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Le vieux qui promenait son chien: Roman
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Le vieux qui promenait son chien: Roman
Livre électronique213 pages3 heures

Le vieux qui promenait son chien: Roman

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À propos de ce livre électronique

Le jeune Samuel perd tragiquement sa famille dans un accident. Au bord du gouffre, il fait la rencontre d'un vieil homme qui changera sa vision des choses.

Samuel Amok a huit ans quand survient le pire drame pour un enfant : un accident lui arrache ses parents, son frère et sa sœur. Mais la vie ne s’arrête pas pour autant : il doit réagir, faire face, et survivre à ce funeste destin. Sans transition, il passe du bonheur le plus complet à la détresse la plus absolue. Dépouillé de tout lien affectif et de tout repère, il se dispersera et adoptera des comportements qui mettront ses jours en péril. Jusqu’à ce que son chemin croise celui d’un vieil homme, Henri, qui promène son chien. C’est l’étincelle qui fait tout chavirer, laissant entrevoir un horizon des plus inattendus. Et la métamorphose opère…

Sylvie Ongenae signe ici une histoire à la fois drôle et émouvante sur l’enfance et ses avatars, fondée sur une intrigue riche en suspense, en rebondissements, et peuplée de personnages profondément humains. Elle interroge ce qui se produit au plus profond de l’être quand celui-ci est menacé d’un naufrage intérieur.
Elle est l’auteur de plusieurs romans parus aux éditions Lucien Souny, dont Un Tiroir mal fermé (2017), L’Arbre à promesses (2016).

Au travers d'un roman poignant, découvrez une histoire pas comme les autres; celle de la rencontre d'un jeune enfant seul et d'un vieil homme qui promène son chien...

EXTRAIT

En ce mois de décembre, le vent avait soufflé toute la nuit. Samuel avait cependant dormi comme un loir. Il n’avait pas entendu ses parents se lever plusieurs fois bien que leur chambre jouxtât la sienne sur le palier. Avec eux, il se sentait en pleine confiance et il s’abandonnait entre leurs mains.
Son père lui paraissait posséder une force herculéenne, prête à déplacer les montagnes. Il était bâti comme un colosse et Samuel espérait bien lui ressembler plus tard, car rien ne lui résistait. Il bricolait à merveille et il savait se montrer inventif dans toutes les situations. Il travaillait aussi bien la pierre, le bois que le métal. Il était capable de réparer l’électricité, la plomberie, les voitures, les toitures. Il lui avait même dépanné sa Game Boy ! Ce jour-là, Samuel avait eu la confirmation que son père était vraiment un héros. Mais l’enfant avait remarqué que ce jeune quadragénaire qu’il portait aux nues pouvait cependant s’emporter et connaître des colères farouches. Ses grands yeux noirs devenaient alors menaçants et semblaient fusiller l’interlocuteur qui n’osait plus broncher.
Sa mère était l’exact contraire de son père. Elle était menue avec des yeux bleu clair ; elle incarnait la douceur par excellence et elle ne se fâchait jamais. Bien au contraire, elle savait se montrer d’une grande prévenance envers les siens.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Au fil de ses écrits, Sylvie Ongenae traite des différentes passions de la vie, la haine, la souffrance, l'amour, l'amitié... Elle prend plaisir à illustrer, grâce à ses personnages, des concepts psychologiques et psychanalytiques, d'une manière simple, revisitée et surtout romanesque. Des personnages qui se construisent, prennent de l'épaisseur mais aussi qui peuvent devenir fragiles et se désorganiser. S'ils se détruisent parfois, ils réussissent aussi à s'enrichir de leurs échecs pour redynamiser leur vie et lui insuffler une orientation nouvelle.
Une façon de nous rappeler que l'être humain n'existe que grâce à toutes ces émotions qui le traversent et qui viennent colorer sa vie, d'une teinte vivifiante.
LangueFrançais
ÉditeurLucien Souny
Date de sortie5 mars 2019
ISBN9782848867649
Le vieux qui promenait son chien: Roman

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    Aperçu du livre

    Le vieux qui promenait son chien - Sylvie Ongenae

    PageTitreVieuxChien.jpg

    Samuel Amok allait fêter ses huit ans le 1er octobre 2010. Plus qu’un âge de raison, c’était pour lui la certitude de devenir un homme. Il le croyait fortement. Mais ses parents ne cessaient de lui répéter qu’il n’était encore qu’un enfant. Pourtant, il suffisait de l’observer pour capter son regard profond, son air mature et sa physionomie charmeuse.

    — Tu vas être en retard à l’école ! s’exclama sa mère d’une voix anxieuse comme si l’incident redouté allait constituer un drame sans lendemain dans la vie de l’élève du cours élémentaire.

    Samuel ne parut pas entendre. Il brossait son chien, comme tous les matins avant de le quitter pour la journée. Il lui semblait parfaitement naturel de tout partager avec son animal, y compris ce temps de toilettage. Il se gardait bien d’avouer que très souvent il abrégeait son petit déjeuner pour s’occuper de Lulu qui représentait pour lui un bien précieux.

    Devant l’absence de réponse, Amélie haussa le ton et parut courroucée. Elle s’apprêtait à houspiller son petit garçon quand tout à coup elle en fut empêchée par la scène qui se déroulait devant ses yeux.

    Samuel levait l’index droit et répétait les recommandations d’usage à l’animal qui se tenait immobile sur son séant et semblait écouter avec attention, les yeux fixes et écarquillés. Elle surprit quelques bribes de cette mystérieuse conversation.

    — Je te demande d’être sage, de ne pas aboyer, de ne pas gémir, d’être propre, de rester dans ton panier, de ne pas faire de bêtises, de ne pas sauter sur la table de la cuisine, de ne rien abîmer… Attends-moi bien tranquillement, j’irai te promener à mon retour.

    Et il s’approcha de l’oreille du chien, qu’il releva. Il lui confia un grand secret, puis il appuya longuement sa tête contre celle de son compagnon domestique et l’enserra de ses bras. Ce moment privilégié constituait pour Samuel la certitude d’un bonheur vécu et inégalable. Après ce rituel de départ de son domicile, il savait qu’il allait devoir désormais concentrer tous ses efforts sur les matières scolaires. En fin de compte, il s’agissait d’un petit rien, mais qui changeait tout et qui en premier lieu donnait à l’écolier sa dimension d’élève appliqué et studieux.

    — C’est la dernière fois…, renchérit sa mère. Ta sœur et ton frère sont prêts depuis longtemps !

    Samuel prit son cartable et déguerpit.

    Mais le retard de quelques minutes fut remarqué par l’institutrice qui tenait à n’établir aucun régime de faveur entre ses élèves, fussent-ils les meilleurs, comme c’était le cas pour Samuel.

    — À la rentrée scolaire en septembre, j’ai demandé à chacune et à chacun d’entre vous d’être à l’heure en classe. Cela vaut pour tout le monde sans exception. Selon notre règlement intérieur, tu chercheras donc, Samuel, la punition que tu mérites et tu la communiqueras à l’ensemble de tes camarades quand tu l’auras trouvée.

    Samuel releva la tête, planta ses grands yeux noirs, vifs et ahuris dans ceux de la jeune adulte. Puis il se lança tout de go dans des explications hasardeuses :

    — C’est à cause de mon chien. Il ne voulait pas que je le brosse ce matin, alors j’ai perdu du temps à l’attraper.

    Un fou rire généralisé éclata dans la salle. Celui-ci fut suspendu par l’intervention de Paul qui déclara :

    — Moi, c’est à cause de mon chat…

    — Et moi de mon lapin ! ajouta une voix aigrelette.

    L’institutrice n’était pas la dernière à s’amuser de ce spectacle, mais, à l’évidence, elle riait sous cape.

    — Ce n’est pas drôle du tout ! Nous allons aborder maintenant un sujet moins plaisant, comme la table de multiplication par neuf qui était à apprendre pour aujourd’hui. Samuel, tu vas commencer.

    L’enfant, qui était encore en train de penser à son petit compagnon à quatre pattes, se lança dans un sans faute, comme à son habitude. Puis ce fut le tour de Paul de réciter la table de huit. Le garçon commença nonchalamment :

    — Une fois huit huit, deux fois huit seize, trois fois huit vingt-deux, quatre fois huit…

    — Trois fois huit vingt-deux ? insista la jeune femme, plantant ses yeux clairs dans ceux de Paul qui se mit alors à plisser le front et à faire la moue.

    L’enfant resta silencieux et parut inquiet de ne pas trouver immédiatement la réponse. Il poursuivit :

    — C’est…

    — Sans doute à cause de ton chat !

    Marie Maurel tenait à être respectée dans sa classe. Elle se savait championne pour instaurer une douce autorité dans un climat de calme, de confiance et de travail, permettant ainsi à ses élèves les meilleures acquisitions scolaires.

    — Quand on entre en classe, on laisse transitoirement ses parents, son chien, son chat, son lapin, son cochon d’Inde, son chinchilla, etc., mener leur vie jusqu’au soir. C’est compris ? On ne peut pas penser à deux choses à la fois, aux tables de multiplication et à ce qui se passe à la maison ! Vos parents aussi pensent à accomplir leur travail du mieux possible. Ils ne vous oublient pas, mais vous portent chaleureusement et secrètement dans leurs cœurs.

    Samuel avait compris qu’il avait la chance de grandir dans un foyer uni, avec une sœur, Héloïse, de sept ans son aînée, et un frère, Benoît, de quatre ans plus âgé que lui.

    La journée à l’école avait l’avantage pour Samuel de passer comme un éclair, car il était curieux de tout, comprenait vite et retenait sans réserve ce qu’on lui apprenait. Jamais il ne rechignait devant le moindre effort. Il savait se montrer un élève facile, docile et agréable envers ses pairs. À la récréation, chacun se le disputait comme compagnon de jeu, tant il était affable et sociable. De plus, c’était un beau garçon, volontiers charmeur, sachant d’emblée connaître l’enjeu des situations et y naviguer avec une grande aisance.

    Ses parents lui avaient communiqué le sens de l’effort, la valeur du travail, le plaisir de la chose accomplie. Ils étaient laborieux et n’avaient de cesse d’intimer à leurs enfants la nécessité de façonner par soi-même ce que l’on veut obtenir. Tous les deux regrettaient de n’avoir pas pu étudier suffisamment. Son père, Benjamin, aurait bien voulu être médecin, mais il n’avait réussi qu’à devenir commercial dans une entreprise automobile. Il espérait bien qu’un jour Samuel relèverait le défi et exercerait ce métier. Sa mère était secrétaire dans un garage, un métier alimentaire qui ne correspondait à aucun projet professionnel.

    Le soir, Samuel se réjouissait de rentrer chez lui. L’école se trouvait à plusieurs centaines de mètres que l’enfant arpentait à pied. Dès qu’il apercevait le grand tilleul bicentenaire qui se dressait à l’entrée du parc arboré de la propriété de ses parents et qui donnait de l’ombre à l’habitation, il se mettait à tressaillir. Les branches de l’arbre ballottaient dans le vent et dessinaient des arabesques à n’en plus finir. Plus d’une fois, Samuel avait imaginé s’envoler sur l’une d’entre elles vers un pays lointain. Les fées devaient sans doute descendre sur terre de cette manière pour y accomplir des prodiges.

    Puis il traversait l’allée bordée de chênes qui menait à la maison. Une impression de grande sécurité et de profonde sérénité se dégageait des lieux. C’est d’ailleurs ce qui avait plu à ses parents et les avait incités à acheter cette grande bâtisse en pierre du XIXe siècle.

    La chambre de Samuel donnait sur le tilleul et l’enfant connaissait l’arbre dans tous ses détails. Il s’y réfugiait volontiers par le jeu subtil de son imagination et, de préférence, chaque fois que quelque chose lui résistait ou lui déplaisait. Cet arbre, imposant par sa taille et son envergure, dépassait le toit de la maison et soulignait la beauté des lieux.

    Le garçon avait l’habitude de dire qu’il partageait plusieurs bonheurs dans sa vie : celui d’habiter cette belle demeure à la campagne, située dans un parc arboré et proche de l’école, celui d’avoir reçu un chien en cadeau d’anniversaire pour ses sept ans, en plus de celui d’avoir une sœur et un frère. Le palmarès de ses préférences était cependant un secret que lui seul détenait.

    À peine dix minutes après la sortie de classe, Samuel était de retour chez lui et retrouvait son chien. Telle était la vie de Samuel Amok, élève en première année de classe élémentaire. Et pas un seul nuage ne semblait ternir son existence.

    À huit ans, sans aucune expérience vécue ou presque et sans que nul lui ait insufflé une quelconque idée du bonheur, Samuel avait compris, grâce à l’intelligence du cœur, que l’essentiel sur terre est d’aimer et d’être aimé.

    ***

    En ce mois de décembre, le vent avait soufflé toute la nuit. Samuel avait cependant dormi comme un loir. Il n’avait pas entendu ses parents se lever plusieurs fois bien que leur chambre jouxtât la sienne sur le palier. Avec eux, il se sentait en pleine confiance et il s’abandonnait entre leurs mains.

    Son père lui paraissait posséder une force herculéenne, prête à déplacer les montagnes. Il était bâti comme un colosse et Samuel espérait bien lui ressembler plus tard, car rien ne lui résistait. Il bricolait à merveille et il savait se montrer inventif dans toutes les situations. Il travaillait aussi bien la pierre, le bois que le métal. Il était capable de réparer l’électricité, la plomberie, les voitures, les toitures. Il lui avait même dépanné sa Game Boy ! Ce jour-là, Samuel avait eu la confirmation que son père était vraiment un héros. Mais l’enfant avait remarqué que ce jeune quadragénaire qu’il portait aux nues pouvait cependant s’emporter et connaître des colères farouches. Ses grands yeux noirs devenaient alors menaçants et semblaient fusiller l’interlocuteur qui n’osait plus broncher.

    Sa mère était l’exact contraire de son père. Elle était menue avec des yeux bleu clair ; elle incarnait la douceur par excellence et elle ne se fâchait jamais. Bien au contraire, elle savait se montrer d’une grande prévenance envers les siens.

    Samuel avait trouvé sa place sans difficulté dans sa famille. Il aurait pu dire tout simplement qu’il y vivait heureux, surtout depuis que ses parents lui avaient offert un chien pour l’encourager dans son travail scolaire et le rendre ainsi responsable. Grâce à son animal, il se sentait moins seul, car sa sœur et son frère fréquentaient le collège.

    Comme à son habitude, Samuel se prépara pour aller à l’école et il s’occupa de son chien. Il connaissait la date du jour par cœur, mardi 10 décembre 2010, car avaient lieu, après la classe, la compétition de judo et la remise des distinctions. L’enfant espérait bien obtenir la ceinture jaune.

    — Je suis certaine que tu l’auras ; tu es tellement assidu aux entraînements, déclara sa mère. Nous irons tous te voir à dix-huit heures. Nous partirons tous les quatre de la maison en voiture à cause du temps incertain. Prends ton sac de sport et vérifie que tu emportes bien ton kimono.

    — Inutile ! C’est déjà fait.

    Toute la journée, le vent continua à souffler avec des accalmies intermittentes. Samuel n’avait remarqué que sa propre excitation intérieure au fil des heures qui s’écoulaient et qui le rapprochaient du challenge et des compétiteurs.

    Samuel, comme tous les mardis soirs, se dirigea vers le gymnase Saint-Éloi. Il pratiquait le judo depuis trois ans. Ce qui l’impressionnait avant tout, c’était d’évoluer devant les parents d’élèves et notamment les siens. Dans les tribunes, les places étaient réservées pour eux. Elles avaient été attribuées par ordre alphabétique, si bien que Samuel s’aperçut que sa famille occuperait une partie du deuxième rang.

    Quand le gong retentit, le cœur de Samuel parut s’emballer. Il savait que les candidats allaient se battre par ordre alphabétique. Il redoutait d’avoir à rivaliser avec Axel Adler qui avait la grande habitude de déstabiliser l’adversaire. De plus, en lorgnant les tribunes qui peu à peu se remplissaient, il constata que le second rang restait vide. Ses parents, son frère et sa sœur auraient-ils oublié ce fameux jour ? Il chassa de son esprit cette hypothèse, se rappelant aussitôt les paroles de sa mère le matin avant de partir pour l’école. Que leur était-il donc arrivé ? La voiture était-elle en panne ? Il repoussa immédiatement cette idée, car son père l’aurait sur-le-champ réparée. Ses parents avaient-ils été retenus à leur travail ? Il n’eut pas le temps de poursuivre ces supputations, car l’appel des candidats pour le deuxième combat retentit.

    — J’appelle sur le tatami Samuel Amok et Rudi Alvey.

    Des applaudissements jaillirent et des élèves se levèrent. Puis il y eut un grand silence et la compétition commença. Samuel, une fois encore, jeta un coup d’œil furtif sur le deuxième rang qui désespérément restait vacant. L’arbitre dut le rappeler à l’ordre :

    — Concentre-toi ! Sinon, je vais être obligé de te mettre une pénalité !

    En effet, le judoka montrait des signes d’impatience, s’agitait, lâchait du regard son adversaire, zieutait le second rang de façon itérative. Le rappel à l’ordre du maître fit cesser le trouble qui s’était emparé de Samuel, car, en sa qualité d’élève docile, il était sensible à l’autorité et la respectait. C’est ainsi que se déroula le combat et, grâce à la perspicacité de l’entraîneur qui avait su recadrer Samuel, l’enfant gagna la compétition.

    Cependant, il n’en fut pas heureux comme il l’avait imaginé, car ses parents étaient demeurés absents et il se demandait toujours pourquoi, eux si respectueux de la parole donnée et des engagements pris. Pour la première fois de sa vie, il découvrit que le bonheur non partagé avec ceux qu’on aime n’en est pas vraiment un. À quoi bon garder par-devers soi une cause de réjouissance ? Il venait de comprendre qu’il travaillait bien à l’école pour faire plaisir à ses parents et non pour lui-même.

    Samuel essaya de se rasséréner. Il aurait tant de choses à raconter à son retour, deux fois plus que si sa famille avait été présente. Il se fit une raison. De toute façon, il y aurait d’autres compétitions, la prochaine ceinture, par exemple. Les spectacles n’allaient pas manquer. Le chemin était d’ailleurs très long jusqu’à l’obtention de la ceinture noire.

    L’enfant prit place au deuxième rang et se laissa griser par la scène qui se déroulait sous ses yeux. Regarder les combats, découvrir les stratégies, déceler les fautes des participants pouvaient aussi apporter beaucoup de plaisir.

    La compétition touchait à sa fin. Samuel devait bien se rendre à l’évidence. Maintenant, sa famille ne le rejoindrait plus. Quand il se leva pour quitter la salle, il entendit plusieurs adultes parler des violentes rafales de vent qui avaient soufflé tout l’après-midi et qui avaient occasionné des dégâts. À l’intérieur de la classe, puis du gymnase, il ne s’en était pas aperçu. À la vérité, les adultes s’étaient bien abstenus d’effaroucher les enfants.

    Samuel devait maintenant rejoindre à pied son domicile. La nuit était tombée. Il essaya de conjurer sa peur en répétant à voix haute :

    — Je suis grand, les histoires de loups n’existent pas. Et il y a des lampadaires sur une grande partie du trajet. De loin, j’apercevrai la lumière de la cour, qui éclaire beaucoup.

    L’enfant constata que des sueurs froides lui parcouraient le dos et que son souffle devenait court et rapide. Il marcha à grandes enjambées pour arriver plus vite. Pour oublier sa frayeur, il pensa au bonheur de ses parents à l’idée d’apprendre qu’il était désormais ceinture jaune.

    Mais la lumière tant attendue ne brillait pas. Il lui sembla même qu’il ne devinait ni le grand tilleul ni les oscillations de ses branches. « J’ai dû me tromper de chemin », pensa-t-il.

    Puis tout à coup une sirène retentit. Celle des pompiers suivis d’une voiture de police et d’un camion du Samu. Samuel s’arrêta. Tous ces véhicules se dirigeaient vers sa maison. Que se passait-il donc ? En se rapprochant, il entendit un pompier qui appelait du renfort. Les phares éclairaient les alentours. Samuel se mit à hurler devant le spectacle qui s’offrait à sa vue. Le grand tilleul s’était abattu sur la maison qui sous son poids s’était écrasée. En un instant, il comprit pourquoi ses parents, Héloïse et Benoît n’étaient pas venus le voir au gymnase.

    Un pompier saisit l’enfant dans ses bras pour éviter qu’il ne s’approchât des lieux du sinistre. Il le fit monter dans le camion. Au même moment, le chef de la caserne l’appela et tout de go l’informa :

    — Tu m’entends, Geoffroy. J’envoie du renfort. Il faut les extraire de la maison.

    Le garçon se mit une fois encore à hurler. Il savait désormais que toute sa famille était à l’intérieur et même son chien. Puis, sidéré, il ne dit plus rien. Il semblait avoir perdu la parole, ne plus rien comprendre, ne plus rien entendre. Il était parti très loin dans une contrée inconnue, seul, désespérément seul. Il fut conduit à l’hôpital Saint-Joseph, dans

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