La chocolatière de Santiago
Elle avait débarqué sur le port de Vigo au petit matin. Le soir même, elle avait trouvé du travail, grâce au cuistot du cargo à bord duquel elle était montée à l’escale de Caracas. Il l’avait fait passer pour sa nièce et, pendant toute la traversée, elle avait épluché des patates et fait la plonge.
Le Blue Princess circulait chaque semaine entre les deux Amériques et Vigo, sur la côte atlantique espagnole. Ce départ, c’est le seul moyen qu’avait trouvé Maryoli pour échapper au destin de misère dans lequel s’enfonçait peu à peu le Venezuela.
Son cher Felipe n’avait pas osé sauter le pas. Il était assuré d’un petit salaire au ministère qui lui permettait de venir en aide à ses parents. Maryoli, elle, n’avait plus personne. Les crises, les maladies, les révoltes avaient emporté toute sa famille. Felipe avait tenté de la raisonner, ils se débrouilleraient à deux, mais si elle partait…
« Oui, je vais partir. Tenter n’importe quoi plutôt que crever ici ! » avait-elle crié un soir de dispute.
L’idée du cousin cuistot qui faisait escale chaque semaine à Caracas lui avait paru géniale. Felipe avait dû se résoudre à laisser partir sa chère et volcanique amie qui jurait qu’elle allait réussir et qu’ils se retrouveraient sûrement bientôt, fortune faite. Felipe avait hoché la tête avec un sourire en coin. Rien ne pouvait arrêter Maryoli quand elle avait pris une décision. Même si c’était une pure folie. La jeune Vénézuélienne était débrouillarde. Elle avait réussi à convaincre le marin cuistot ; son beau-frère travaillait donc dans un restaurant, non loin du port de Vigo. On l’embaucha aux cuisines et le premier salaire qu’elle toucha lui sembla le début de la richesse.
Au bout de quelques semaines, elle avait mis un peu d’argent de côté, et déjà une idée germait dans sa tête.
– Mateo, tu jettes trop de nourriture, lui dit-elle en regardant les paniers de fruits qu’il vidait dans la poubelle.
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