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Un Tiroir mal fermé: Le roman d'un nouveau départ
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Livre électronique207 pages3 heures

Un Tiroir mal fermé: Le roman d'un nouveau départ

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À propos de ce livre électronique

Qui ne s'est pas demandé, un jour, s'il ne passait pas à côté de l’essentiel de sa vie en consacrant toute son énergie, tout son temps à son travail et à des activités diverses ? C’est justement la question que Raphaël se pose.

Tout semble sourire à Raphaël Lesage, un brillant neurochirurgien de réputation internationale. Plus que remplie, sa vie est débordante d’activités, de responsabilités, de recherches et de succès. À cinquante ans, il vit dans l’opulence, entouré de l’amour de sa femme et de ses deux enfants, partis étudier à Paris.
Pourtant, du jour au lendemain, il annonce qu’il abandonne son métier et tous ses engagements. Ni la stupéfaction dont est frappée son équipe à l’hôpital ni la consternation de ses proches ne réussiront à entamer sa détermination et son choix. Sans aucun préalable, il part sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. À la rencontre de l’inattendu. Il ne se doute pas qu’il se met en route vers un autre destin, ni qu’il sera partie prenante d’aventures exaltantes. Une histoire lumineuse et émouvante, celle d’un homme qui décide de rompre avec son passé pour donner un sens à sa vie et s’ouvrir aux autres.

Un roman sur la passion et ses effets : la passion pour le métier, la passion amoureuse, la passion de l’amitié.

EXTRAIT

Raphaël Lesage savait que son existence allait bientôt changer de façon radicale. Il se gardait bien d’en avertir son entourage, surtout sa femme. Il demeurait le même, mais il était déjà, à l’intérieur de son être, si différent qu’il avait du mal à se reconnaître quand il se regardait le matin dans la glace pour se raser. Il était capable de faire bonne figure et de tromper son monde. Cette habitude, il l’avait héritée de son enfance. Chaque fois qu’il dédaignait un plat qu’avait cuisiné sa mère, il feignait pourtant de l’apprécier, de peur de perdre l’affection de celle qu’il aimait tant. « Me voici comme un serpent qui prépare sa mue », répétait-il sur un air de rengaine.
La révolution se préparait lentement, sans bruit. D’instinct, il avait compris que les décisions les plus bouleversantes de la vie se prennent toujours dans le silence. C’était ainsi. Il fallait qu’il fît attention à ne rien trahir de sa métamorphose.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Grâce à son métier - médecin psychiatre et psychanalyste - Sylvie Ongenae possède une profonde et minutieuse connaissance de l'âme humaine. Roman après roman, elle donne toute la mesure de son expertise professionnelle. Elle explore sentiments et émotions avec une vérité saisissante. Elle parle d’amour et d’amitié avec poésie et simplicité, humanisme et profondeur.
Elle vit en Limousin.
LangueFrançais
ÉditeurLucien Souny
Date de sortie6 oct. 2017
ISBN9782848866475
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    Aperçu du livre

    Un Tiroir mal fermé - Sylvie Ongenae

    Raphaël Lesage savait que son existence allait bientôt changer de façon radicale. Il se gardait bien d’en avertir son entourage, surtout sa femme. Il demeurait le même, mais il était déjà, à l’intérieur de son être, si différent qu’il avait du mal à se reconnaître quand il se regardait le matin dans la glace pour se raser. Il était capable de faire bonne figure et de tromper son monde. Cette habitude, il l’avait héritée de son enfance. Chaque fois qu’il dédaignait un plat qu’avait cuisiné sa mère, il feignait pourtant de l’apprécier, de peur de perdre l’affection de celle qu’il aimait tant. « Me voici comme un serpent qui prépare sa mue », répétait-il sur un air de rengaine.

    La révolution se préparait lentement, sans bruit. D’instinct, il avait compris que les décisions les plus bouleversantes de la vie se prennent toujours dans le silence. C’était ainsi. Il fallait qu’il fît attention à ne rien trahir de sa métamorphose. Le travail lui appartenait en propre. Les membres de sa famille devaient rester étrangers à cette transformation. Il reconnaissait cette part insaisissable de lui-même. Adolescent, il avait mis ses parents devant le fait accompli, de partir en Inde, seul, pendant un mois de vacances, avec des moyens de fortune. Les lamentations de sa mère n’avaient en rien entamé sa détermination. Au retour, le même scénario s’était reproduit au sujet de son orientation professionnelle. Le jeune homme de dix-huit ans avait annoncé qu’il ferait des études de médecine pour être « chirurgien ou rien ».

    « Il me faut me dessaisir de ma vie. » Raphaël avait lu cette phrase quelque part ; il ne se souvenait pas vraiment dans quel ouvrage il avait pu glaner ce propos. Celui-ci sonnait bien, avait le ton des bonnes résolutions et contenait aussi un sens hermétique. Une voix intérieure lui avait intimé l’ordre de mettre à exécution cette sentence. Il la ruminait sans cesse comme par peur de l’oublier.

    — Monsieur Lesage, il y a déjà trois patients qui vous attendent. Vous avez à peu près une heure de retard, déclara la secrétaire, sur un ton calme.

    Et elle disparut.

    — Merci, Victoire, merci. J’arrive.

    Le neurochirurgien semblait avoir été tiré de sa torpeur. On eût dit qu’il fermait un rideau pour clore la scène de ses pensées. Il bondit de son fauteuil, comme un lapin qui voudrait échapper à la course-poursuite du chasseur, et se dirigea vers la salle d’attente.

    Il appela la première patiente de l’après-midi. C’était une jeune femme d’une trentaine d’années, élégamment vêtue, qui referma aussitôt le roman qu’elle était en train de lire. Raphaël essaya d’en apercevoir le titre, mais il n’y parvint pas. Il vit seulement que c’était un ouvrage de Maupassant.

    Mme Dubois s’assit, puis s’apprêta à sortir le dossier médical et une IRM de son sac plastique, à raconter l’histoire de la maladie et à transmettre la demande de consultation émanant de son médecin généraliste.

    — Que lisiez-vous, madame ?

    La patiente qui s’attendait à tout, sauf à cette question, se mit à fixer le chirurgien, comme si elle s’était trompée d’adresse.

    — Cela vous intéresse ?

    — Oui, beaucoup.

    — C’est Une vie, de Guy de Maupassant.

    — Et quelle en est l’intrigue, puisque j’ai vu que vous étiez très absorbée par la lecture de ce roman et presque arrivée à la fin ?

    — C’est l’histoire d’un fils qui délaisse sa mère alors que celle-ci lui voue un amour infini… Je suis professeur de français, vous comprenez. Cet ouvrage est au programme pour l’épreuve du baccalauréat. Alors, je le relis.

    — Et qu’aimez-vous dans ce livre ?

    Mme Dubois se demandait où ce chirurgien si réputé voulait en venir, sans doute pas à l’objet de la consultation. Elle le regarda à nouveau et comprit qu’il attendait instamment une réponse.

    — L’affection de cette mère est silencieuse, bienfaitrice, à l’inverse de l’attitude du fils, laquelle est prodigue…

    Le mot « silencieuse » résonna dans le cœur de Raphaël comme si la scène qu’il venait de repousser s’ouvrait de nouveau sur le spectacle de sa vie intérieure. « La quête de signification, personne n’y échappe », pensa-t-il. Il lui fallait retrouver du sens dans sa propre existence afin de réinsuffler de la vie à cette patiente en attente de soins, avec comme préalable que l’enseignante ait manifesté le désir d’être vraiment guérie.

    — Ah oui ! Je comprends.

    Un espace de profondeur venait de se créer, ce qui eut pour effet de lui réchauffer le cœur.

    — Expliquez-moi ce qui vous arrive. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

    — J’ai un anévrisme cérébral découvert à cause de violentes migraines. Mon médecin traitant m’a dit de prendre un avis auprès d’un neurochirurgien, car il se pourrait qu’il y ait un risque de rupture.

    Le professeur Lesage sortit le CD de l’IRM et se mit à examiner attentivement, sur son ordinateur, les différentes coupes du cerveau. Puis il fit allonger la patiente.

    — À ce jour, l’examen neurologique est cliniquement normal. L’anévrisme que vous présentez peut très bien rester quiescent toute votre vie ou se rompre de façon brutale. L’intervention comporte aussi un risque : celui d’une hémorragie. Il est de mon devoir de vous informer.

    — Et si l’anévrisme venait à se rompre, que se passerait-il alors ? demanda-t-elle, l’air inquiète.

    — Vous risquez, pour le moins, de présenter une aphasie, c’est-à-dire la perte de l’usage de la parole, qui pourrait être régressive ou définitive. Et au plus, vous pourriez avoir une hémiplégie bilatérale ou décéder brutalement ! Voilà qui est dit !

    — Vous avez la réputation d’une grande habileté… Alors, allons-y pour l’intervention chirurgicale, précisa tout de go Valentine Dubois, qui comprit tout à coup à quoi servait le grand calendrier comportant des zones hachurées et disposé devant elle.

    — Fixons un jour, s’il ne vous faut pas plus de réflexion… Souhaitez-vous un délai rapide ou long, sachant que la première date disponible n’est pas avant un mois et demi ?

    — Si c’est possible, je souhaiterais le 1er octobre.

    — Disons le 1er octobre à huit heures trente ; vous rentrerez la veille. L’infirmière vous donnera des explications pratiques après la consultation ainsi qu’un rendez-vous d’hospitalisation. Mais, au fait, puis-je savoir pourquoi vous choisissez cette date ?

    — Pour deux raisons : c’est mon anniversaire – j’aurai trente ans – et, deuxièmement, c’est la fête de sainte Thérèse de Lisieux, une sainte très populaire…

    — Je vois, je comprends…

    Sur ces propos, l’enseignante quitta le chirurgien. Ce fut au tour du patient suivant. C’était une femme forte, d’une cinquantaine d’années, et qui lisait une revue people sur les jumeaux de la princesse Charlène.

    Le même scénario se reproduisit. Le professeur Lesage introduisit Monique Burzette dans son bureau, la regarda, lui sourit tout en lui demandant :

    — Ils s’appellent comment ?

    La femme parut perplexe et ne comprit pas immédiatement le sens de la question.

    — Pardon ? fit-elle.

    — Les jumeaux de Monaco. Quels sont leurs prénoms ?

    — Jacques et Gabriella. Mais je n’ai quand même pas attendu la consultation pendant plusieurs mois et je ne suis pas venue vous voir pour évoquer l’actualité des people…

    — Détrompez-vous, c’est un sujet qui peut m’intéresser !

    Et à peine eut-il reçu une réponse qu’une autre question suivit. Il s’aperçut que sa patiente était incollable sur le couple de Monaco, qu’elle se nourrissait de tous ces savoureux détails et les mémorisait. Elle lui expliqua que, effectivement, elle suivait la vie de la dynastie du Rocher. C’était pour elle comme une deuxième famille. Tous les événements piquaient sa curiosité et la divertissaient d’un mortel ennui, depuis qu’elle était veuve et qu’elle avait perdu une de ses filles.

    Raphaël aimait s’introduire au cœur de l’existence de ses malades avant de faire effraction dans leur corps. La patiente présentait une hernie discale lombaire hyperalgique qui, en plus de la douleur, entraînait une relative impotence fonctionnelle, limitant notamment ses déplacements. Il était important que Monique Burzette retrouvât l’usage de la marche afin d’élargir son périmètre pour des balades dans la campagne. Et cette fois-ci, la première date libre fut acceptée, à condition que ce ne fût pas un vendredi.

    Le célèbre chirurgien ne concevait pas de réaliser simplement une prouesse technique. Il fallait que son acte fût empreint de compréhension et de sympathie pour le patient. Toute cette stratégie intérieure lui demandait beaucoup de mobilisation, d’attention à l’autre et de temps. Mais maintenant il n’imaginait pas faire autrement.

    * * *

    C’était l’heure de la visite. Raphaël Lesage aimait particulièrement ce moment qui lui permettait déjà d’avoir un aperçu des résultats obtenus par ses patients. Un instant de vérité, mais, qui plus est, une rencontre authentique avec l’être humain se cachant dans le malade. Le praticien se sentait ainsi assuré d’enlever toute la charge négative que ce dernier avait pu ressentir au cours de son séjour hospitalier. Il voulait en quelque sorte donner à cet épisode particulier de la vie la saveur d’un souvenir agréable. Nul ne lui avait jamais dit s’il y était parvenu. L’important était sans doute, pour lui, qu’il eût mobilisé toutes ses forces pour tenter d’atteindre cet objectif.

    — Bonjour, monsieur Delheure. Combien comptez-vous de doigts ?

    — Trois.

    — Parfait. L’intervention a réussi. Le chiasma optique est indemne. Vous pourrez reprendre bientôt vos marathons… Ils sont toujours d’actualité ?

    — Tout à fait. Vous avez bonne mémoire, professeur.

    Le chirurgien se dirigea vers la chambre suivante.

    — Séverine, pouvez-vous aller récupérer, dans la salle d’attente de consultation, une revue Gala sur la famille de Monaco ? Je l’ai entraperçue hier après-midi. Elle a des chances de s’y trouver encore, si personne n’a eu l’idée de la subtiliser.

    L’infirmière s’exécuta et revint très vite avec le magazine en question. C’est alors que le praticien dit à toute la cohorte qui l’accompagnait :

    — Maintenant, nous pouvons entrer.

    Il tendit l’hebdomadaire à sa patiente.

    — Bonjour, madame Burzette. Vous pourrez ainsi me donner des nouvelles de la famille princière.

    Elle ne sut comment elle devait réagir, face à ce geste si familier qui lui faisait terriblement plaisir. Après quelques instants d’hésitation, encore sous l’effet de la surprise, elle se risqua à demander :

    — Mais comment savez-vous que cela m’intéresse ?

    — Vous lisiez une telle revue, lors de votre première consultation.

    — Oui, fit-elle, tout étonnée.

    — Avez-vous encore votre sciatique dans la jambe droite ?

    — Non. Quand je me suis réveillée après l’opération, j’ai tout de suite senti que la douleur avait disparu.

    — Très bien, je vous félicite. L’intervention chirurgicale a parfaitement réussi. Je vous complimente d’avoir été une bonne patiente !

    — Mais je n’ai rien fait, moi. C’est vous que je dois féliciter ! rétorqua tout de go la quinquagénaire.

    Ne voulant pas s’attribuer de mérites qui lui semblaient ordinaires, Raphaël fit un petit signe de la main et sortit de la chambre. Et tout l’équipage de blouses blanches disparut avec lui, laissant Mme Burzette pantoise, perdue au milieu de mille pensées. Ses collaborateurs restaient toujours perplexes devant sa façon de procéder, ignorant de quelle façon le professeur Lesage arrivait à se souvenir des détails qui habitaient la vie de ses nombreux malades. C’est ainsi qu’il pouvait demander d’emblée des nouvelles du chien de Mme Amélie Loiron qui avait été quelque peu hésitante à se faire opérer de sa tumeur cérébrale, n’ayant trouvé personne pour la garde de son épagneul breton. L’assistante sociale du service avait été chargée d’apporter une solution de toute urgence… avant la survenue de potentielles complications.

    Il fut content de terminer sa visite aux récents opérés, pour se retrouver seul un instant dans son bureau. D’une manière tout à fait inattendue, il se mit à écrire quelques lignes à l’ordinateur dans un dossier qu’il créa et qu’il intitula Nouvelle maladie. Il se demandait depuis quand cet étrange mal, solidaire de ses moindres mouvements et de ses plus infimes pensées, qui habitait toutes les sensations de son corps et qui ne le quittait plus désormais, s’était emparé de lui. L’urgence était de le consigner par écrit comme pour l’épingler et empêcher sa diffusion, voire sa contamination. Il ignorait de quand datait l’incubation – sans doute –, lente, secrète, torpide, du mal dont il souffrait et qui commençait à se répandre largement dans tous les secteurs de sa vie.

    La revue people venait d’avoir eu pour effet de réveiller tout un pan de son existence. Il se revit une vingtaine d’années auparavant, jeune chirurgien débutant et qui, à l’aube de ses trente ans, avait épousé Anne Lafleur. C’est sans doute son aspect secret qui avait séduit la jeune femme. En effet, Raphaël n’était pas de nature à s’emporter. Il était posé et semblait avant tout réfléchir.

    Anne avait rencontré son futur mari dans une soirée entre étudiants. Sa meilleure amie, Léa, en faculté de lettres, comme elle, fréquentait à l’époque un étudiant en médecine. Anne s’était trouvée très vite sous le charme de Raphaël, sans doute parce qu’il n’avait pas tendance à fanfaronner, à se mettre en valeur, mais qu’il en imposait néanmoins par son silence ainsi que par sa qualité de présence. Elle aimait ce charme discret qui donnait une large place à l’autre et le faisait exister à la mesure de sa demande. Elle considérait Raphaël comme un être profond et aimant. À la vérité, près de lui, elle se sentait rassurée. Très vite, elle avait compris qu’il serait l’homme de sa vie, probablement parce que cette certitude se logeait dans l’implicite, comme si toutes les certitudes devaient se construire au lieu d’être évoquées à peine ébauchées. Avec cet homme, son aîné de deux ans, Anne avait trouvé un équilibre et une force secrète et tranquille. Elle n’allait pas lui demander d’exprimer ses émotions, car il ne l’avait jamais fait auparavant. Très économe de ses paroles, il lui avait pourtant témoigné une attention et une délicatesse sans mesure. Tous deux semblaient se comprendre sans avoir besoin de se parler. C’est sans aucun doute cette complicité qui les unissait.

    Un an après leur rencontre, ils avaient décidé de se marier. Pour Raphaël, c’était comme une évidence, peut-être en raison des qualités de douceur et de sérénité dont Anne faisait preuve. Il entamait alors son internat pour devenir chirurgien. Le jeune homme qu’il était savait que ses parents auraient préféré qu’il attendît la fin de ses études. Mais il ne s’en remit pas à leur choix. Les réflexions des aînés, une fois encore, n’avaient eu aucun effet sur la détermination prompte et certaine de leur fils. Celui-ci avait toujours eu la propension à décider seul, vite et bien, sans laisser les réflexions des uns ou des autres, si opportunes fussent-elles, influencer son choix. À vrai dire, il comprit, quelques années plus tard, qu’il avait toujours voulu ne pas dépendre de ses parents et orienter sa vie avec des goûts et des valeurs fort différents des leurs. Mais, comme un fils bien éduqué, il n’avait pas souhaité faire de vagues, entrer en conflit ouvert avec ses aînés.

    Anne lui permettait justement de pouvoir réaliser ce à quoi il aspirait, sans questionnement, sans intrusion, avec un respect total de sa personne. Raphaël avait compris qu’avec elle il existait, la plupart du temps, un accord implicite, tant leurs personnalités abritaient les mêmes valeurs.

    L’épouse, de deux ans plus jeune, venait d’obtenir son agrégation de lettres et sa nomination à la faculté. Tout semblait sourire à ce couple qu’aucun heurt au quotidien n’abîmait. Pourtant, un an après le mariage, ce fut la première grossesse d’Anne ; celle-ci fut fort compliquée, en raison d’une naissance gémellaire et d’un diabète gestationnel. Un des faux jumeaux mourut in utero, et seul survécut Alexandre, né par césarienne et de façon prématurée. Raphaël, qui n’avait jamais imaginé une telle situation, se trouva fort déçu de cette difficile venue au monde de son fils. Mais il n’avait jamais voulu épancher ses états d’âme, notamment auprès de sa femme,

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