Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

L'homme qui marchait seul
L'homme qui marchait seul
L'homme qui marchait seul
Livre électronique224 pages2 heures

L'homme qui marchait seul

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Avec les premières châtaignes sont arrivés les meurtres. Emilio découvre, lors de ses nombreuses promenades solitaires, des doigts crispés surgir d'un tapis de feuilles mortes. L’homme qui marchait seul saisit son portable et prévient la Police locale. A l’arrivée de la voiture de patrouille dont la lumière des gyrophares se reflète sur les branches des arbres, Emilio ne se souvient de rien. La maladie d’Alzheimer se réveille n'importe quand, mais quand il est lucide, Emilio retrouve le profil du psychiatre qu'il était autrefois. Quelques heures plus tard, quand le légiste ordonne la levée du corps, Emilio découvre qu’il s’agit d’Aina, sa fille. Chargé de l’affaire, le sergent Iñaki sera bientôt rejoint par l'inspecteur Andrés López, fumeur invétéré aux manières très personnelles.

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie5 déc. 2018
ISBN9781547559923
L'homme qui marchait seul

Auteurs associés

Lié à L'homme qui marchait seul

Livres électroniques liés

Thrillers pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur L'homme qui marchait seul

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    L'homme qui marchait seul - Claudio Hernández

    L’homme qui marchait seul

    Claudio Hernández

    Première édition eBook : décembre 2017.

    Titre : L’homme qui marchait seul.

    ©   2017 Claudio Hernández.

    ©   2017 Illustration de couverture : Maialen Alonso.

    ––––––––

    Tous droits réservés.

    La présente publication, y compris ses éléments de couverture, ne saurait être en tout ou partie reproduite, stockée ou transmise par quelque support que ce soit, qu’il s’agisse d’une transmission électronique, mécanique, optique, par enregistrement, sur Internet ou par photocopie, sans l’autorisation préalable de son éditeur ou de son auteur. Tous droits réservés.

    Je dédie ce livre à mon épouse, Mary, qui supporte chaque jour, patiemment, mes gamineries. J’espère qu’elle ne cessera jamais de le faire. Je le dédie également à mon beau-père, qui a été un père pour moi et qui, je le sais, de là où il est aujourd'hui, doit encore se moquer de moi lorsque j'écris. Il a toujours su que j’étais capable d’y arriver, mais il prenait un malin plaisir à m'entendre râler. Il a gagné tout mon amour, et il restera toujours en moi. C’est pour toi.

    L’homme qui marchait seul

    1

    Avec l’automne étaient arrivés les châtaignes et les cèpes, mais il ne les ramassait jamais. L’homme qui marchait seul ne faisait que ça, marcher. Les labyrinthes de la forêt étaient pour lui un havre de souvenirs et de paix, mais ils devenaient un piège mortel lorsque ce foutu Alzheimer lui jouait l’un de ses sales tours. Il ne devait pas se promener seul dans les bois, évidemment. Son corps voûté traversait la forêt luxuriante et les étroits sentiers millénaires qui montaient et descendaient tout le long.

    L’homme qui marchait seul trouvait l’apaisement dans la nature où il abandonnait derrière lui toute la souffrance que lui inspirait l’infortune de sa femme, Maria Angels, clouée depuis des dizaines d’années dans un fauteuil roulant, et qu’il devait mettre au lit en la portant comme une vieille poupée de chiffon parce que... parce que sa fille n’était plus auprès d’elle.

    Il lui était extrêmement pénible de revivre ces moments, et seuls les premiers rayons de lumière le remettaient d’aplomb. Il n’en restait pas moins mal à l’aise, mais ça allait mieux. Il savait qu’il était vivant.

    L’accident aurait pu être pire. Il conduisait à très faible vitesse, mais un chauffard l’avait fait sortir de la route et la voiture avait filé droit vers le ravin. Tout s’était mis à tourner et tourner encore, mais elle ne portait pas sa ceinture de sécurité. Elle avait été projetée hors du véhicule par la fenêtre, comme un poids mort. Il s’était dit que son heure était arrivée. Tout ce sang, le craquement de ses os et le bruit de ferraille de la voiture. Et ce cri terrifiant. La voiture s’était enfin immobilisée, plantée dans un énorme chêne, il l’avait vue dans le rétroviseur qui était resté en place. Elle ne bougeait pas. Ce n’était plus qu’une forme dans les fourrés. Depuis, l’homme marchait seul. Pour réfléchir. Pour oublier. Elle était restée paralysée et rien n’avait jamais plus été pareil. Rien.

    Peut-être que ça ne s’était pas passé comme ça. Il avait oublié beaucoup de choses, et l’accident en faisait partie. Non. Ça ne s’était pas passé comme ça. La vérité, c’était qu'elle était seule quand l'accident était arrivé, la voiture avait dérapé sur la chaussée gelée et était allée s'encastrer contre un arbre. Mais il avait oublié. Comme tant d’autres choses, même s’il conservait une étrange lucidité lorsqu’il était lui-même. Son monde semblait totalement irréel. Aussi irréel que tout ce qui allait se produire.

    Comme il est compliqué de comprendre un esprit malade.

    - Une châtaigne, murmura Emilio en écartant les feuilles mortes du bout de son mocassin pour dégager un énorme fruit. Elle a été grignotée, ajouta-t-il.

    Il parlait tout seul. Ou peut-être parlait-il aux oiseaux qui ne chantaient pas, ou au silence lui-même, à ce silence qui n’existe que dans l’épaisseur des forêts. Sauf que, parfois, le vent gémissait entre les branches des arbres, et ça le rendait terriblement triste.

    Il leva les yeux et regarda les branches. Il y avait sûrement un châtaigner tout près. Le soleil essayait de s’insinuer à travers l’entremêlement de branchages qui formaient une sorte de vieux tapis tissé de milliers de fils. Il plissa les yeux, sans les fermer totalement. Il baissa la tête et poursuivit sa marche solitaire. Comme il le faisait ordinairement depuis des dizaines d’années. Il croisait parfois les mains derrière son dos, ou laissait pendre ses bras de chaque côté de son corps, ou encore, mais c’était plus rare, fourrait les mains dans les poches de son pantalon, généralement en velours côtelé. Il en portait même en été.

    Emilio mesurait un mètre soixante-dix et pesait, dévêtu, soixante-douze kilos, bien loin des quatre-vingt-dix kilos de l’époque où il soulevait de la fonte pendant ses séances de culturisme. Aujourd’hui, il était voûté, et sa peau était tendue comme celle d’un lézard. Il avait le teint pâle. Un début de calvitie avait eu raison de ses cheveux, aujourd'hui poivre et sel, étaient coupés court de chaque côté de sa tête. Il avait encore toutes ses dents et il était à la retraite. Les séquelles des cinq opérations qu'il avait subies au cours de sa vie pour des hernies discales ne lui permettaient pas de marcher très vite, mais il n'avait pas perdu sa vivacité. Il était calme, et il pleurait devant les films. Cependant, il ne pleurait pas en pensant au fils qu’il avait abandonné quand le gamin avait seize ans.

    Son amour, c’était sa fille, Aina.

    Le sol humide, recouvert de feuilles mortes trempées d’eau et de givre, le conduisait à travers bois. Jusqu’à ce qu’il fasse la découverte du siècle. Il fallait bien que quelque chose aille de travers en cette journée de début d’automne.

    Il marcha sur un cèpe qui s’aplatit sous sa semelle. Le bruit était si infime qu’il ne l’entendit pas. Il continua sa route. Jusqu’à ce qu'il les voie.

    Plusieurs doigts crispés sortaient d’un tas de feuilles et semblaient pointer dans toutes les directions, sauf vers le ciel. À soixante-sept ans, il avait encore une bonne vue et il n’avait pas besoin de lunettes. Il les vit nettement, et les battements de son cœur accélérèrent. Juste un peu. Il sentit que le vent de ce matin-là était plus froid que d’habitude. Un peu plus que cinq minutes auparavant. Il sortit les mains des poches de sa veste près du corps. Une veste marron, avec une longue fermeture Éclair qui ressemblait à une cicatrice qui courait du col à la ceinture.

    Ses longs doigts s’étendirent comme des griffes tandis qu’il approchait de sa découverte, comme s’il cherchait un mur sur lequel s’appuyer. Les doigts immobiles et blanchâtres devenaient de plus en plus grands. Les feuilles recouvraient un corps. Sans vie, ça ne faisait aucun doute. Au bout du cercueil de feuilles mortes pointait le gros orteil d’un pied nu.

    Les cheveux qu’il n’avait pas sur la tête se dressèrent. Il eut l’impression que le silence le plus bizarre au monde venait de s’abattre alentour. Il avait trouvé un cadavre recouvert de feuilles mortes, c’était sûr. Sa première pensée fut d’appeler la police.

    Et il l’appela.

    Dans son téléphone, il avait établi une liste des numéros les plus importants : la police, les pompiers, sa fille. Il posa le doigt sur le contact de la police. Il le porta à son oreille et entendit la première sonnerie.

    Son cœur continuait à palpiter, mais il ne battait pas aussi vite qu'il pouvait s'y attendre. Emilio avait été un excellent psychiatre, il s’en souvenait encore, même si parfois il oubliait tout.

    - J’écoute, dit une voix de femme, sans faire mention de la police.

    Emilio retira le portable de son oreille rougie par le froid et regarda l'écran en se demandant s'il n'avait pas composé un mauvais numéro. Mais il était certain que non. C’était l’une des rares fois où il était sûr de lui.

    Il recolla le téléphone à son oreille.

    - La police ?

    - Oui, que puis-je faire pour vous ?

    - J’ai trouvé un cadavre, dit-il sans se démonter.

    2

    L’inspecteur de police Andrés López tirait les dernières bouffées de sa cigarette, enveloppé dans un nuage de fumée qui tournoyait sur lui-même, qui montait en spirale pour finalement se dissiper. De ses doigts longs et secs, il récupéra ce qu'il restait de sa clope vissée entre ses lèvres et, d'une pichenette, le jeta par terre. Le mégot rebondit deux ou trois fois, comme une pierre qui fait des ricochets.

    La serveuse lui lança un regard antipathique. Andrés lui sourit. Ce n’était pas la même. Ce n’était pas la même femme mince qui avait supporté la fumée de ses clopes quelque temps auparavant et qui pointait sa langue de vipère en lui montrant la pancarte d’interdiction de fumer. Cette fois-ci, la serveuse était encore plus jeune. Elle venait d’avoir dix-huit ans. Elle avait de longs cheveux ondulés. Blonds. Elle avait les yeux clairs et n'était pas très grande. Ses lèvres d’un rouge outrancier lui ôtaient toute beauté, on aurait dit un maquillage de clown. Sa jolie silhouette était revêtue de son uniforme noir de serveuse, avec le nom du café apposé dans un coin de la poche qui caressait l'un de ses seins gonflés comme des ballons.

    Le café machin-chose.

    Andrés ne se souvenait plus du nom, d’ailleurs, ce n’était pas sur les lettres qu’il avait fixé son regard. Marta, installée face à lui à la table rugueuse en inox, s’en souvenait, mais il ne le lui demanderait pas. Pour Andrés, c’était le café de l’entrée du cinéma Albéniz, qui lui rappelait tant de souvenirs.

    - Tu n’as pas trop changé, dit Marta en caressant du bout de son index le bord de son verre de lait chaud.

    Une surface lisse et arrondie.

    - Toi, par contre, tu as changé, fillette, lança Andrés.

    Il l’avait appelée fillette encore une fois.

    Elle fronça les sourcils et un sourire se dessina sous son nez.

    - Tu viens de me dire que j’étais vieille ?

    Elle éclata d’un rire espiègle. Ses yeux brillèrent sous la lumière tamisée du café. On n’y voyait pas grand-chose, mais ils brillaient.

    - Non. Je dis juste que tu as changé. Tu as grandi. Enfin, juste un peu. Tu m’as l’air plus mûre.

    Elle avait incliné la tête vers l’arrière, les yeux grands ouverts.

    - C’est vrai que quelques mois ont passé, ajouta-t-elle.

    - Je crois que c’est à cause de la couleur de tes cheveux, ça change. Quand je t’ai rencontrée, tu étais une gamine effrayée. Aujourd’hui, j'ai une guerrière devant moi. Alors, qu'est-ce que tu deviens ? Tu continues à déchiffrer des énigmes ?

    Elle acquiesça.

    - J’écris un livre sur le sujet, avoua-t-elle. Je parle un peu de tout. Mais je crois que je suis dans l’impasse. Je ne sais pas si ce sera un essai, un guide pratique ou un roman.

    Elle loucha.

    Andrés posa sa main rêche sur le paquet de cigarettes qui le narguait sur la table. Il ressentait le besoin impérieux d'inonder ses poumons de nicotine. Le contact sec du papier à cigarette sur ses lèvres.

    - Tu pourrais écrire notre histoire. Le tueur au code, lui rappela Andrés en tapant du pouce sur un côté du paquet.

    Une cigarette pointa le bout de son nez blanc.

    Marta lui sourit. C’était ce qu’elle savait faire le mieux. Sourire à celui qui l’avait aidée à sortir du tunnel sombre et interminable qu’était devenue sa vie. Sa solitude. L’inspecteur Andrés était pour elle l’exemple parfait du père. Et voilà qu’il était devant elle, parce qu’il avait eu envie de voir sa petite. Et ça le rendait heureux.

    Il avait fait le voyage depuis Madrid pour passer deux jours avec elle, mais jamais il n’aurait imaginé que son séjour se prolongerait d’une journée.

    - On s’est bien amusés, répondit-elle, une moustache de lait sous son nez.

    Le verre tinta au contact de la table.

    - Ne m’en parle pas, dit Andrés en tirant une bouffée de tabac si fort que ses yeux semblèrent s’enfoncer dans leurs orbites.

    - Les meurtres étaient épouvantables, c’est vrai, mais les messages m’ont distraite un moment, ajouta-t-elle en effaçant sa moustache avec une serviette en papier.

    - Maintenant tu les trouves épouvantables ?

    Andrés eut envie de rire, mais ce n’était pas dans ses habitudes. Il s’en abstint donc.

    - Tu n’aimes pas l’épouvante ?

    Elle fit oui de la tête.

    - Si, bien sûr.

    Elle repassa son doigt sur le bord du verre.

    - À propos de ta couleur de cheveux, dit Andrés pour détourner la conversation, ils sont plus clairs, non ?

    - Quelle perspicacité, sourit-elle.

    - On n'arrête pas de me le dire, répondit Andrés en évacuant un nuage de fumée qui disparut sous le plafonnier installé juste au-dessus de leur table.

    L'ampoule ressemblait à un soleil masqué par les nuages.

    Marta posa ses lèvres pulpeuses sur le bord de son verre et avala une gorgée de lait. Sans laisser de moustache sous son nez, cette fois.

    - Et tu as des nouvelles de ce sergent bizarre ?

    Marta

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1