Tante Maria va lui ouvrir les yeux…
Tante Maria était une légende dans la famille Demory et au-delà. Ses fameux Napolitains – petites pâtisseries à la pâte biscuitée agrémentées en leur milieu de confitures, crèmes diverses, chocolat et autres plaisirs sucrés, habillées de nappages multicolores – avaient fait de Maria une pâtissière hors pair. Ces gâteaux étaient ancrés dans les annales et dans les papilles familiales. Maria, fille de Médéric et d’Augustine Demory, avait grandi dans la vaste demeure coloniale en bois de Mon-Repos, à Phoenix, petite ville de l’île Maurice.
Son enfance avait été heureuse et insouciante.
Elle avait poussé telle de l’herbe folle, comme tous ceux de la grande fratrie Demory composée de seize rejetons de « deux lits ». Le prolifique Médéric, vétérinaire de son état, avait convolé une première fois en justes noces avec Elizabeth Blancard. A la mort de cette dernière, une des sœurs de la défunte, Augustine, était venue aider le veuf éploré à élever les neuf premiers enfants de la tribu.
Joignant l’utile à l’agréable, le veuf – désormais consolé – avait épousé Augustine Blancard en deuxièmes noces. Maria était l’aînée du « deuxième lit ».
A 20 ans, Maria avait eu le coup de foudre pour Eusèbe Pasquet, 38 ans.
Eusèbe était un ami de Médéric avec lequel il partageait la passion des animaux. Eusèbe avait hérité de ses parents une maison qui comportait une petite ferme adjacente où volatiles, caprins et bovins coulaient des jours heureux.
Eusèbe Pasquet ne passait pas inaperçu. Bâti comme une armoire à glace, le verbe haut, il attirait l’attention. C’était un original doublé d’un aventurier. Grâce à son héritage confortable, il n’avait pas besoin de travailler pour gagner sa vie. Il se disait journaliste et collaborait régulièrement avec certains journaux du pays, fournissant des récits de faits divers ou alimentant la rubrique nécrologique quand un notable de l’île passait de vie à trépas.
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