lecteur pourra cibler des chapitres ou faire une lecture de la totalité de l’ouvrage, selon l’intérêt qu’il porte à la problématique ou encore les questionnements qu’elle suscite chez lui. Chaque chapitre spécifique en matière de contenu ajoute un complément aux autres ou reprend une même information sous un angle différent. D’autres, par contre, se veulent des cadres de référence et se démarquent ainsi de chapitres dont le contenu est plus clinique. De plus, les chapitres sont présentés en respectant la chronologie de la prise en charge de la victime, pour que le lecteur puisse bien saisir le processus à l’intérieur duquel l’enfant et sa famille s’inscrivent.

    Le syndrome du bébé secoué (traumatisme crânien non accidentel) : vers une convergence des interventions s’adresse d’abord aux médecins et aux professionnels de la santé, aux divers intervenants œuvrant en réadaptation ou en protection de la jeunesse et aux représentants de la loi. Certains chapitres pourront particulièrement intéresser le personnel des centres de la petite enfance, des milieux scolaires et les familles d’accueil, impliqués au quotidien dans le développement de ces enfants. À la suite de la lecture de cet ouvrage, les conclusions tirées pourront orienter les politiques en santé et services sociaux ainsi que l’organisation et la concertation des services dans la communauté. Les concepteurs de cours de préparation à la naissance ou de gardiennage pourraient par exemple s’inspirer de certaines notions présentées dans cet ouvrage afin de bonifier leur contenu dans une visée préventive. Finalement, toute personne qui s’intéresse de façon plus particulière aux différentes formes que peut prendre la maltraitance physique infligée aux enfants trouvera ici une riche source d’informations.

    Plusieurs des chapitres de ce livre découlent de conférences qui ont été présentées lors du 1er Symposium sur le syndrome du bébé secoué organisé par le CRDP Le Bouclier avec ses partenaires, le 23 octobre 2008. Dans les mois qui ont suivi ce colloque, les conférenciers ont généreusement consigné par écrit le contenu de leur présentation. Ces textes au contenu clinique dense sont enrichis de nombreuses études de cas et de réflexion volontairement conservées afin de donner au lecteur la pleine teneur du vécu quotidien de ces professionnels. Ces écrits ont été le point de départ de cet ouvrage auquel d’autres spécialistes sont venus se greffer. Même si, volontairement, nous avons souhaité donner une couleur québécoise à l’ouvrage, les lecteurs francophones de l’extérieur trouveront un reflet de leur réalité clinique.

    LA PROBLÉMATIQUE LIÉE AU SYNDROME DU BÉBÉ SECOUÉ/TCNA

    La première partie du livre s’attarde aux enjeux majeurs du diagnostic et de la prise en charge de l’enfant présentant des lésions pouvant être compatibles avec un SBS/TCNA. Le chapitre 1 trace donc un bilan de l’évolution de la définition et des différents signes et symptômes habituellement associés au SBS/TCNA (Fortin). Les mécanismes biomécaniques impliqués sont examinés et donnent l’occasion de s’arrêter plus longuement aux différents examens diagnostiques actuellement utilisés par le corps médical lorsqu’il y a suspicion de tel traumatisme. Ce chapitre est richement agrémenté de planches neuroanatomiques et de photos permettant au lecteur de bien saisir l’étendue des blessures. Le chapitre 2, quant à lui, examine la question des séquelles post-traumatiques de la victime et de leur impact sur le plan développemental. Par une recension exhaustive des écrits portant sur le sujet, les auteurs (Stipanicic et Brosseau) procèdent à une analyse détaillée des différentes méthodes utilisées par les chercheurs pour tenter de documenter au mieux les effets de ce type de sévices depuis leurs premières études jusqu’à aujourd’hui. Ce travail donne lieu à la production de trois tableaux synthèses offrant une vue d’ensemble des différents résultats obtenus en matière de mortalité et de morbidité. Le chapitre 1 comme le chapitre 2 se veulent des chapitres de référence témoignant de l’évolution des connaissances en matière de SBS/TCNA.

    L’INTERVENTION

    La seconde partie de cet ouvrage aborde directement le thème de l’intervention par l’intermédiaire de différents acteurs impliqués dans la prise en charge des victimes. Le chapitre 3 amorce la réflexion en présentant la trajectoire de services en centre jeunesse, du signalement jusqu’à l’application des mesures en situation d’abus physique (Bourgeois, Lafantaisie et Ross). Le lecteur y trouvera de nombreuses informations quant aux responsabilités et politiques régissant actuellement la prise en charge en centre jeunesse de jeunes aux prises avec une histoire de mauvais traitement physique et plus particulièrement de SBS/TCNA. Le chapitre 4 propose un examen détaillé des différentes étapes de l’enquête policière à laquelle l’enfant et ses proches ont à se soumettre dans le cas où une plainte est retenue par le Directeur de la protection de la jeunesse (Ferland et Pillon). Par une étude de cas, le lecteur passera à travers chacune de ces étapes qui pourront éventuellement mener à l’arrestation de l’agresseur. Le chapitre 5 propose un modèle d’intervention à préconiser avec cette clientèle. En s’appuyant sur des écrits scientifiques et leur expériences cliniques, Cisnéros et Roteux dressent le tableau du processus de prise en charge « souhaitable » en centre de réadaptation en déficience physique (CRDP). Le modèle proposé est soutenu par la présentation de deux vignettes cliniques et finalement commenté par les auteurs. Au chapitre 6, un examen longitudinal de huit dossiers de prise en charge d’enfants admis en CRDP avec le diagnostic de SBS est présenté (Roteux et Cisneros). À la suite d’une description de caractéristiques touchant le groupe, une analyse plus détaillée d’un des dossiers est proposée. Les auteurs proposent aussi une réflexion sur la prise en charge en CRDP à moyen et long terme des enfants SBS/TCNA. Enfin, le chapitre 7 traite de façon détaillée des interventions cliniques en centre jeunesse (Lafantaisie, Bourgeois, Ross et Trano). Après avoir présenté les approches théoriques préconisées et précisé les enjeux spécifiques à la clientèle 0-5ans, les auteures discutent des actions cliniques à mener auprès des victimes de SBS/TCNA, une étude de cas à l’appui.

    LA PRÉVENTION

    La troisième partie fait la synthèse des grandes questions liées à la prévention du TCNA et ne comporte qu’un seul chapitre. L’auteure du chapitre 8 (Fortin) débute par l’historique des programmes de prévention, puis enchaîne avec les éléments clés qui sont essentiels à considérer pour que les programmes de prévention répondent bien aux caractéristiques de la clientèle SBS. Par la suite, le lecteur trouvera une présentation détaillée des différents programmes de prévention qui existent. L’auteure a fait la revue des modèles nord-américains et en donne les principaux éléments. Des moyens concrets de prévention sont présentés dans ce chapitre.

    LA CONCERTATION

    La quatrième partie de l’ouvrage souligne l’importance d’une approche concertée réunissant tous les acteurs qui gravitent autour de l’enfant afin de garantir le succès de sa prise en charge et de celle de sa famille. Le chapitre 9 (Michallet et Henry) présente le contenu des échanges qui ont eu lieu au cours d’une table ronde tenue lors du Symposium sur le syndrome du bébé secoué (traumatisme crânien non accidentel) : Partage de connaissances et d’expériences, sous l’égide du Centre de réadaptation en déficience physique Le Bouclier, dans la région des Laurentides (Québec, Canada) en octobre 2008. Présenté sous forme de questions/réponses, ce chapitre fait état des positions de différents spécialistes du SBS selon différentes perspectives, cliniques, de recherche ou légales. Le chapitre 10 (Bernard-Bonin) présente les lignes directrices multidisciplinaires en matière de traumatismes crâniens non accidentels qui ont été récemment émises par des organismes canadiens préoccupés par cette problématique. Ce chapitre jette les bases des procédures cliniques et légales à suivre dans le contexte du SBS, et devient ainsi une référence essentielle à tout intervenant étant amené à travailler avec un enfant TCNA et sa famille. L’ouvrage se termine par une conclusion (Nolin, Stipanicic, Fortin et Michallet) qui propose des pistes de réflexion et des recommandations eu égard au SBS/TCNA.

    Depuis déjà plusieurs années vous travaillez en réadaptation pédiatrique. Vous avez acquis une certaine expérience et vous vous sentez de plus en plus à l’aise avec la clientèle et les problèmes qu’elle présente. Même si être enfant et avoir un handicap demeure toujours une chose émouvante, vous avez appris à conjuguer avec le désarroi des parents, leurs appréhensions à l’égard de l’avenir de leur petit en dépit du fait que le plus souvent, pour vous aussi, son avenir ne demeure que partiellement prévisible.

    Voilà qu’un nouveau cas vous est amené, Jordan, 8 mois. Au premier coup d’œil, la fiche d’inscription vous apparaît particulière. En effet le nom d’une dame avec un numéro de téléphone et une adresse ont été ajoutés, suivis de la mention « famille d’accueil ». Le questionnaire aux parents sur les habitudes et préférences de Jordan n’est pas rempli. Un résumé de dossier en provenance du CHU Sainte-Justine vous apprend les choses suivantes.

    Vers l’âge de 5 mois il fut admis au CHU Sainte-Justine et y séjourna un mois. Les diagnostics de sortie sont : 1) hématomes sous-duraux ; 2) hémorragies rétiniennes ; et 3) encéphalopathie aiguë modérée. Sous la rubrique Disposition au départ on peut lire : Congé autorisé par le Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) en famille d’accueil ; abus physique, SBS, probable.

    C’est votre première expérience avec un tel cas.

    1.1. LA DÉFINITION ET L’INCIDENCE

    Bien qu’elle ait été décrite plus de cent ans plus tôt par un médecin coronaire français (Roche et al., 2005), la maltraitance envers les enfants n’a réellement fait son apparition dans la littérature médicale internationale qu’aux environs des années 1970 avec les célèbres travaux du Dr John Caffey (1972). Mais ce n’est que depuis peu qu’elle est considérée comme un véritable problème de santé pédiatrique.

    Une des formes de maltraitance physique les plus graves est le traumatisme crânien infligé ou non accidentel, principalement à cause du nombre de décès qu’il entraîne et de la gravité des séquelles qu’il laisse (Hymel, 2002 ; Karandikar et al., 2004). Le traumatisme crânien abusif est souvent désigné par le vocable de syndrome du bébé secoué (SBS) avec ou sans impact. Le terme « bébé » rappelle que la grande majorité des victimes sont des nourrissons. L’expression « syndrome » désigne l’ensemble des signes et symptômes caractéristiques d’un traumatisme crânien infligé à un bébé, symptômes qui, pris séparément, ne sont pas spécifiques ni résolument diagnostiques. C’est en effet la cooccurrence des signes et symptômes qui les rend diagnostiques. Quant au terme « secoué » il fait appel au mécanisme particulier où des forces d’accélération et de décélération engendrées par le fait de secouer violemment un enfant causent les lésions intracrâniennes (Labbé et Fortin, 2004). Toutefois, il devient de plus en plus évident que les lésions observées, bien qu’elles indiquent un phénomène traumatique, ne résultent pas nécessairement d’un secouage. Aussi est-il plus exact de parler de traumatisme crânien non accidentel (TCNA) ou encore infligé (Christian et Block, 2009). En dépit de cela, surtout parce qu’il fait image et suscite plus de curiosité et d’intérêt, c’est l’expression SBS qui sera plus souvent utilisée ici.

    Au Québec et au Canada, le SBS est reconnu comme un acte criminel. Son incidence annuelle est mal connue et varie de 21 à 30/100 000 enfants de moins d’un an, selon les différentes études et pays (Minns et Brown, 2005). Comme le montre le tableau 1.1, au Québec, suivant cette donnée, on peut estimer l’incidence annuelle de SBS à environ 30 cas.

    On estime que de 15 à 25 % des enfants victimes décèderont, alors que près de 75% des survivants en garderont des séquelles tels que des problèmes neurocognitifs, la paralysie cérébrale ou la cécité, toute leur vie (King, MacKay et Sirnick, 2003). Étant donné que les victimes n’ont en moyenne que 6 mois au moment du traumatisme, bien des séquelles ne deviendront manifestes que beaucoup plus tard, comme à l’âge scolaire.

    La lecture plus avant du résumé de dossier du CHU Sainte-Justine vous apprend que Jordan fut d’abord amené par les ambulanciers, à la suite d’un appel au 9-1-1, au centre hospitalier le plus près de chez lui. Il y fut trouvé pâle, les lèvres cyanosées, les extrémités bleutées et présentant une respiration irrégulière. À son arrivée à l’hôpital, il fait une brève convulsion. Les parents racontent aux ambulanciers qu’ils l’ont trouvé ainsi dans son petit lit lorsqu’ils ont voulu lui donner son boire. Réinterrogé à l’hôpital, le papa raconte qu’un peu plus tôt le même jour, alors qu’il gardait le petit, il s’est endormi avec celui-ci sur lui. À son réveil il a trouvé le bébé par terre. Il l’a repris et couché dans son petit lit. Jordan lui a souri et paraissait tout à fait normal. Ce n’est qu’à l’arrivée de sa femme, lorsqu’elle est allée le chercher pour son boire, qu’ils ont constaté que Jordan n’était pas bien.

    Cette chute peut-elle expliquer les lésions retrouvées dans la tête et les yeux de Jordan ? Le père cache-t-il quelque chose ?

    1.2. LA BIOMÉCANIQUE

    Les pleurs incessants d’un bébé ou le refus d’un enfant d’obéir sont les principales causes de la colère ou de la perte de contrôle d’un parent ou d’un gardien (Reijneveld et al., 2004). Le bébé est alors violemment secoué par ce dernier qui, le plus souvent, le saisit par le thorax, sous ou pardessus les bras. Sa tête, qui représente environ 25 % du poids corporel du nourrisson, oscille alors en tout sens, les muscles du cou n’ayant pas la force de la retenir. Dans ce mouvement multidirectionnel de va-et-vient, le cerveau, à l’intérieur de la boîte crânienne, subit des accélérations et décélérations multiples auxquelles peuvent s’ajouter des forces d’impact si la tête est également frappée contre un objet de nature contondante. L’impact peut aussi survenir seul ou être concomitant ou subséquent au brassage si l’adulte, en état de rage ou d’exaspération, projette le bébé contre une surface contondante (Minns et Busuttil, 2004).

    Le mouvement violent de va-et-vient multidirectionnel de la tête du bébé lors du secouage imprime des forces dites « d’accélération et décélération angulaires ou linéaires ». Les arrêts et départs de la tête lorsqu’elle arrive en fin de course pour repartir dans une nouvelle direction représentent les forces d’accélération et de décélération. Si le mouvement de va-et-vient de la tête se fait sur la même trajectoire, on parlera d’accélérations et de décélérations linéaires ; s’il y a modification de la trajectoire, on qualifiera ces forces d’angulaires ou de rotatoires. Sous l’impulsion de ces forces, le cerveau à l’intérieur de la tête du bébé tend à se déplacer, ce qui crée des tensions indues sur une série de veines superficielles fragiles appelées « veines ponts » ou « veines émissaires ». Ces veines en surface du cerveau reçoivent le sang provenant des profondeurs de celui-ci pour le conduire dans les grands sinus collecteurs situés dans l’épaisseur des enveloppes externes du cerveau. Le plus important de ces grands sinus est situé au sommet de la tête, entre les deux hémisphères cérébraux, alors que deux autres sont à la base des hémisphères cérébraux au-dessus du cervelet, dans ce que l’on appelle la fosse postérieure. C’est ce qui explique pourquoi, dans le SBS, les hémorragies méningées sont le plus souvent localisées dans la région interhémisphérique et au niveau de la fosse postérieure, sur ou sous la tente du cervelet.

    Comme l’illustre la figure 1.1 tirée du cédérom sur le bébé secoué produit par le CHU Sainte-Justine en 2006, les enveloppes du cerveau, appelées méninges, sont composées de trois couches superposées dont la plus externe est la « dure-mère ». La traction sur les veines ponts amène celles-ci à se déchirer, ce qui entraîne des saignements dans l’espace situé sous la dure-mère, d’où leur nom d’hémorragies sous-durales (HSD). Les HSD sont aussi présentes dans la presque totalité des cas de SBS. Les HSD sont souvent associées à d’autres hémorragies dites sous-arachnoïdiennes (HSA) qui se retrouvent dans une couche plus profonde des méninges, l’espace sous-arachnoïdien (Jaspan, 2008).

    Ce ballottement en coup de fouet de la tête sur l’axe du cou ou ce choc violent de la tête contre une surface dure ne fait pas que causer la rupture des veines ponts, mais entraîne aussi des distorsions et des déchirures dans la substance du cerveau lui-même. Le cerveau peut alors se fendiller, mais ce sont surtout les axones, ces grands prolongements des cellules nerveuses du cerveau leur permettant de communiquer entre elles, qui se brisent. Ce phénomène, appelé lésion axonale diffuse, ne peut toutefois être vu que lors de l’examen microscopique du cerveau à l’occasion d’une autopsie, lorsqu’il y a décès.

    L’apparition d’un dysfonctionnement aigu du cerveau ou encore des signes d’enflure de celui-ci sont des témoins indirects de l’atteinte cérébrale proprement dite. Le dommage aux cellules nerveuses du cerveau entraînera en effet, dans près de la moitié des cas de SBS, un gonflement de celui-ci. L’œdème cérébral ainsi formé pourra être diffus et souvent d’installation très rapide. Il pourra cependant être plus limité ou prédominant dans une partie seulement du cerveau, surtout dans les cas où il y a impact.

    Le dommage aux cellules du cerveau et l’œdème qui en résulte sont responsables du décès, des symptômes de souffrance cérébrale aiguë et de la plus grande partie des dommages permanents. En effet, le crâne étant une boîte fermée, peu expansible, l’enflure aura pour conséquence d’augmenter la pression à l’intérieur de la tête. Cette augmentation de la pression compromettra la circulation sanguine cérébrale. Le cerveau privé de sang souffrira d’un manque de nourriture et d’oxygène. Les cellules ainsi blessées auront tendance à se gonfler à leur tour, ce qui accroîtra davantage l’œdème et la pression intracrânienne. L’augmentation de la pression intracrânienne pourra, dans certains cas, être telle que la circulation sanguine cessera totalement à l’intérieur de la tête, et entraînera ainsi la mort cérébrale.

    Le cerveau n’est pas le seul organe endommagé par cette violence. En effet, des hémorragies et des déchirures de la rétine, assez spécifiques, sont retrouvées à l’intérieur des yeux de 65 à 95% des bébés victimes. Ces hémorragies dans les yeux, ou hémorragies rétiniennes (HR), résulteraient elles aussi de forces d’accélération et de décélération angulaires exercées sur les yeux lors des mouvements de va-et-vient violents de la tête de l’enfant secoué.

    Puis, le même résumé de dossier du CHU Sainte-Justine explique qu’après avoir stabilisé la condition de l’enfant, le médecin du premier centre hospitalier leur a transféré celui-ci avec un diagnostic d’infection respiratoire aiguë ou bronchiolites.

    Dans la section des antécédents personnels, vous constatez que Jordan, qui n’a ni frère ni sœur, serait né à terme, à la suite d’un accouchement sans complication, respiration spontanée (APGAR 9¹, 9⁵, 10¹⁰) avec un poids (3,500 g), une taille (51 cm) et un périmètre crânien (34 cm) normaux. Ces vaccins sont à jour. Il aurait eu vers l’âge de 4 mois une prise de sang, qui s’est avérée normale, parce qu’il faisait des ecchymoses (bleus) facilement.

    1.3. LES PRINCIPAUX SIGNES ET SYMPTÔMES

    Le plus souvent, les bébés victimes de SBS ne montrent aucune trace externe de violence, les lésions étant toutes internes (Arbogast, Margulies et Christian, 2005). Toutefois, s’il y a impact à la tête, des lésions pourraient être retrouvées au niveau du cuir chevelu. Mais, même en leur absence, un certain nombre d’enfants présenteront des signes francs d’impact comme des fractures du crâne qui ne pourront être détectées qu’à la radiologie ou lors de l’autopsie lorsqu’il y a décès.

    De plus, dans près de 50% des cas, des radiographies sériées du squelette montreront la présence de fractures assez typiques des abus physiques, comme des fractures de côtes et de l’extrémité des os longs, fractures qui peuvent s’avérer multiples et d’âges différents (Kleinman et al., 1998). Parfois, certains enfants seront porteurs de marques sur la peau qui montreront l’empoigne de l’adulte qui les a secoués ou qui suggéreront d’autres formes de sévices. L’absence de signes externes fait en sorte que dans près de 30 % des cas, le diagnostic de SBS ne sera évoqué que tardivement, plusieurs heures ou jours après la constatation des premiers symptômes (Jenny et al., 1999).

    Le mode de présentation clinique est très variable. Certains enfants arrivent dans un état neurologique détérioré (Case et al., 2001), très irritables, avec des convulsions, de la somnolence, voire comateux, cyanosés ou encore en arrêt respiratoire ou cardiaque. Chez ceux-ci le diagnostic d’une atteinte neurologique s’impose rapidement. Différentes maladies ou encore des traumatismes accidentels peuvent être la cause de cette atteinte. Il faut penser à des pathologies comme celles de l’encéphalite virale aiguë, de l’herpès ou encore de la méningite, mais évidemment l’absence de fièvre repousse la possibilité d’une atteinte infectieuse. L’épilepsie pourrait aussi se présenter de cette façon. Un accident vasculaire cérébral, hémorragique ou thrombotique, quoique rare chez l’enfant, pourrait débuter de cette façon. Les examens complémentaires et l’évolution clinique permettent le plus souvent d’éliminer assez facilement, après quelques jours, ces autres possibilités.

    Il est généralement facile de faire la distinction entre une lésion cérébrale due à une maladie et celle due à un traumatisme. La difficulté est souvent plus grande pour départager le traumatisme accidentel de celui qui ne l’est pas. L’âge et le niveau de développement de l’enfant sont habituellement très utiles ici. Par exemple, un enfant de 2 ans peut difficilement passer par-dessus les barreaux de sa bassinette. Les chutes de faible hauteur sont souvent évoquées comme cause potentielle de lésions traumatiques intracrâniennes. Heureusement, un certain nombre de publications montrent qu’à l’occasion de chutes accidentelles bien documentées, les enfants ne développent pas de lésions hémorragiques intracrâniennes et ne s’infligent pas de larges fractures du crâne (Helfer, Slovis et Black, 1977 ; Nimityongskul et Anderson, 1987 ; Williams, 1991). Ces données permettent donc de comprendre que des chutes de faible hauteur, bien que souvent amenées comme explication par les parents ou les gardiens de l’enfant, ne peuvent rendre compte

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