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Contes et légendes de Turquie
Contes et légendes de Turquie
Contes et légendes de Turquie
Livre électronique199 pages1 heure

Contes et légendes de Turquie

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À propos de ce livre électronique

Un florilège de mythes, de contes et de légendes permet de pénétrer dans l'imaginaire de Turquie

Le vizir et gendre de Soliman le Magnifique, Ahmed Pacha, était un homme très avare. Un jour il appelle Indjili :
— Indjili, dit-il, peux-tu me trouver un beau lévrier ?
— Ordonnez !…
Le vizir ajoute :
— Et rapide, et aussi beau…
— À vos ordres. Je vous l’amène dans dix minutes au plus.
Il sort, attrape le premier chien de haute taille rencontré dans la rue et l’amène devant le vizir.
— Et voilà, juste comme vous le souhaitiez…
— Je ne t’ai pas demandé un chien des rues, je t’ai demandé un lévrier, avec des jambes maigres et un ventre plat, comme c’est de règle !
Indjili, avec un regard lourd de sous-entendu :
— Oui je sais… Ne vous inquiétez pas : que ce chien reste dix jours dans votre palais et il deviendra encore plus lévrier que vous ne le souhaiteriez !…


À PROPOS DE LA COLLECTION

« Aux origines du monde » (à partir de 12 ans) permet de découvrir des contes et légendes variés qui permettent de comprendre comment chaque culture explique la création du monde et les phénomènes les plus quotidiens. L’objectif de cette collection est de faire découvrir au plus grand nombre des contes traditionnels du monde entier, inédits ou peu connus en France. Et par le biais du conte, s’amuser, frissonner, s’évader… mais aussi apprendre, approcher de nouvelles cultures, s’émerveiller de la sagesse (ou de la malice !) populaire.

DANS LA MÊME COLLECTION

• Contes et légendes de France
• Contes et légendes de la Chine
• Contes et légendes du Burkina-Faso
• Contes et légendes d'Allemagne, de Suisse et d'Autriche
• Contes et récits des Mayas
LangueFrançais
Date de sortie30 avr. 2015
ISBN9782373800098
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    Aperçu du livre

    Contes et légendes de Turquie - Susanne Strassmann

    Prologue

    proème simple réduit à la

    « captatio benevolentiae »

    et dépourvu de partitio

    Proche et lointaine Turquie. L’espace d’un instant de mémoire, le temps d’une décision de départ. Il y aura tantôt quarante années de cela un jeune étudiant en droit au terme d’une année académiquement médiocre, conclue de morose façon sur une impossibilité de se remémorer les cas de recherche en paternité, un jeune homme famélique et taciturne, après un long voyage en auto-stop depuis Paris débarquait d’un TIR yougoslave (de ceux qui faisaient la ligne Münich-Téhéran) du côté de Yéchil-Köy. Une belle aube d’été, entre 4 et 5 heures. Un peu de marche, ponctuée de ce geste d’attraper une mouche qui constitue la variante méridionale du pouce dressé du hitch hiker lambda. La charrette qui s’arrête. Un maraîcher s’en allant vendre ses légumes en ville. Au pas lent de la paire de bœufs, je découvre, dans le triomphe du soleil levant, Sahil Yolu, la route de la corniche ; je me dépouille de la France, de la francité, de la francitude pour m’emplir du scintillement des coupoles, du ruissellement de la lumière sur la Corne d’Or. Enfin, l’Orient.

    Dans l’espoir de retrouver, de rejoindre et peut-être accompagner ce postadolescent vêtu de noir et qui me ressemblait comme un frère, j’ai composé un poème d’anamnèse :

    je me souviens de la rue de l’Indépendance et de la venelle des Postiers

    je me souviens de la grille de fer du lycée Galatasaray

    je me souviens de Jorj

    je me souviens de l’odeur de cardamome au Marché égyptien.

    je me souviens de ce petit porteur d’eau qui m’offrit d’un geste gracieux un peu d’eau trouble dans un verre sale & que je payai faute de mieux d’un sourire & qui me répondit d’un geste ample du bras : la vie ça va ça vient

    je me souviens du refrain « Félèk béni düchürdü tchïkmayan sokaklara »

    je me souviens de Hale Abla et de l’issue d’un mauvais pas

    je me souviens de Zeynep et de sa sœur

    je me souviens de la gare du Vinaigrier

    je me souviens de la marche de Bolu à Eregli

    je me souviens de la canopée bruissante mais calme

    je me souviens qu’il est difficile d’expliquer à un jandarma la différence entre un promeneur et un djasous (espion)

    je me souviens du tarzandja, langue-de-Tarzan, grâce auquel les mains apprennent à parler

    je me souviens que la mer Noire est grise

    je me souviens que de Hopa à Artvin le paysage s’incruste dans vos yeux

    je me souviens que personne ne sait où est Harbol

    je me souviens du restaurant dans les remparts à Antalya & de son patron Safder bey & de la bonne cuisine turque & des eaux bleutées de la Méditerranée & de la trompeuse douceur de vivre

    je me souviens du hameau de Kemer qui n’était accessible qu’en jeep

    je me souviens de Polonez-Köy & de la poêlée de champignons frits

    je me souviens de la promenade en barque sur le Bosphore quand on a perdu une rame & qu’on est partis à la dérive pendant trois heures

    je me souviens d’Édip

    je me souviens de la fois où on s’est assis sur la route avec des copains pour empêcher le cortège des mariés de passer & qu’ils ont fait pleuvoir sur nous une pluie de pièces & que deux voyous ont essayé de nous les piquer & que Ayï Dayï les a attrapés et cognés

    je me souviens qu’à l’époque avec une livre turque on mangeait très correctement chez un ichkembedij (tripier)

    je me souviens qu’il me reste quelque part des pièces de 25 kourouch & une de 10 para

    je me souviens de Zeki Müren chantant « Toi t’es une chanson toi »

    je me souviens de Achïk Ihsani & de son livret qu’il m’a dédicacé « À Rémy djiguitement » & de discussions sur l’égalité & sur les bûcherons qui aiguisent leur hache derrière leur dos en attendant leur heure

    À TOUS CES ÊTRES, LIEUX, MOMENTS DE TURQUIE CAPTURÉS ET EMPRISONNÉS DANS LES RETS DE CÉRÉBELLEUSE MÉMOIRE, QUI ONT FAIT DE MOI CE QUE JE SUIS DEVENU SANS SAVOIR QUE JE L’ÉTAIS DÉJÀ, JE DÉDIE CE RECUEIL.

    Chapitre 1er

    Aux origines des contes

    Où le lecteur se familiarise avec les Roulements (tékèrlèmè), matériau brut du conte, qui ouvrent la séance de divertissement

    1.

    Je suis allé à Moughla

    Je suis allé à Moughla¹ et j’ai gagné trois sous. Avec ça j’ai acheté trois fusils. L’un n’a pas de canon, l’autre n’a pas de briquet, le troisième n’a pas de crosse. J’ai pris celui qu’a pas de crosse et l’ai mis en bandoulière. Chemin faisant, j’ai vu trois lièvres. Deux bel et bien morts et le troisième tout à fait crevé. J’ai chassé çui qu’était crevé. Chemin faisant, j’ai vu trois maisons. Deux étaient complètement en ruines, la troisième sans fondations. De la maison sans fondations sont sorties trois vieilles. Deux en guenilles, la troisième sans jupon. À celle qu’avait pas de jupon j’ai demandé un chaudron.

    – J’ai trois chaudrons, dit-elle. L’un n’a pas d’anse, le deuxième est ébréché, le troisième n’a plus de fond.

    J’ai balancé mon lièvre dans le chaudron qu’avait plus de fond. Pendant qu’il cuisait, mon popa est arrivé.

    – C’est quoi ça ? qu’il a dit.

    – C’est un lièvre, que j’ai répondu.

    Il m’a pas cru et il a soulevé le couvercle. L’odeur était tellement forte qu’il est tombé raide mort. On a dit :

    – Pouah, qu’est-ce que ça pue !

    Quarante jours durant on s’est partagé son bétail. Un vieux joug de cuivre m’est échu. « Il va tout esquinter », me dis-je et je le fis jeter sur le tas de fumier.

    Le lendemain matin je vis qu’il s’était changé en trois pièces d’or. L’une n’avait pas de pile, l’autre n’avait pas de face, la troisième n’avait pas de bords. J’ai pris celle qu’avait pas de bords et avec j’ai acheté une puce. Je suis monté sur la puce et parti pour la Tusse² : maman, mon neveu !… Les puces qu’il y a là-bas !…

    Je suis arrivé à Istanboul et j’ai acheté un pot de yoghourt pensant qu’il était liquide. Voyant qu’il était solide, j’y ai ajouté neuf cent quatre-vingt-dix-neuf cruches d’eau. J’ai coincé le minaret de Sultan Ahmet à ma ceinture croyant que c’était une trompe. J’ai balancé le bât sur la puce. Elle a pété la sangle et foutu le camp.

    Écoutez Mesdames et Messieurs ma belle et grosse menterie !….

    2.

    Conte, conte, conterie

    conte, conte, conterie en chemin comptai deux et dix

    la moitié du chiffre douze peau de renard et peau de louve

    monté sur le cou du chameau je partis pour Aleppo

    Aleppo c’est un bazar s’y promène un ours bizarre

    l’ours m’a terrorisé du toit pendait sa virilité

    la mienne on me l’a bouffée on m’a traité de pédé

    des gens je suis dégoûté un puits profond j’ai creusé dedans j’ai failli tomber

    papa de l’ayran³ apporta le cerf son nez y plongea – c’est le cerf de qui – c’est le cerf du bey Ali – le bey Ali qu’est-ce qu’il a – l’a une fille qu’enfile sequins

    la fille vient pas chez les filles elle vient pas non plus chez nous

    son fiancé est arrivé chemise il a demandé

    ni chemise ni caleçon

    dans le jardin éparpillés dans le jardin les rosiers dans la bouche la miellée

    c’est comme si j’étais parti

    aux autres pas de racontars

    je serai cendre dans ton foyer bougie dans ton chandelier

    je serai rose dans ton jardin je m’ouvrirai au matin m’effeuillant à ton turban

    3.

    La caboche et le cadi

    comprenne qui pourralaboure qui labourera voilà leur état ô amateur de contes

    Venant d’Entèche et venant de Mentèche⁵, trois gars sont sortis du djirlèche⁶. Deux sans chausses ni culottes, l’autre sans chemise : tout nu. J’ai trouvé trois sous sur le gars. Les ayant pris, au marché m’en fus. Au marché ils vendaient des pastèques de la taille d’une pomme de pin, lourdes à ne pas pouvoir les soulever, grosses à ne pas pouvoir les tenir sous l’aisselle. « Mangeons celle-là », me dis-je et je voulus la couper. En la coupant mon couteau est tombé dedans. En voulant le retirer, ma main au fond est tombée. À peine me dis-je : « Faut la retirer ! », à mon tour de tomber. Je me suis baladé là-dedans : un berger arrivait d’en face.

    – Qu’est-ce que tu fabriques ici ? demandé–je.

    Lui :

    – Y a dix ans de ça, j’ai perdu une charrue là. J’la cherche. J’l’ai pas encore trouvée.

    J’ai levé la tête. Alors que je scrutais deçà, delà, un type est arrivé, une baffe il m’a balancé. Ma caboche s’est détachée. Elle est partie vendre aulx et oignons au bazar au bois. Et moi de courir derrière elle. Et là :

    – T’es ma caboche à moi !

    Elle de répondre :

    – J’suis pas ta caboche à toi !

    On s’est passablement bagarré et, pour finir, sur mes épaules elle a sauté.

    Je suis parti de là et dans un village m’en suis allé. Le village avait trois maisons, deux étaient sans poutres ni chevrons, l’autre n’avait pas de toit. Je suis entré dans la baraque qu’avait pas de toit. Une vieillarde sans tête mâchouillait de la gomme. Je lui dis :

    – Donne-moi une casserole !

    La mémé m’a donné trois casseroles. Deux sont cabossées et sans poignée, l’autre n’a pas de fond. J’ai pris celle qu’avait pas de fond. Dedans j’ai fait cuire de la viande tant qu’elle devenue dure comme de l’agate. J’ai mangé la viande et mis son jus dans ma poche. Et puis j’ai regardé : quoi encore ? !… De nouveau plus de tête !

    Je la cherche partout, je la retrouve, je lui dis : « T’es ma caboche », elle me répond : « J’suis pas ta caboche », on se bagarre et

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