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Incidences
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Livre électronique202 pages3 heures

Incidences

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À propos de ce livre électronique

Tiraillée entre son désir d’être une bonne mère et celui de mener à bien sa carrière retrouvée, Ingrid va devoir affronter les diktats de son nouveau patron. Alors qu'elle est peu à peu submergée par la pression, le nuage sur lequel elle s’est reposée depuis trois ans va lentement se dissiper. Parviendra-t-elle à affronter la tempête qui s’annonce ? Sa famille deviendra-t-elle son refuge ou un piège qui va l’engloutir ?




À PROPOS DE L'AUTRICE

Abigaïl Lazare lisait des histoires du soir à ses enfants et, parfois, à court d'idées ou parce qu'il était tard, elle leur en inventait. Puis, un jour, elle a osé et les a écrites sur un cahier.

Un confinement, une remise en question, et trois années plus tard, l'autrice a décidé de se lancer et de sortir son premier roman. Au gré de ses observations, de ses expériences et de ses réflexions, elle a choisi de traiter du harcèlement et surtout de ses incidences pernicieuses et insidieuses. C'est ainsi, pendant que son premier roman reposait et mûrissait entre les mains de ses premiers lecteurs, qu' "Incidences" a vu le jour et devient son premier roman publié, mais le deuxième à avoir été écrit.






LangueFrançais
ÉditeurPLn
Date de sortie1 déc. 2023
ISBN9782959117213
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    Aperçu du livre

    Incidences - Abigaïl Lazare

    Chapitre 1

    Ils étaient trois alignés dans le bureau du fond, propre, presque clinique. Devant eux, la longue table de réunion. Tel un jury attendant de rendre son verdict, ils se protégeaient derrière cette frontière de bois artificiel. Ils n’avaient pourtant à redouter aucun assaut ; le pouvoir, c’était eux.

    Un homme assez vieux siégeait entre deux collaborateurs. Il portait des lunettes, vieilles elles aussi, sa tête était carrée sous des cheveux grisonnants et calamistrés ; elle ne put déceler si c’était délibéré ou s’ils étaient naturellement gras. Son regard et son visage étaient aussi austères que son corps était sec ; seul son ventre bedonnant dépareillait. Il passait d’une feuille à l’autre, les mains nerveuses, visiblement impatient d’en finir avec son passage en revue.

    Elle passa la porte vitrée et les salua. Son « bonjour » habituel de commerciale et son sourire enjôleur ne déridèrent pas le front de monsieur Magnan, qui ignora la main qu’elle lui tendait. Les yeux rivés sur ses papiers, il marmonna ce qu’elle crut prendre pour sa réponse. À sa gauche, un homme frêle, presque apeuré, plus jeune que le grand maître, la dévisagea avant de replonger le nez dans son dossier. Une femme d’une quarantaine d’années posait de l’autre côté ; elle ressemblait plus à une potiche faite pour retranscrire les ordres, que pour intervenir. Elle l’observa brièvement, sans sourire, et se tourna vers son gourou, attendant qu’il daigne prendre la parole.

    Ingrid avait préparé son entrevue, chez elle, au cas où, mais cela faisait si longtemps qu’elle était absente… Près de trois longues et douces années, sans eux. Le bonheur parfait. Sa liste de questions était courte, si elle avait su…

    La lettre avait été envoyée avec accusé de réception, quelques semaines plus tôt. Déjà, ça l’avait mise dans l’ambiance. Ce n’était pas une suggestion, mais ressemblait plutôt à une injonction. « Venez nous voir, nous sommes vos nouveaux patrons, convocation proposée tel jour, pendant tant de temps, sous-entendu que l’on voie à qui on a affaire. » Nathalie, l’assistante, qu’elle avait appelée pour savoir ce que signifiait ce courrier, lui avait dit que le nouveau patron souhaitait faire connaissance avec toute l’équipe.

    Soit ! J’arrive ! Mais les mains dans les poches, il ne faudrait pas exagérer non plus ! Je ne suis pas encore de retour, il me reste quelques mois à tirer tranquille avec mes bébés.

    Elle se l’était noté dans un coin de tête et avait continué de vivre ses derniers instants d’insouciance.

    Le jour où elle devait le rencontrer à l’agence était enfin arrivé. Ses collègues, qu’elle avait pris plaisir à passer saluer au sortir de la maternité, lui firent alors un accueil mitigé.

    Tiens !

    Ce patron n’était pas si cool que le premier. Une jeune blonde, fit une drôle de tête en sortant du bureau aux vitres transparentes.

    Nathalie, qu’elle connaissait depuis près de dix ans, lui précisa que ça ne s’annonçait pas terrible.

    Dans le couloir, les uns prirent le temps de lui glisser que la nouvelle direction voulait changer de méthode, les autres que leur salaire allait baisser, quant à la dernière, ce Monsieur Magnan lui avait dit que c’était soit elle (qui devait partir), soit une autre collègue ! Charmant ! Cet homme avait tout l’air d’une caricature de l’entrepreneur des années 50, tyrannique, devant lequel on doit se plier sans sourciller. Aux antipodes de son caractère actuel.

    Exit sa joie de vivre habituelle !

    Elle se trouvait à présent dans la gueule du loup.

    ― Madame… Robin ? C’est bien cela ? l’interrogea-t-il, les lèvres crispées, indiquant négligemment du doigt la chaise devant elle. Votre nom ne figure pas sur la liste. Pourquoi ?

    ― Je l’ignore, fit-elle, étonnée par la remarque. Je me consacre depuis trois ans à l’éducation de mes enfants, peut-être ont-ils oublié de faire figurer mon nom…

    Là-haut, pensa-t-elle.

    ― Vous comptez en avoir d’autres ? demanda-t-il à brûle-pourpoint et avec dédain.

    Sur le moment, elle ne saisit pas de quoi il parlait, mais en un dixième de seconde, elle percuta. Elle n’en revenait pas, il n’arrivait pas à prononcer le mot, celui qui empêche de faire tourner une entreprise, qui la paralyse, la contraint à se réorganiser, à hésiter à embaucher ou peut-être pas, car la nouvelle ou le nouveau se révélera meilleur et l’on pourra peut-être s’arranger…

    Bref, ce mot qui dérange : enfant !

    ― Non, j’ai mon quota, répondit-elle avec humour, malgré une boule qui commençait à naître dans son ventre.

    Et puis si je veux en faire d’autres, je ne te demanderai pas ton avis, songea-t-elle.

    ― Comment concevez-vous votre reprise ? enchaîna-t-il de but en blanc. Vous vous voyez reprendre avec deux enfants à la maison et des horaires ? poursuivit-il d’une voix sèche en l’observant par-dessus ses lunettes.

    ― Oui, bien sûr, j’ai envisagé le problème, se surprit-elle à rétorquer tant elle était soufflée.

    Comme si des enfants étaient nécessairement un problème ! Pour quoi ? Pour une femme ? Elle ne put s’empêcher de l’imaginer : bobonne à la maison, collet monté, l’attendant avec ses petits chaussons et craignant la moindre de ses colères. Pour qui se prenait-il à poser de telles questions indiscrètes ? Malheureusement, le peu de répartie qu’elle avait ne lui parut pas suffisante pour le remettre à sa place comme elle l’aurait voulu.

    Elle essayait de s’en sortir du mieux qu’elle pouvait en étant une mère exemplaire, compréhensive, à l’écoute, aimante, drôle et bienveillante. En un mot, la mère parfaite.

    Difficile donc de lui répondre sans l’envoyer paître, ce vieil arriéré ! Et impossible de rester calme face à de tels propos. Elle n’était pas assez préparée, elle regretta de ne pas avoir envisagé un tel cas de figure, ni feuilleté davantage ces magazines d’emploi qui regorgeaient de mises en garde.

    ― Comment allez-vous vous y prendre ? Comment allez-vous vous organiser ? insista cet imbécile.

    Forte de la patience maternelle qu’elle avait apprise et acquise, elle lui répondit dans le plus grand calme.

    ― Je suis bien organisée, rassurez-vous.

    Surtout s’appliquer à ne pas lui dire de ne pas s’inquiéter, car ce serait lui mettre une puce à l’oreille dont il n’avait pas besoin. Et de toute façon, elle se sentait sereine, pourquoi s’alarmer si elle ne le faisait pas ? Cependant, elle ne put s’empêcher de rajouter :

    ― Vous savez, elles ont un papa.

    Il arqua les sourcils. C’était une conception qu’il devait probablement ignorer. Cependant, Ingrid était satisfaite d’elle-même, elle avait répliqué avec détermination et diplomatie, comme on pourrait présumer d’elle si on l’envisageait de façon professionnelle. Elle l’avait lu dans les articles qui traitaient des entretiens d’embauche concernant les femmes : ne pas se laisser démonter par des remarques sexistes et argumenter par le partage des tâches. Un couple moderne, en somme ! Tout ne reposait pas sur les épaules de la femme et elle tenait à rentrer dans cette catégorie. Cependant, une certaine rage sourdait au fond d’elle face à ces remarques d’arrière-garde.

    ― Quels étaient vos résultats ? l’interrogea-t-il sans se laisser décontenancer.

    Mais pourquoi lui poser une telle question ? Elle était absente depuis trois ans !

    ― Je les ignore, rétorqua-t-elle, prise au dépourvu, alors qu’elle se gargarisait encore de sa dernière réponse.

    Ô insulte suprême ! Quelle infamie ! Que n’avait-elle dit ?

    ― Comment cela ? Vous êtes commerciale et vous ne connaissez pas vos résultats ? Mais c’est impensable !

    ― Non, je vous assure, insista-t-elle d’un ton candide.

    ― Vous devez avoir ça chez vous ! s’indigna-t-il.

    ― Non, je n’ai pas ça chez moi. Ça doit être dans l’ordinateur, dit-elle en désignant d’un signe de la main le portable devant lui, mais je ne saurais vous dire…

    Pourquoi lui posait-il ce genre de questions ? Elle était dans son bon droit d’être en congé parental, elle faisait l’effort de venir, alors que rien ne l’y obligeait, et il l’assaillait de questions qui la mettaient mal à l’aise ! Elle commençait à regretter le déplacement. À quoi cela rimait-il ? Pourquoi n’avait-elle pas ignoré son courrier et n’était-elle pas revenue comme la loi l’y autorisait, au terme de ses trois ans ?

    ― Et vous comptez reprendre ? Parce que quelqu’un qui se désintéresse de ses résultats n’est pas un bon commercial. Vous voulez que je prenne rendez-vous avec M. de Crique ?

    Elle ne savait pas qui était ce monsieur de Crique, mais cela sonnait comme une menace. Une menace d’un père Fouettard à une petite fille qui aurait mal répondu ou manqué de respect.

    ― Si vous voulez, répondit-elle sans montrer son trouble, mais réfrénant un frisson.

    ― Vous comptez vraiment revenir en septembre ?

    ― Oui, bien sûr.

    ―… Vous n’êtes pas obligée. Si vous n’êtes pas motivée, vous n’êtes pas obligée de revenir.

    ― Si, si, murmura-t-elle en cherchant du regard un appui vers les deux autres personnes qui semblaient aussi soumises et muettes qu’elle.

    Elle finit par se dire qu’il fallait changer de sujet, sortir de ce cercle infernal et ne pas le laisser dans sa colère. Elle s’obligea à raisonner comme dans ses livres de communication non violente, qu’elle connaissait bien. Elle pensa : Ça ne lui ferait pas de mal de les lire.

    ― Sinon, vous êtes situé en plein centre-ville ?

    ― Oui… Mais vous ne vous êtes pas renseignée ? demanda-t-il interloqué. Vous venez à un entretien d’embauche voir votre futur employeur et vous ne vous renseignez pas ?

    Merde ! Décidément, elle alignait les bourdes ! Et puis quel entretien d’embauche ? Elle était toujours salariée, c’était un entretien de présentation, pas un entretien d’embauche ! Il commençait vraiment à l’agacer avec ses questions ! Dans sa vie d’avant, elle aurait été incapable de répondre, mais à présent, elle avait quelques arguments à opposer.

    ― Je n’ai pas eu le temps, désolée ! rétorqua-t-elle dans un calme qu’elle n’aurait pas imaginé posséder quelques années plus tôt.

    Et encore une ! C’était sorti tout seul, sans le faire exprès, comme auraient dit ses enfants !

    ― Vous n’avez pas eu le temps ? dit-il en posant ses lunettes, ses yeux relevés dans sa direction et les rides de son visage creusées. Si vous n’avez pas le temps de revenir en septembre, vous n’êtes pas obligée ! insista-t-il.

    Elle le décontenançait tout comme lui la déstabilisait, mais elle n’allait pas s’en laisser conter.

    ― Si, si, bien sûr. Je reviens, Monsieur, dit-elle, cherchant à redresser ses épaules qui commençaient à s’effondrer et avec cette politesse feinte qu’elle avait apprise lorsque les clients se montraient parfois désagréables. Si vous avez des informations, vous pouvez me les communiquer par mail, c’est ainsi que nous procédions.

    ― Vous pouvez partir, dit-il avec un geste de la main qui ne laissait aucun doute sur la direction à prendre.

    Il rebaissa le nez et se contenta de prendre un autre dossier en lui ordonnant de faire entrer la personne suivante.

    Elle ouvrit la bouche, mais c’était plus d’hébétude que pour en sortir un quelconque son. D’un signe de tête et d’une voix à peine audible, elle les salua et sortit de la pièce.

    Quelle odieuse personne ! Détestable individu ! songea-t-elle. Le type même de patron qui asservit son personnel, avec son air tout ratatiné.

    Qu’importe, elle ne se laisserait pas faire ! Et s’il le fallait, elle serait virée, mais partirait fièrement, sans se laisser humilier.

    Ça existait donc des patrons qui se prenaient pour Dieu le père ! Elle le savait, évidemment, mais en rencontrer un, c’était autre chose, ça frisait la parodie ! Il était à des années-lumière de ce qu’elle vivait actuellement ! S’il ne voulait pas d’elle, elle serait la plus soulagée de l’histoire.

    Finalement, il était le plus à plaindre. Mais s’en rendait-il compte ? Pas sûr ! Quelle triste existence devait-il mener ! Il allait finir avec une maladie qui le rongerait de l’intérieur, un cancer ou autre joyeuseté de ce genre ! Mais peut-être était-il déjà atteint pour être aussi aigri.

    Vraiment, sa vie à elle, anonyme, mais emplie de joie et de bonheur simple était d’une richesse qu’elle n’aurait échangée pour rien au monde. Aucune gloire, pouvoir ou argent ne pouvait rendre aussi heureux que l’amour inconditionnel qu’elle connaissait grâce à ses enfants. Elle leur en était reconnaissante tous les jours, même si elle ne réussissait pas exactement à être la mère à laquelle elle aspirait, mais elle s’en rapprochait. Et ce n’était pas un acariâtre qui allait la faire sombrer. Non, ses trésors avaient bien plus de valeur que tous les meilleurs résultats commerciaux qu’elle se fichait bien d’atteindre.

    Cependant, un arrière-goût lui restait dans la gorge, comme si elle était restée impavide sous les attaques, même si les mots avaient pu sortir de sa bouche, son corps était pétrifié, amorphe, vide. Pourquoi ? À cause de cette espèce d’humiliation et ce mépris dont il l’avait accablée ? Parce qu’elle n’avait pas rétorqué comme elle l’aurait souhaité ? Probablement, mais elle avait réagi avec son cœur, organe dont il avait, quant à lui, oublié l’existence !

    Chapitre 2

    Ingrid retourna donc auprès de ses deux filles, en sécurité, à la maison.

    Dans sa vie d’avant, elle avait conquis le monde de l’immobilier et le cœur des hommes.

    Depuis, elle s’était rangée et casée avec l’homme qu’elle aimait et lui avait fait les deux enfants qu’elle désirait au plus profond d’elle-même, sans oser se l’avouer. Il avait su se montrer différent des autres. Il ne disait pas oui tout de suite, et savait même lui dire non ! Il n’était pas dans ses habitudes qu’on lui résiste, et malgré son goût du risque et des défis, elle avait fini par tomber dans ses filets. Il partageait sa vie, cette petite vie rangée, portée par un petit nuage, attendant que le temps passe, à regarder ses filles grandir, à préparer leurs petits plats, à changer leurs couches et à sortir prendre un bol d’air bien mérité et cadré. Or, cette routine commençait à la lasser.

    Pour autant, elle ne se voyait pas revenir à son travail. Reprendre la route, éteindre l’angoisse du primo-accédant, susciter l’engouement des investisseurs, et réaliser les sacro-saints objectifs de sa boîte ne la faisaient plus vibrer comme avant.

    Elle s’était plutôt pas mal débrouillée, elle était même douée !

    Avant qu’elle ne parte en congé, ses collègues l’avaient parfois jalousée. Certains se mettaient même dans ses bonnes grâces, afin de récupérer les miettes de ses prouesses commerciales. Mais hors de question de partager quoi que ce soit ! Elle les devait à son talent. Car oui, Ingrid savait y faire ! Et elle n’était pas arrivée là par hasard, et pas non plus grâce à son mètre soixante-quinze. Elle avait travaillé, trimé jusque tard le soir, bûché et potassé pour acquérir ses connaissances et la reconnaissance de son patron de l’époque, et aussi, un salaire très confortable.

    Il l’avait promue cheffe, ouvrant pour elle une petite agence en banlieue d’Angoulême, consécration ultime pour une ascension vers les étoiles. Son quotidien se passait à merveille, elle parvenait tant bien que mal à manager son équipe et les chiffres décollaient peu à peu.

    Puis,

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