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Au fond de la mer, la vie est légère
Au fond de la mer, la vie est légère
Au fond de la mer, la vie est légère
Livre électronique81 pages1 heure

Au fond de la mer, la vie est légère

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À propos de ce livre électronique

« Par moments, je ressens une souffrance si forte à l’intérieur que je parle tout seul. »À quarante-quatre ans, Piero est inapte au travail, parce que malheureux. Au village, il est Repacho, le « disjoncté » qui parle bizarrement. Piero ne ferait de mal à personne, pas même à une mouche, il lutte seulement contre les contrariétés du quotidien : les disputes continuelles avec son épouse Bella ; les fréquents heurts avec les autres villageois, toujours prêts à se moquer de lui ; le trouble provoqué par les belles Milanaises en vacances. Bref, le temps passe entre une foultitude d’obsessions et une mélancolie incontrôlable. Mais le plus fabuleux, c’est ce qui se passe dans sa tête, où il fait et refait le monde avec un langage bariolé et des mots qui se suivent à l’infini... Jusqu’à arriver, comme dans une spirale infernale, au coeur du problème, ce par quoi tout est arrivé : la mère. Piero rêve de revanche sur la vie, laquelle prend les traits d’une fuite vers le nord du pays, un endroit mythique où tous ses problèmes seraient enfin réglés. Mais en attendant, ici, dans ce village de culs-bénits, celui que tout le monde appelle Repacho ourdit sa petite vengeance : le jour de Noël, qui est le plus triste de l’année pour lui, il décide de dérober la crèche de l’église. Un récit tragi-comique raconté à la première personne sous la forme d’un long monologue, où les ombres du passé viennent se mêler à la gaucherie touchante d’une aventure inclassable.
LangueFrançais
Date de sortie24 avr. 2024
ISBN9782959262890
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    Aperçu du livre

    Au fond de la mer, la vie est légère - Lucrezia Lerro

    ¹

    Truman Capote,

    Breakfast at Tiffany’s / Petit déjeuner chez Tiffany

    Première partie

    J’aime les militaires parce qu’ils parlent peu et marchent les uns derrière les autres. Ils sont différents de moi. Moi, je n’ai aucune règle et je ne marche jamais à la queue leu leu, je ne suis jamais à la remorque de quelqu’un et tous les jours, je fais les mêmes choses ; les deux, trois trucs qui ne m’énervent pas. Par moments, je ressens une souffrance si forte à l’intérieur que je parle tout seul. C’est seulement la nuit que je me sens capable d’arrêter, de pouvoir penser sans avoir honte. Il n’existe aucune raison à ce que je fais ; l’ordre, j’ignore ce que c’est, en plus, je ne me couche jamais à la même heure, parfois, je m’endors en plein après-midi, ou alors en matinée. À l’inverse, les militaires, ça oui, ils sont ordonnés, ils marchent au pas et ils respectent les horaires du matin au soir. Ils ont leur propre discipline et à la fin on les libère. Moi par contre, je reste ici et je parle, je peine à respirer et c’est pour ça que je parle mal… je parle et je bafouille, je fais plein d’erreurs quand je m’exprime, mais qu’est-ce que je peux y faire ? Et je bouffe, je me gave parce que je ne sais pas quoi faire d’autre dans la journée. Ici, il ne se passe jamais rien et je suis désœuvré. C’est seulement en hiver que, de temps à autre, je vais à la mer, je mets les pieds dans l’eau et je chante.

    Une fois, j’ai même vu une sirène, elle chantait, elle aussi, mais elle ne chantait certainement pas pour moi. J’aime rester les pieds dans l’eau en attendant qu’elle se pointe alors que les vagues me lèchent. Je le sais bien qu’au fond de la mer, il y a une vie plus légère. Quelque chose m’attire dans la mer.

    Il y a quelques années de ça, en été, deux petits amoureux de mon village ont fini là-bas dessous, parmi les étoiles de mer, les algues, les coquillages et les poissons de toutes les couleurs et ils ne sont jamais revenus. Ils se sont dissous, ils se sont égarés. Ils se sont noyés alors qu’il pleuvait et moi, ce jour-là, je ne l’ai pas oublié, j’y étais, moi aussi, sur cette plage noire de monde. Il y avait un tas de gens, même des Milanais de Milan, comme toujours l’été. Ils ont été engloutis alors que les gens cherchaient à s’abriter en attendant le retour du soleil. Ils sont partis tout là-bas, va-t’en savoir où, en se tenant par la main. Les enfants jouaient sous les auvents et personne ne s’est aperçu de rien. On raconte qu’elle, elle avait tellement de cheveux qu’on pouvait s’y cacher. On raconte qu’ils se ressemblaient, qu’ils étaient comme deux gouttes d’eau. Elle, à l’école primaire, elle était dans ma classe et elle me plaisait beaucoup. Elle était vraiment mignonne. Lui par contre, c’était un gamin taciturne, mélancolique. On raconte qu’il ne savait pas comment s’y prendre avec les filles du village, ni avec les Milanaises de Milan.

    Quand elle passait devant chez moi, elle regardait à l’intérieur, elle voulait peut-être voir si j’y étais. Mais si après elle s’apercevait que j’étais là, elle s’énervait et elle disait : Qu’est-ce que tu regardes ? Si t’arrêtes pas, je vais le dire à ta mère. Je ne veux pas que tu me regardes. Je ne suis pas une fille pour toi, moi, va plutôt chez les Milanaises… t’as compris ? Je ne lui répondais pas, je restais planté devant la porte et je continuais à la regarder. Je l’imaginais nue, allongée au soleil sur son balcon, un peu cachée derrière les plantes, mais pas trop. Elle était vraiment jolie, une gamine si mignonne qu’un jour elle s’est noyée… une fille aussi mignonne, je n’en ai jamais embrassé.

    Toi, tu n’es qu’un petit soldat comme eux… Je n’aime pas les soldats parce qu’ils vont à la guerre, qu’elle disait et elle m’en sortait un lot qu’elle avait toujours dans sa poche. Va-t’en savoir pourquoi une gamine si jolie jouait aux petits soldats en plastique…

    Moi, je ne suis pas un militaire et encore heureux que je ne me sois pas engagé. Et que je ne me sois pas noyé non plus. Une fois, au village, un type m’en a raconté une sévère ; une histoire qui m’a sonné. Elle est entrée dans ma tête comme une vague. Il m’a raconté qu’un jour, un gars de Gella a rejoint l’armée et, une fois sous les drapeaux, il s’est buté sans qu’on comprenne jamais pourquoi il avait fait ça. Un matin, ses copains de chambrée l’ont retrouvé mort. Il s’était tiré une balle dans la tête. Apparemment, il ne supportait pas la discipline militaire, il voulait rentrer chez lui, retrouver sa famille, et il disait souvent à ses camarades : Je suis arrivé le dernier et je retournerai chez moi le premier… Il avait peut-être la nostalgie de son village. On dit qu’un village est comme une famille pour ceux qui ne savent pas où aller. Ce gars de Gella, il avait le mal du pays, il ne devait pas supporter rester loin d’ici, de sa famille…

    On raconte que, dans la vie, si on n’y prend pas garde, on peut se faire très mal. Si tu ne surveilles pas ceux qui vivent chez toi, si tu ne fais pas gaffe, ils sont capables de t’écorcher comme un cochon et de ne faire qu’une bouchée de toi, pour Noël, si ça se trouve. On dit que, les jours de fête, tous les prétextes sont bons pour se bâfrer…

    Moi, j’aime les militaires parce qu’eux, c’est sûr, ils ne se goinfrent jamais… Ils ne traînent pas au village. Quand ils vont et viennent, ils font semblant de regarder tout le monde mais en réalité ils ne regardent personne. Ils savent s’y prendre avec les Milanaises de Milan. Ils ont un sourire ou un baiser pour toutes et leur font croire qu’ils vont les épouser.

    Mon père, lui aussi, était soldat et il me l’a racontée, l’histoire de ce type parti de Gella pour ne jamais revenir. Papa aime l’uniforme et s’il a évité des trucs, c’est parce que ce monde-là, il le connaissait bien. Tous les risques du métier, il les connaissait. Quand j’y pense et que j’en parle, mon cœur bat et mes jambes tremblent. Je suis glacé quand j’y pense. Regarde-moi bien, Piero, qu’il me disait, fais comme moi… J’ai appris à me raser au service militaire et, même si tas fait ton régiment, tu ne deviens pas un homme pour autant. Regarde un peu toutes mes cicatrices… Moi, je peux te dire que j’ai l’obéissance dans la peau. C’est digne un militaire en rogne, ça impressionne. Mon père pouvait même se raser de la main gauche. C’est une question d’habitude, on s’y fait… Lui, il avait de l’autorité sur tous ceux du village, moi pas,

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