ierre l’avait maintes fois traversé, ce col de Menée, en hiver comme en été, sans avoir couru aucun danger. On disait l’endroit peu sûr mais Pierre n’avait jamais rencontré les bandes de soldats pillards quand il chevauchait entre Die et Grenoble ou Nyons. Les riverains de ces routes de montagne l’estimaient comme un juste et honnête receveur des tailles qui ne volait personne. Ce 4 octobre 1683, Pierre revenait justement de Grenoble où il était allé rendre visite à son beau-frère Charles de Perdyer, conseiller au Parlement. Charles préférait la vie urbaine à son vieux château de Perdyer et comptait sur Pierre pour gérer ses terres à sa place. A l’inverse, Pierre Vallerin, après quelques années à Grenoble avec sa jeune épouse, était revenu habiter la maison familiale de Barnave où il avait repris la charge de son père, mort subitement d’apoplexie.
Ce jour-là, au col de Menée, deux hommes attendaient le receveur qu’ils pensaient chargé d’écus. Ils se jetèrent à la tête de son cheval qui, effrayé, fit un écart, désarçonnant le cavalier. Les deux malandrins se saisirent de lui. Pierre eut la mauvaise idée de faire un geste vers son pistolet et reçut une balle en pleine poitrine qui le laissa mort.
Les deux hommes ne trouvèrent sur lui que peu d’écus et les emplettes qu’avait faites Pierre à Grenoble : une perruque pour remplacer la sienne qui accusait les années, de la cire à cacheter qu’il avait trouvée chez un marchand établi sur le pont de bois et de la correspondance.
Son épouse n’apprit l’affreuse nouvelle que le lendemain, quand les envoyés du châtelain d’Esparron ramenèrent le corps à Barnave. On ne retrouva pas les meurtriers, évaporés dans les forêts du Trièves. Devant le corps de son époux, Louise s’effondra en larmes : veuve, loin de sa famille, elle n’avait que le soutien de son fils aîné, René, qui secondait son père dans sa charge de receveur des tailles mais qui était encore bien jeune pour ne pas avoir