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La morsure du comte: Les Seigneurs de la Nuit, #2
La morsure du comte: Les Seigneurs de la Nuit, #2
La morsure du comte: Les Seigneurs de la Nuit, #2
Livre électronique415 pages5 heures

La morsure du comte: Les Seigneurs de la Nuit, #2

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À propos de ce livre électronique

Il l’aime, mais ne parvient pas à la convaincre…

Rafe Andrew Edward Astley, douzième comte de Devon, est victime d’une malédiction qui le transforme en vampire. Il est en paix avec cette part de lui-même depuis longtemps, mais s’il ne parvient pas à se libérer du vampire, il ne pourra jamais gagner l’amour de la seule femme qu’il ne peut oublier. La femme dont il est tombé amoureux il y a de nombreuses années et à qui il a pris ce qui ne lui appartenait pas. Pourtant, cette année, les fêtes de Noël pourraient être prometteuses.

Elle désire l’homme, mais craint le vampire…

Lady Elizabeth Sinclair, sœur cadette du duc de Manchester, est heureuse de la vie charitable qu’elle mène. Pourtant, elle se languit de vivre un amour exceptionnel. Plus mûre et plus sage que lors de sa dernière expérience en la matière, elle s’aventure sur le marché du mariage et se retrouve face à l’homme dont elle a peur, l’homme qui a bu son sang et pris son innocence onze ans auparavant, l’homme qu’elle désire toujours. Mais la terreur que son vampire lui inspire la rend méfiante, malgré la romance qui se profile entre eux.

Une histoire d’amour légèrement tempêtueuse qui les emporte…

Rafe et Elizabeth s’embarquent dans une relation amoureuse clandestine, malgré les obstacles dressés sur leur chemin. Emportés par leurs désirs, seule la compassion et une compréhension mutuelle leur permettront de trouver la clé pour les libérer de la peur à laquelle Elizabeth se raccroche et de la dépression contre laquelle Rafe se bat. Mais à l’heure de vaincre la malédiction, rien ne se passe comme prévu. Des dangers inattendus les guettent et ils ne sont pas causés par une créature de la nuit. Il leur faudra consentir à l’ultime sacrifice pour traverser les ténèbres et mériter une fin heureuse.

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie7 déc. 2023
ISBN9781667466897
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    Aperçu du livre

    La morsure du comte - Sandra Sookoo

    La légende des Lords Maudits

    Il y a longtemps de cela, quelques jeunes Lords insolents et trop gâtés prirent du bon temps avec de jolies Tziganes de passage dans la campagne anglaise. Enivrés par l’alcool et les privilèges de leur rang, ils mirent le feu à une roulotte et rirent de bon cœur lorsqu’elle s’embrasa, provoquant la fuite terrifiée du reste de la caravane. Cette roulotte appartenait à une vieille sorcière tzigane dont la longue existence devait beaucoup à la magie qui coulait dans ses veines. La sorcière s’offusqua grandement de cette destruction et de l’attitude désinvolte des Lords anglais. Alors, en cette nuit de pleine lune, elle lança une terrible malédiction sur les infortunés jeunes gens :

    « Je vous condamne à tout jamais à ne plus vivre de vie pleinement humaine et à ne plus connaître la paix. Vous resterez esclaves du monstre, de la bête ou de l’anomalie en vous. Toutes les femmes qui contempleront votre visage dans un moment d’intense émotion s’en détourneront avec dégoût car elles percevront alors la vérité, vous ne pourrez la leur cacher. Une fois votre secret dévoilé, car vous devrez le leur dire, vous leur inspirerez de la terreur. Vous pourrez vous marier, mais vous serez condamnés à la froideur d’une union sans joie, à moins de découvrir le secret et le cœur même de la vie. Vous porterez ce fardeau seul car la malédiction n’appartient qu’à vous et elle ne sera ni transférée à votre compagne ni partagée par elle.

    Mais je serai clémente, hommes sans cœur et sans morale. Tous les cinq ans, une fois par saison, la malédiction pourra être conjurée lors d’une nuit de pleine lune, si vous avez assez de sagesse pour sortir de l’ombre et reconnaître vos erreurs. Sous cette lune, lorsque vos lèvres connaîtront un baiser d’amour altruiste et pur, lorsque la vanité, la peur et la fierté tomberont, vous serez alors à nouveau libres de vivre pleinement humains, vos souffrances seront abolies et vos enfants n’en seront plus affectés. Car oui, à moins que la malédiction ne soit levée, tous vos enfants mâles la subiront également.

    Faites attention, hommes maudits, ou vous vivrez éternellement seuls, craints, solitaires et sans amour. »

    À dater de ce jour, on surnomma ces hommes les Lords Maudits de l’Angleterre, les Seigneurs de la Nuit, condamnés à vivre en compagnie de leur monstrueux alter ego, seuls, jusqu’à ce qu’ils tombent si totalement, si irrévocablement et si profondément amoureux de la dame de leur cœur qu’ils ne puissent vivre sans elle.

    Chapitre 1

    2 décembre 1815

    Londres, Angleterre

    Rafe Andrew Edward Astley, douzième comte de Devon, marchait d’un bon pas dans les rues de Mayfair, un vent glacial soulevant les pans de son manteau et lui sifflant aux oreilles. Cette brise froide présageait l’arrivée de l’hiver, même s’il était peu probable que Londres voie la moindre neige. Quelques flocons tombaient cependant par intermittence, ce qui convenait parfaitement au comte car au moins, ce n’était pas de la pluie. Les jours qui raccourcissaient lui permettaient de sortir plus souvent, au lieu de fuir le soleil en se calfeutrant dans sa maison de Mayfair. Il était à présent dix heures du soir et il aurait dû se rendre directement à la réception à laquelle il avait promis d’assister, réception organisée par l’un de ses amis, un Lord Maudit comme lui, car les très respectables membres de la bonne société évitaient leur compagnie. Au lieu de cela, le comte avait pris la direction de son club car il avait une affaire urgente à régler en premier.

    C’était toujours le cas avec la malédiction dont il souffrait.

    À cette seule pensée, la faim dévorante tapie au plus profond de lui se manifesta. Ce n’était pas un appétit pour la nourriture qu’un Britannique ordinaire apprécierait. Non, il recherchait bien autre chose que ce dont le commun des mortels avait envie... avait besoin. Cette faim, cette pulsation, ce vide ravageur, ce fléau le suivaient sans cesse, à chaque instant, car c’était de sang qu’il était assoiffé.

    Ce sang qu’il recherchait toujours. Car sa malédiction était d’être un vampire.

    Secouant la tête pour dissiper sa faim, Rafe – Rogue pour ses amis – se délecta de l’obscurité de la nuit. C’était le seul moment où il sortait se promener en ville. Il n’avait pas autant de liberté durant la journée et puis, il était accoutumé à ces heures étranges. Les divertissements abondaient, une fois le rideau des ténèbres tombé. Rafe ne supportait pas la lumière du soleil, qui lui brûlait la peau et les yeux à cause de la malédiction dont il était affligé depuis la naissance. Les heures du jour étaient inamicales, même si c’était alors que se réveillait le reste de la ville. Ni les heures du jour ni la bonne société n’étaient tendres avec ceux de son espèce, si toutefois il existait d’autres hommes comme lui à Londres.

    Il en doutait, cependant, car si cela avait été le cas, il aurait entendu parler d’eux ou les aurait croisés lors de ses escapades nocturnes. Rafe poussa un grognement. Non, en cela il était seul, condamné à errer tel un monstre pour un crime que l’un de ses ancêtres avait commis. Jusqu’à ce que les conditions requises pour lever le sortilège soient remplies.

    C’était mieux ainsi.

    Quand il arriva au lieu très privé que lui et d’autres Lords Maudits avaient créé pour leur servir, en quelque sorte, de havre de paix, il s’arrêta pour contempler la façade du bâtiment. Ils avaient baptisé cet endroit Bête Noire des années auparavant – un nom plutôt approprié pour les créatures de cauchemars qu’ils étaient – et si un gentleman le souhaitait, il pouvait s’y adonner à toutes sortes d’activités scandaleuses car personne à Londres ne savait qui en étaient les membres fondateurs et encore moins les propriétaires.

    Personne n’était au courant de leur existence ni de ce qu’ils étaient réellement.

    Et Rafe et ses plus proches amis s’assuraient avec beaucoup de vigilance que cela reste toujours le cas. Le club offrait un refuge loin des piques et des flèches décochées par la bonne société ; c’était également une manière pour les Seigneurs de la Nuit de faire partie de la société sans avoir à s’y plonger.

    Rafe resta un instant sur le trottoir, sous les flocons de neige virevoltant paresseusement autour de lui. Le baiser glacé de ceux qui atterrissaient sur ses joues ne tempérait pas l’ardeur de la faim brûlant dans ses veines, alors Rafe se concentra sur la façade du club. Discret, bâti dans le même style que celui du très célèbre White, jusque dans sa fenêtre en saillie, le Bête Noire était un sanctuaire où Rafe avait passé de nombreuses nuits lorsqu’il était aux prises avec une soif de sang irrépressible.

    En cela, le club était une véritable bénédiction car grâce à lui, Rafe n’avait pas à rôder dans les ruelles sombres à la recherche d’une victime. Cela rendait les manifestations de sa malédiction un peu plus civilisées... mais pas de beaucoup.

    Un piéton passa et lui cogna le coude et Rafe s’autorisa un petit sourire triste. Entre ces murs, il trouverait une jeune femme chaleureuse et accueillante qui lui donnerait exactement ce dont il avait besoin, sans se plaindre.

    Une raison de plus pour laquelle lui et ses pairs avaient construit le club. Les Lords Maudits dissimulaient tous un secret, au plus profond de leurs âmes, qui les rendait esclaves de leur monstre personnel. La discrétion était la règle d’or du club. Toutefois, si quelqu’un colportait des histoires aussi fantaisistes, y accorderait-on le moindre crédit ? La réalité dans laquelle vivaient la plupart des gens n’incluait pas l’existence de créatures aussi horribles que les Seigneurs de la Nuit. Et ceux-ci avaient toujours la possibilité de se retirer dans leurs appartements privés au Bête Noire s’ils n’avaient aucun autre recours, afin d’y laisser leur monstre se déchaîner librement, loin des regards indiscrets.

    Lorsque Rafe ouvrit la porte et entra dans la chaleur accueillante du club, il retrouva le spectacle et les bruits familiers. Il entendit le son des cartes que l’on mélangeait aux différentes tables de jeu se trouvant au rez-de-chaussée. Le cliquètement des pièces de monnaie et le rire élégant ou parfois tapageur d’un gentleman jaillissaient ici et là. Rafe trouvait un certain réconfort ici, chose qu’il ne trouvait pas dans sa vie quotidienne.

    Et pendant un instant, il pouvait oublier.

    Il suivit les couloirs jusque dans les entrailles du club, chaque pas vibrant au rythme de sa faim anormale. De la fumée de cigare s’échappait de certaines pièces réservées au jeu et des serveurs, tout de noir vêtus, allaient et venaient avec célérité en portant des plateaux en argent chargés de verres en cristal et de carafes remplies d’alcool.

    Lorsque Rafe passa la tête par la porte de son salon préféré, il croisa le regard vert brillant de l’un de ses amis, Evan Sedgewyck, comte de Coventry.

    — Que diable fait-il ici ce soir ? murmura-t-il pour lui-même.

    Et, quand la curiosité l’emporta, il entra prestement dans la pièce et s’installa dans un fauteuil à la table du comte de Coventry.

    — Je vous aurais cru plongé dans le bal organisé par Montgarret ou, à tout le moins, en train de le tourmenter pour en avoir organisé un, lui dit Rafe.

    Le vicomte était un autre de ses amis proches et il était rare que Valentin organise une réception car il détestait Londres et préférait de beaucoup son domaine près de la mer. Pour un triton, un homme-sirène, ne pas être en contact avec la mer équivalait à une peine de prison. Mais Valentin adorait sa sœur et ferait tout pour elle – même lancer ses nièces dans le monde, dans cette bonne société qu’il détestait.

    Pourtant, l’infamie et les rumeurs entachant son nom ne joueraient pas en leur faveur. Une bonne partie des invités était, à n’en pas douter, simplement venue assouvir sa curiosité.

    Coventry grommela.

    — J’arriverai légèrement en retard. Dès que j’aurai terminé mon verre. Et le suivant. De toute façon, cette réception n’a pour but que de lancer ses nièces dans le monde, parmi ces gens qui les dénigreront même si elles ne sont pas concernées par la malédiction.

    La sœur de Montgarret avait deux enfants, deux filles à peine sorties de l’adolescence et qui cherchaient toutes les deux un mari. Néanmoins, à cause de la malédiction du vicomte, à cause des amis qu’il fréquentait, à cause des rumeurs incessantes, toujours présentes, la majorité des membres de la bonne société tourneraient le dos à ces jeunes filles quand ils auraient fini de les observer minutieusement à la recherche de la moindre indiscrétion, de la moindre preuve que les bruits qui courraient étaient vrais.

    — Je vous comprends. J’aurais moi-même préféré décliner cette invitation, mais je n’avais pas d’excuse valable, cette fois.

    — Pareil pour moi. Mais j’ai pensé qu’il serait de bon ton que je fasse une apparition ce soir. J’ai déjà refusé un trop grand nombre d’invitations de la part des gens qui me tolèrent – au sein de la bonne société et en dehors.

    Les cheveux noir corbeau du comte de Coventry, si foncés qu’ils avaient des reflets bleutés à la lumière des bougies du chandelier, étaient coiffés de manière élégante, à la mode, et sa mâchoire carrée laissait deviner son caractère obstiné. La malédiction de Coventry le faisait se changer en dragon et un tel monstre l’obligeait à éviter Londres le plus possible. Il pouvait difficilement se déchaîner dans les rues sans attirer l’attention.

    — Je ne me vois pas me faire passer la corde au cou par une écolière, si c’est ce à quoi pense Montgarret, dit Coventry avec une expression légèrement dégoûtée.

    — Je ne crois pas qu’il veuille que l’un de nous épouse une de ses nièces. Les Lords Maudits ayant des parentes célibataires ont tous certifié qu’ils ne souhaitaient pas les voir épouser l’un d’entre nous. Pourquoi chercher les ennuis, en effet ? commenta Rafe avec un petit rire légèrement amer.

    C’était l’un des obstacles se trouvant sur sa route et il devrait l’affronter tôt ou tard. Mais la faim qui le tenaillait requérait son attention immédiate et se révéla difficile à ignorer. Il pria pour que Coventry en finisse au plus vite.

    Celui-ci haussait justement un sourcil noir d’ébène :

    — Pourquoi n’êtes-vous pas là-bas ?

    — Il faut que je me nourrisse d’abord.

    La faim lui tordit le ventre en une crampe qui se propagea jusqu’à son torse avec plus de force que les précédentes. S’il ne se nourrissait pas très vite, sa soif de sang prendrait le dessus et il ne pourrait pas contrôler son vampire quand cela arriverait. Ses gencives étaient déjà douloureuses à l’endroit où ses canines reposaient. Elles menaçaient de s’allonger en crocs et s’il n’était pas dans un endroit sécurisé...

    Coventry hocha la tête.

    — Je ne vous ai pas vu en ville depuis un mois ou deux. Tout va bien ?

    — Oui, parvint à articuler Rafe en crachant pratiquement ce simple mot.

    Il ne souhaitait pas s’étendre sur les raisons pour lesquelles il avait fui la capitale après le mariage de son meilleur ami.

    — J’ai décidé de prendre un peu de vacances, reprit-il. J’ai passé quelque temps en Bavière.

    Pour ne pas devenir fou. Pour s’éloigner de la tentation. Pour éviter de penser à Elizabeth.

    — C’était... facile de se cacher, là-bas, où les légendes sur les gens de mon espèce sont présentes partout.

    Le fait qu’il ait effectivement rencontré deux vampires en arpentant les rues, la nuit, ne lui avait pas échappé. Les mythes et les légendes étaient plus largement acceptés en Europe, surtout dans les petites villes et les petits villages.

    — Je n’en doute pas, répondit Coventry en l’observant à nouveau. Votre voyage a coïncidé avec l’absence de Manchester. Vous deux absents, c’était plutôt solitaire ici. Montgarret devient plus sentimental à mesure que la pleine lune approche et il fait un bien triste compagnon ces derniers temps.

    Coventry vida son verre de vin rouge sans se soucier de la tension de Rafe.

    — Oui, j’imagine que vous avez dû trouver autre chose pour passer le temps, murmura celui-ci pour couper court à d’autres spéculations.

    Il avait effectivement quitté la ville pour éviter la demeure londonienne de son ami Donovan, le duc de Manchester... ainsi que la sœur de celui-ci.

    — Enfin, peu importe. Je vous verrai ici, au moins, répondit Coventry en agitant la main. Allez faire ce que vous devez. Une fois Manchester de retour, nous discuterons de son récent changement de statut marital et applaudirons sa bonne fortune. Je regrette toutefois de ne pas avoir été en ville pour assister à toute l’histoire.

    Et quelle histoire, en effet !

    — Très bien.

    Une salive brûlante s’accumulait dans la bouche de Rafe et il la ravala pour soulager les palpitations incessantes de ses gencives. Il faut que je me nourrisse. Il avait négligé ses besoins trop longtemps. Titubant presque hors du salon, il se dirigea vers l’escalier privé, au fond du couloir, et secoua la tête lorsqu’un voile rouge envahit son champ de vision. Il n’était pas jaloux du mariage de Donovan. Dieu sait que le duc de Manchester avait besoin de l’amour d’une femme forte et courageuse pour apaiser sa bête. Mais Rafe se languissait de vivre la même chose. Malheureusement, sa propre situation amoureuse était une cause perdue.

    Lorsque Donovan avait traversé une grave crise conjugale et avait essayé de reconquérir Alice, la femme qu’il avait épousée, Rafe n’avait eu d’autre choix que d’interagir avec Elizabeth – la sœur du duc. Cela avait été un enfer de la côtoyer en sachant que leur passé empêcherait le moindre sentiment de naître entre eux. Il détestait leurs conversations guindées, la tension permanente, la froide politesse dans laquelle ils s’étaient réfugiés. Mais que pourrait-il y avoir d’autre ?

    Tout plutôt que la haine et les regrets.

    L’épaisse moquette rouge étouffa le bruit pressé de ses pas et il monta les escaliers jusqu’au premier étage en repensant à Elizabeth, la femme qu’il n’avait jamais oubliée, celle qui hanterait toujours ses pensées.

    Il s’était épris d’elle, quelques années auparavant, dans un fol élan de passion amoureuse. Incapable de contrôler son vampire intérieur déchaîné par le désir et le besoin, il l’avait plus ou moins attaquée et ils s’étaient unis violemment. Elle n’avait eu que vingt ans, à peine une femme, et bien qu’elle ait fait preuve d’une passion et d’un désir équivalents aux siens, ce qu’il lui avait fait était impardonnable, ce qu’il lui avait pris était inadmissible, même si elle y avait consenti.

    Du moins, en partie.

    Elle le détestait à présent, elle avait peur de lui, l’évitait lors des réceptions mondaines ou quand il rendait visite à son frère. Elle s’enfuyait pratiquement s’il s’approchait un peu trop près. Qui pouvait la blâmer ? Rafe avait laissé le vampire prendre le dessus sans imaginer combien les conséquences affecteraient Elizabeth. Peu importe qu'il se domine désormais considérablement mieux ou qu’il s’assure toujours de s’être nourri s’il devait se trouver en sa présence.

    Il vaut peut-être mieux que je reste seul pour le restant de ma misérable vie.

    Il s’engagea dans le couloir de gauche avec une grimace et essaya d’effacer Elizabeth de son esprit. Parce que s’il n’y parvenait pas, il ne cesserait de broyer du noir et laisserait la dépression l’emporter. Il y avait encore une pleine lune cette année, une dernière chance de conjurer la malédiction dont il souffrait. Sinon il n’aurait d’autre choix que d’attendre cinq ans avant qu’une nouvelle opportunité se présente. Et il savait, sans l’ombre d’un doute, qu’une telle opportunité ne se présenterait pas à lui cette année-ci.

    Il était tout aussi vain de penser qu’Elizabeth tomberait soudainement amoureuse de lui et de ce qu’il était sous le couvert de la nuit.

    Je pourrais mettre un terme à mes tourments en ne me nourrissant pas, en m’enfermant quelque part et en laissant la soif de sang mettre un terme à ma vie...

    Il se débarrassa aussitôt de cette pensée. Je ne peux pas abandonner, pas maintenant. Il pourrait encore y avoir de l’espoir. Qu’il désire une deuxième chance avec Elizabeth importait peu, car elle refusait de passer plus de quelques secondes en sa compagnie. De plus, Donovan restait réfractaire à l’idée que sa sœur entretienne une relation avec l’un des Lords Maudits. S’il avait connaissance des sentiments de Rafe pour Elizabeth, s’il soupçonnait ce qu’il avait fait, ce qu’Elizabeth et lui avaient partagé, Donovan exigerait réparation à l’aube, sur le pré.

    Bah ! Comme s’il était plus honorable sous forme de loup que moi en tant que vampire.

    Ce raisonnement semblait peut-être équitable – quoique... – mais cela ne voulait pas dire qu’il fallait le considérer comme un principe inébranlable. Donovan n’avait jamais envisagé de tomber amoureux non plus. Cela s’était néanmoins produit et l’avait changé d’une façon qu’aucun de ses amis n’avait anticipée. Il restait encore à voir si Donovan allait permettre à sa malédiction de continuer ou non. Rafe utiliserait cette logique en sa faveur si besoin était.

    Une fois arrivé devant ses appartements privés, il baissa la poignée en laiton et ouvrit la porte en chêne, puis entra dans le petit salon et referma rapidement la porte derrière lui.

    La faim qui le tenaillait s’intensifia. Ses canines s’allongèrent en crocs aussi tranchants que des rasoirs et il jeta un coup d’œil au petit appartement décoré avec goût dans des tons foncés très masculins. Un léger bruit, un froissement de tissu dans la chambre à coucher adjacente, l’avertit que la jeune femme qu’il avait demandée lui avait bien été fournie. Comme il se devait. C’était pour cela que le club existait, tout abject que cela paraisse au regard des sensibilités actuelles.

    Attiré par l’odeur de la jeune femme, par le parfum du sang chaud qui coulait dans ses veines, Rafe pénétra dans la pièce, le bruit de ses pas étouffé par un épais tapis oriental. Quand il apparut dans l’embrasure de la porte, la jeune femme se releva précipitamment du lit.

    — Vous avez requis mes services, Monsieur ? demanda-t-elle d’une voix douce teintée d’un soupçon d’excitation.

    Ou peut-être était-ce la peur qui arrondit ses yeux lorsqu’elle vit ses crocs ?

    — En effet.

    Il la détailla de la tête aux pieds : menue, pulpeuse et rousse, vêtue d’une robe de chambre et d’une chemise de nuit diaphanes et bordées de dentelle, certainement dans le but de souligner tous les charmes de sa silhouette. Elle était belle, avait été formée à l’être, comme toutes les autres femmes de ce club, mais ce n’était pas son apparence qui retenait l’attention de Rafe. Les rapides pulsations de son pouls, sur sa gorge, étaient bien plus séduisantes que ses courbes. Du moins pour l’instant.

    — Venez, dit-il. Joignez-vous à moi.

    Rafe ne s’arrêta que lorsqu’il se fut jeté dans un des fauteuils à oreilles, dans un coin de la pièce.

    Quand elle l’eut rejoint et qu’elle se fut assise à califourchon sur ses genoux, il poussa un soupir de soulagement. Cette faim, ce besoin horrible, allait enfin cesser et le laisser en paix. Il empoigna la cascade rousse des cheveux dénoués de la jeune femme et prit possession de sa bouche en un baiser profond destiné à l’exciter. Et son membre se raidit, effectivement, mais il n’était pas d’humeur à satisfaire un besoin sexuel, ce soir. L’un de ses crocs égratigna la chair pulpeuse de la lèvre inférieure de la jeune femme. Le goût métallique, légèrement salé de ces quelques minuscules gouttelettes de sang explosa sur sa langue et sa faim se décupla. Il sentit ses doigts palpiter, ses ongles frémir d’envie de s’allonger en ces horribles et hideuses griffes capables de trancher une gorge.

    Quand il relâcha la jeune femme avec un soupir, elle le dévisagea de ses yeux vert mousse, les seins pressés contre son torse, les mains sur ses épaules et son parfum de chèvrefeuille lui chatouillant les narines. Elle lui murmura à l’oreille :

    — Dois-je me dévêtir, Monsieur ? ronronna-t-elle, entraînée qu’elle était à attirer les hommes dans ses filets. Comment souhaitez-vous me prendre ? J’ai entendu dire que vous étiez un amant confirmé.

    — C’est tentant.

    Il passa le bout d’un doigt le long de la courbe de sa joue, doigt dont l’ongle commençait déjà à s’allonger. Assouvissait-il ses désirs physiques en se servant des jeunes femmes du club ? Oui. Même les vampires avaient une sexualité à combler. Mais il détestait l’idée de prendre une maîtresse et la jolie créature présentement sur ses genoux n’avait pas les yeux et les cheveux de la bonne couleur. Et son parfum n’était pas à base de rose. Pour l’instant, Rafe n’était pas d’humeur à soulager la tension de son sexe, surtout s’il était possible qu’il aperçoive Elizabeth à la soirée de Montgarret. Il souhaitait paraître plus honorable qu’elle ne le pensait probablement être – qu’il ne pensait lui-même être. La faim qui le dominait dicta les mots qu’il prononça ensuite. Les petites gouttelettes de sang que la prostituée lui avait offertes ne suffisaient pas.

    — Mais non. Je n’aurai pas besoin de ce genre de service, ce soir.

    Elle étira les lèvres en un sourire séducteur et une goutte de sang s’y attarda, hypnotisante. Les pointes durcies de ses seins étaient soulignées par le vêtement léger qu’elle portait et elle se tortilla sur ses genoux, coquine et totalement dévergondée.

    — Peut-être tout à l’heure ? J’avais espéré pouvoir profiter de vous tout entier, ce soir.

    — Navré de vous décevoir.

    Et pourtant, son membre se dressait fermement et, malgré lui, il laissa échapper un gémissement. Non, Rafe. S’il souhaitait faire bonne impression à Elizabeth, il fallait qu’il réprime certaines de ses pulsions.

    La jeune femme fit la moue.

    — Qu’attendez-vous de moi ?

    Oh, elle le savait. Bien sûr qu’elle le savait. C’était la raison pour laquelle ces jeunes femmes résidaient à l’intérieur du club ; elles avaient une utilité spécifique. Elles en étaient averties avant d’y entrer, car ces jeunes femmes n’étaient pas stupides et elles étaient largement récompensées pour leur discrétion, pour leurs services – et pour leur sacrifice. Leurs besoins financiers étaient couverts et elles ne manquaient de rien car les fondateurs du club ne l’envisageaient pas autrement. Rafe avait besoin de se nourrir et il préférait le faire dans un environnement sécurisé plutôt que d’errer dans les rues de Londres après la tombée de la nuit, à terroriser les citoyens en courant le risque de s’abreuver d’une victime insipide.

    — Votre sang, très chère, murmura-t-il.

    Le frisson qui la parcourut se transmit à lui. Doucement, il lui releva le menton et lui inclina la tête sur le côté afin que la colonne ivoire de son cou soit exposée.

    — Êtes-vous disposée à le faire ?

    Cela n’avait pas d’importance, bien sûr, mais c’était plus facile si les victimes étaient consentantes.

    Elle inclina tout son corps contre le sien, s’allongeant sur lui, son souffle lui réchauffant le menton. Son désir ne faisait aucun doute.

    — Oui, mais je préférerais que vous utilisiez tout ce que j’ai à offrir. Cela rend la morsure bien plus agréable.

    Rafe réprima son envie de sourire. Il avait un certain talent pour les étreintes charnelles, mais il n’était pas d’humeur à s’y adonner ce soir. Oui, cela faisait de lui un membre populaire du club, mais ces relations étaient vides de sens. Vitales pour son bien-être, bien sûr, mais sans le moindre sentiment attaché à ces accouplements, elles le laissaient froid. Le fait qu’il n’ait couché avec aucune femme depuis des mois en disait long.

    — Je parie que vous rendez la chose très agréable, mais je dois décliner à nouveau car j’ai d’autres obligations pour la soirée.

    Les femmes, ici, n’étaient là que dans un but bien précis et c’était tout. Au moins, lorsqu’elles entraient au Bête Noire, elles évitaient la rue et vivaient une vie meilleure. Il n’y avait qu’une règle à l’intérieur du club : ne jamais former d’attachement ni développer de tendres sentiments pour les jeunes femmes qui vivaient sous ce toit.

    — Je peux faire en sorte que cela en vaille la peine, Monsieur.

    Elle avait la voix douce et séductrice, très tentante.

    Mais elle n’était pas la femme qu’il désirait par-dessus tout.

    — Peut-être un autre soir.

    Tout en maintenant sa prise sur le menton de la jeune femme, Rafe plongea son regard dans le sien. L’anneau autour de ses pupilles flamboya d’un éclat rouge et ainsi, le processus d’hypnose captura la pleine attention de la jeune femme. Elle écarquilla des yeux assombris par le désir, qui reflétaient l’émerveillement, et elle se laissa aller entre ses bras. L’hypnose d’un vampire plongeait la victime choisie dans un état second, ce qui était pratique pour se nourrir en toute sécurité. Si les victimes se débattaient, le risque de leur arracher la gorge était bien réel. Et Rafe n’était pas un tueur.

    — Je vous remercie pour votre don, murmura-t-il.

    Puis il posa la bouche sur son cou et descendit jusqu’à la jugulaire. Le rapide battement du pouls de la jeune femme palpitait sous ses lèvres.

    Sans attendre, il ouvrit grand la bouche, puis avec une force et un savoir-faire perfectionnés longtemps auparavant, Rafe plongea ses crocs dans la peau de la jeune femme, lui perforant l’artère principale. Le sang, épais et chaud, jaillit dans sa bouche et il installa la jeune femme plus confortablement dans ses bras tandis qu’il s’abreuvait d’elle.

    Grand Dieu, c’était peut-être le pire des péchés, mais un péché au goût du nectar le plus doux. La seule chose qui soit encore meilleure était de jouir juste avant la morsure.

    Il suça avidement le cou offert de la jeune femme, avalant le liquide salvateur, sa principale source d’alimentation, tandis qu’elle se tortillait sur ses genoux en laissant échapper de petits soupirs de satisfaction. Quand avait-il réellement apprécié de la nourriture normale au cours d’un dîner pour la dernière fois ? Il ne s’en souvenait plus, mais il en mangeait quand c’était nécessaire. Il gémit en se régalant de la savoureuse catin entre ses bras tandis qu’elle le fixait de ses yeux ouverts, figés par l’hypnose, le plaisir se lisant sur son visage. Il avait l’impression d’être adultère, en un sens. Chaque fois qu’il se nourrissait de l’une des prostituées du club, elle ne se souvenait de rien au matin. De rien en dehors de la sensation d’avoir ressenti une intense jouissance, car c’était un effet secondaire de sa morsure. Lui-même ne tirait aucun plaisir de cette sorte d’intimité.

    Je fais ce qu’il faut pour survivre.

    Mais il ressentait toujours un manque. Une part de lui se languissait toujours de quelque chose d’autre, dans la vie.

    Il combla enfin sa soif, mais s’arrêta assez tôt pour ne pas laisser la jeune femme exsangue. Cela n’aurait pas été intelligent de sa part et il n’avait pas pour habitude de tuer les femmes pour se rassasier. Il était peut-être l’envoyé du diable, comme disaient les rumeurs, mais il n’était pas un criminel... du moins pas un criminel ordinaire. Il releva la tête. Du sang coula sur son menton. Ses narines s’emplirent de cette odeur métallique qui lui procura un étrange réconfort.

    Quelle ironie ! Sucer le sang d’une victime était-il considéré comme un acte immoral ? Dans certains cercles – dans la plupart – c’était le cas, mais pour lui, c’était une obligation qui lui avait été imposée s’il voulait vivre un jour de plus piégé par cette fichue malédiction. Lequel de ces deux crimes était le plus grand ?

    La jeune femme ferma les yeux lorsque l’hypnose prit lentement fin. La sédation induite par sa morsure, provenant d’une légère toxine délivrée dès que ses crocs perçaient la peau, alourdit les membres de la prostituée et elle glissa dans le sommeil avec un sourire satisfait et un petit frisson.

    Rafe lécha la plaie que ses crocs lui avaient occasionnée dans le cou. Point positif de la malédiction, sa salive contenait un composé qui guérissait les blessures qu’il causait. Tout comme la toxine détendait ses victimes, sa salive permettait de cicatriser les marques de morsure. Au matin, il ne resterait aucune trace de son passage, que ce soit sur la peau de la jeune femme ou dans ses souvenirs.

    Il eut un rire désabusé en la soulevant dans ses bras pour se lever du fauteuil. La

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