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Ma réussite…à tout prix !
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Livre électronique302 pages5 heures

Ma réussite…à tout prix !

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À propos de ce livre électronique

‘Ma réussite… à tout prix’ est un recueil de cinq nouvelles dont les personnages principaux sont des femmes à la poursuite du bonheur.
Pour ce faire, Carole, Elisabeth, Marie-Pascale, Louise et Hélène devront faire des choix qui ne s’avéreront pas toujours être les meilleurs, mais qu’elles essaieront d’assumer jusqu’au bout. Elles seront accompagnées tout au long de leurs parcours et quêtes par leurs amies et leurs mères, ce qui engendrera souvent un certain conflit générationnel et au milieu d’ennemis parfois insoupçonnables, elles devront dealer avec les réalités sociétales d’une Afrique particulièrement patriarcale.
Pour être heureuses et réaliser leurs rêves, jusqu’où nos héroïnes seront-elles prêtes à aller ? que devront-elles endurer et sacrifier ? c’est ce que vous découvrirez en parcourant ces nouvelles dans lesquelles se croisent, sans fin, des thèmes comme l’infidélité, la sexualité, la sorcellerie, la place et l’importance de la jeune fille dans la société africaine, la foi, les violences conjugales… des nouvelles qui pourraient, somme toute, être le reflet de votre propre miroir.



LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie5 août 2022
ISBN9782384543144
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    Aperçu du livre

    Ma réussite…à tout prix ! - Jacqueline AYINA

    LE TEMPS D’UN MARIAGE

    J’étais assise sirotant un verre de jus de fruits bien frais, essayant tant bien que mal de lutter contre la fièvre qui montait en moi, lorsque mon téléphone sonna. Je soupirai en reconnaissant le numéro qui s’affichait : c’était celui de la plus grande commère de tous les temps. J’hésitai à décrocher. Dans une heure je devais me rendre au tribunal pour une plaidoirie, laquelle je le sentais ne serait pas de tout repos. Ma cliente voulait la plus grande partie de la fortune de son mari or, c’est contre elle qu’il y’avait des preuves d’adultère. Bien entendu, selon elle, la cause de cette infidélité n’était autre que monsieur son époux qui ne s’occupait pas assez d’elle et l’humiliait sans cesse. Elle me fatiguait avec son maquillage outrancier et cette manie qu’elle avait de penser qu’il suffisait qu’elle fasse couler des larmes de crocodile pour qu’on la croie innocente de tout péché, sans compter que c’était un vrai moulin à paroles exactement comme celle qui à l’autre bout du fil ne voulait pas lâcher l’affaire et s’ingéniait à m’appeler encore et encore. Je finis donc par décrocher :

    –  Allô  ? murmurai-je déjà lasse.

    –  Jennifer  ? J’espère que je ne te dérange pas.

    Bien sûr qu’elle me dérangeait, mais elle ne me laissa même pas le temps de répondre et reprit :

    –  Tu ne devineras jamais ce que je viens d’apprendre, lança-t-elle d’une voix surexcitée.

    Et voilà, pensai-je, Violette, puisqu’il faut la nommer, était d’humeur à jouer aux devinettes aujourd’hui, ce qui n’était en rien une bonne nouvelle pour ma patience que j’avais souvent du mal à maitriser face à ce genre de personnes. Et puis c’était quoi ce prénom  ? je m’étais toujours demandé où est-ce que ses parents étaient partis le pêcher. Il ressemblait si peu au personnage  ! La principale concernée, elle, claironnait haut et fort à qui voulait l’entendre que c’était en hommage à une amie française que sa mère lui avait octroyé ce prénom si peu courant sous nos cieux. Vérité ou complète affabulation, seule Violette le savait et avec le temps je m’étais rendu compte que mieux valait prendre avec extrêmement de pincettes tout ce qui sortait de la bouche de cette fleur.

    –  Accouche Violette, mon cerveau est en pause et ne veut faire aucun effort pour redémarrer, soufflai-je agacée lorsque je me rendis compte que le silence s’était fait à l’autre bout du fil. Assurément elle attendait, espérant que je me livre à son petit jeu.

    J’entendis un grognement désapprobateur.

    On t’a déjà dit que ce n’est pas avec ta façon de t’exprimer comme un homme-là que tu trouveras un mari  ; au contraire, tu les feras tous fuir.

    –  Eh attends  ! j’espère que ce n’est pas pour m’annoncer que tu m’as enfin trouvé le prince charmant que tu m’appelles  ! ironisai-je.

    Mon célibat était le principal sujet de conversation de ceux qui gravitaient autour de moi.

    –  J’ai bien mieux à faire, oui  ! jeta-t-elle dédaigneusement.

    –  Nul doute qu’elle continuait à m’en vouloir de la manière dont j’avais traité le dernier homme en date qu’elle m’avait présenté, mais, comment en aurait-il été autrement  ? Le monsieur était incapable de placer une dizaine de phrases sans parler de sa mère  !

    Te souviens-tu de Carole  ? me demanda-t-elle.

    Je levai les yeux au ciel. Des Carole, il y’en avait tellement  ! C’était quoi cette question à la con  ?

    –  Es-tu sérieuse, là  ? Tu connais une seule Carole, toi, bougonnai-je, décidément de mauvaise humeur.

    –  Mais dis donc, tu es bien pénible aujourd’hui, toi, laissa tomber Violette d’une voix vexée.

    Elle avait raison. Ce n’était pas de sa faute si les prochaines minutes qui allaient suivre compteraient parmi les plus infernales de ma vie professionnelle. C’est vrai que j’aurais pu tout aussi bien refuser cette cliente, car, dès les premières minutes de notre rencontre, j’avais su qu’elle me donnerait des migraines, mais il fallait bien que je paie mes factures.

    –  Excuse-moi Violette. J’ai une affaire assez difficile sur les bras. De quelle Carole parles-tu  ? demandai-je, faisant preuve d’un semblant de courtoisie.

    –  Je n’arrive pas à retrouver son nom, mais il s’agit de la nouvelle : la snobinarde qui était toujours dans son coin là. À se demander ce qu’elle venait même souvent faire aux réunions, essaya-t-elle de m’expliquer.

    Je ne voyais toujours pas à qui elle faisait référence. Il faut remarquer que nous n’avions sûrement pas la même conception des choses. Pour elle, snobinarde renvoyait sans doute à quelqu’un qui n’avait pas le même goût pour les plaisanteries à deux balles que Violette affectionnait et les conversations dont le principal but était de casser du sucre sur le dos des absents. À cette pensée, je frissonnai. Je connaissais en effet une Carole qui correspondait à cette image. Mais qu’avait-elle fait qui pouvait bien intéresser notre Violette  ?

    –  Mais Jennifer, toi aussi  ! ne me dis pas que tu ne voies pas de qui je parle  ? Celle qui était mariée au pétrolier, ajouta-t-elle.

    Oui il s’agissait bien de la même personne, mais pourquoi utiliser le passé, me demandai-je.

    –  Oui je me souviens d’elle, admis-je à contrecœur, qu’a-t-elle fait  ?

    –  Tu n’imagineras jamais ce qu’il lui est arrivé, il parait qu’elle est morte  ! laissa-t-elle tomber sans autre forme de procès.

    Le verre de jus que je tenais m’échappa des mains et se répandit sur la moquette et bien qu’il ne contenait plus que quelques malheureuses gouttes, je ne pus m’empêcher de pester de dépit, mais c’était plus pour me donner une certaine contenance qu’autre chose. J’essayais avec difficulté de rassembler mes esprits. Cela faisait à peine une dizaine de jours que je l’avais vue, Carole. D’ailleurs, elle m’avait surprise en arrivant jusqu’à mon bureau. Je ne me souvenais pas lui en avoir parlé les quelques rares fois où nous avions pu échanger quelques mots. Nous appartenions toutes à une des nombreuses réunions des anciens élèves de… quoique je n’arrivais pas à me souvenir de cette Carole au teint clair et aux yeux de biche dans lesquels ne se lisait en général aucune espèce d’émotion. Vu son âge, je pense qu’elle devait être de deux ou trois classes en avance sur moi. Je fis des efforts pour me concentrer sur ce que Violette débitait d’une voix surexcitée au bout du fil.

    –  Elle serait morte il y a de cela deux jours de suite d’une courte maladie. Le plus étrange dans cette histoire c’est que l’enterrement doit avoir lieu ce weekend et les gens se demandent pourquoi le faire aussi rapidement.

    Voilà, je comprenais maintenant le pourquoi de ce coup de téléphone. Derrière les « gens » se cachait une Violette qui développait une nouvelle théorie du complot et espérait trouver quelqu’un qui irait dans le même sens qu’elle. Je ne mordis pas à l’hameçon.

    –  Je ne vois pas ce qu’il y’a d’étrange à cela, ils ont les moyens d’organiser son deuil aussi vite et puis, ça dépend du point de vue de chacun : les musulmans enterrent bien leurs morts le même jour, arguai-je machinalement tout en essayant d’amortir le choc que l’annonce de Violette avait provoqué.

    –  Vous êtes hors sujet, Maitre : il s’agit d’une question de religion chez les musulmans et puis, ce n’est pas juste une question de moyens, mais aussi d’organisation non seulement de la part de la famille, mais également des connaissances, insista-t-elle en prenant un ton docte. Les gens ont déjà leurs programmes établis, en général, au moins pour la semaine qui suit. Là, il faudra caler un deuil subit au milieu de tout ça. À moins bien sûr qu’ils ne veuillent pas que les gens assistent à ce deuil et donc qu’ils ont quelque chose à cacher, acheva-t-elle.

    Et voilà  ! j’avais raison  !

    –  Et moi je crois que tu te fais trop de films dans ta tête, ironisai-je.

    –  C’est ça  ! on ne me croit jamais, bouda-t-elle à l’autre bout du fil.

    –  Je me retins à grande peine de lui faire remarquer que « comme on fait son lit et comme on se couche ». Cette réputation de commère, elle l’avait bien cherchée. D’un autre côté, avec tout ce que je savais et en y réfléchissant bien, l’idée de Violette ne me semblait plus aussi incongrue que ça, mais,, il était hors de question que je le lui avoue.

    –  Merci pour la nouvelle Violette, mais là, il faut que je coure au tribunal, prévins-je.

    –  Non attends  ! tu ne m’as pas dit si tu te rendras à ce deuil, voulut-elle savoir.

    Je n’avais pas le temps de réfléchir à cette question.

    –  Écoute, Violette, je ne sais pas encore. Envoie-moi par SMS tout le programme, s’il te plait, et je verrai.

    –  OK. En tout cas si tu y vas, fais-moi signe et on s’y rendra ensemble. Je n’ai pas envie de me retrouver seule là-bas, sans une personne connue à mes côtés.

    J’acquiesçai  ; donc, elle avait même prévu de s’y rendre, pensai-je. Tout ce mélodrame sur les programmes déjà établis et patati et patata ne la concernait apparemment pas.

    Lorsque je rentrai chez moi ce soir-là, j’étais fatiguée et un marteau imaginaire s’amusait à cogner sans interruption dans ma tête. Le divorce de ma cliente avait finalement été prononcé et le juge ne s’était pas fait prier pour lui donner de petites leçons de morale s’étendant plus que nécessaire sur son comportement qu’il qualifia d’indigne. Quels principes et quelle éducation inculquerait-elle à ses enfants  ? Elle qui symbolisait, comme toute femme, la mère de l’humanité et qui se devait d’être un exemple de dignité, de droiture, d’exactitude et blablabla. Je détestais ce juge qui se permettait de donner des leçons à tout va alors qu’il n’avait pas hésité à me faire du rentre-dedans durant des mois et ce bien que marié depuis une vingtaine d’années avec une ribambelle d’enfants à son actif. Pitoyable  !

    La fraicheur du sol sous mes pieds me détendit instantanément. J’aimais marcher pieds nus sur un sol propre et ma fidèle Chimène le savait. Elle passait la serpillère dans mon appartement juste avant de partir et elle laissait le climatiseur allumé les jours de grosse canicule comme aujourd’hui. Pas un grain de poussière ne dépassait. J’aimais vivre dans cet environnement aseptisé. J’aimais ce calme qui me permettait de me détendre pleinement après une journée de dur labeur, ce qui n’aurait jamais été possible avec un ou deux mioches dans les pattes. C’est péjoratif, je sais et je m’en excuse. Je ne cherche pas à renier le rôle fondamental de notre existence sur terre qui est de perpétuer la race humaine, je fais juste partie de ces rares femmes qui se sentent plus heureuses de siroter un verre de vin devant un bon film que de bercer un bébé geignard et grognon. Voilà pourquoi ma deuxième chambre bien que totalement meublée était 363 jours sur 365 désespérément vide sauf, lorsque ma mère me faisait l’immense honneur de passer la nuit chez moi. Elle préférait de loin rester chez ma grande sœur qui avait, elle, besoin de quelqu’un pour l’aider à s’occuper de ses enfants et qui trouvait en ma mère la parfaite nounou. C’est vrai que je lorsque je prenais le temps de vraiment y réfléchir, mon refus d’avoir des enfants n’était pas seulement dû à la volonté de toujours pouvoir jouir de mon calme sans coup férir et de mon besoin de propreté poussé à l’extrême  ; la raison principale était bien plus profonde que ça, mais je préférais l’occulter.

    Je fus interrompue dans mes pensées par la sonnerie de mon téléphone. Je jetai un coup d’œil distrait sur l’écran, question de savoir qui m’appelait : aucun nom n’était affiché. Je soupirai me demandant si oui ou non il fallait que je décroche, je n’étais pas d’humeur à parler à qui que ce soit, mais, mon professionnalisme repris le dessus. On ne savait jamais : cela pouvait être un client à l’autre bout du fil.

    –  Allô  ? murmurai-je d’une voix lasse.

    –  Ah, tu daignes enfin décrocher lorsque tu ne sais pas qui t’appelle. Dois-je en déduire que tu m’évites sciemment  ? fit une voix d’homme bien connue à l’autre bout du fil.

    Je grommelai intérieurement : j’aurais dû suivre ma première idée et laisser sonner. Ça m’aurait évité une conversation fatigante et dénuée de tout intérêt. Roger faisait partie de ces hommes qui se prenaient pour les plus beaux, les plus intelligents, les plus charismatiques, bref qui n’alignaient que des superlatifs à leurs qualités  ; plus narcissique, tu meurs. Je l’avoue, au début, j’avais été conquise par ce qui m’avait tout d’abord apparu comme étant la marque d’une grande confiance en soi. J’avais toujours été attirée par les hommes sûrs d’eux d’ailleurs, je trouvais cela assez sexy. Mais j’avais vite compris qu’il s’aimait trop pour pouvoir aimer une autre personne et que ce n’est pas d’une épouse dont il avait besoin, mais plutôt d’un faire-valoir et d’une admiratrice qui flatterait encore plus son égo surdimensionné, un rôle dans lequel je ne me voyais pas du tout. Aussi dès que le monsieur avait commencé à parler de mariage, j’avais battu en retrait, trouvant mille et une excuses pour remettre nos rendez-vous à plus tard. Malheureusement, ce dernier, imbu de lui-même, ne voulait pas voir ce qui pourtant sautait aux yeux et moi, je n’avais aucune envie de me lancer dans une longue explication où je serai la seule à comprendre les « pourquoi » et les « comment ». Alors, je sortis la vieille carte du travail trop prenant et tout ce qui va avec. Cinq minutes plus tard, je décidai de faire fondre deux comprimés effervescents d’Efferalgan dans un verre d’eau  ; le remède miracle à mes maux de tête et à ma fièvre que je trimbalais depuis le matin. Je serais dans l’obligation de consulter un médecin le lendemain si mes symptômes persistaient. Tout en sirotant mon verre de médicaments, je m’amusais avec la télécommande de la télé, zappant d’une chaine à l’autre, à la recherche d’un programme intéressant, mais mes pensées me ramenaient inlassablement à Carole  ; sa mort me semblait tellement improbable  !

    Une dizaine de jours plus tôt, ma secrétaire avait ouvert la porte de mon bureau pour laisser entrer une Carole gauche et un peu mal à l’aise, qui avait aussitôt fondu en excuses pour ne pas avoir pris de rendez-vous au préalable. Mais, j’avais su trouver les mots justes pour la détendre et la Carole timide avait fait place à une Carole blagueuse, qui n’avait pas hésité pas à me taquiner sur le choix de l’immeuble dans lequel j’avais pris mes quartiers  ; un bâtiment à moitié défraichi en plein centre-ville. Il était clair que le bailleur ne s’était jamais dit qu’un coup de peinture et quelques travaux de rénovation seraient les bienvenus. Il devait juste se contenter d’attendre patiemment la fin du mois pour compter allègrement les montagnes de billets, qui devaient s’accumuler devant lui, sans penser le moins du monde que ceux qui les lui donnaient méritaient un tant soit peu de salubrité.

    Elle m’avait fait rire en me racontant non seulement comment après avoir tourné en rond pendant une bonne vingtaine de minutes pour pouvoir se garer, elle avait pu piquer une place de parking à la barbe et au nez d’une dame blanche qui n’avait apparemment pas maitrisé tous ses cours sur le créneau et ensuite, comment elle avait dû passer près de dix minutes supplémentaires à essayer de se refaire une beauté, car une fois garée, elle s’était rendu compte que sous le coup des efforts qu’elle avait fournis, ses cheveux allaient dans tous les sens. Or dans notre société où l’apparence est primordiale, la grosse voiture doit s’accompagner de bijoux en or, d’une coiffure impeccable, de chaussures et de sacs de marque même si la plupart des femmes qui les abhorraient ne savaient pas qu’en réalité c’étaient de pâles copies d’une imitation, elle-même, assez pâle de l’original. Pathétique  ! Elle m’avait ensuite complimentée sur la décoration de mon bureau : en effet, vu l’état de délabrement avancé de l’extérieur, qui ne faisait pas du tout avocate respectable, elle ne s’attendait pas à trouver une telle « pépite d’or » à l’intérieur.

    En quelques minutes, elle m’était devenue sympathique. J’aimais son franc-parler, cette façon qu’elle avait de faire passer un message sous des blagues que l’on croirait de prime abord parfaitement anodines. J’étais subjuguée  ! aussi, lorsqu’elle avait laissé tomber l’air de rien qu’elle voulait divorcer, je n’avais pas tout d’abord saisi la portée de ce qu’elle venait de dire. Il m’avait fallu quelques secondes pour que ses paroles se frayent un chemin jusqu’à mon cerveau.

    –  « Pardon »  ? avais-je demandé, encore sous le choc. Je m’étais bien doutée qu’elle n’était pas venue me voir pour parler du dernier voyage à Dubaï de la présidente de notre association ou bien du salon de beauté dernier cri qu’avait ouvert une de nos consœurs, mais je ne m’attendais pas à ça  !

    Elle avait levé des yeux tellement candides sur moi, que je m’étais dit que j’avais sûrement rêvé. On n’annonçait pas qu’on voulait divorcer de manière aussi désinvolte, mais elle l’avait répété. J’essayais de ne pas souvent prêter attention aux bruits de couloirs autour de moi, mais Carole était l’exemple du mariage réussi dans notre groupe. Son mari, pétrolier, lui octroyait une vie de reine avec son salaire à sept chiffres. On ne leur connaissait aucun scandale  ; en tout cas aucun qui était arrivé jusqu’aux oreilles de Violette, l’informatrice attitrée du groupe, puisqu’elle savait tout sur tout le monde. Alors, divorcer  ?

    –  « Cela t’étonne hein  ? je sais tout ce qu’on raconte sur moi et à moins de m’être malencontreusement amourachée de mon jardinier, je n’aurais aucune raison de vouloir mettre fin à mon mariage, avait-elle plaisanté. Encore que même dans ce cas, le plus intelligent serait de tuer mon époux et non de le quitter », avait-elle ajouté, pince-sans-rire

    Ttoujours cette pointe d’humour un peu noir  !

    –  « Certes je suis un peu surprise, mais, je crois que tu as de solides raisons pour en venir à de telles extrémités», avais-je laissé tomber froidement, l’avocate reprenant ainsi le dessus sur la femme.

    –  En effet en quelques minutes, j’avais cerné le personnage et j’étais intimement convaincue du bien-fondé de sa démarche laquelle, j’en étais sûre, n’avait rien à voir avec des amourettes clandestines.

    Son regard s’était soudain durci et elle avait lâché d’une voix blanche :

    –  « Je n’ai pas besoin de te dire que tout ce que je te confierai ici devra rester entre nous. »

    Ses paroles me blessèrent et mon égo en prit un coup au passage.

    –  « Si tu n’as pas confiance en moi, pourquoi es-tu venue  ? » avais-je demandé, une pointe de colère dans la voix.

    Nous nous étions défiées du regard durant quelques secondes.

    –  « "Je suis désolée de t’avoir froissée, ce n’était pas mon but », avait-elle finalement murmuré.

    J’avais fondu devant sa mine contrite de petite fille prise en faute.

    –  « Ne t’en fais pas, je te comprends, avais-je concédé. C’est difficile d’avoir une vie réellement privée dans notre milieu où la médisance et la calomnie font office de loisirs et malheureusement, ton mariage a fait de toi la cible de plus d’une car, tu es considérée comme ayant épousé la poule aux œufs d’or. »

    –  « En effet, avait-elle acquiescé. Je sais que ma place et ma position sont enviées par plus d’une et on se demanderait de quoi je me plains ramenant tout à mon potentiel compte en banque, mais, je suis bien placée pour savoir que l’argent ne fait pas le bonheur quoiqu’on dise ».

    J’avais souri et lancé dans un trait d’humour :

    –  « Cela dépend de la somme dont il est question ».

    Elle avait soulevé un sourcil, sceptique, et avait murmuré :

    –  « Quel que soit le montant, mais, là, ce n’est que mon avis ».

    Puis, elle s’était mise à me raconter son histoire, l’histoire d’un mariage.

    Elle avait rencontré son mari alors qu’elle n’avait que vingt-trois ans et venait juste d’avoir sa licence en Sciences de Gestion. C’était un dimanche soir à l’église. Il était assis derrière elle et lorsqu’il avait fallu « se donner la paix », elle s’était retournée tout naturellement et il lui avait souri. Ce fut un des plus beaux sourires qu’elle n’ait jamais vus. À la sortie, il l’attendait visiblement et l’air de rien, il lui avait emboité le pas, se présentant et parlant de la pluie et du beau temps. Il l’avait installée dans un taxi et avait poussé la galanterie jusqu’à vouloir lui payer la course, mais, elle gardait un précepte bien appris de sa mère : ne rien accepter d’un inconnu. À la dernière minute, elle avait quand même fini par lui lancer son numéro de téléphone à travers la vitre baissée du taxi. C’est ainsi que leur histoire commença.

    Il était le benjamin et le seul garçon d’une famille de trois enfants. À cette époque, il était en dernière année de pétrochimie et avait déjà un poste réservé dans une célèbre entreprise de la place, et ce, grâce aux multiples connaissances de sa mère qui avait un important siège au sein du parti au pouvoir. Une femme de poigne qui savait habilement la cacher derrière des sourires désarmants. Elle avait porté sa famille jusqu’au firmament à bout de bras, faisant de son mari ce qu’il était et ses filles n’étaient pas en reste. Il ne fallait pas longtemps pour se rendre compte que c’était elle le chef de famille, le mari étant complètement effacé et n’émettant aucun avis contraire à celui de sa dulcinée  ; pour être exacte, n’émettant aucun avis, quel qu’il soit d’ailleurs.

    Il l’avait appelée le lendemain  ; deux mois après il la présentait à sa famille et un an plus tard, ils se mariaient. Elle, avec sa maitrise en poche, un retard d’un mois et demi et lui gagnant déjà très bien sa vie pour quelqu’un qui venait de dire adieu aux bancs d’école.

    Lorsqu’elle y repensait, maintenant, avec le recul, elle se disait que tout s’était passé trop vite  ; cela avait été trop parfait et elle aurait dû savoir que ça ne durerait pas. Il passait deux semaines sur la plateforme pétrolière de la société qui l’employait et deux semaines avec elle à la maison. Sa grossesse avait quelques complications et son médecin traitant avait jugé qu’il vaudrait mieux pour elle d’être confinée à la maison, en position couchée de préférence alors, elle fut contrainte de mettre d’abord fin à ses recherches de travail. Elle me fit le portrait d’un mari attentionné et doux la plupart du temps, mais aussi dominateur et extrêmement manipulateur  ; malheureusement pour elle, ces défauts, elle mit du temps à les connaître ou n’avait-elle tout simplement pas voulu les voir. Il n’admettait pas qu’elle lui fasse des reproches quant à ses nombreuses sorties, le soir, avec ses amis. Lorsqu’il rentrait de la plateforme, elle le voulait pour elle toute seule. Elle admettait volontiers qu’elle se comportait parfois de manière puérile, mais, pour elle, la punition était assez disproportionnée. Monsieur décidait alors de ne plus lui adresser la parole et l’ignorait complètement, ne mangeant pas la nourriture qu’elle lui servait et passant le plus clair de son temps au téléphone. Elle se rappela qu’une fois, elle devait se rendre chez son gynécologue, il le savait  ; elle s’était donc apprêtée et avait décidé de l’attendre à la petite véranda attenante à leur cuisine et lui, sans un regard, était passé devant elle, était monté dans leur voiture et s’en était allé Dieu seul savait où et ce, sous le regard goguenard de sa fille de ménage.

    Son regard s’était embué à ce souvenir. Elle n’avait pas besoin de mots pour décrire ce qu’elle avait ressenti à ce moment-là, toute son attitude le criait. Je m’étais levée pour lui offrir une tasse de thé, à la camomille, rien de mieux pour la détendre. J’avais compris que les minutes suivantes seraient assez difficiles. Un peu d’alcool aurait été le bienvenu, mais je m’étais rappelé qu’elle conduisait.

    Elle avait continué son histoire m’avouant au passage avoir pensé, après cet épisode, qu’il valait mieux pour elle de faire ses bagages et de rentrer chez elle. D’ailleurs, elle avait même commencé à plier ses habits, mais à force de pleurer, elle s’était endormie au beau milieu. Dans son sommeil, peut-être avait-ce été le fruit de son imagination, elle avait alors entendu une voix qui lui avait conseillé de rester, ce qu’elle avait fait.

    Quelques mois plus tard, elle avait fini, après une dizaine d’heures de travail, par mettre au monde une fille : son rayon de soleil comme elle l’appelait, et ce sous les regards bienveillants de sa mère et de sa belle-mère. Son mari, quant à lui, se trouvait sur la plate-forme.

    Sa vie de maman commença alors. Lorsque son petit frère était né, elle était en pension. En effet, sa mère avait préféré la mettre dans un internat, jugeant que sa fille y serait mieux formée aussi, ne connaissait-elle pas grand-chose sur la manière dont il fallait s’occuper d’un bébé. Les débuts avaient été un peu difficiles pour elle surtout qu’à la même époque, sa fille de ménage s’était enfuie après lui avoir volé une centaine de milliers de francs. Elle s’était donc retrouvée toute seule à devoir tout faire à la maison : ménage, cuisine, vaisselle, lessive, repassage et s’occuper en plus de son bébé. Son mari avait eu un congé de paternité, mais, à sa grande déconvenue, il ne l’aidait pas pour autant  ; ni pour changer les couches de leur fille ni pour lui donner à manger et encore moins pour les tâches ménagères. Elle s’en était plainte auprès

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