Le garçon from L.A.: Prix du roman Gay 2022
Par Tadzio Alicante
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À propos de ce livre électronique
Christian est californien. Christian est blond et beau comme le soleil, vit sans filtre et rêve de la France. Il traverse l’océan Atlantique qui le sépare de l’Europe pour être assistant d’anglais dans un lycée français.
Jonathan est français ; il accumule les plans d’un soir, les amours éphémères et traîne sa vie.
Un soir gris et pluvieux d’octobre, les deux garçons se croisent sur une place désertée.
Quelque chose arrive, quelque chose de grave, sublime et qui prend la forme d’une obsession de la part du Français pour l’Américain.
Jusqu’où ira cette dépendance ? Qu’adviendra-t-il de lui si son Christian, né sur un continent si éloigné du sien, décide de repartir ? Quelle sera l’issue pour eux alors que les hommes se meurent ?
Le garçon from L.A, empreint d’une forte influence américaine, révèle une construction narrative éclatée qui fait écho aux sentiments du narrateur.
Divisé en trois parties, la première et la dernière possèdent des caractéristiques scénaristiques alors que la partie centrale, fragmentée en 65 moments, mêle prose poétique et lyrisme.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Tadzio Alicante est un auteur gay de trente ans. Après une formation en littérature, il commence à enseigner les Lettres Modernes dans le Grand Est. Fasciné par la littérature américaine et par le genre de l’autofiction, il livre ici son premier roman qui n’a rien à envier aux auteurs dont il se réclame.
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Avis sur Le garçon from L.A.
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Aperçu du livre
Le garçon from L.A. - Tadzio Alicante
Tadzio Alicante
LE GARÇON FROM L.A.
Roman
ISBN : 979-10388-0315-2
Collection Vibrato
ISSN : en cours
Dépôt légal : mars 2022
© 2022 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays
Toute modification interdite
Éditions Ex Æquo
6 rue des Sybilles
⁸⁸³⁷⁰ Plombières-Les-Bains
www.editions-exaequo.com
Préface
Alors que le monde connaît une pandémie qui décime par centaines de millions les habitants de la planète Terre, un jeune professeur de français s’épanche sur ses états d’âme, se laisse vivre au jour le jour, passe de lit en lit, de mec à mec, en attente. En désir.
De l’autre côté de l’Atlantique, un Californien rêve tellement fort de la France qu’il s’y envole après avoir rempli toutes les démarches :
« Cette nouvelle était une main fluorescente tendue dans le noir de son gouffre. »
D’une écriture dont on ressent bien l’influence de certains auteurs américains qu’il affectionne particulièrement, Tadzio Alicante nous livre l’histoire d’une fulgurance en la personne de Christian qui éclabousse, éblouit, phagocyte Jonathan.
« Quelque chose de grand, de puissant, une montagne au toit tranchant. Quelque chose de beau et violent arrive. Arrive. »
Il nous la conte avec une caméra qui zoome, s’éloigne, tourne autour d’eux, et enregistre sans aucun filtre les instantanés de ces deux garçons, celui de France, celui from L.A.
Soixante-cinq fragments, soixante-cinq séquences de pellicule montées par à-coups, projetés au fil des pages avec des mots celluloïds, des mots crus, des mots-images, des mots et merveilles.
Ces pièces de puzzle composent le film sous-titré par Jonathan, fasciné, obsédé par Christian (« par amour ou par désir, j’ai jamais su faire la différence entre ces deux sentiments. »), son Christ, son épiphanie, son ange.
Tadzio Alicante vous balance à travers ses propres figures de style, tantôt trash, tantôt allégoriques, des émotions à la pelle que vous ramasserez non pas comme des feuilles mortes, mais telles des phrases mises à nu, à vif, à témoin.
Installez-vous et regardez.
Bonne lecture à vous !
Jeanne Malysa
À Christian,
Et à tous les garçons que j’ai pu caresser de ma peau.
I
Schisme
2020
Los Angeles
Un soleil pâle monte peu à peu dans le ciel de la côte ouest. La Californie est réveillée mais Christian est encore dans ses draps à dormir. Sa tête divinement blonde écrase un oreiller vert foncé, ses pieds bronzés dépassent du lit et pendent mollement dans le vide. Dans quelques minutes, il se réveillera du lourd sommeil chimique qui lui ferme les yeux. On peut voir sur la table de nuit : des anxiolytiques, une bouteille de vin rouge vide, un exemplaire écorné de La Mort à Venise de Thomas Mann, traduit en français.
Région parisienne
Une collègue me dit que les rumeurs sont vraies. Oui, elles sont vraies. Tout le monde en parle, de la Chine jusqu’en Utah en passant par Pretoria. Oui, tout est vrai, tristement vrai. C’est la fin du monde, l’apocalypse avec un grand A de feu. Les gens commencent à crever partout dans le monde sans qu’on sache pourquoi. Ils meurent, c’est ainsi. Et ils sont nombreux à mourir, me répète-t-elle. Elle ajoute qu’ils ont prévu de tout fermer, les établissements scolaires compris, à partir de ce soir. Je mâche faiblement le dernier bout de mon sandwich au fromage. Il n’a aucune saveur. Je déglutis difficilement puis la sonnerie retentit. Les élèves se rangent dans la cour du lycée, il faut les récupérer. Je dois assurer mes derniers cours de l’après-midi.
Campus de l’UCLA
Christian se dépêche et traverse un rectangle très vert d’herbe fraîche pour gagner du temps. Il va à son séminaire de théâtre du vendredi soir. Il veut devenir comédien. Son rêve le plus grand. Puis aussi, quitter la maison familiale, sa chambre d’adolescent et le reste. Il s’assied dans l’amphi aux côtés d’un garçon plus beau que lui encore : Michael. Ils s’embrassent copieusement devant les autres étudiants. Je ne vois rien de la scène, je ne l’imagine que maintenant en l’écrivant. Les deux amants ne savent pas encore ce qui se passe. Il leur reste quelques heures de répit.
Région parisienne
Je suis au téléphone avec Quentin, un garçon que je fréquente depuis seulement deux mois. Il est professeur également. Il a vingt-six ans, un peu plus jeune que moi. Il me propose de venir me réfugier chez lui avant la mise en place de mesures restrictives qui ont pour but de sauver l’humanité. J’accepte. Je prépare quelques affaires que je fourre à la va-vite dans la seule valise que je possède. Je prends aussi deux de mes livres préférés avec le mince espoir de revenir rapidement dans mon appartement.
Région parisienne
Quentin vient de se garer sous mes fenêtres. Je le regarde se diriger vers mon entrée. Je le vois sonner à mon nom, en contrebas. La sonnerie retentit, je ne lui ouvre pas tout de suite, je suis pris d’hésitation car je l’aime juste bien, je ne l’aime pas. Aucun coup de cœur ou de foudre ou que sais-je encore pour lui. Il est agréable à voir et gentil, voilà c’est tout. Je finis par lui ouvrir. Il m’embrasse, prend mes affaires, les descend et les place avec précaution dans le coffre de sa voiture. Je regarde une dernière fois mon appartement, je ferme la porte à clé et le rejoins à sa voiture aussi blanche que ces oiseaux qui voltigent comme des ombres chinoises sur un fond gris.
Sur une plage de Santa Monica
Christian et Michael font l’amour. Je ne connais pas les détails de leur baise. Je sais juste qu’ils mélangent leur chair et leurs eaux sur une plage, pas loin de leur domicile respectif. Je sais aussi que le sable est gris et très frais. Ils ont sans doute froid. Ils ont froid. J’imagine Christian qui grelotte malgré la chaleur du corps de Michael qui pèse lourdement sur lui. Le bruit de l’océan se répète encore et encore. L’océan est millénaire. Il était là, il est là et il sera là peut-être à jamais. Ils vont bientôt jouir. Christian avant Michael parce qu’il ne peut plus se retenir. La pression dans sa queue est trop forte, des gouttes de sperme perlent sur son gland. Il jouit. Une trace blanche zèbre l’horizon bleu. Puis une deuxième quelques secondes plus tard.
Dans la nuit (sur la même plage)
Michael lui dit qu’il doit quitter Los Angeles. Désormais ils savent, oui ils savent pour la fin du monde. Il part rejoindre sa famille quelque part en Allemagne. Il aime sa famille, il doit les rejoindre à tout prix, il s’inquiète pour eux. Christian se montre compréhensif mais il pleure. Le vent souffle, ses larmes sont emportées vers l’eau salée qui les avale avec l’avidité d’un ogre. C’est fini, ils doivent se quitter. C’est la dernière fois que Christian verra Michael.
Dans la nuit (Région parisienne, appartement de Quentin)
Je suis au lit avec Quentin. Il porte toujours son pyjama à carreaux par pudeur alors que j’ai déjà tout vu de sa nudité. Il est collé contre moi. Quentin est gigantesque comparé à moi. J’entends sa respiration apaisée. Il est rassuré que je sois là, chez lui, pour affronter la situation invraisemblable. Je n’arrive pas à dormir. Je regarde mon téléphone portable pour vérifier les infos. Le nombre de morts augmente toujours plus, imparable. Il y a un décompte morbide toutes les demi-heures et des classements par pays. Je me demande qui va l’emporter de l’Italie ou de l’Angleterre. Je ferme les yeux et finis par m’endormir dans le chaos généralisé du monde.
Région parisienne
J’ai récupéré toutes mes heures de sommeil perdues au point de devenir insomniaque. Je vais courir chaque matin dans un parc. Ils nous ont autorisés à sortir une heure par jour, j’en profite pour faire mon activité sportive. Il y a peu de monde, les gens ont peur car le nombre de morts est devenu incalculable. La télévision montre en boucle des cadavres à ne plus savoir quoi en faire, ils jonchent les trottoirs. Des quartiers, des immeubles entiers ont été mis en quarantaine. Les services médicaux portent d’étranges combinaisons spatiales pour se protéger quand ils viennent récupérer les dépouilles. Les frontières sont encore ouvertes cependant. Ils disent qu’il faut continuer à se déplacer, pour l’économie. Je cours donc chaque matin au bord de la Seine. Ce matin, j’ai vu des péniches qui stationnaient sur l’eau plate. Elles et moi étions sous un ciel aux merveilleux nuages gris. Le temps était malgré tout très doux, il avait la saveur de l’été.
Je suis sous la douche en train de frotter ma peau avec du gel douche à l’odeur de pamplemousse quand Quentin entre dans la salle de bain. Il me demande si j’ai bien couru, si j’ai croisé des gens, à quelle distance je les ai croisés. Quentin est devenu paranoïaque, il a très peur de la mort et voit son ombre qui le menace partout où il pose les yeux. Il n’ose plus sortir et vit reclus comme une moniale. Je me charge des courses avec une vraie joie, cela me permet de voir d’autres de mes semblables, des humains.
Le travail a repris grâce à la technologie. La plupart d’entre nous travaillent à distance avec les ordinateurs et internet. Par exemple, Quentin et moi assurons nos cours comme d’habitude, à la seule différence qu’on ne voit plus nos élèves et que nos emplois du temps sont allégés. Chaque soir, on regarde les chaînes d’information, on se tient au courant du délabrement du monde en buvant un peu de vin blanc trop sucré. Cela a un côté décadent. La France est encore peu touchée. Ils disent que le retour à la normale est pour bientôt, avec l’arrivée de l’été et de sa chaleur.
Los Angeles
Christian est au lit à regarder des émissions de drag-queen sur son ordinateur. Il a arrêté ses études le mois dernier alors il consomme ces émissions dont il est très friand. Vraiment son divertissement préféré. Il ne s’est pas lavé depuis deux jours et commence à sentir. L’odeur pourtant délicieuse de sa sueur sera celle-là même que j’aurai sur mes propres doigts d’ici quelques mois. Pour le moment, il pense à Michael qui ne lui répond plus sur WhatsApp. Il l’a abandonné. Christian a tout fait pour annihiler le chagrin : regarder des films, lire, écouter de la musique, manger, ne pas manger, prendre de la drogue, boire de l’alcool, faire du sport, faire du yoga, voir d’autres garçons. Le chagrin ne s’en va pas, il ne s’efface pas, ne veut pas s’effacer. Il reste.
Les États-Unis n’ont encore pris aucune mesure pour sauver leur propre peuple de son triste sort. Les gens meurent, très nombreux là-bas, dans l’indifférence générale. Tout est encore ouvert. Une chance pour Christian car quand Christian est en forme, et que le souvenir de Michael se fait un peu oublier, il profite avec une pleine inconscience (une qualité que je vais aimer chez lui) des plages, des restaurants, des boîtes de nuit et autres bars.
Ce qu’il aime par-dessus tout, c’est