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L'Éveil de l'Ours: Brumes à Mer, #3
L'Éveil de l'Ours: Brumes à Mer, #3
L'Éveil de l'Ours: Brumes à Mer, #3
Livre électronique457 pages5 heures

L'Éveil de l'Ours: Brumes à Mer, #3

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À propos de ce livre électronique

"Le passé n'a jamais été aussi présent pour façonner un futur incertain. "

Découvrez dès maintenant, le dernier tome de la trilogie Brumes à Mer !

 

La ville est sur le point de plonger dans le chaos. Les créatures de la nuit, après s'être alliées, ont décidé de rompre les pactes avec les clans et personne ne semble pouvoir les arrêter.

Beaucoup de choses ont changé depuis la passation de pouvoirs, à commencer par Isilda. Elle n'est plus la même. Pour la première fois maîtresse de ses sentiments et de sa destinée, il lui faudra faire face aux conséquences de ses actes.

Une alliance nouvelle et improbable est en train de se mettre en place.

Mais les révélations et découvertes qu'Isilda est sur le point de faire vont propulser le monde dans une nouvelle dimension. Qui est derrière cette étrange machination ?

Entre passé, présent et futur, la notion de temps n'a jamais été aussi floue à Newytown.

 

Version Originale de la duologie Streams of Silver

LangueFrançais
Date de sortie22 mai 2024
ISBN9798224529513
L'Éveil de l'Ours: Brumes à Mer, #3

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    Aperçu du livre

    L'Éveil de l'Ours - La Rose Noire

    L’Eveil de l’Ours

    Troisième tome de la saga Brumes à Mer

    La Rose Noire

    Prologue

    Ses talons claquaient sur le marbre, résonnant à travers l’immense hall aux allures antiques. Les pans de sa longue robe virevoltaient à chacun de ses pas, tout comme ses cheveux bruns parsemés d’argent.

    De hautes colonnes blanches s’élevaient vers le ciel de chaque côté de son chemin. Elle connaissait par cœur cet endroit pour y avoir passé des siècles, depuis son enfance et sa nomination.

    Sa démarche assurée contrastait beaucoup avec la boule qui alourdissait son estomac. Avait-elle réussi à les convaincre ? Son sentiment de culpabilité ne la quittait plus depuis cette journée fatidique.

    Tout avait été anticipé.

    Tout sauf ça.

    Elle pénétra dans la salle où l’Ordre s’était réuni pour délibérer. Les discussions avaient dû être longues puisqu’ils avaient mis plusieurs heures à la rappeler.

    Une vingtaine d’hommes encapuchonnés et habillés d’une large toge noire, assis en demi-cercle, se levèrent à son arrivée.

    La sorcière sentit un frisson la traverser. Habituellement, elle siégeait parmi eux, sur son trône en bois millénaire.

    — Vous m’avez fait appeler, Georges ?

    La femme âgée d’une cinquantaine d’années joua avec les plis de sa robe, un peu nerveuse.

    L’assemblée se rassit, excepté l’intéressé. Il toisa son égale.

    — Oui, Léandra. Nous avons étudié tes arguments. Il est vrai que cette jeune personne ne semble plus représenter une menace pour la dernière phase de notre plan.

    Un léger sourire s’étira sur les lèvres de la sorcière.

    — Je vous remercie.

    — Cependant !

    Le visage de la cinquantenaire se referma soudain.

    — Vous savez que nous ne pouvons pas intervenir.

    Léandra se redressa. Cet argument n’était pas recevable à ses yeux, surtout après ce qu’on lui avait ordonné de faire toutes ces années.

    — Sauf votre respect, Monsieur, nous sommes intervenus bien plus que nous ne l’aurions dû... J’ai vu cette jeune fille grandir. Je l’ai manipulée depuis son plus jeune âge. Afin d’en arriver où nous en sommes, nous avons détruit sa vie et dévié sa destinée. Je ne peux accepter que nous la laissions mourir de cette manière ! Ce serait injuste.

    Une larme s’échappa de son œil sans qu’elle ne puisse la retenir. Elle l’essuya aussitôt d’un revers de la main.

    Georges la rejoignit au centre de la pièce. Arrivée à sa hauteur, il soupira.

    — Tu t’es attachée à cette petite, n’est-ce pas ?

    Elle acquiesça.

    — Plus que je n’aurais dû, certainement.

    Il réfléchit quelques instants et posa une main compatissante sur l’épaule de la sorcière.

    — Es-tu absolument certaine qu’elle ne peut plus être un obstacle ?

    Elle acquiesça de nouveau.

    — Plus rien ne peut entraver nos plans ! Même s’ils s’alliaient tous, la guerre est inévitable. Isilda n’aura aucun pouvoir. Au contraire, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, son réveil sèmera la discorde.

    Le mage se tourna vers ses pairs. D’un signe de la tête sec, ils signifièrent leur accord. Georges soupira.

    — Nous t’autorisons à supprimer toute trace du sort en elle. Mais seulement en elle.

    Le visage de Léandra s’éclaira.

    — L’autre ne m’intéresse pas. C’est l’elfe qui l’a élevé, pas moi ! Merci pour votre confiance, vous ne le regretterez pas. Je vous le promets.

    — Nous l’espérons ! C’est ta propre responsabilité que tu mets en jeu.

    La sorcière quitta la salle de sa démarche flottante, le cœur léger, après avoir salué l’assemblée.

    Elle avait eu gain de cause.

    Chapitre 1

    Le visage de ma mère Nathalia me souriait silencieusement, au milieu d’une lumière éclatante et éblouissante.

    Elle occupait pleinement mon esprit depuis un long moment. Je ne ressentais aucune douleur. Aucune émotion négative. Seulement une joie, un bonheur qui me semblait éternel.

    Toujours plongée dans les ténèbres, mes souvenirs m’accompagnaient dans cet entre-deux mondes : 

    Des cris retentissaient aux quatre coins du champ de bataille, d’où une odeur de chair brûlée s’élevait. Ma mère et moi étions réfugiées derrière un immense rocher. L’attaque avait été soudaine et particulièrement violente.

    Du haut de mes six ans, je regardais celle qui m’avait donné la vie, observer le chaos se déroulant devant ses yeux. Elle cherchait certainement mon père.

    Sa peau était recouverte d’un mélange de cendres et de sang. Ses cheveux blonds, habituellement parfaitement coiffés, ne montraient plus aucune discipline et ses vêtements arboraient de larges déchirures.

    La femme du chef des Alcores se tourna vers moi, puis s’accroupit à ma hauteur, en essayant de dissimuler son inquiétude. Je ne comprenais pas ce qui se passait et serrais très fort ma poupée contre ma petite poitrine. Nous n’étions normalement là que pour pique-niquer, entourés de nos amis et alliés, comme nous le faisions chaque année à la même époque.

    — Isilda, ma chouette, tu vas gentiment rester ici, bien cachée. Quoiqu’il arrive, tu ne bouges pas ! Ne me cherche pas, c’est trop dangereux. Nous nous retrouverons quand tout se sera calmé.

    J’acquiesçai, mes yeux d’enfant rivés vers l’herbe rougie par un liquide visqueux. Ma mère saisit mes mains qu’elle ramena entre les siennes, avant de plonger son regard plein d’amour et de tendresse dans le mien.

    — Tu sais que je t’aimerai toujours, ma chérie. Et ton père t’aime aussi, même s’il est parfois dur.

    Elle me lâcha, se releva, prit une longue inspiration et s’apprêta à sortir de sa cachette. Au même instant, Dominique Fossé, et cinq de ses hommes, nous découvrirent.

    Maman se plaça devant moi pour me protéger, les bras en croix, le regard sombre, déterminé et menaçant.

    — Je t’avertis, ne touchez pas à un cheveu de ma fille ! Vous devrez me tuer avant !

    Le chef des Hiféins éclata d’un rire sarcastique.

    — Mais c’est bien ce que je compte faire, très chère Nathalia.

    La femme du dirigeant des Alcores plaça ses bras devant elle, prit de meilleurs appuis sur ses jambes pour être plus stable et se prépara à combattre.

    Une boule d’énergie commença alors à grossir entre ses mains. Les six Hiféins formèrent de l’eau entre leurs paumes, qu’ils solidifièrent, et se tinrent prêts à utiliser leurs pics de glace en tant qu’armes particulièrement redoutables.

    La tension était à son comble. Apeurée, je me cachai un peu plus derrière la silhouette de ma mère et crispai mes petits doigts autour de ma poupée.

    Avant que le face-à-face ne commence, le souvenir de mon enfance s’évanouit dans un nuage de fumée.

    Mes sensations revinrent petit à petit. Ma joie se dissipa progressivement pour faire place à la douleur du deuil et à la mélancolie.

    J’eus l’impression de tomber au centre d’une spirale. Le visage de ma défunte mère s’évapora et la nuit m’assaillit. Je sentis de nouveau la lourdeur de mon corps, ainsi qu’une forte odeur de désinfectant.

    Ma tête commença à me faire mal, puis à me tourner et d’étranges nausées me firent prendre conscience que j’étais bel et bien vivante.

    Je repris doucement le contrôle de mes membres. Mon index s’éleva brièvement pour retomber une seconde plus tard sur le drap rêche. Je sentis un poids sur ma main.

    Un bruit de chaise me fit plisser les yeux, puis des pas s’éloignèrent à toute vitesse. La gorge complètement sèche, je tentai de déglutir, sans y parvenir.

    J’essayai d’ouvrir ma bouche pâteuse, forçant sur mes lèvres pour les décoller, en vain.

    De nouveaux pas pressants résonnèrent, avant que les pieds métalliques d’une chaise ne frottent une nouvelle fois le carrelage. Une personne saisit ma main droite.

    — Isy ?

    Je reconnus immédiatement cette voix rauque. Au prix de durs efforts et d’une forte concentration, je réussis à ouvrir fébrilement les paupières.

    Un rayon de soleil m’aveugla. Je plissai les yeux et laissai échapper quelques larmes, qui coulèrent le long de ma joue, ainsi qu’un léger murmure.

    — La Morue...

    On resserra l’emprise autour de mes doigts. J’ouvris de nouveau les paupières, que je battis à plusieurs reprises, afin de m’adapter à la lumière de la pièce.

    D’abord brouillé, le visage ovale de Johan apparut progressivement, souriant, attendri et ému. Un très léger rictus s’étira sur mes lèvres. Sa tête de rouquin barbu m’avait vraiment manqué.

    — Quel bonheur de te retrouver, joli Piaf !

    Il déposa un tendre baiser sur le haut de ma main. Une chaleur réconfortante m’envahit, jusqu’au moment où une voix, plus froide et tranchante, brisa l’atmosphère joyeuse de nos retrouvailles.

    — Isilda ! C’est un miracle !

    Je n’eus pas la force de détourner mes yeux vers la personne qui venait de nous interrompre, mais je l’avais reconnue : c’était Darksen.

    — Isy, je dois te dire quelque chose d’important, commença l’Hiféin sur un ton grave et avec une hésitation palpable.

    — Non, stop ! Ce n’est ni le lieu, ni le moment pour ça. Tu dois d’abord la laisser reprendre des forces.

    Il demanda à mon ami de nous laisser seuls, ce que ce dernier finit par faire, après une certaine insistance de la part du sorcier.

    J’humidifiai mes lèvres, l’inquiétude me gagnait. Quelle était cette révélation qui paraissait si importante, voire dérangeante, si je me fiais à son attitude ?

    — Bon retour parmi les vivants.

    Je bougeai lentement la tête.

    Ma nuque me faisait souffrir. L’homme aux cheveux mi-longs s’approcha de mon lit. Il posa une main sur mon front et ferma les yeux.

    J’entendis d’étranges paroles à peine audibles dans une langue étrangère inconnue.

    Mon anxiété diminua lentement, puis je sombrai de nouveau dans un sommeil de plomb.

    Chapitre 2

    Des murmures résonnèrent sur mes tympans, avant que je ne réentende la langue gutturale étrange utilisée par Darksen. Je repris alors doucement possession de mon corps et de mes capacités.

    Finis les maux de tête, terminées les nausées. Je me sentais à présent « normale ». Comparé à mon premier réveil, celui-ci s’annonçait définitif.

    De nouvelles paroles résonnèrent, plus fortes et audibles.

    Des fourmillements envahirent les extrémités de mes membres afin de les remonter. Une légère sensation de chaleur m’enveloppa, jusqu’au moment où j’ouvris brusquement les paupières.

    Les yeux rivés sur le plafond, je compris rapidement que j’avais quitté l’hôpital. Cette atroce odeur de détergents et de désinfectants avait complètement disparu.

    Je baladai mon regard de gauche à droite. La décoration florale et les mansardes me permirent d’immédiatement reconnaître la chambre que j’avais occupée de longs mois, chez les Lechêne.

    M’appuyant sur mes avant-bras, je remontai mon dos sur les oreillers. Ma tête tourna soudainement. Un malaise me guettait.

    — Woh, doucement !

    Darksen cessa son état de transe et se précipita pour m’aider à m’asseoir. J’avais certainement un peu trop surestimé mon rétablissement.

    — Que s’est-il passé ? demandai-je, encore un peu sonnée par mon sommeil, une main portée à mon front.

    — Ah ça, je veux bien que tu m’éclaires sur la question ! Je n’ai jamais connu une pareille chose en mille ans !

    Le sorcier frappa les deux taies afin de leur redonner du volume, puis s’éloigna et s’assit sur le bord du lit. Je me laissai retomber.

    — Je ne me rappelle pas de grand-chose, en réalité.

    — Concentre-toi ! Il doit bien y avoir un souvenir, un détail qui te revient ? m’incita-t-il avec autorité.

    Je fermai et plissai les yeux pour forcer ma mémoire. Tout ce qui me venait à l’esprit, c’était ce noir, ces ténèbres profondes dans lesquelles j’avais sombré... La rupture du pacte consommée par les créatures s’imposa subitement à moi, ainsi que les images de l’exécution de mes parents.

    Mon cœur se serra. Tout sembla s’écrouler autour de moi. Mon esprit cessa brusquement de fonctionner. Mes émotions restèrent bloquées quelques instants. J’étais paralysée. Un immense vide s’installa à l’intérieur de mon être et je sentis une boule alourdir mon estomac, alors qu’un relent acide remontait le long de ma gorge. Des larmes emplissaient mes yeux.

    Puis soudain, je rouvris les paupières. Une goutte d’eau salée coula sur ma joue.

    — Il y a bien quelque chose... commençai-je le regard rivé sur la couette fleurie, tentant autant que je le pouvais de dissimuler mon mal-être.

    Mon interlocuteur claqua des doigts et un verre contenant un liquide grisâtre apparut entre ceux-ci.

    — Je t’écoute ? Bois ça, ça va te faire du bien.

    Je tendis une main fébrile et observai le contenu granuleux avec scepticisme.

    — Avant de perdre connaissance, j’ai vu un symbole étrange, continuai-je songeuse.

    — Un symbole ? Vas-y bois, ça va te redonner des forces, m’incita-t-il à nouveau.

    — Oui... Une sorte de croissant de lune barré.

    Darksen se raidit.

    Après une légère hésitation, j’avalai le liquide amer d’une traite.

    Je grimaçai. Ce n’était vraiment pas bon.

    — Ne se trouvait-il pas à l’intérieur d’un cercle et d’un hexagone ? me demanda finalement le sorcier, une pointe de crainte dans la voix.

    — Si, mais...

    Il se leva d’un bond, fit les cent pas et porta sa main à sa bouche.

    Ses lèvres bougèrent sans que je ne puisse en saisir le moindre mot.

    Je sursautai quand il revint brusquement vers moi. Il plongea ses grands yeux foncés, presque noirs, dans les miens. Une lueur cuivrée traversa ses iris.

    — En es-tu certaine ? Qu’as-tu vu d’autre ?

    Les yeux écarquillés, j’eus un mouvement de recul. Son visage touchait presque le mien. Mon cœur s’affola.

    — Je crois, oui. Le symbole se dressait devant moi, aussi grand qu’un immeuble et a explosé. Je me souviens juste du noir et d’une tranquillité absolus après ça.

    Il saisit mes épaules et me secoua énergiquement.

    — Isilda, je dois en être absolument certain ! Es-tu sûre que c’est bien ce symbole que tu as vu ?

    L’attitude du sorcier me désarçonna. Je ne pus qu’acquiescer d’un signe de la tête. Il me relâcha subitement et me tourna le dos.

    — Que se passe-t-il ? le questionnai-je après avoir posé mon verre sur la table de nuit.

    Il soupira.

    — Quelque chose qui n’annonce rien de bon... répondit-il avant de se tourner une nouvelle fois vers moi. Je viens te chercher d’ici une heure. Nous n’avons pas une seconde à perdre ! Tout est remis en question.

    Il sortit et me laissa là, sans véritable réponse. Je soupirai en m’adossant à mes oreillers. Quel réveil ! Une boule alourdissait toujours mon ventre, mais ma tristesse semblait s’être évanouie comme par magie. Le souvenir de mes parents avait disparu aussi vite qu’il était venu.

    À présent la réaction de Darksen me turlupinait. Il était un sorcier vénéré parmi les Hiféins et les Tersors. Cet homme ne flanchait jamais, il semblait comme... inatteignable.

    Le voir paniquer de cette manière ne me disait rien qui vaille. D’où lui venait cette inquiétude, cette crainte dans la voix ? Quelle horreur pouvait se cacher derrière ce symbole pour qu’un homme aussi impassible bascule ?

    On frappa à la porte. Je sortis de mes songes. Une jeune femme, petite, svelte, aux cheveux bruns et longs en bataille, apparut dans l’embrasure. Lorsqu’elle m’aperçut, Solenn se précipita dans mes bras.

    — Oh, Isy ! Tu es enfin réveillée ! Darksen m’a prévenue. Tu m’as fait peur, grande gourde !

    Je la serrai contre moi. Au même moment, je remarquai ma bague de fiançailles et mon alliance à mon annulaire. J’avais complétement oublié que j’étais mariée !

    — Moi aussi je suis contente de te voir, répondis-je lentement.

    La Tersore s’éloigna. Elle s’assit sur le bord de mon lit. Ses yeux rougis indiquaient qu’elle avait beaucoup pleuré. Elle baissa le regard et retira machinalement les plis de la couette.

    La voix sèche du sorcier appela Solenn du rez-de-chaussée. Celle-ci se leva d’un bond. La sueur perlait sur son front.

    — Je dois te laisser, mais je suis heureuse de te voir saine et sauve, ça me redonne de l’espoir ! On se revoit très bientôt, s’enquit-elle en tournant les talons.

    J’attrapai sa main afin de l’empêcher de partir.

    — Dis-moi ce qui ne va pas.

    Elle se dégagea et me sourit timidement en guise de réponse, avant de quitter la chambre. Je soupirai longuement. On me cachait quelque chose, j’en étais certaine, mais quoi ?

    Chapitre 3

    Après un bref détour par le métro, avec Darksen, nous arrivâmes devant l’hôtel de ville. Il n’avait pas voulu m’expliquer où nous nous rendions, ni même pourquoi, mais l’inquiétude déformait toujours les traits de son visage.

    Avant d’entrer, il se tourna vers moi, un peu hésitant : 

    — Ne prends pas peur, s’il te plaît ! Nous devons absolument voir le maire et discuter avec elle de la meilleure stratégie à adopter. Je ne peux pas dire que cette perspective m’enchante, mais Estria doit être mise au courant.

    Subitement, j’eus un mouvement de recul. Non, je ne pouvais pas me retrouver devant elle ! Pas après ce qui s’était passé lors de notre dernière rencontre. Pas après qu’elle m’eut laissée aux mains de Simon et de ses abjects plans salaces.

    Observant le tourniquet à l’entrée du bâtiment, je fis un pas en arrière, prise de panique.

    — Je ne peux pas... Elle va m’obliger à retourner dans mon clan.

    Le sorcier s’avança et me tendit gentiment la main.

    — Tu n’as rien à craindre, je te le promets. Elle ne touchera pas à un de tes cheveux, tu es bien trop précieuse à présent pour les Tersors. Il est de mon devoir de te protéger.

    Je le dévisageai, à la fois surprise et sceptique. Avais-je changé de dimension ? Depuis quand j’étais devenue « précieuse » pour mon nouveau clan ?

    Et depuis quand jouait-il les chevaliers servants ?

    Après une longue inspiration, je décidai de suivre Darksen. Après tout, s’il prenait le risque de se confronter à sa pire ennemie, ce n’était certainement pas pour des broutilles. Il avait forcément une nécessité à le faire. Je me devais de lui faire confiance, même si cette idée me rebutait.

    Mes entrailles se tordirent à l’intérieur de mon abdomen. Si nous nous trouvions dans cette position, c’est que la situation devait être extrêmement grave.

    Je saisis sa main.

    — Reste derrière moi, je vais te couvrir ! Je ne sais pas si tu es encore capable de gérer tes capacités, mais ce n’est pas le moment de tester.

    Il avait raison. Je n’avais pas essayé d’utiliser mes pouvoirs depuis mon réveil. En théorie, j’allais devoir apprendre à maîtriser ceux liés à la Terre, puisque je n’étais plus une Alcore, une humaine élémentaire de l’Air...

    Nous entrâmes dans l’hôtel de ville. Darksen semblait bien connaître les lieux. Il se dirigea droit devant lui, vers l’escalier.

    Mais avant de l’atteindre, l’un des trois agents présents derrière le comptoir d’accueil nous interpella avec une certaine fermeté dans la voix : 

    — Excusez-moi, messieurs, dame, mais toute personne passant cette porte doit être identifiée, pour des raisons de sécurité.

    Le sorcier plongea sa main dans son long manteau cintré et en sortit une fiole.

    Les trois gardiens se mirent en position de combat.

    Ils eurent tout juste le temps de créer chacun une boule de feu qu’ils gardèrent comme armes de dissuasion entre leurs paumes.

    — Rangez ceci, monsieur ! Nous ne le répéterons pas.

    Je retins mon souffle lorsque Darksen lança sa potion, celle-ci explosa au contact du comptoir. Je fermai les yeux et me protégeai des débris.

    La déflagration me fit perdre mon équilibre et je manquai de tomber.

    Lorsque je rouvris les paupières, un nuage de poussière s’évanouissait, dévoilant les corps des trois guerriers allongés sur le sol, gravement blessés.

    Darksen ne les regarda même pas.

    — Allons-y ! 

    Je jetai un coup d’œil rapide derrière moi, pendant que le sorcier me poussait.

    Un pincement se fit sentir dans ma poitrine ; l’un des trois gardiens avait été mon instituteur.

    Nous montâmes les marches jusqu’au cinquième étage. Une fois là-haut, nous empruntâmes un couloir plutôt sombre, contrairement au reste du bâtiment particulièrement lumineux, et nous nous arrêtâmes devant une immense double porte en bois massif.

    Elle m’impressionnait par ses dimensions et j’étais à peu près certaine qu’elle n’avait rien d’humain. Elle semblait être le fruit de menuisiers élémentaires, sûrement des Tersors, si j’en jugeais par la simplicité de ses décors. En général, ceux des Fuméens étaient plus raffinés.

    Darksen frappa, mais il n’y eut aucune réponse. Il utilisa alors la magie pour déverrouiller la serrure. Il posa sa main sur cette dernière et le métal fondit sous mon regard médusé. Il ouvrit ensuite l’un des battants d’un coup de pied franc et puissant.

    Estria se tenait à une dizaine de mètres de nous, debout derrière son bureau.

    Les bras devant elle, elle se préparait à attaquer son ancien amant. Un peu impressionnée par cette femme imposante, je me cachai légèrement derrière mon accompagnateur.

    — Calme-toi, Saphir ! Nous ne sommes pas là en ennemis.

    La sorcière se raidit, les yeux écarquillés. Elle hésita quelques secondes, puis baissa sa garde. Son regard changea du tout au tout. Elle sembla tout à coup plus vulnérable.

    — Tu ne m’as pas appelée comme ça depuis un millénaire... murmura-t-elle avant de prendre un ton plein d’assurance. Que fichez-vous ici ?

    — Tu imagines bien que ce n’est pas une simple visite de courtoisie ! Nous devons te parler d’une chose importante.

    — Nous ? demanda-t-elle, étonnée.

    Je sortis lentement de ma cachette. Ce n’était pas mon genre d’être aussi impressionnée, mais ce qui se passait devant mes yeux s’apparentait à une rencontre entre un dieu et une déesse pour quelqu’un issue de mon peuple.

    — Tiens, une revenante ! Je croyais que tu étais morte, toi, bougonna-t-elle en faisant quelques pas rapides dans ma direction.

    Mon cœur rata un battement.

    Darksen lui barra le passage.

    — Ne touche pas à Isilda ! Nous allons avoir besoin d’elle, crois-moi.

    La tête d’Estria pivota vers le sorcier.

    — Elle ? lança-t-elle, sarcastique.

    — Oui, elle. Il s’est passé quelque chose lors de la cérémonie de passation de pouvoirs entre Richard et son fils.

    La sorcière se tourna vers moi, l’air mauvais.

    — Et quel est le rapport avec cette traîtresse ?

    — Isilda est l’épouse d’Eryk. Elle est la nouvelle et unique dirigeante des Tersors.

    Je sursautai et toisai Darksen.

    Quoi ? De quoi parlait-il ?

    — Je t’expliquerai plus tard, m’annonça-t-il de manière presque paternelle.

    Le rouge s’empara des joues d’Estria. Elle serra ses poings, ainsi que sa mâchoire.

    — C’est une blague ?

    — Non... et ce n’est pas tout.

    Il soupira.

    — Tu devrais écouter ce qu’elle a vu.

    Lorsque le regard assassin de la sorcière croisa le mien, je déglutis.

    Il fallait que je sois courageuse. Après tout, j’avais survécu à pire, n’est-ce pas ?

    J’inspirai profondément avant de me lancer.

    — Lors de la cérémonie, j’ai été transportée dans un endroit étrange... Un endroit où un immense symbole s’est dressé devant moi.

    Elle fronça les sourcils.

    — Un symbole ?

    — Oui, une sorte de lune barrée.

    La même stupeur que Darksen s’afficha subitement sur le visage d’Estria. Elle desserra les poings, mais son corps tout entier semblait s’être soudain crispé.

    — Léandra...

    — Je crains que oui, Saphir.

    La sorcière relâcha la tension dans ses muscles et soupira longuement.

    — Pourquoi l’Ordre aurait ensorcelé cette fille ? Ça n’a aucun sens !

    — Ce n’est pas tout ! Les créatures se sont alliées et ont rompu les pactes, ajouta Darksen, la mine déconfite. 

    Estria fit volte-face.

    Ce n’était plus de la stupeur que l’on pouvait lire sur ses traits, mais de la terreur.

    Elle se mit à faire les cent pas dans son bureau.

    Je la suivis des yeux, suspendue à la moindre de ses paroles.

    Je nageais dans le flou total.

    — Notre priorité absolue est de garder le monde magique caché ! Les Neutres ne doivent en aucun cas découvrir notre existence ou nous risquons, au mieux, de devenir des cobayes de laboratoire.

    — Que pouvons-nous faire ? D’ici peu de temps, les humains vont disparaître en masse !

    Les derniers mots du sorcier me firent repenser à ce jeune homme sacrifié devant la totalité des vampires et des fantômes, ainsi qu’à mes parents.

    Les larmes me montèrent aux yeux. Derrière ces futures disparitions, de nombreuses familles seraient bientôt endeuillées.

    — Je ne vois qu’une seule solution pour le moment Darksen... Nous devons mettre de côté nos querelles afin d’allier nos forces et nos pouvoirs ! Nous ne devons surtout pas attirer l’attention de l’Ordre sur Newytown. Tu connais leurs conditions.

    Le sorcier acquiesça. De quoi parlaient-ils tous les deux ? L’Ordre ? C’était quoi ce truc ? Et qui était cette Léandra ? Les voix dans ma tête lui étaient-elles liées ? Je tentai d’avoir de plus amples informations. Cependant, je me heurtai à un mur.

    Les messes-basses entre les deux sorciers se succédèrent pendant de longues minutes. Mise à l’écart, j’essayai d’abord d’entendre le contenu de leur conversation, mais laissai vite tomber, ne percevant qu’un ou deux mots parfaitement inutiles.

    Agacée par leur comportement, je croisai les bras et soupirai bruyamment.

    Ils tournèrent furtivement leur regard vers moi, puis reprirent leur discussion comme si je n’étais pas là.

    Des fourmillements envahirent mes joues. La fureur me gagnait. C’en était trop ! Le poids de mon deuil combiné à la tension accumulée ces derniers mois éclatèrent.

    J’explosai de colère.

    — Bordel ! Vous comptez m’expliquer ou continuer à faire comme si je n’existais pas !

    Ils cessèrent leurs murmures et m’observèrent, étonnés.

    Je les toisai méchamment.

    Ça ne me ressemblait pas de perdre le contrôle de mes nerfs, mais depuis mon réveil, je ne me sentais plus vraiment moi-même.

    Quelque chose avait changé en moi. Je ressentais une certaine lourdeur, comme si un poids inconnu avait pris possession de mon être, comme si quelque chose de nouveau avait soudain fait irruption.

    — Je te demande pardon ? Nous ne te devons rien ! Tu n’es qu’une simple humaine, une marionnette !

    Darksen posa une main sur l’épaule d’Estria pour la calmer. Je ne fis aucun mouvement de recul et soutins même le regard de la sorcière.

    — Allons-y Isilda, avant que ça ne dégénère.

    Malgré cette intervention, aucune de nous ne baissa les yeux.

    Je n’avais pas oublié ce qu’elle m’avait fait subir après m’avoir kidnappée.

    Je n’avais pas oublié qu’elle m’avait livrée à Simon, sans aucun scrupule.

    — Petite idiote ! tu n’as aucune idée du danger qui nous guette, souffla-t-elle entre ses dents.

    — Expliquez-moi, alors !

    Je balançai mes épaules en avant, prête à aller à la confrontation s’il le fallait.

    Darksen s’interposa entre nous.

    Il me poussa vers la sortie.

    — Maintenant, ça suffit ! Tu m’attends dehors !

    Sourcils froncés, je lançai un dernier regard noir à Estria.

    Celle-ci fit de même à mon égard, avant que je ne tourne définitivement les talons.

    Chapitre 4

    Ma colère était redescendue lorsque le sorcier me rejoignit à l’extérieur. Pendant ma longue attente, j’avais revu dans mon esprit, le film de ma nouvelle vie. Que s’était-il passé ? Pourquoi me sentais-je si différente ?

    Un temps silencieux, Darksen finit par rompre l’atmosphère tendue instaurée entre nous.

    — Tu ne devrais pas te montrer aussi menaçante envers Estria ! Elle est plus dangereuse que tu ne le crois.

    Je me tournai vers lui, le regard plein de reproches.

    — Je n’ai jamais demandé à la voir... C’est vous qui m’avez amenée ici, sans me demander mon avis ! 

    Décontenancé, il ouvrit brièvement la bouche pour la refermer aussitôt. Il soupira et observa l’immeuble d’en face, de l’autre côté de la route, particulièrement passagère pour un milieu de matinée. 

    — C’est vrai... tu as raison, je m’en excuse.

    Mes yeux s’écarquillèrent subitement.

    Le grand Darksen s’excusait devant une simple humaine élémentaire ! Comment le monde avait pu autant perdre la tête en seulement quelques jours ?

    — Est-ce que je vais mourir ? le questionnai-je gravement.

    — Quoi ?

    — Vous vous comportez bizarrement depuis que je suis revenue à moi. Est que c’est parce que vous savez qu’il va m’arriver quelque chose ?

    Je jouai nerveusement avec ma bague de fiançailles et mon alliance.

    Il éclata de rire. Au même moment, un taxi noir s’arrêta à notre hauteur.

    — Ne dis pas de bêtise ! Vas-y, monte, répondit-il railleur.

    Je m’exécutai sans ajouter le moindre mot, un peu irritée par sa réaction. J’avais tout de même de quoi me poser des questions !

    Le véhicule redémarra. Au bout de quelques minutes, alors que nous quittions l’hyper centre, Darksen sortit une nouvelle fiole de son manteau, se frictionna les mains avec son contenu, puis effectua des gestes lents et amples, tout en marmonnant des paroles étranges.

    — Maintenant que nous ne pouvons plus être écoutés, je te dois des explications.

    Le regard rivé sur le sorcier, je l’observai un moment, dubitative.

    — Je vous écoute.

    Il prit une longue inspiration et se lança : 

    — Comme tu

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