Sept

En enfer

Lundi 17 septembre 2001, New York City. Six jours que les Boeing se sont encastrés dans le World Trade Center, que les deux tours géantes qui signaient le ciel de Manhattan se sont effondrées, que la ville qui ne dort jamais est plongée, comme le reste du monde, dans une indescriptible stupeur. Trouver les mots pour la décrire, c’est pourtant mon travail. Je suis, depuis l’automne 1999, correspondant de l’Agence France Presse dans la ville la plus peuplée des Etats-Unis. L’un des postes les plus passionnants, les plus convoités de notre réseau qui couvre le monde entier. Très vite, dans le chaos des premières heures, la rédaction en chef régionale à Washington et moi avons décidé que je serai, grâce à ma moto qui me permet de me déplacer dans une ville à l’arrêt, le journaliste chargé des reportages dans ce lieu que la presse américaine commence à appeler Ground Zero. Dans ce lieu… Aux abords, plutôt. Car la mairie et la police de New York, abasourdies, choquées, dépassées aux premières heures des attentats par l’ampleur de la catastrophe, se sont vite ressaisies. L’une de leurs premières décisions, logique, a été d’interdire à quiconque à l’exception des sauveteurs l’accès au site, qui brûlera pendant des semaines, exhalant des fumées dont on ne découvrira que bien plus tard qu’elles sont hautement toxiques. J’ai buté, comme mes confrères, sur les rubans jaunes «Police line – Do not cross», puis sur les barrières de bois bleu qui ont ceinturé le site, tenté de les contourner avant de comprendre, bien plus tard, qu’elles m’ont sauvé la vie. Dans les mois et les années qui suivront, la quasi-totalité des sauveteurs vont tomber malade, intoxiqués, victimes d’affections pulmonaires ou de cancers gravissimes.

Dès le 12 septembre, la carte d’accréditation du New York Police Department (la carte de presse professionnelle est inconnue aux Etats-Unis) permet certes de passer au sud de Canal Street, qui marque le début du no man’s land, la frontière du quartier évacué. Mais il est interdit d’approcher de l’amas de décombres bouillonnant dans lequel pompiers, policiers, sauveteurs et monteurs d’acier, ces ouvriers qui scient les poutres enchevêtrées à la torche à plasma, cherchent des survivants. Pour un reporter chargé de décrire les opérations de secours, c’est un problème. Une paire de jumelles de marine et un point d’observation en hauteur, la passerelle piétonne sur West Street, me permettent d’observer, comme si j’étais à leurs côtés, leur travail. Ils creusent, fouillent, découpent, plongent dans les entrailles fumantes de cet amoncellement de fer, de béton et de papier. Des dizaines de grues réquisitionnées dans tout le pays soulèvent des morceaux de métal de plusieurs tonnes, ouvrent des passages, dégagent des voies. Je peux décrire ce qu’ils font, mais pour mes reportages je dois leur parler. Policiers et pompiers ont reçu consigne de ne pas s’adresser à la presse et de laisser au maire Rudy Giuliani, qui gagnera à cette occasion le surnom de «Mayor of America», l’exclusivité de la communication. Je les croise parfois quand ils arrivent à , tenues et uniformes propres, mâchoires et poings serrés, ou quand ils en repartent, statues de poussière à la démarche hésitante, accrochées à

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de Sept

Sept33 min de lecture
Alexandra David-Néel
Alexandra David-Néel est sans doute parmi les exploratrices du XXe siècle les plus connues. Sans doute en raison de la longévité et de l'exceptionnel legs intellectuel qui ont été les siens depuis sa naissance en 1868 et sa mort cent ans plus tard. C
Sept1 min de lecture
Vivez Une Expérience Interactive Unique
1 Téléchargez gratuitement l'application Sept sur App Store ou Google Play. 2 Lancez l'application Sept et scannez la page dès que vous apercevez le picto Sept. Faites directement le test sur cette page. 3 Les contenus supplémentaires démarrent imméd
Sept2 min de lecture
Les Blancs De Sylain Tesson
Sylvain Tesson arrive à Zermatt le 29 mars 2019. L’écrivain-géographe traverse alors les Alpes par les sommets, de Menton à Trieste. Skis de randonnée aux pieds. Guidé par son ami Daniel du Lac. Accompagné par Philippe Removille, un skieur solitaire

Livres et livres audio associés