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Carambole et le secret de Kabriol: Roman fantastique
Carambole et le secret de Kabriol: Roman fantastique
Carambole et le secret de Kabriol: Roman fantastique
Livre électronique363 pages4 heures

Carambole et le secret de Kabriol: Roman fantastique

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À propos de ce livre électronique

Comment imaginer l'inimaginable ?

Carambole, belle jeune fille dotée d’une voix magnifique, grandit à Luxandrou, ville principale de la jolie petite île de Kallys. Un soir, après son étrange conversation sous le mystérieux olivier millénaire, avec l’énigmatique Matis, Carambole décide de quitter sa si chère famille et ses amis de toujours, pour partir accompagnée de Mazale, son étonnante petite chienne, à la recherche de Kabriol... Une cité d’artistes que personne ne connaît et à laquelle son destin est pourtant lié.
Carambole laissera alors son cœur guider ses pas au travers d’extraordinaires aventures, auprès de personnages fascinants, tels que Virgile, l’ermite qui vit dans une grotte meublée entièrement de livres, Crystal la dompteuse de lions ou encore Dialo l’inquiétant magicien. Mais elle rencontrera également l’amour et bien des épreuves se mettront sur son chemin pour tester la pureté de son âme.

Un roman d'aventures fantastique riche en rebondissements !

EXTRAIT

Kallys était une île qui se voyait de loin, de très loin...
Les passagers des navires de croisières sillonnant cette partie de l’océan pouvaient l’apercevoir même si leurs bateaux se trouvaient à plus de sept milles marins de distance, soit une bonne dizaine de kilomètres, et cela grâce à sa géographie si particulière. Kallys, recouverte d’une végétation très dense, était constituée d’une seule et unique montagne escarpée, l’Aiguille de Sibilyss, dont le sommet était toujours curieusement enveloppé de brume quelle que soit la saison.
Accrochée aux flancs de la montagne, près du niveau de la mer, une paisible bourgade, Luksandrou. C’est dans cette petite ville qu’était née Carambole il y a de cela vingt ans. Et aujourd’hui, pour la toute première fois, elle quittait son île à bord de l’un de ces navires de croisières qui la faisaient tant rêver. Il y a seulement trois semaines, elle n’aurait jamais pensé qu’un tel bouleversement allait survenir dans sa vie. Comment aurait-elle pu deviner qu’en si peu de temps elle déciderait de partir à l’aventure à la recherche d’une cité qui, apparemment, n’existait pas – ou qui, tout au moins, ne figurait sur aucune carte !
Jusqu’à présent, rien d’aussi extravagant ne s’était produit au sein de la famille Olivaros, une famille où les enfants apprenaient de leurs parents à agir raisonnablement en tout. Chez les Olivaros, on était ainsi marin-pêcheur de père en fils. C’était la tradition et il aurait été insensé de ne pas la respecter.
Le père de Carambole, Jean-Baptiste, avait donc pris naturellement la suite de l’affaire familiale. À la mort prématurée de ses parents, il avait hérité de la maison où il vécut seul avec son grand-père jusqu’à l’arrivée de Marie.

À PROPOS DES AUTEURES

Michèle Yenco et Virginie Pisano sont mère et fille. La première est artiste peintre et brocanteuse, la deuxième auteur compositeur et chargée de communication. Michèle Yenco imagine l’histoire de ce premier roman dans sa boutique alors qu’elle peint une série de personnages, et sa fille la rejoint plus tard pour raconter avec elle les aventures de Carambole sous la forme d’un roman merveilleux. Elles vivent toutes les deux à Bastia en Corse.
LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie18 janv. 2018
ISBN9791023606676
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    Aperçu du livre

    Carambole et le secret de Kabriol - Michèle Yenco

    L’olivier et l’étoile

    Kallys était une île qui se voyait de loin, de très loin…

    Les passagers des navires de croisières sillonnant cette partie de l’océan pouvaient l’apercevoir même si leurs bateaux se trouvaient à plus de sept milles marins de distance, soit une bonne dizaine de kilomètres, et cela grâce à sa géographie si particulière. Kallys, recouverte d’une végétation très dense, était constituée d’une seule et unique montagne escarpée, l’Aiguille de Sibilyss, dont le sommet était toujours curieusement enveloppé de brume quelle que soit la saison.

    Accrochée aux flancs de la montagne, près du niveau de la mer, une paisible bourgade, Luksandrou. C’est dans cette petite ville qu’était née Carambole il y a de cela vingt ans. Et aujourd’hui, pour la toute première fois, elle quittait son île à bord de l’un de ces navires de croisières qui la faisaient tant rêver. Il y a seulement trois semaines, elle n’aurait jamais pensé qu’un tel bouleversement allait survenir dans sa vie. Comment aurait-elle pu deviner qu’en si peu de temps elle déciderait de partir à l’aventure à la recherche d’une cité qui, apparemment, n’existait pas – ou qui, tout au moins, ne figurait sur aucune carte !

    Jusqu’à présent, rien d’aussi extravagant ne s’était produit au sein de la famille Olivaros, une famille où les enfants apprenaient de leurs parents à agir raisonnablement en tout. Chez les Olivaros, on était ainsi marin-pêcheur de père en fils. C’était la tradition et il aurait été insensé de ne pas la respecter.

    Le père de Carambole, Jean-Baptiste, avait donc pris naturellement la suite de l’affaire familiale. À la mort prématurée de ses parents, il avait hérité de la maison où il vécut seul avec son grand-père jusqu’à l’arrivée de Marie.

    Jean-Baptiste était un jeune homme dynamique et vaillant, si passionné par son métier qu’aucune tempête ne pouvait l’arrêter. Marie comprenait la passion de son mari pour la mer. Elle passait du temps avec le grand-père de Jean-Baptiste, avec qui elle avait de longues et belles conversations, à tel point qu’un lien profond s’était tissé entre eux. Leur complicité réjouissait Jean-Baptiste. Un jour, le vieux marin raconta à Marie l’histoire de l’étrange olivier qui se cachait au fond du grand jardin aujourd’hui envahi par les broussailles.

    Ce très vieil arbre d’une taille impressionnante, était autrefois vénéré. On lui attribuait des vertus bénéfiques, et les habitants de l’île venaient nombreux se recueillir à l’ombre de ses branches noueuses. Mais le majestueux olivier avait subitement été délaissé… On disait que l’ancienne propriétaire de la maison, accusée de sorcellerie, aurait, à cause d’un amour perdu, envoûté cet arbre avant de disparaître. La légende racontait qu’elle s’était jetée du sommet de l’Aiguille de Sibilyss. Depuis cette disparition, l’olivier portait sur son tronc d’énigmatiques inscriptions, écrites dans une langue incompréhensible, que nul n’avait jamais pu décrypter. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle la famille Olivaros avait acquis la propriété pour une bouchée de pain, tant cette histoire avait marqué les esprits.

    Après avoir entendu ce surprenant récit, Marie eut une idée lumineuse, elle allait déployer toute l’énergie de sa jeunesse à remettre le jardin en état et elle arracherait les ronces noires qui entouraient cet olivier, sans doute centenaire. La tâche s’annonçait ardue. Elle commença par le verger derrière la maison. Petit à petit, le jardin commençait à retrouver de sa splendeur. Dans la partie la plus ombragée, elle planta un potager et de l’autre côté une roseraie à l’italienne. Lorsque l’olivier fut dégagé, Marie découvrit, enfin, les inscriptions mystérieuses gravées sur le tronc de l’arbre. Elles formaient une longue phrase. Les caractères étaient curieux. Chaque signe était hérissé de piquants comme les ronces qui avaient égratigné les mains de Marie. Ces inscriptions la mettaient un peu mal à l’aise, mais l’arbre lui-même était magnifique, et si accueillant. Elle installa un banc sous l’ombrage… Et cet endroit allait redevenir pour tous un lieu de méditation.

    ***

    À la mort du grand-père, Jean-Baptiste et Marie décidèrent de rénover entièrement la maison. Le rez-de-chaussée servait jusqu’alors d’entrepôt pour les filets et autres matériels de pêche. Marie proposa de le transformer en restaurant. Devenir restauratrice était son rêve… Les pierres brutes de la maison furent conservées, les vieux volets repeints en bleu, les chambres et les pièces à l’étage réaménagées, les balcons habillés de lavande, donnant ainsi à la façade de superbes reflets bleutés pendant tout l’été. Les tables installées sur la terrasse dallée de vieilles pierres, qui s’étendait sur toute la largeur de la bâtisse, seraient à coup sûr prises d’assaut par les clients dès le début de la belle saison.

    À la fin des travaux, Marie et Jean-Baptiste étaient si fiers que pour l’occasion, la maîtresse de maison prépara un magnifique repas champêtre pour tous ses amis. Et, pour couronner l’évènement, la petite Loli naquit neuf mois plus tard !

    La Cantine devint très vite une table incontournable dans la région. Afin de la seconder Marie pensa naturellement à son amie d’enfance, Paula, orpheline comme elle, avec qui elle avait grandi à l’orphelinat de Luksandrou et qu’elle considérait comme une sœur. Elle lui proposa de s’installer à La Cantine. Ravie, Paula accepta et entra dans la famille pour ne plus jamais la quitter.

    ***

    Un jour de marché, Marie découvrit des fruits venus de loin, qu’elle ne connaissait pas : des caramboles… En tranchant l’un d’eux, elle eut la surprise de découvrir que la découpe du fruit formait une magnifique étoile à cinq branches ! S’ils avaient une autre fille, elle proposerait à Jean-Baptiste de la prénommer Carambole. Pour Marie, ce serait comme un signe du destin : cette enfant deviendrait alors assurément une étoile… une star !

    La famille s’agrandit avec l’arrivée simultanée de Carambole et de Marcus. Loli était alors âgée de 5 ans. Marie se retrouvait avec trois enfants pleins de vie, un restaurant à faire tourner et un mari le plus souvent absent. Tâche difficile mais pas insurmontable pour une femme de son tempérament.

    L’équilibre était trouvé : un bonheur simple et authentique, qui malheureusement se brisa brutalement le jour de la disparition en mer de Jean-Baptiste. Ce fut une tragédie pour tous et surtout pour Marie, bien sûr. La mer venait de lui voler l’unique amour de sa vie. Malgré sa profonde douleur, elle fit preuve d’un grand sang-froid. À présent, et pour toujours, elle s’emploierait avant tout à veiller à l’épanouissement de ses enfants.

    ***

    Bernardin était un vieil ami de la famille de Jean-Baptiste. Veuf depuis longtemps et sans enfant, le berger habitait seul dans une vieille maison de pierre sur les hauteurs de Luksandrou. Il vivait de la production de ses fromages, qui faisaient le régal des clients de La Cantine. Il devint pour Loli, Carambole et Marcus un grand-père idéal, d’une tendresse et d’une patience infinie. Il les emmenait souvent en balade dans les collines, leur expliquait la fabrication des fromages et toutes les merveilles de la nature qui plaisent tant aux enfants.

    En grandissant, Marcus oublia le chemin des collines pour emprunter celui des plages où copains et copines l’attiraient davantage que les brebis de Bernardin. Carambole, au contraire, recherchait sans cesse la compagnie du vieil homme, qu’elle allait voir de plus en plus souvent, comme si elle pressentait que cela ne durerait pas éternellement.

    Un jour, en arrivant à la bergerie, elle trouva Bernardin assis près de la cheminée, livide, le visage figé par la douleur.

    –Tu ne peux plus rester tout seul ici, lui dit Carambole, il faut que tu viennes t’installer à la maison, tu y seras mieux ! Tu me sembles bien fatigué, veux-tu que j’appelle le docteur ?

    –Non, non, ma petite fille, pas maintenant ! Viens t’asseoir près de moi, j’ai quelque chose de très important à te dire, lui répondit Bernardin avec difficulté.

    –Je t’en prie Bernardin, ne te fatigue pas, tu me parleras plus tard.

    Carambole avait du mal à cacher son anxiété.

    –Mon ange, le temps presse, ne m’interrompts pas, s’il te plaît.

    Puisant dans ses dernières forces, il commença son récit :

    –J’ai reçu en héritage un don très particulier : celui de parler à mes brebis… Tu sais que je n’ai pas d’enfant, et toi mon ange, tu es un peu ma petite fille, alors ce don c’est à toi que je veux le léguer. Mais attention, tu ne devras pas le révéler à qui que ce soit, sinon il se perdra à jamais.

    Les yeux écarquillés par la surprise après cette incroyable révélation, Carambole regarda Bernardin se pencher péniblement pour attraper un panier en osier recouvert d’un linge posé à ses pieds. Il le souleva délicatement. Carambole découvrit à l’intérieur une petite boule de poils blanche dont on ne distinguait la tête que grâce à deux grands yeux noirs, un petit chiot.

    –Elle s’appelle Mazale, elle est à toi, elle veillera sur toi et sera un guide précieux. Sache qu’avec ce don que je te lègue tu pourras communiquer avec elle comme avec un être humain. La seule personne qui pourra un jour comprendre ce qu’elle te dit sera l’homme qui te vouera un amour éternel, et tu pourras à ton tour transmettre ce don à l’un de vos enfants.

    Le souffle de Bernardin s’accélérait. Carambole regardait cet homme qu’elle adorait avec inquiétude et tristesse.

    –De quoi parles-tu, Bernardin, tu ne vas pas mourir !

    C’est à ce moment que la petite boule de poils sauta sur les genoux de Carambole et commença à lécher son visage inondé de larmes.

    Pour toute réponse, Bernardin prit les mains de Carambole en la fixant intensément dans les yeux. Une lumière éblouissante jaillit du bout des doigts de Bernardin. Comme paralysée, elle sentit un fluide traverser tout son corps. Tandis que la pression des mains de Bernardin dans les siennes se relâchait, Carambole perdit connaissance.

    Elle fut réveillée par les glapissements de son nouveau compagnon. Comme dans un rêve, elle observa le visage de Bernardin. Il était beau, apaisé, un doux sourire aux lèvres. Elle comprit qu’il était parti pour toujours et se rendit compte en même temps du vide immense qu’allait laisser son absence. Inconsolable, elle serra Mazale contre son cœur, sentant déjà ses ondes d’amour qui l’apaisaient un peu.

    Carambole prit la petite chienne sur ses genoux pour l’embrasser tendrement. Elle acceptait l’ultime cadeau de cet homme qu’elle aimait tant sans se poser de questions, avec une infinie reconnaissance. Elle ne savait pas encore le rôle que cette petite boule de poils allait jouer tout au long de sa vie…

    II

    Le messager

    –Marcus s’il te plaît, arrête de faire le pitre, dépêche-toi, nous allons être en retard !

    –Reste cool sister, sinon j’te dirai bye bye, lui répondit-il en chantant.

    Carambole éclata de rire. Elle adorait son frère jumeau. Leur ressemblance était frappante. Ils avaient les mêmes grands yeux couleur noisette, de beaux cheveux noirs bouclés, un visage et une silhouette parfaits. Ils partageaient depuis toujours la même passion pour la musique, qu’ils avaient apprise en autodidactes. Carambole avait très tôt développé un don remarquable pour le chant. Sa voix, cristalline, pouvait s’étendre sur cinq octaves, ce qui lui permettait de chanter des notes aigües aussi bien que des notes graves, tout en passant des unes aux autres avec une facilité déconcertante. Marcus avait, lui, mis ses talents d’écriture au service du rap qu’il maîtrisait en véritable MC*. Mais sur la scène de La Cantine c’est ensemble qu’ils envoûtaient leur public.

    Loli, leur sœur aînée, courait dans tous les sens ainsi que Billy, le serveur employé en extra les soirs de concerts.

    –Oh ! Non, dit-elle, les clients de la table 7 ont renversé leur bouteille de vin !

    Pendant ce temps, Marie, la maman, qui dirigeait sa petite équipe comme un vrai chef d’orchestre, s’impatientait.

    –Paula s’il te plaît, peux-tu porter ce plat à la table 10 ? Il va refroidir. 

    –C’est bon, c’est bon Marie, je m’en occupe, lança Billy qui repartit au pas de course, tenant le plat au-dessus de sa tête sur le bout des doigts.

    Marie eut un petit sourire devant une telle efficacité.

    Alors que Loli en avait fini de nettoyer la table des clients maladroits, ces derniers présentèrent leurs excuses une énième fois.

    –Ce n’est pas grave, vraiment je vous assure, ce sont des choses qui arrivent. Détendez-vous, le concert va bientôt commencer, répondit-elle avec son plus charmant sourire.

    –Ah… soupira l’un des clients, cette Cantine ce n’est que du bonheur, ça se voit et ça se sent !

    –Merci beaucoup, répondit Loli, passez une bonne soirée.

    La clientèle était certes bruyante, mais il n’y avait là que des gens simples venus passer une bonne soirée entre amis ou en famille.

    ***

    Matis s’arrêta sur le pas de la porte. L’arrivée de ce jeune homme, si différent de la clientèle habituelle, interrompit durant quelques secondes le brouhaha qui régnait à La Cantine. Tous les regards se tournèrent vers lui. Était-ce le fait de sa blondeur angélique, de sa tenue d’un blanc immaculé, ou bien cela venait-il de son allure très classe et nonchalante, ou tout simplement de cette beauté si exceptionnelle, nul n’aurait su vraiment le dire… Malgré la distance qui les séparait, Carambole remarqua immédiatement le bleu presque turquoise de ses yeux. Par un heureux hasard, la table la plus proche de la scène était libre. Loli demanda à cet étrange client de la suivre pour l’y installer.

    –Excusez-moi, je vois que le spectacle commence bientôt, dit Matis en s’adressant à Carambole qui s’était approchée et le regardait, fascinée.

    La discussion avec ce jeune homme, s’engagea si naturellement que Carambole s’installa à sa table sans même réfléchir. Quelques instants plus tard, sentant que la salle et surtout Marcus s’impatientaient, il le lui fit remarquer.

    –Incroyable ! s’exclama-t-elle en bondissant de sa chaise. J’ai complètement perdu la notion du temps. Vous m’attendez, on continuera notre discussion après le spectacle ? D’accord ?

    –Bien sûr, je ne raterai ça pour rien au monde, je vous attendrai à l’extérieur près de ce superbe olivier que j’ai vu en arrivant. Et votre petite chienne, dites-moi, elle chante aussi ?

    –Presque ! répondit Carambole en éclatant de rire. Elle s’appelle Mazale !

    Mazale, qui n’avait rien perdu de cette conversation, prit son air le plus hautain en emboîtant le pas à Carambole qui se dirigeait vers la scène, ce qui la fit rire de plus belle. Marcus lança à sa sœur un regard agacé devant tant de désinvolture, ce qui était chez elle d’ailleurs très inhabituel.

    Seuls quelques habitués remarquèrent qu’elle avait raccourci son tour de chant, ce soir-là. Comme toujours, elle quitta la scène sous les applaudissements, cédant le micro à Marcus, interloqué.

    –Quoi ? Tu t’en vas ? Mais tu vas où là ? On n’a pas fini !

    –Finis tout seul, je suis attendue, répondit Carambole en lui déposant un baiser sur la joue.

    Elle s’éloigna très vite sans même lui laisser le temps de réagir. Marcus n’eut alors pas d’autre choix que de finir le spectacle en solo.

    ***

    Matis l’attendait, comme prévu, sous l’olivier. La pleine lune éclairait les traits parfaits de cet énigmatique personnage.

    –Cet arbre a des dimensions spectaculaires, difficile d’imaginer depuis combien de temps il est là, dit-il, tout en faisant rouler des olives dans sa main.

    –Oui, je crois que c’est le plus vieux de nos arbres ; c’est bizarre que vous soyez venu là, c’est mon endroit préféré. Je m’installe souvent sous ses branches, je m’y sens protégée, il me rassure. Regardez, il y a de nombreux signes gravés sur le tronc, j’ai essayé de les déchiffrer, ainsi que les autres membres de ma famille, et particulièrement ma mère, mais sans succès, lui dit-elle, en touchant du bout des doigts ces mystérieuses écritures.

    –Votre petite chienne ne vous quitte jamais ?

    –Non, jamais, répondit Carambole. Elle m’a été offerte par quelqu’un que j’aimais beaucoup.

    –Que vous aimiez ?

    –Oui, il a quitté ce monde, murmura-t-elle en baissant les yeux.

    –Attention Carambole, n’en rajoute pas plus ! l’interrompit Mazale. Rappelle-toi de ce que t’a dit Bernardin, personne ne doit connaître notre secret !

    –Allons, calme-toi Mazale ! s’exclama sa maîtresse.

    Carambole était décontenancée par le sourire entendu de Matis. Elle avait l’étrange impression qu’il avait saisi ce que lui disait Mazale, ce qui était impossible. Elle était la seule à pouvoir lui parler et la comprendre. Toutes les personnes qui l’entouraient ne remarquaient rien d’inhabituel lorsque Mazale aboyait. Et pourtant, chacun de ses jappements avait un sens bien précis pour Carambole.

    Matis changea alors de sujet, comme pour effacer la gêne de la jeune femme.

    –Vous avez beaucoup de chance d’être enracinée ainsi dans la terre de vos ancêtres et d’avoir une famille si chaleureuse.

    –Une famille marquée par des évènements tragiques. Mon père a hérité de cette maison à la mort brutale de ses parents. Ils sont tombés dans un ravin alors qu’ils faisaient une randonnée sur les hauteurs de l’île. Mon père a vécu ici avec son grand-père. Puis il a rencontré ma mère qui avait grandi à l’orphelinat de Luksandrou après avoir été abandonnée alors qu’elle n’était encore qu’un bébé… Leur mariage a été très heureux. Malheureusement notre père a disparu en mer lorsque nous étions enfants…

    –En effet Carambole, tous ces drames ont dû être très difficiles à vivre…

    Carambole eut un long soupir chargé d’émotion, et continua :

    –Oui, notre mère ne s’est jamais vraiment remise de cette perte ce qui ne l’a pas empêchée de nous élever avec beaucoup d’amour et de courage. Nous avons grandi dans le souvenir de notre père qui est toujours présent dans nos cœurs, grâce à notre mère qui nous rappelait si souvent les moments heureux que nous avions partagés avec lui, mais il nous manque tant…

    Le silence s’installa quelques instants, et Matis changea à nouveau de sujet :

    –Vous avez des projets d’avenir, Carambole ? 

    Elle hésita un moment avant de répondre.

    –Non, pas vraiment. J’avoue que je n’y ai pas encore pensé. La seule chose qui me passionne vraiment, c’est de chanter…

    –Pour les clients de La Cantine ?

    –Oui, pourquoi ? demanda Carambole étonnée par cette question.

    –Vous auriez pu vouloir partir et vivre de votre passion… Vous avez beaucoup de talent…

    –Merci beaucoup, mais je ne saurais ni où aller ni par quoi commencer… Je ne connais personne qui soit du métier. Je sais bien que je devrais quitter cet endroit et surtout ma famille pour tenter ma chance, mais après tout ce que je viens de vous raconter, vous comprenez que cela serait très douloureux pour moi et pour eux.

    La voix de Matis devint soudain d’une profondeur irréelle et plongea Carambole dans un état quasi hypnotique. Chacun de ces mots se mit alors à résonner en elle comme un écho.

    « Lorsqu’un être croit en son destin, tout devient possible.

    Ton chemin est tracé. Il te conduira loin, crois-moi.

    Puisqu’aujourd’hui tu me fais confiance,

    Bien que je sois un parfait inconnu,

    Demain, tu pourras réaliser tous tes rêves.

    Il suffit de le vouloir vraiment.

    Je connais un endroit merveilleux, à nul autre pareil,

    Où tous les arts du monde s’expriment librement.

    Chacun participe, d’une façon ou d’une autre, à la force créatrice

    Qui fait battre le cœur de ce royaume des artistes.

    Ceux qui, comme toi, ont un don particulier, y sont attendus.

    Ta place est parmi eux, à Kabriol.

    Je comprends que tout ceci puisse te sembler un peu fou,

    Mais je sais que la sincérité de mon cœur

    A déjà convaincu le tien.

    Il te faudra entreprendre un long voyage,

    Et surmonter toutes tes craintes,

    Mais sur le chemin de Kabriol,

    Tu trouveras les réponses à tes questions.

    Et lorsque tu seras certaine d’être arrivée à la Cité des Arts,

    N’oublie surtout pas de planter

    Une olive de cet arbre,

    À la place qui lui est destinée

    Avant que le sort ne soit à jamais scellé. »

    Mazale, qui était sous le banc, sauta sur les genoux de Carambole. Celle-ci resta sans voix pendant un instant, comme désorientée. Une multitude de questions se bousculaient dans son esprit. La voix de Marcus la sortit alors de sa torpeur :

    –Quand tu auras fini de rêvasser sous ton olivier, tu pourras venir m’aider à ranger le matos ?

    –Tu vois bien que je ne suis pas seule, demande à quelqu’un d’autre ou alors laisse tout comme ça et je rangerai plus tard. 

    –Pas seule ? Tu te moques de moi ? Mais qu’est-ce qui t’arrive ce soir ? Tu m’inquiètes, après les discussions avec ta chienne, voilà que tu t’inventes un ami imaginaire ! s’exclama Marcus en retournant vers le restaurant, après avoir jeté un dernier regard, exagérément alarmiste, en direction de sa sœur.

    Sur le point de lui répondre, Carambole tourna la tête vers l’endroit où se trouvait Matis quelques secondes auparavant, mais il avait disparu, sans un bruit.

    –Tu l’as vu partir Mazale ?

    –Non, je regardais Marcus… 

    Sous le choc de ce qu’elle venait de vivre, Carambole resta un moment ainsi, assise dans l’obscurité. Elle savait, au fond d’elle-même, que cette rencontre allait à jamais changer le cours de sa vie.

    ***

    Tous les matins, à son réveil, Carambole avait pour habitude de s’accouder au balcon de sa chambre afin de respirer l’air marin. Pourtant, ce jour-là, la vue si magnifique sur le golfe la laissa indifférente. Elle serra Mazale un peu plus fort dans ses bras et s’assit à même le sol. Rêveuse, elle ne pouvait s’empêcher de suivre du regard le paquebot quittant le port de Luksandrou. Depuis toujours, elle l’avait vu partir chaque matin, mais pour la première fois, elle se rendit compte qu’il transportait des passagers vers un ailleurs qu’elle ne connaissait pas. Elle fut submergée par d’étranges pensées, complètement nouvelles pour elle. Carambole s’installa devant son ordinateur et tapa « Kabriol » dans la barre du moteur de recherche. Aucune réponse trouvée ne concernait une ville ou même un pays… Après avoir ainsi testé toutes les orthographes possibles et imaginables sans aucun résultat, elle retourna, perplexe et de plus en plus nerveuse sur le balcon. Le navire avait disparu derrière la pinède. Elle sursauta en entendant frapper à la porte.

    –C’est moi, tu dors encore ?

    –Non, c’est bon Chochote, tu peux entrer. 

    Chochote, comme la surnommait Carambole, était sa meilleure amie. Toutes les deux étaient inséparables et partageaient absolument tout depuis les bancs de l’école primaire, bien qu’elles soient issues de milieux différents. Chochote appartenait à une grande famille d’aristocrates, les Del Monte.

    –Tu n’es pas encore prête ? Il est déjà 10 heures ! Tu as oublié qu’on avait rendez-vous ? J’ai fait préparer les chevaux. 

    –Je suis désolée, j’avais complètement oublié. Tu devrais appeler les écuries pour annuler, il faut qu’on parle.

    –Non mais, tu plaisantes, j’espère ? Je viens juste de recevoir ma nouvelle tenue. En plus, impossible de reporter à demain, c’est le jour du vétérinaire pour les vaccinations ! trancha Chochote.

    –Tu ne comprends pas ! Il faut vraiment que je te parle, il s’est passé une chose incroyable hier soir. 

    Chochote était déçue, mais son dépit ne dura qu’un instant tant elle était impatiente d’apprendre quelque chose d’excitant.

    –Vas-y, dis-moi vite… Quand je pense que j’ai passé une soirée mortellement ennuyeuse chez mon grand-père, et en plus je me suis cassé un ongle, alors que toi tu as…

    –S’il te plaît, écoute-moi, Chochote, dit Carambole en lui coupant la parole. J’ai rencontré quelqu’un d’extraordinaire hier soir. Il m’a parlé d’un endroit qui s’appelle Kabriol. Il m’a dit que c’est le royaume des artistes et que je pourrais y réaliser tous mes rêves. Je n’avais jamais vu cet homme et pourtant, c’était comme si sa présence m’était familière.

    –Hou la la ! Mais tu es toute bizarre ! Tu ne serais pas plutôt tombée amoureuse ? Il est mignon ? Allez dis-moi tout, il fait quoi dans la vie, il a quel âge ? Allez parle, il est comment ?

    –Chochote, s’il te plaît, arrête ! Tu n’y es pas du tout… 

    –Bon, alors je veux connaître tous les détails ! lui intima la jeune femme en allant vivement s’installer sur le lit.

    À mesure qu’elle avançait dans son récit, Carambole comprit qu’elle ne pourrait jamais expliquer l’essentiel, à savoir la magie de cette rencontre. Même Chochote ne comprendrait pas. Elle se limita donc à exposer les faits, le plus rationnellement possible.

    –Alors, si je comprends bien, un parfait inconnu a débarqué hier soir pour te parler d’un endroit dont personne n’a jamais entendu parler,

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