L'enfant qui arpentait ses rêves sur des patins de soie: Plongée dans le monde de l'enfance
Par Pierre
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À propos de ce livre électronique
Par un très vieux soir de guerre, le Toine voit son père descendre l'allée gelée des premiers grands froids de janvier. Il est mené par deux gendarmes et un autre homme vêtu d'un long manteau de cuir sombre. Il ne le reverra jamais.
Dès lors, Le Toine est orphelin. Il grandira mais dans son esprit, il va rester petit.
Dans son village en Auvergne d'altitude, sa vie suivra un parcours délicat. Pourtant, c'est avec une lointaine et douce indifférence qu'il en reconnaîtra le chemin.
Il entend parler de la mer... ou l'océan, il ne sait pas très bien.
Il se dit qu'il aimerait bien la rencontrer, la mer... ou l'océan. Il attend d'être seul, le soir, pour dans ses rêves l'imaginer. Quand il la verrait, cette étendue d'eau si vaste que les bateaux eux-mêmes s'y perdent, il saurait bien la reconnaître...
Le Toine, c'est un être qui, comme la terre et d'autres êtres en ce lieu un peu rond des montagnes d'Auvergne, souffre. Mais il regarde les souffrances de ses grands yeux étonnés, la tête un peu penchée, comme un qui, du monde, chercherait encore à s'émerveiller.
Lui sera-t-il donné, au long de cette vie pas toujours très bien traitée, de le trouver enfin, le sentier qui mène à la mer-océan ?
Le parcours initiatique rempli de poésie d'un jeune autiste.
EXTRAIT
Ça le prenait sans crier gare. Dans sa tête il ne voyait que ça.
Un soleil immense succédait à la peine intense. Un soleil généreux comme s’il y avait soudain place en lui pour la miséricorde des dieux. Les coups redoubleraient, plus tard, mais dans ces moments-là, il s’en foutait pas mal des coups à en pleuvoir.
Avant même que la première lumière matinale ait nettoyé le ciel de sa dernière étoile, Le Toine par les champs rejoignait la montagne. Elle avait été son refuge lorsque, soudainement, les bras de son père vinrent à lui manquer. De mère, il n’était pas question. Le jour de sa naissance, elle s’était enfuie. Il n’en avait jamais plus entendu parler.
Le père, pour un temps, d’un seul parent en avait fait deux.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
[...] une poésie onirique dense et pesante qui vient s’installer sur nos yeux comme un voile de douceur, une lenteur s’installe, on apprécie chaque mot, chaque description, chaque élément au travers du regard du Toine, au travers du regard de l’enfance, on est transporté, baladé, un peu chahuté aussi mais toujours cette sensation d’être ailleurs, l’écriture de l’auteur à quelque chose d’apaisant, d’intemporel, on se retrouve dans une bulle [...] - Blog Les Songes d'une Walkyrie
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ce livre est un premier livre, écrit d’instinct, fait de notes brèves et précises, le filet d’une musique qui s’écoule, lentement, sans la prétention d’être bruyante, comme une neige de septembre. Dansons au fil de cette musique, même si l’Histoire des hommes ne sait pas toujours nous y inviter d’un pas souple et léger. Pierre Geneste en est l’auteur, et que nous importe son parcours !
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Avis sur L'enfant qui arpentait ses rêves sur des patins de soie
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Aperçu du livre
L'enfant qui arpentait ses rêves sur des patins de soie - Pierre
Couverture et iconographie : Alain Cournoyer (alaincournoyer.com)
Sources photographiques : primeimages / iStock
© L’Astre Bleu Editions, 2017
709 RD 933 – Les Leynards – 01140 GARNERANS
astrebleueditions@laposte.net
http://lastrebleu-editions.fr
Collection « Hélium »
Création des versions numériques : IS Edition, via son label Libres d’écrire, Marseille.
ISBN (version papier) : 978-2-9552-101-85
ISBN (versions numériques) : 978-2-37692-043-4
À mes parents, à ceux qui les précèdent,
sans lesquels l’unité familiale n’existerait pas.
À ma fille, Auraline, et à ma femme, Dominique, à celles et à ceux qui les suivront, sans lesquels l’unité familiale ne subsisterait pas.
À Woody Allen pour cette réflexion :
« Qui n’a pas besoin de croire que tout ne s’arrête pas tout d’un coup ? »
Ainsi qu’à Marguerite Duras, parce que le souvenir ne s’éteint pas.
Ça le prenait sans crier gare. Dans sa tête il ne voyait que ça.
Un soleil immense succédait à la peine intense. Un soleil généreux comme s’il y avait soudain place en lui pour la miséricorde des dieux. Les coups redoubleraient, plus tard, mais dans ces moments-là, il s’en foutait pas mal des coups à en pleuvoir.
Avant même que la première lumière matinale ait nettoyé le ciel de sa dernière étoile, Le Toine par les champs rejoignait la montagne. Elle avait été son refuge lorsque, soudainement, les bras de son père vinrent à lui manquer. De mère, il n’était pas question. Le jour de sa naissance, elle s’était enfuie. Il n’en avait jamais plus entendu parler.
Le père, pour un temps, d’un seul parent en avait fait deux.
La montagne, le Toine en parlait la langue mieux que quiconque. Il la rejoignait les jours où la douleur dans son cœur était trop lourde. Ces jours-là précisément, il décidait d'échapper aux insultes et aux coups qu'abattaient sur lui les fermiers rudes et hostiles.
A grimper, personne ne pouvait le suivre. Là où d'autres bruissaient d’un souffle court, devaient marquer des temps d’arrêt, le Toine allait en silence et en courant.
Pour compagnons, il retrouvait le vent, le parfum léger des fleurs, les cris des oiseaux dans l'air solitaire, les feuilles éparpillées aux branches des arbres ou à terre. La rudesse ou la clémence des saisons, à vrai dire, lui importait peu. Il riait ou s'étonnait des formes des nuages, en contournait sur la terre l'ombre mouillée de glace ou de rosée. Les femmes, derrière lui, le traitaient avec cette douceur réservée aux enfants simples et dociles. Il lui semblait alors remonter l'épais fleuve des siècles à l'encontre de la folie des temps.
Au fil d’histoires légères ou lasses, il laissait à son cœur la liberté de le guider. C'était selon.
Lorsque la nuit recouvrait de sa lumière profonde l'espace des champs assagis, lorsque le vent le précédait, escaladait la paroi et se couchait devant lui, lorsque les étoiles s’élevaient, puis occupaient dans un silence qui en était étourdissant le ciel immense et fraternel, Le Toine sentait se dissiper la fragilité de sa vie.
Il restait longtemps ainsi suspendu en marge de l’univers, retrouvant ce pourquoi il avait fui le paysage des hommes. Dans le dessin éclairé des étoiles apparaissait le visage de son père. Il sentait son corps s’éteindre et leurs esprits se rejoindre. Entre le ciel et lui s’étalait toute la force du sang. Il approchait un état de bonheur simple.
« Je suis heureux », parvenait-il enfin à se dire.
Plus tard, dans l’obscurité silencieuse, avant que ne se dévoile sur l’Est la flambée d’un jour nouveau, il se défaisait de l’altitude en happant la descente comme s’il l’enjambait. La pensée de ne pas rentrer ne lui était jamais venue. Il retournait à la ferme, gagnait l'écurie, s'allongeait au côté des bêtes, là où était son lit. Sol dur. Paille sèche. Confort animal. Les vents des mois froids et les vents des mois chauds ronflaient par dessous la porte, en griffaient le bois, claquaient contre son flanc collé au flanc nu de l'animal.
Il dormait comme accroupi, les genoux repliés sous le menton, la tête enveloppée dans la chaleur moite des mains. Gardant ainsi l’attitude de défense infantile à laquelle la rudesse l'avait soumis lorsqu'il avait appris à se protéger des ennemis de la nuit. Les rêves alors se faufilaient, s'emparaient du gouffre clos sur lequel s'étaient ouvertes les paupières endormies.
Au cours des ans, Le Toine avait grandi mais son esprit était resté petit.
C’était pas arrivé là tout seul par hasard un soir qu’il n’avait rien à faire et qu’il se serait dit « Tiens, je vais descendre dans mon âme de gosse et bloquer les boulons à en rester si petit que jamais je n’aurai à les faire, leurs putains de guerres ! »
Non, c’était arrivé bien autrement. Bien plus gravement.
C'était un soir. Un très vieux soir de guerre.
Il avait vu son père descendre l’allée gelée des premiers grands froids de janvier. Mené par deux gendarmes et un autre homme vêtu d’un long manteau de cuir sombre. Il avait quelque chose d’un dieu noir, cet homme.
Le père avait dit des mots que le jeune Toine n’avait pas eu le temps de comprendre. Il avait seulement vu l’homme sourire, presque un rire, docile, dans son impressionnante tenue de dieu noir.
Il n’avait compris ni les mots, ni le regard, ni les gestes. Il avait vu son père trébucher, les gendarmes le malmenant à la manière brutale d’un paysan envers un chien qui dérange.
Dans la campagne, la neige était partout, posée comme une ombre blanche sur la nuit.
Ils étaient quatre hommes. Son père lui avait toujours dit qu’un jour, peut-être, les gendarmes, ou d’autres, des soldats, viendraient le chercher. Et que d'inconsolables tourments naissaient parfois de la guerre.
De la guerre, le Toine ne connaissait que ce que les grands pouvaient en raconter. Il n’y avait pas d’autos dans le hameau et il s’était senti presque fier lorsque son père le regarda très droit dans ses yeux d’enfant, avant d’être poussé dans la voiture.
C’était une traction avant, avec sur le toit comme deux tuyaux, agités d'un tremblement léger lorsque la voiture avait démarré. Parce qu’il n’avait jamais vu d’autos auparavant et qu’il pensait peu probable d’en revoir avant longtemps, il lui fut facile de penser aussi qu’elle était et resterait, cette auto-là, la plus belle qu’il verrait jamais.
Il avait alors à peine onze ans. L’an 1942 venait de s’achever.
Tandis que des millions de soldats trouvaient une mort atroce sur le front russe, les groupes de résistance partout en Europe envahie, s’organisaient, harcelaient un ennemi dont les forces ployaient. C’était le cas particulièrement ici, aux abords du Mont Mouchet, où la police française abouchée à l’occupant multipliait les pressions, arrestations, tortures et déportations.
Le Toine resta au bas du chemin un long, un très long moment, pensant que son père l’avait peut-être oublié. Qu’il devait savoir attendre. Que les hommes sans doute viendraient le chercher lui aussi. Il ne sentait ni le froid l’engourdir ni les larmes couler. Il ne savait d’ailleurs pas très bien s’il pouvait pleurer ou s’il devait commencer à oublier.
La neige autour de lui recouvrait déjà les traces des hommes armés. Elle tombait à gros flocons comme s’il était question d’ensevelir le village tout entier. Lorsqu’il prit enfin conscience de l’inutilité de l’attente, il remonta l’allée, griffonnant de ses pas sur le tableau de la nuit des lettres dispersées de tristesse et d’ennui.
A ne pas savoir quoi, le temps se faisait lourd, et brusque, et long. Le Toine essayait d’être grand mais n’arrivait pas à penser autrement qu’en petit enfant. Assis de l’autre côté de la porte, bien droit, comme on lui demandait de le faire dans les moments importants, il montrait beaucoup de courage, se demandant souvent si c’était cela la guerre : séparer les fils des pères. Il se disait qu’on ne fait pas ça à un enfant, et de ses yeux, silencieusement, vinrent à s’écouler des larmes abondantes.
Deux jours entiers liés par une interminable nuit passèrent dans le silence épais de ce que la vie lui infligeait. Il