Le paradis perdu de Joséphine Baker
Un demi-siècle après, leurs initiales demeurent gravées dans la pierre. On déchiffre avec émotion ces maigres vestiges d’une parenthèse enchantée, comme si ces petites lettres tracées au couteau nous murmuraient : « Tu vois, ce rêve a existé ; nous y étions. » C’était en septembre 1968. Pressentant qu’ils allaient devoir quitter les lieux, les gamins de la tribu arc-en-ciel avaient emprunté les étroites marches de l’escalier qui serpente dans la tourelle d’angle des Milandes pour y laisser leurs empreintes à l’ombre de la toiture de lauze. Ensuite, une voiture les a conduits à la gare de Sarlat, où les douze enfants de Joséphine Baker ont pris un train pour Paris-Austerlitz. C’était la nuit et les souvenirs restent f lous, comme les explications des adultes, qui souhaitaient préserver les enfants des soucis d’argent, même quand la faillite semblait inéluctable, à voir le parc ainsi livré aux mauvaises herbes.
« Sans comprendre ce qui se passait, j’ai voulu aller dire au revoir aux arbres, se remémore Marianne, longtemps la seule fille du clan, recueillie dans un orphelinat d’Algérie. Dans le parc se trouvait un cèdre magnifique. Le soir, depuis ma chambre, je le regardais : des paons se réfugiaient sur ses branches au coucher du soleil. C’est en franchissant les grilles du domaine, à la vue des volets fermés des voisins, que j’ai compris. On nous sortait des Milandes. J’aurais aimé voir une main tendue. »
Il n’y en aura aucune, bien au contraire. Restée seule occupante des lieux, Joséphine Baker, lâchée dans
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