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Mémoires
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Livre électronique304 pages3 heures

Mémoires

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À propos de ce livre électronique

Après la crise de 2040. Toute l’activité humaine est entre les mains d’une seule corporation : MétaTrans® Inc. Il lui faut une grande puissance de calcul. Elle doit aussi régler une démographie endémique. Elle lança donc la terraformation de Mars dès la fin des années 40. La Loi de Moore prévoyait que dès 2025-2030, il serait impossible d’intégrer plus de composants dans la même surface dans les microprocesseurs. C’est ce qui causa la crise économie mondiale, conjointement avec le pic de production pétrolière. Une start-up avait inventé un moyen d’utiliser des cerveaux de singes comme des CPU. MétaTrans® Inc la racheta avec ses brevets et créa une filiale : TransEther® Inc, chargée de créer la Necro-Sphère®. Chacun s’est vu proposer un contrat de travail post-mortem. Une allocation était versée jusqu’à sa mort. À ce moment, son cerveau était intégré dans la Necro-Sphère®. Ceux qui ne le signaient pas étaient envoyés sur Mars dans les mines. Stanislas Lamy, refusa de signer.
LangueFrançais
Date de sortie7 févr. 2012
ISBN9782312003481
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    Mémoires - Alexandre Girardot

    img1.jpg

    Mémoires

    Alexandre Girardot

    Mémoires

    LES ÉDITIONS DU NET

    70 quai Dion Bouton − 92800 Puteaux

    © Les Éditions du Net 2012

    ISBN : 978-2-312-00348-1

    2 mars 2040

    Fichier 13430A.

    Entrée : 15/04/82 – 22 :54 :13 :58.

    Type : Souvenirs. Reconstitution.

    Source : Pamela Lamy, Stanislas Lamy, Claire Castelnau.

    Il fait nuit et la route entre Cergy Pontoise et Conflans St Honorine est déserte à cette heure tardive. Le jour va se lever dans deux heures tout au plus. Une Porsche 911 noire, un modèle ancien datant de 1980, file à toute allure sur la route, plein phares. Une légère brume commence à se lever car le coin est très humide à cause de la proximité de l’Oise et de la Seine. La Porsche traverse cette légère brume en brouillant la nappe presque uniforme, comme le ferait un Jet supersonique traversant un nuage, et y laisse une saillie après son passage.

    Stanislas vient tout juste d’avoir vingt ans et le cadeau que lui a fait sa mère l’enchante. Quelle sensation de vitesse on éprouve à être aussi près du sol, dans cette auto.

    Quelques mois auparavant, il avait dû passer une licence de conduite, chose peu courante aujourd’hui, et qui coûta une fortune. Les automobiles se conduisent toute seule maintenant. Et en plus, elles sont toutes électriques. D’ailleurs, Stan avait eu du mal à trouver du carburant. Et ça lui avait coûté si cher qu’il s’était dit qu’il lui fallait absolument devenir très riche pour pouvoir assouvir sa passion pour les véhicules du siècle dernier. En attendant, et vu son revenu d’étudiant, sa mère avait pourvu à tout pour que le soir de son anniversaire, il puisse utiliser cette Porsche.

    Claire, installée dans le deuxième siège de l’auto, a posé sa main sur la cuisse droite de Stan.

     - Enlève ta main s’te plaît, lui dit Stan, j’ai besoin d’être concentré et ton bras risque de me gêner pour passer les vitesses.

     - C’est quoi une vitesse, lui répond Claire ? 

     - J’t’expliquerai. Mais sans l’auto pilote, y faut que j’me concentre sur la conduite. Et à la vitesse où on va, c’est dangereux, c’que tu m’fais là.

     - Tu ne trouvais pas ça aussi dangereux tout à l’heure, lui lance Claire avec l’air d’en dire plus ?

     - Tout à l’heure, on n’était pas lancé à 180 km/h sur une route glissante à cause de cette putain d’brume.

    Elle enlève sa main, vexée.

     - J’pourrais t’en donner moi, des sensations dans l’ventre, si tu m’laisses faire.

     - T’es complètement barrée, ma chère. On arrive dans un quart d’heure chez moi et ma vielle rentre demain soir. Tu pourras m’donner toutes les sensations qu’tu veux une fois là-bas. Et j’te garantis que j’te renverrai l’ascenseur. Mais là, fous-moi la paix, qu’on arrive entier.

    Stan aussi est complètement barré. Avec ce qu’ils se sont mis dans le sang pendant la fête donnée pour son anniversaire, il s’étonne d’avoir quand même cette maîtrise du véhicule. Les sensations de conduite qu’il éprouve sont sans commune mesure avec celles qu’il avait lors de ses cours de conduite. Il lui semble faire corps avec l’auto. Il sent la route comme s’il marchait dessus. Le tout est largement amplifié par l’effet des drogues. Et pour couronner le tout, le véhicule est plutôt maniable.

     - Stan, j’ai une remontée, dit Claire avec dans le ton de la voix ce qui semblerait être de l’abrutissement pour quelqu’un dont la conscience ne serait pas altérée, mais qui, pour Stan, passe pour de la sensualité.

     - Merde, ça fait combien de temps que j’ai pris le mien, se demanda t-il immédiatement, inquiet.

    Claire ouvre la fenêtre de sa portière. L’air frais de la fin de nuit s’engouffre soudainement dans le véhicule.

    Stan regarde Claire du coin de l’œil. Elle est pâle, presque verdâtre. On ne voit plus ses yeux tant ses orbites sont creusées et ses pupilles contractées.

    Il faut qu’on arrive vite, putain. Si la remontée me prend, on est cuit, pensa Stan.

    190 km/h.

     - Ça va Stan ?

     - Pas de lézard. Tout baigne ma poule. Détends toi et profite du trip…

    Stan change de vitesse.

    210 km/h.

    … on arrive bientôt.

    Premier virage un peu serré. Il rétrograde. Claire est un peu secouée par la manœuvre.

    190 km/h.

    Ils sortent du virage et il passe la vitesse supérieure puis appui sur le champignon.

    210 km/h.

     - Roules moins vite, Stan, ça m’donne envie de gerber !

    Stan voit la route commencer à changer de texture, des picotements sur le visage…

    Deuxième virage serré. Il rétrograde à nouveau.

    200 km/h.

    Les roues du côté gauche du véhicule quittent le sol. La route se tord dans le sens de sa longueur.

    Panique.

    La réalité commence à lui échapper. Ses yeux commencent à le brûler.

    Contre braquage à droite à la sortie du virage et petite accélération. Le véhicule retrouve son adhérence au sol. Il passe une vitesse et accélère. Arriver le plus vite possible !

    220 km/h.

    Claire, passablement secouée, se met à vomir sur le tableau de bord, devant elle. Il tourne la tête vers elle.

     - Putain, t’est crade. T’aurais pu gerber par la fenêtre quand même. Et ça pue en plus…

    Il réprime le début d’une nausée. Heureusement que la fenêtre est ouverte !

    La route se met à former un Y . Hésitation.

    A droite !

    L’embranchement à droite disparaît soudain.

    La Porsche quitte la route et vient s’écraser contre un arbre.

    Claire est projetée la tête la première en direction du pare-brise. Sous la violence du choc, sa ceinture de sécurité se rompt. Le pare-brise vole en éclat et Claire est éjectée du véhicule.

    L’arbre défonce le bas de caisse de l’auto qui vient broyer les jambes de Stan pendant que sa tête est projetée en arrière, lui brisant net les cervicales, puis il est aussi projeté vers l’avant mais sa ceinture ne cède pas et lui fracture le plexus.

    Claire, étendue sur le sol, dans les vapes, reprend connaissance. Une douleur insupportable à la tête. Elle veut prendre une inspiration et une douleur aiguë la prend à la poitrine.

    Elle arrive à se relever, moyennant un gros effort.

    L’avant du véhicule est coupé en deux sur près d’un mètre, enserrant l’arbre dans un fouillis de tôles froissées.

    Au travers du trou béant qui fait maintenant place au pare-brise, elle arrive à discerner Stan, inanimé, le visage incrusté d’éclats de verres et couvert de sang. Elle s’approche avec difficulté. Une fois la portière gauche à sa portée, elle tente de l’ouvrir et l’effort rend encore plus aiguë la douleur qui lui enserre la poitrine.

    Elle regarde son poignet gauche et constate que l’holocom qui y est attaché est intact.

    Elle lance un signal de détresse par son intermédiaire.

    Les secours seront là dans quelques minutes maintenant, pensa-t-elle.

    Elle ressent soudain des picotements sur le visage.

    Les picotements font rapidement place à la sensation désagréable de quitter son corps alors que son champ de vision est progressivement envahi par une pluie de poussières de diamant.

    Elle tente de s’appuyer sur quelque chose.

     Le vide, et Claire s’écroule sur le sol…

    Les secours sont très vite arrivés sur les lieux de l’accident. Claire fut prise en charge par le service d’urgence médicale tandis que le corps de Stanislas fut transporté à l’hôpital par un autre véhicule.

    Quand la mère de Stanislas, Pamela, fut informée de l’accident de son fils, elle interrompit son week-end pastoral et se rendit à l’hôpital le plus vite possible.

    Elle arriva sur les lieux le lendemain, en fin de matinée.

    Le médecin chef lui dit que l’autopsie avait été pratiquée immédiatement après que la mort fut constatée aux urgences et qu’il lui faudrait attendre un peu qu’on rende à la dépouille de son fils une apparence de dignité.

    L’esprit incapable de cohérence, vidé de toute pensée constructive, plombé par la culpabilité, elle attendait qu’on lui permette de voir son unique enfant une dernière fois. Légalement, il lui fallait aussi reconnaître que c’était bien Stanislas qui était étendu sur ce brancard à la morgue.

    Elle était assise sur un banc, près de la porte battante y donnant accès, fixant un point devant elle sur le sol, attendant avec une certaine appréhension de voir son fils étendu, à jamais. Elle ne savait plus très bien depuis combien de temps elle attendait comme ça.

     Qu’est-ce qu’il m’a prit de lui offrir cette voiture sans auto pilote ? Pourquoi lui as-tu remis les clés le jour de son aniversaire.

    L’Accusateur avait mis bien du temps avant de se manifester. Et il lui posait des questions auxquelles elle

    se sentait incapable de répondre maintenant. Pourtant elles revenaient, lancinantes, jusqu’à la nausée. Et le verdict tomba Mauvaise mère et infanticide. Et bien qu’aucune peine ne fût prononcée à son encontre dans aucun tribunal, elle savait au fond d’elle-même que la sanction était déjà tombée et qu’elle ne pourrait pas se pourvoir en appel.

    A moins que…

    Tout autour d’elle, l’hôpital.

    Les médecins, les chirurgiens, le personnel administratif, toute cette fourmilière grouillante de vie dans ce lieux où il lui fallait constater la mort de son enfant, ce lieu où l’on sauvait des vies, où l’on mettait des vies au monde. Quel oxymore ! La vie est un oxymore ! Mais quelle idée est-il censé souligner ? Elle percevait le bruit de toute cette activité comme venant de loin. L’image qu’elle voyait lui semblait être comme un holociné. Elle se sentait étrangère, détachée de tout ce qui pouvait ce produire autour d’elle. Plus rien ne semblait avoir d’importance en cet instant.

    Madame Lamy ?

    Cette voix qui prononçait son nom lui était complètement étrangère. Même son nom ne lui appartenait plus.

    Une main vint se poser sur son épaule.

    Elle tressaillit.

    Toute la réalité lui revint à la conscience en un instant.

    Chaque bruit, chaque voix, chaque couleur, chaque odeur, portant tous ses sens à saturation, jusqu’à l’insupportable.

    Madame Lamy, est-ce que vous voulez bien me suivre ?

    Elle tourna lentement la tête et reconnut le médecin chef.

    Elle se leva mécaniquement.

    Le médecin lui maintint la porte ouverte, l’invitant à passer devant. Elle passa la porte mais attendit que le médecin la précède de nouveau avant de se remettre en marche.

    Ils arrivèrent devant une porte. Le médecin l’ouvrit.

    Je vous attends ici. Si vous avez besoin de quoique ce soit…

    Mais Pam était déjà entrée.

    La salle, petite, était mal éclairée.

    Au milieu, un brancard.

    Sur le brancard, un corps étendu.

    Pam avança lentement vers le brancard. Il lui semblait que celui-ci reculait à chaque pas qu’elle faisait pour s’en approcher.

    Et l’odeur.

     Une odeur de désinfectant et d’éther. Une odeur de vie et de mort tout à la fois. Une odeur pour en cacher d’autres. Inhumaine, aseptisée, artificielle, mais néanmoins rassurante. Une odeur médicale, sociale.

    Humaine finalement.

    Humainement artificielle. Artificiellement naturelle.

    Dans un flash, elle revit Stan, bébé, à quatre pattes par terre, se dresser dans un effort et une tension tels qu’il devint cramoisi, les veines au niveau des tempes ressortaient. Il se maintint, chancelant un peu, sur ses petites jambes et fit un sourire à Pam qui lui tendait les bras, à quelques mètres de là. Stan élargit son sourire. Il souleva son pied droit et le reposa aussitôt à quelques centimètres vers l’avant. On aurait dit un sumo en miniature. Puis, il prit appui sur sa jambe droite en se penchant légèrement en avant et fit un pas de plus avec son pied gauche, se rééquilibrant avec ses bras potelés. Pam l’encouragea en l’applaudissant. Au bout de quelques minutes, Stan l’avait rejoint. Son visage rayonnait, fendu d’un large sourire…

    Cette dernière image se superposa au visage paisible de Stan, allongé sur le brancard, semblant dormir.

    On ne voyait aucune marque de l’accident ni de l’autopsie. La gorge de Pam était serrée.

    Elle se revit tendre les clés du véhicule à son fils.

    Tu devais bien savoir que ça finirait comme ça, non ?

    Elle se mit à pleurer silencieusement.

    As-tu déjà assumé quoique ce soit, vraiment ?

    Elle déposa un baiser sur le front froid de son fils.

    En se redressant, elle avait cessé de pleurer.

    Elle sorti un mouchoir de son sac à main et s’essuya les yeux et les joues.

    …avons fait un prélèvement de sperme dans les 48 heures qui ont suivit le décès de votre fils, selon vos instruction. Ce prélèvement a été congelé dans l’azote aussitôt. Les paillettes seront disponibles pour une FIV sous quinzaine. Souhaitez-vous que nous améliorions un peu les caractères de son génome ?

    Pam, assise en face du médecin chef qui était installé confortablement dans son fauteuil en cuir, derrière son bureau, le regardait et réfléchissait.

    J’ai entendu dire que la vie sur Mars nécessitait des caractéristiques génétiques particulières, demanda Pam.

    C’est exact, lui répondit le médecin. L’atmosphère de Mars est saturée de dioxyde de carbone et même après vingt ans de terraformation, elle est encore irrespirable. C’est un atout majeur dans un cursus professionnel d’avoir passé dix ans sur Mars. En général, toutes les portes s’ouvrent une fois de retour sur Terre. S’il le souhaite, il pourra même prendre sa retraite, vu l’indemnité qui lui sera versée à son retour. Je ne vous cache pas que cela va modifier quelque peu sa fécondité et sa libido vu que l’opération doit être finalisée au début de la puberté du sujet, et se poursuivre jusqu’à ses vingt ans. Il est sûr, par ailleurs, que la terraformation aura considérablement avancé dans vingt ans. Les modifications seront donc moins profondes que pour les premiers colons.

    Dans ce cas, je souhaite que ces caractères soient inscrits dans son ADN. Mon fils rêvait de pouvoir participer à cette aventure.

    Bien, nous ferons le nécessaire. Il nous faut maintenant considérer des détails un peu plus pratiques. Avez-vous pensé à une donneuse et à une mère porteuse ?

    Je souhaite être la donneuse, si la Loi l’autorise. J’ai pris contact avec Claire Castelnau, sa fiancée. Elle sera enchantée de porter l’enfant.

    Parfait, lui répondit le médecin qui demanda, a t-elle des revenus suffisants pour assumer l’éducation de l’enfant ?

    Elle est encore étudiante.

    Vous savez sûrement que la Loi est formelle à ce sujet, si la mère porteuse ne peut pas assurer matériellement l’éducation de l’enfant, c’est la donneuse qui en devient la tutrice légale.

    Elle sait tout ça et se satisfera des quelques visites qu’elle nous rendra régulièrement. Et bien sûr, quand sa situation le permettra et si elle le désire encore, je renoncerai à mes prérogatives de tutrice.

     Très bien. Nous vous communiquerons le dossier à remplir ainsi que la liste des analyses médicales auxquelles Mlle Castelnau devra se soumettre au préalable. Donnez-lui ma carte afin que nous prenions date rapidement, lui dit le médecin qui lui tendait une carte à puce.

    – Fin de fichier –

    15 février 2060

    Fichier 13430C

    Entrée : 15/02/87 – 22 :54 :13 :58.

    Type : Journal.

    Source : Stanislas Lamy.

    On nous a plongés dans le sommeil chimique pendant quatre mois. Imaginez cent personnes qui n’ont rien en commun excepté leur destination et une mutation génétique provoquée, obligés de se supporter pendant si longtemps dans l’espace exigu du Santa Maria, s’eut été très vite invivable.

    Une semaine pour se remettre de ce long sommeil sous perfusions allongés dans des cercueils de Plexiglas pressurisés. Une semaine pour s’habituer à l’absence de gravité. Une semaine pour faire connaissance avec les autres colons. Remarquez, on s’est vite habitué à l’absence de gravité, suite à l’entraînement intensif qu’on avait subi, avant le départ, sur la base lunaire Alpha pendant deux mois. Au moins savait-on à quoi s’attendre. Nausées, accélération du rythme cardiaque, perte d’orientation, sifflements continuels dans les oreilles. On n’est vraiment pas conçu pour aller dans l’Espace, c’est sûr. Mais est-on mieux adaptés à la vie sur Terre ? Certes, resté dans l’Océan, on n’aurait pas pu inventer le feu, accéder à la technologie et arriver là où je me trouvais, mais aurait-ce été un mal ?

    La première chose que je fais une fois sorti du brouillard fut de prendre contact avec ma mère. Quelle heure pouvait-il être sur Terre au moment où j’appelais ? J’ai dû attendre la réponse vingt-cinq minutes pour m’apercevoir qu’on dormait depuis plusieurs heures en France. Ce délai m’a cruellement rappelé que je ne me trouvais pas en orbite autour de la Terre mais bien à l’approche de Mars. A peine trois ou quatre échanges, histoire de se dire que tout va bien et il a fallut libérer la ligne. L’holocom à bord est de très mauvaise qualité mais on nous a expliqué qu’une fois sur place, le Mars Direct Network II à haut débit prendrait le relais. Là, ce serait un holocom de même qualité que sur Terre, en temps réel comme sur Terre. Ceux qui le souhaitaient pourraient même accéder à la Nécro-Sphère®…

    J’avais dix ans quand la Nécro-Sphère® est entré en fonction. MétaTrans® Inc. avait racheté une start-up en 2050 qui avait inventé un moyen de maintenir le cerveau en vie après la mort tout en l’intégrant au niveau informatique pour servir de calculateur. Un ballon d’oxygène pour cette industrie. En effet, depuis 2025, l’industrie du microprocesseur était en perdition. La loi de Moore l’avait prédit. Elle prédisait que le nombre de transistors intégrés aux microprocesseurs sur silicium doublerait tous les dix-huit mois. Mais pour doubler le nombre de transistors sur une même surface, il fallait graver les microprocesseurs toujours plus finement. Un microprocesseur silicium est composé de silicium et de métal conducteur d’électricité. Le silicium est l’isolant. Le problème c’est qu’en faisant des couches d’isolant toujours plus fines, il arriverait bien un jour où son épaisseur ne ferait plus qu’un atome. Alors, tout en conservant son pouvoir isolant, il changerait de comportement physique et le microprocesseur serait inutilisable, produisant trop d’erreurs.

    Moore avait prédit que cette limite serait atteinte en 2025. Et il avait vu juste. Ainsi, depuis cette année, les fabriquants ne miniaturisaient plus. Mais comme ils avaient habitué le marché à augmenter la puissance des machines, et pour poursuivre dans le même sens, ils produisaient des microprocesseurs connectés en parallèle.

    L’invention de l’intégration éthèrique avait changé la donne. Une filiale de MétaTrans® Inc. avait été montée suite au rachat de la start-up  : TransEther® Inc..

    MétaTrans® Inc. avait un problème majeur à résoudre. Elle disposait des machines les plus puissantes au monde. Cette grille informatique servait à gérer toutes les transactions et toutes les ressources de l’entreprise. Et comme elle gère toute l’activité humaine, ces besoins en calcul sont phénoménaux.

    MétaTrans® Inc. créa le service Nécro-Sphère® et TransEther® Inc. en est la gestionnaire. On proposa à ceux qui le souhaitaient d’accéder à la vie éternelle dans la Nécro-Sphère®. Le contrat stipulait que la personne intégrée devait servir de microprocesseur pendant vingt heures par jour, le reste du temps serait à sa disposition. Une fois le contrat signé, vous devenez bénéficiaire à vie d’une allocation permettant à peine de survivre. Avec un taux de chômage mondial de près de 67% TransEther® Inc. n’avait eu aucun mal à trouver de la main d’œuvre post -mortem, vous pensez bien.

    Mais je m’égare…

    Qu’est-ce que je vous disais, déjà ?

    Ah oui, ça y est, je vous parlais d’holocom.

    En attendant, donc, on doit se contenter de cet ersatz d’holocom pour les communications importantes. Les autres doivent passer par courrier électronique. J’écrirais donc au peu d’amis que j’avais sur Terre, au moins ça occuperait les nombreux temps morts qui caractérisait notre approche de la planète rouge.

    D’ailleurs elle n’est plus vraiment rouge. La colonisation a commencé quarante ans plus tôt, avec son corollaire, la terraformation. Les premiers colons ont dû vivre dans des conditions

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