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Les Gardiens de l'Ordre Sacré: Tome 2 : L’Archange
Les Gardiens de l'Ordre Sacré: Tome 2 : L’Archange
Les Gardiens de l'Ordre Sacré: Tome 2 : L’Archange
Livre électronique397 pages11 heures

Les Gardiens de l'Ordre Sacré: Tome 2 : L’Archange

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À propos de ce livre électronique

Il est son sauveur. Elle est sa rédemption.

Gabriel est un gardien de l’Ordre Sacré, dont la mission est de veiller sur la frontière entre les mondes et leurs peuples. Bien qu’accaparé par ses récentes responsabilités, il va devoir déjouer un nouveau complot menaçant l’équilibre précaire entre les Hommes et les Immortels, et sauver la vie de Caroline, une femme à qui il est déjà venu en aide quatre ans plus tôt.
La jolie danseuse l’ignore encore, mais elle est un pion essentiel sur l’échiquier machiavélique des ennemis de l’Ordre Sacré.

Pour mener à bien sa mission, Gabriel pourra compter sur le soutien d’Alastar et de ses nombreux alliés, mais son passé pourrait bien le rattraper et tout bouleverser, car le spectre du chaos se tapit dans l’ombre, attendant le moment propice pour frapper.

« L’Archange » est le second tome de la trilogie des « Gardiens de l’Ordre Sacré », personnages issus de l’univers Entre II Mondes.
Après l’histoire d’Alastar, l’énigmatique Highlander et protecteur de Moïra, découvrez celle de Gabriel, le guerrier au regard émeraude.
Bien des secrets peuvent se dissimuler derrière un irrésistible sourire canaille...

LangueFrançais
Date de sortie13 nov. 2017
ISBN9782370115874
Les Gardiens de l'Ordre Sacré: Tome 2 : L’Archange

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    Aperçu du livre

    Les Gardiens de l'Ordre Sacré - D. Lygg

    cover.jpg

    LES GARDIENS DE L’ORDRE SACRÉ

    Tome II : L’Archange

    D.Lygg

    Published by Éditions Hélène Jacob at Smashwords

    Copyright 2017 Éditions Hélène Jacob

    Smashwords Edition, License Notes

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    © Éditions Hélène Jacob, 2017. Collection Fantasy. Tous droits réservés.

    ISBN : 978-2-37011-587-4

    À toutes les admiratrices du fringant gardien au regard émeraude.

    Il y a fort longtemps, le Dieu créateur donna vie à deux nouvelles races : humaine et féerique. Cependant, après une ultime et violente rébellion, il comprit que ni l’une ni l’autre ne réussirait à cohabiter sans se mettre mutuellement en danger. Il décida donc d’attribuer à chacune sa terre.

    À la destruction de son Temple, il se retira, les abandonnant à leur sort. Elles seraient seules responsables de leur destinée. Mais avant de disparaître, il plaça une partie de ses immenses pouvoirs dans ce qui serait nommé plus tard : les Autorités Supérieures et l’Oracle.

    L’Oracle : une entité à l’origine de la formation de l’Ordre Sacré des Gardiens du Temple.

    Les Gardiens : garants de la sécurité des peuples et de la frontière entre les mondes. Une armée de guerriers d’élite immortels choisis pour leurs exceptionnelles aptitudes au combat, leur courage, mais aussi leurs âmes…

    Prologue

    Valle Nevado, 3 670 mètres d’altitude. 6 septembre 2017.

    L’homme enfilait ses gants et, presque machinalement, passa son index sur la marque de naissance qu’il arborait à la main gauche. Il vérifia ensuite son équipement avant de pouvoir partir à l’assaut de la montagne. Il avait hâte de dévaler la piste noire de cette grande station située à une quarantaine de kilomètres de Santiago du Chili, la capitale. Il n’avait pu résister à l’envie de s’y rendre pour jouir, une dernière fois avant la fin de la saison, du bien-être que lui procurait la glisse. Bien chaussé et paré, il donna une impulsion sur ses skis et bâtons pour s’élancer.

    Il était à l’aise. Ses mouvements étaient tout en fluidité et contrôlés, afin de gagner en rapidité. Un lent sourire s’étira sur ses lèvres alors qu’il se délectait de cette sensation, entre absolu plaisir, pour lui l’amateur de vitesse, et adrénaline, une résultante de la raideur de la pente à affronter. Peu de monde l’avait suivi jusqu’à cette hauteur et il était à présent seul au milieu de ce vaste paysage immaculé.

    Toujours concentré sur sa descente infernale, il ne perçut pas tout de suite la présence du duo de silhouettes blanches, surgi de nulle part et qui l’encadrait à présent. Quand il les détecta, il se douta, à leur comportement, qu’elles n’étaient pas là pour profiter du domaine skiable. Il accéléra alors, sans pour autant perdre de vue sa propre sécurité. Nul besoin d’aller se rompre le cou, bêtement, pour se soustraire à la compagnie d’une bande de trouble-fête.

    Certain de les avoir distancés, il pesta contre eux en les découvrant à seulement quelques mètres de lui.

    Mais qu’est-ce que ces types lui voulaient, à la fin ?

    À peine eut-il cette pensée que l’un d’eux prit de la vitesse et se jeta sur lui sans considération pour la dangerosité de son geste. Ils dévalèrent la montagne dans un enchevêtrement de membres, en criant, avant d’être stoppés par une bosse. Là, l’homme essaya de se défaire de l’emprise de son agresseur, mais celui-ci sortit une dague de son manteau et le menaça avec. Loin de se laisser impressionner, le sportif lui assena un violent coup de poing pour se libérer. Quand la tête de son adversaire partit en arrière, il vit son acolyte approcher. Il n’eut pas le temps de l’envoyer au diable que l’autre le frappa à la tempe avec le manche de son poignard.

    Les ténèbres l’engloutirent.

    – 1 –

    Octobre 2017.

    Inconsciente du regard posé sur elle, Lucinda pénétra à l’intérieur du Starbucks Coffeehouse avec quelques minutes de retard à son rendez-vous. Une collègue de travail, soi-disant experte en relations amoureuses, lui avait conseillé de ne pas se présenter à l’heure prévue pour « faire bien », avait-elle dit. Peu sûre d’elle, mais désireuse de renvoyer l’image d’une personne indépendante, déterminée et sexy, la jeune femme s’était efforcée de suivre les recommandations de son « experte », même si, pour cela, elle avait dû se faire violence, car, à la vérité, elle attendait cette rencontre avec autant d’impatience qu’un enfant l’arrivée du père Noël.

    Du haut de son observatoire, Gabriel sourit en la voyant réajuster sa coiffure après avoir frotté ses mains moites sur les pans de son imper beige. Il surveillait la femme depuis bien assez de temps pour reconnaître les signes distinctifs de son agitation. Depuis des millénaires, cette race l’avait toujours fasciné : les mains moites, la tension ou les tics nerveux n’avaient jamais aidé qui que ce soit à passer avec brio un examen, et pourtant, les Hommes ne pouvaient s’empêcher de ressentir au moins un de ces symptômes, lorsqu’ils affrontaient une épreuve qu’ils jugeaient importante. De même, tout en sachant à quel point leur vie sur terre était courte, ils vivaient le peu d’années qui leur était imparti avec plus de passion qu’un immortel. Il aimait la force qu’ils mettaient dans leurs convictions, mais également dans leurs contradictions, notamment en matière de religion ; lui-même était bien placé pour les avoir vus accomplir des choses aberrantes, tout en les attribuant à la volonté d’un Dieu qu’ils vénéraient, oubliant, au passage, qu’ils bafouaient les préceptes prônés par ce même Dieu. Gabriel avait pour habitude de dire que, si les voies du Créateur étaient impénétrables, celles guidant les mortels dans leurs actions l’étaient davantage.

    Les Hommes… cette race se croyant supérieure en tout, au-dessus des autres espèces… Et cependant, elle en connaissait si peu sur son propre monde et sa véritable histoire… L’idée de devoir accompagner certains élus sur la route du savoir universel le laissa pensif un court instant et l’effraya en même temps.

    Le trottoir en ville avait été rendu glissant par la pluie qui n’avait cessé de s’abattre durant l’heure passée dans le café. Jetant un regard las alentour et consultant sa montre une dernière fois, Lucinda décida qu’il ne servirait à rien d’attendre plus longtemps que son rendez-vous daigne se présenter. Il y avait des jours comme ça, où tout semblait aller de travers, et où la jeune femme se disait qu’elle aurait mieux fait de rester chez elle, sous la couette avec un bon livre et du thé au miel.

    Pff…

    Et dire que sur les photos qu’il lui avait envoyées, à l’occasion d’une de leurs nombreuses conversations par mail et SMS, il ressemblait à s’y méprendre à Ian Somerhalder.{1}

    La poisse, vraiment !

    Celle ainsi abandonnée maugréa quelques minutes sur son infortune et sur les hommes, « ces immondes salopards », sans cœur ni cervelle. Trop occupée à rebaptiser son galant (pas si galant) de divers noms hauts en couleur, elle n’avait pas remarqué que le ciel s’était assombri. L’allure menaçante des nuages n’annonçait rien de bon pour le reste de la soirée.

    Au moment où le talon d’un de ses escarpins rendit l’âme, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase ; un récipient déjà à ras bord depuis plusieurs jours. Elle proféra alors un flot de jurons qui poussa à se retourner les quelques passants non loin d’elle. Une dame sursauta quand elle s’empara de la chaussure, bonne à jeter, pour la balancer dans la poubelle la plus proche ; lancer qu’elle manqua lamentablement. De rage, elle ramassa et fourra, plus qu’elle ne le mit, l’escarpin dans la benne. Les nerfs de la charmante Lucinda lâchèrent devant tant d’injustices subies en l’espace de quelques heures. Elle avait raté de peu son examen du permis de conduire, sa chaudière venait de tirer sa révérence, son rendez-vous avec le sosie de Damon revêtait des allures de gros lapin. Sans compter que ses efforts pour ressembler à une femme fatale, ce soir, avaient tout du flop retentissant ; surtout si l’on prenait en considération son talon cassé, sa mine ravagée par une crise de larmes amère et son brushing aussi raplapla qu’un soufflé sorti du four il y a cinq heures. Pourtant, depuis qu’une de ses connaissances, voyante, selon ses dires, lui avait prédit un prochain grand bouleversement dans sa vie après le pire, elle avait voulu y croire. Elle l’avait fait de toutes ses forces, pour enfin ne plus se sentir différente, en décalage.

    Tu parles ! Chienne de vie ! Je hais ce monde !, pensa-t-elle, en regrettant également son emportement.

    Une impulsivité qui lui avait fait jeter sa chaussure aux ordures alors qu’elle aurait à emprunter le métro pour regagner son domicile. Avisant ses pieds, elle grimaça, car elle ne donnait pas cher de son collant après ça. Elle prit conscience qu’il lui faudrait aller récupérer sa pantoufle de cuir parmi les détritus malodorants.

    Pauvre Cendrillon…

    Refoulant toute dignité, elle s’apprêtait à avancer quand elle tomba nez à nez avec un inconnu. Comme pour lui permettre de mieux contempler le visage de celui-ci, les nuages se dissipèrent par magie et les premiers rayons de soleil de cette horrible journée trouèrent le ciel blanc. Contre toute prévision, le temps clair était de nouveau de retour. La jeune femme ne sut jamais si les rougeurs qu’elle devinait sur ses joues étaient une résultante de la chaleur retrouvée ou du regard insistant de l’homme sur elle. Quoi qu’il en soit, elle aurait donné une fortune pour appuyer sur pause et se refaire une beauté afin d’être présentable. Et lorsque les deux émeraudes servant d’yeux au superbe inconnu la détaillèrent avec une lueur d’amusement, elle comprit que son visage devait être en feu, elle le sentait…

    Punaise !

    — Je pense que ceci vous appartient…, dit l’homme de sa voix grave, en lui tendant son soulier de cuir.

    Elle s’entendit bredouiller de timides remerciements. Toutefois, au lieu de prendre son bien, elle eut ce réflexe étrange de réajuster sa misérable coiffure pour rattraper ce qui pouvait l’être de sa fierté toute féminine et paraître à son avantage.

    Son geste arracha un sourire à Gabriel. La fille était délicieuse, mais n’en avait pas conscience. Sa petite crise de nerfs, après ses déboires du jour, l’avait également amusé. Filer, durant plusieurs jours, les êtres éveillés n’était pas une partie de plaisir pour le gardien, mais telle était sa mission, il l’accomplirait donc. Celle-ci incluait de se mettre sur la trace de cette femme : Lucinda. Un bien joli prénom, pensa-t-il, et qui lui allait à merveille. Il s’était intéressé à sa façon d’aborder les choses, les gens, la vie. Et, aussi étrange que cela pût paraître, cette mignonne petite créature aux joues plus rouges qu’un coquelicot était une éveillée, une qui aurait accès à un savoir ancestral, bien que disparu depuis bien longtemps chez les Hommes. Sur la totalité des habitants des terres mortelles, une poignée seulement pourrait bientôt se targuer d’avoir reçu la visite d’un serviteur de l’Ordre Sacré pour lui ouvrir les portes de la connaissance, celle d’un monde oublié, mais auquel ils appartenaient autrefois. Cela n’était pas une étape dans la réunification des deux terres, mais constituait néanmoins une avancée pour rapprocher leurs peuples.

    Après un instant de flottement, la jeune femme se saisit de l’escarpin sous l’œil attentif de Gabriel. Ce dernier ne cessait de la dévisager pour mieux l’examiner : était-elle prête ?

    — Je…, enfin, j’ai…, merde ! marmonna Lucinda, à laquelle le regard appuyé du gardien faisait perdre ses moyens.

    — Êtes-vous Lucinda Kerr, se décida-t-il à lui demander, par pure forme.

    — Ou… oui, comment me connaissez-vous ?

    Un sourire énigmatique s’étira lentement sur les lèvres ourlées de Gabriel.

    — C’est une longue histoire, même si je serais ravi de tout vous expliquer, mais plus tard, dit-il, en arborant une expression charmeuse.

    Lucinda retint, de justesse, un soupir digne d’une groupie amourachée. Du plus loin qu’elle se souvînt, elle n’avait jamais eu un comportement si puéril et ridicule face à un homme, aussi beau fût-il !

    — Mais vous…, je…

    — Votre téléphone portable, ajouta-t-il en désignant le sac à main de la fille.

    Elle fronça les sourcils, incertaine de comprendre où il voulait en venir. Désirait-il son numéro de mobile ? En voilà une drôle manière de lui demander, mais, ma foi, elle était prête à lui donner. Avec un physique pareil, il pouvait bien se permettre quelques excentricités dans ses façons d’aborder les femmes.

    — Il s’est éteint, lui expliqua-t-il, alors qu’elle était occupée à réfléchir. Je pense qu’une personne a essayé de vous joindre. Celui dont vous maudissiez le nom tout à l’heure.

    Deux larges fossettes se dessinèrent sur les joues de Gabriel, qui ne cherchait même plus à contenir son amusement. Lucinda, quant à elle, ne masquait pas son étonnement. Sans vraiment y songer, elle attrapa son mobile au fond de son sac et constata que son téléphone avait redémarré, attendant qu’elle veuille bien le débloquer en tapant le code pin, ce qu’elle fit. Quelques secondes plus tard, plusieurs bips retentirent à la suite et la sonnerie de son répondeur manqua de la faire sursauter. Fébrile, elle porta son cellulaire à l’oreille et écouta les messages laissés à son attention. Les yeux de la jeune femme s’écarquillèrent sous la surprise. Médusée, elle dévisagea Gabriel. Ce dernier était passé, en quelques minutes, de charmant spécimen à dangereux alien !

    — Mais qui êtes-vous, enfin ?

    Le gardien prit son temps pour l’éclairer. Il planta son incroyable regard émeraude dans celui de la fille :

    — Juste un ami qui vous veut du bien. Je reviendrai une autre fois.

    Elle ouvrit la bouche pour protester, mais il la coupa :

    — Je vous souhaite une bonne soirée, Lucinda. En compagnie de… Ian, c’est ça ? ricana-t-il, comme s’il avait lu dans ses pensées

    ***

    Au Temple, perché dans la brume.

    Gabriel jeta un parchemin sur une pile impressionnante de dossiers, dont il avait la responsabilité. Pourquoi, diable, la tâche de guider les éveillés incombait-elle aux gardiens de l’Ordre Sacré ? Ils avaient bien mieux à faire, bon sang ! Comme empêcher les démons et autres créatures de s’infiltrer dans le monde humain, et inversement, prévenir le fait que certains mortels, par des séances hasardeuses de spiritisme ou sorcellerie mal maîtrisées, ne fassent une fort mauvaise rencontre. Il soupira et cala son dos sur la chaise de son bureau tout en plaçant ses mains sur son visage fatigué. Des bruits de pas dans le couloir lui indiquèrent qu’il allait avoir de la visite. Il avait déjà deviné l’identité du nouveau venu quand celui-ci passa la porte. À la mine contrariée de celui-ci, en tout cas plus que d’habitude, il soupçonna que quelque chose accaparait l’esprit, en perpétuel tourment, de son frère. Gabriel craignit de savoir qui était à l’origine des plis soucieux sur le front d’Alastar.

    — Je ne pensais pas te voir maintenant. Ne devais-tu pas te charger de l’entraînement de Jayden ? Un problème ? demanda Gabriel en observant le gardien prendre place en face de lui l’air soudain las.

    Un long silence s’ensuivit, seulement troublé par le son produit par les doigts de Gabriel pianotant sur le bois de la table.

    — Non, se décida finalement à répondre Alastar. Tout se passe bien avec Jayden, enfin autant que cela soit possible, compte tenu de son caractère de gamin insupportable.

    Le rire de Gabriel résonna dans la pièce :

    — Comme tu y vas, mon frère ! Je te le concède, Jay n’est encore qu’un enfant si on compare son âge à celui que nous devrions avoir, toi et moi. Bref, il ne m’a pas semblé si difficile que cela à apprivoiser, si ?

    En dépit de son humeur en demi-teinte, Alastar esquissa un sourire en entendant la remarque lancée par Gabriel à propos de « l’apprivoisement » de la dernière recrue. Jayden était apparu aux portes du Temple, quatre ans plus tôt, autant dire depuis peu de temps à l’échelle des gardiens. Toutefois, et ce, malgré le peu d’années écoulées depuis sa venue, Jay semblait à présent s’être parfaitement bien adapté à son nouvel environnement, tout comme il avait relativement bien intégré la mission qui serait la sienne, désormais, au sein de l’Ordre Sacré. Tout cela aurait pu être considéré comme un début très positif si la recrue ne s’était pas avérée être un brin incontrôlable. Jayden Arker était un véritable chien fou, comme se plaisait à le surnommer Ahawk, l’Indien, un autre guerrier. Si ses capacités de combattant n’avaient fait aucun doute dès le départ, la discipline et la retenue ne suivaient pas forcément ; un fait étonnant quand on savait que le sergent Arker avait un passé de militaire dans sa vie de mortel. Il fallait donc croire que son arrivée chez les gardiens avait déclenché le côté fougueux et intrépide de l’individu. Un jeune homme de vingt-six ans propulsé dans un monde jusque-là inconnu pour lui, et même à mille lieues de ce qu’il aurait pu imaginer. Ses débuts au Temple n’avaient pas été simples, Jay ayant refusé en bloc ce qui lui tombait dessus avant de reconnaître la situation.

    Quand il arrivait à Alastar de se remémorer son premier jour au sein de l’Ordre Sacré, il se disait qu’il avait assez bien accepté la chose, bien que lui aussi ait d’abord nié les paroles d’Elias.

    Elias

    Peu désireux de faire ressurgir des images de son ancien mentor, notamment leur dernière entrevue, alors que celui-ci avait été ramené du royaume des morts par un nécromancien peu scrupuleux, Alastar reporta son attention sur Gabriel. Celui-ci passait, d’une manière distraite, son pouce sur sa lèvre inférieure, signe qu’il était également perdu dans ses pensées. Peut-être se souvenait-il des circonstances qui l’avaient conduit à intégrer l’Ordre Sacré ?

    L’arrivée du gardien, au regard aussi vert que la pierre de son anneau, était exceptionnelle, si bien que peu de monde était dans le secret. Une seule personne l’avait été et elle n’était plus là pour en parler.

    — Ce n’est pas Jay qui m’inquiète en ce moment, c’est…

    Alastar hésita quelque peu avant de poursuivre. Il savait qu’il pouvait s’en remettre à Gabriel. Ils étaient frères d’armes, amis, et se faisaient mutuellement confiance après des siècles à combattre côte à côte. Cependant, l’alarmer, sans doute pour rien, sur la situation dans laquelle se trouvait son ancienne protégée, n’était probablement pas judicieux. Il décida d’orienter leur conversation vers un sujet en lien avec leur mission. Il désigna d’un geste du menton la pile de dossiers qui éclipsait presque le gardien face à lui :

    — Ça avance bien ?

    Gabriel se passa une main dans ses cheveux bruns et soupira de manière théâtrale :

    — Eh bien…, cela va prendre un certain temps de tous les réunir et de trancher si oui ou non certains d’entre eux auront le privilège d’accéder à leurs origines. Mais, si tu veux mon humble avis, nous avons mieux à faire que de nous occuper de ça, dit Gabriel en pointant de l’index le tas de paperasse sur son bureau.

    — Je pourrais t’aider, même si mon jugement s’avérerait sans doute plus sévère que le tien.

    Les lèvres de Gabriel s’étirèrent en un lent sourire. Ce que venait de confesser Alastar était pour lui un doux euphémisme. Il était au fait de la méfiance et la faible estime que plaçait celui-ci en la nature humaine. Il est vrai qu’il connaissait une partie du passé de l’ancien Highlander et les trahisons qu’il avait dû affronter. De plus, on ne vivait pas des siècles et des siècles à veiller sur les mortels sans éprouver un minimum de scepticisme quant au bon sens et à la sagesse de ces derniers. Comment réagiraient les Hommes en apprenant l’existence d’un autre monde ? Chercheraient-ils à en prendre le contrôle ? Le dépouilleraient-ils de ses richesses comme ils l’avaient fait avec le leur ?

    D’un autre côté, les êtres féeriques n’étaient pas exempts de reproches. Beaucoup, à commencer par les sorciers, étaient attirés par le pouvoir absolu, et régner sur les deux territoires était tout en haut de la liste de ces individus plus que mal intentionnés.

    Gabriel se redressa et frappa ses paumes contre le bois de la table :

    — On ne change pas nos plans. Tu t’occupes de Jay et, crois-moi, tu n’as pas fait une bonne affaire, lorsque nous avons convenu de la répartition des tâches !

    La remarque eut le don d’amuser son frère de l’Ordre.

    — Et moi, je me charge de… ça, poursuivit-il, un brin dégoûté. Je prendrai quelques hommes supplémentaires pour me faire un rapport sur quelques-unes de ces personnes.

    Alastar acquiesça. Il s’apprêtait à prendre congé quand Gabriel ajouta :

    — Et comment se porte ta chère petite fée ?

    Le gardien plissa le front sous le coup de la surprise. Comment son ami savait-il qu’il avait rendu visite à Moïra ? Soudain, il comprit de qui voulait parler Gabriel.

    — Elle va bien… Enfin, je l’espère.

    Son interlocuteur hocha la tête en faisant une moue équivoque :

    — Tu… l’espères ? Depuis combien de temps n’as-tu pas été la voir exactement ?

    Ce fut au tour d’Alastar de se passer la main dans sa tignasse en désordre et de soupirer.

    — Assez pour ne pas donner une réponse ferme à ta question.

    Comprenant que son ami ne lui disait pas tout, Gabriel crut bon de l’encourager :

    — Mais encore… Un problème entre vous ?

    Alastar pinça les lèvres, signe chez lui d’une très grande contrariété. Il ne désirait pas s’étendre sur le sujet de discorde entre lui et celle qui était devenue sa compagne à la suite de leur rencontre, lors d’une de ses précédentes missions. Une mission au terme de laquelle Gabriel et lui-même s’étaient retrouvés à la tête de l’Ordre Sacré, après la trahison de Goren.

    — C’est…, c’est compliqué, tenta d’expliquer l’ancien Highlander en se repassant une main fébrile dans les cheveux.

    Gabriel acquiesça, comme pour signifier à Alastar que oui, il avait compris où il voulait en venir. Il planta ses coudes sur la table en bois massif lui servant de bureau et croisa les doigts en dessous de son menton. Ses profondes fossettes réapparurent, alors qu’il mordait sa lèvre inférieure en une moue contrariée :

    — Tu m’en diras tant ! Notre chère Nel a du mal à se faire à sa vie là-bas. Le retour au bercail est compliqué, c’est ça ? dit-il en observant son vis-à-vis.

    Ce n’était pas véritablement une question. Bien que ne l’ayant pas revue récemment, Gabriel se doutait qu’Aeneor, l’ancienne suivante de Breda la blanche fée, devait éprouver des difficultés à s’adapter à sa nouvelle condition. La Silly, une protectrice, avait accepté de quitter les siens, sa terre, pour veiller sur l’enfant de sa souveraine, dont l’existence était menacée par les Autorités Supérieures. Ces entités mystérieuses régissaient d’une main de fer les lois de passage, afin de préserver de toutes traces humaines le monde féerique. Ces mêmes entités n’avaient pas hésité à exiler Aoden, l’époux de Breda, dans les glaces éternelles du Grand Nord, pour punir Breda de s’être liée à un mortel, la privant d’une partie de ses dons. Ce fut pour soustraire son enfant à leur impitoyable courroux que la souveraine avait demandé à sa fidèle Aeneor et aux deux elfes, qui avaient trouvé refuge en son royaume, de suivre et de veiller sur sa fille dans le monde des Hommes. L’endroit où elle l’avait envoyée pour sa survie.

    Moïra

    Bien des siècles plus tard, Alastar, après s’être vu confier une mission sur terre par Goren, avait retrouvé la trace de la jeune fée de sang-mêlé. Elle était menacée par des Darkanns, des démons, et des Sidhes, agissant pour le compte d’Etar – un sorcier nécromancien revenu des enfers grâce à un pacte passé avec l’Ombre en personne – et il lui était venu en aide. Le gardien l’avait protégée et lui avait révélé la vérité sur ses origines. L’enchaînement des événements avait non seulement permis à Alastar de découvrir l’existence de Moïra, mais également celle d’un complot visant à asservir les peuples sous le joug d’Etar. Le destin, quant à lui, avait de nouveau placé l’amour sur sa route en la personne d’Aeneor, appelée Eleanor dans le monde humain. Eleanor ou celle qui avait réalisé l’impensable : faire rebattre ce cœur qu’il croyait mort à tout jamais.

    Alastar soupira :

    — Elle essaye de me le cacher, mais je vois bien que ça ne va pas. À chaque fois que je tente d’aborder le sujet, elle se braque. Et si ce n’était que ça…

    Le guerrier était impuissant, ne pouvant mettre un terme au malaise grandissant de sa compagne. Gabriel éprouva de la compassion pour son meilleur ami. Ce n’était un secret pour personne qu’Alastar aimait sa fée, et ce simple fait était à l’origine de bien de tourments pour l’ancien Highlander ; comme lorsqu’il l’avait crue morte avant qu’elle ne soit miraculeusement ramenée à la vie par le Grand Arbre de l’île d’Avalon. Elle avait également combattu en première ligne dans la guerre qui avait opposé l’armée du peuple libre, composée des elfes blancs du Sidh et des autres créatures féeriques, contre les forces de l’Ombre, dirigées par Etar lui-même. Après la victoire des gardiens et de leurs alliés, elle était revenue parmi les siens, mais plus en tant que Silly. Aeneor, par la grâce de l’esprit sacré du Grand Arbre, était devenue une fée supérieure, tout comme Breda. Ce nouveau statut, aussi bien que le fait de devoir abandonner sa vie sur terre, lui pesait ; cela et le non-accomplissement d’une de ses toutes premières visions. Toutefois, de cela, Alastar ne pouvait en parler à Gabriel, puisque lui-même n’était pas certain qu’elle se concrétiserait un jour. Mais, si cela devait se produire…

    Son cœur se serra à cette pensée, car il y a bien longtemps qu’il avait fait le deuil d’une famille, la sienne, et de l’idée de devenir père un jour.

    — Que te dire, Brathair… Tu sais que je l’aime. Comment ne pas l’aimer, cette chipie de fée. Mais ce qu’elle a vécu est unique, en plus d’être traumatisant. À vous deux, on pourrait écrire des romans ! plaisanta Gabriel.

    Alastar le regarda sans expression aucune sur le visage. Le gardien était épuisé, entre sa relation avec Aeneor et sa charge de chef de l’Ordre Sacré. Une fonction qu’il partageait avec Gabriel depuis la trahison de Goren, parti rejoindre le camp du sorcier nécromancien pour contenter son ambition démesurée et sa soif de reconnaissance, qu’il estimait insatisfaisante chez ses frères d’armes.

    Après un court silence, Gabriel reprit la parole l’air plus sombre :

    — Seulement, le mal-être de ta femme te ronge et t’embrume l’esprit. Il faut que vous régliez tout cela, car ça pourrait mettre en péril tes missions. Je ne te parle même pas de l’entraînement de Jay, chose bien assez éprouvante en soi, sans devoir rajouter des soucis par-dessus le marché. Alastar, je te le dis en toute honnêteté et sans gaieté de cœur : trouve une solution à tes problèmes avec Nel ou renonce à elle. Le profond attachement que tu as pour elle pourrait te conduire à t’éloigner de ton devoir, d’ailleurs, dois-je te rappeler son importance ? Bien sûr que non… Fais-le, mon frère, règle ce souci sans tarder. Tu as failli sombrer par le passé à cause des sentiments que tu ressens pour elle, ne refais pas cette erreur. Soyez heureux tous les deux, ou faites une croix l’un sur l’autre.

    Alastar s’attendait à ces paroles de la part de Gabriel, néanmoins, les entendre prononcer lui fit mal, horriblement mal. Comment pourrait-il renoncer à la meilleure chose qui lui soit arrivée depuis fort longtemps ? Non, il ne le pourrait pas, même pour son Ordre. Gabriel dut s’en douter, car il le regarda avec toute la compassion dont il était capable. Lui n’avait pas d’attache, son cœur et tout son être ne vibraient pas pour une personne, mais pour un objectif : mener sa mission de gardien à bien. Gabriel ne pouvait pas comprendre ; du moins ne le pouvait-il pas encore…

    — Jayden doit m’attendre. Je l’ai laissé avec Ahawk et j’ai un peu peur du résultat, annonça Alastar pour changer de sujet de conversation.

    Gabriel rit et l’atmosphère se détendit soudain. Il avait deviné qu’Alastar ne désirait pas, pour le moment, s’appesantir sur la question « Aeneor ». Il ignorait ce qui était vraiment à l’origine de leur différend, mis à part le problème d’adaptation de la fée ; toutefois, pour la connaître suffisamment bien, il savait à quel point elle aimait son ami. De même, Gabriel avait du mal à imaginer s’être trompé lorsqu’il avait dit à Alastar qu’elle était la meilleure chose qui puisse lui arriver. Elle avait réussi à chasser les démons du passé d’Alastar par sa fraîcheur et son authenticité. L’amour véritable possédait ce type de pouvoir. Évidemment, lui ne pouvait que le supposer, car jamais de sa très longue vie, il ne s’était attaché à quelqu’un de cette manière, pas plus que quiconque n’était parvenu à apprivoiser son âme solitaire. Son secret était comme un fardeau, bien trop lourd à porter, et il lui était impossible de le partager avec qui que ce soit.

    Décidant que leur entretien était terminé, Alastar se leva et prit la direction de la sortie. Avant de franchir le pas de la porte, il se retourna vers Gabriel, à qui il sourit :

    — Mon frère, toi aussi tu as une sale tête. Laisse pour un temps cette paperasse et viens t’entraîner avec nous. L’exercice te fera du bien, ou te serais-tu métamorphosé en un de ces gratte-papier tout ramollis ?

    Gabriel lui lança ce regard dont lui seul avait le secret et une lueur espiègle passa dans ses yeux.

    — Je crois que notre nouvelle recrue est en train de déteindre sur toi, Alastar. Fais attention, tu pourrais devenir méchamment drôle à

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