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Non coupable
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Livre électronique262 pages3 heures

Non coupable

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À propos de ce livre électronique

Après le suicide de son fils, Lise engage un détective privé pour connaître la vérité, car elle ne croit pas à un acte volontaire. Mais voilà que ce dernier lui apprend une nouvelle qui la pétrifie. Les événements auront-ils raison de sa santé mentale et pourra-t-elle tout gérer comme elle l’a toujours fait ? Les morts se multiplient. Sa famille qu’elle croyait si parfaite cache de lourds secrets.

Découvrira-t-elle le pourquoi de ces décès et quel est le lien qui les unit ?
LangueFrançais
Date de sortie21 nov. 2019
ISBN9782897752927
Non coupable
Auteur

Lorraine Richard

Lorraine Richard est montréalaise de naissance, maintenant établie à Saint-Jérôme. Elle est membre de l’association des auteurs des Laurentides. Durant plusieurs années, Lorraine a oeuvré dans le secteur de l’immobilier, ce qui l’a conduit à développer un sens de l’observation et une vision cartésienne qui l’ont acheminée à petits pas vers l’écriture d’un premier roman, qui lui a valu un coup de cœur de la Société du Roman policier en 2018. Transhumance est son deuxième roman.

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    Aperçu du livre

    Non coupable - Lorraine Richard

    toi.

    1

    En ce beau dimanche matin, Lise était enroulée dans sa vieille couverture écossaise, elle se prélassait dans sa magnifique berceuse en bois sculpté. Malgré le début de la soixantaine, les lignes du temps ne marquaient pas trop son visage, c’était une belle femme sans artifice, une naturelle aux cheveux poivre et sel avec juste un léger maquillage qui mettait en valeur le bleu océan de ses yeux. Elle fixait la fenêtre le sourire aux lèvres, ses pensées tournées vers le passé inondaient son cœur et son âme. De belles images se déroulaient sur le ruban de sa mémoire, formant de jolis tableaux lui montrant ses enfants à différentes étapes de leurs vies. Elle se reposait en se remémorant tout ce qu’elle avait vécu. Le soleil ardent de cette fin de matinée lui baignait le visage et réchauffait ses souvenirs. Elle avait cette sensation d’avoir relevé tous les défis de la vie même si celle-ci l’avait privée de deux amours. Son mari l’avait quittée, lui laissant cinq jeunes enfants.

    Pire que la mort, la disparition d’êtres chers laisse des cicatrices indélébiles. Il y a, dans ces départs, quelque chose d’intemporel : un espoir de retour, un espoir incessant qui tue peu à peu.

    Elle revoyait le film de sa vie, observant les scènes principales qui l’avaient marquée et qui lui auraient mérité un Oscar s’il y avait eu un concours pour les mères monoparentales. Son premier objectif avait toujours été le bonheur de ses enfants et c’était le pourquoi de tant d’années de travail et de privation. Tous étaient maintenant adultes et deux d’entre eux lui avait donné des petits-enfants avec lesquels elle pouvait rire et s’amuser, chose qu’elle n’avait pu faire faute de temps, il fallait les loger et les nourrir. Elle respirait doucement, ressentant du bonheur en tournant les pages de sa vie. À la joie se succédait la satisfaction, elle était le metteur en scène et ses enfants les comédiens qui, disons-le, avaient souvent outrepassé les règles. Elle était satisfaite de sa réussite, comblée par des enfants dorénavant matures et responsables.

    Le carillon de la sonnette la sortit de sa rêverie. Isabelle et Jean-François, ses deux plus jeunes, arrivaient à l’improviste comme cela leur arrivait souvent, mais rarement ensemble. Elle en était doublement heureuse.

    — Quelle belle surprise ! Mes deux célibataires qui viennent voir leur mère un dimanche matin !

    — C’est que…

    Le visage de ses enfants d’un blanc macchabée la frappa comme un direct en pleine figure. Elle sentait qu’un autre malheur s’abattait sur sa famille.

    — Viens t’assoir, maman.

    D’une voix caverneuse et d’un regard suppliant, elle osa les questionner sans vouloir réellement de réponse.

    — Il est arrivé un malheur ? Vos visages expriment tant de douleur. Qu’est-ce qu’il y a ? 

    — Oui, maman, c’est Alex.

    Elle allait se lever quand ses enfants la retinrent.

    — Mais voyons, il faut y aller. Il a eu un accident ? C’est grave ? Les enfants ? Comment vont les enfants ?

    — Les enfants vont bien, maman, il s’agit d’Alex… il est mort.

    — Non, non, Alex n’est pas mort. C’est impossible, voyons, il n’a que trente-six ans. Dites-moi que c’est un cauchemar, que je vais me réveiller.

    La main à sa poitrine, en proie à une chute subite de tension, elle s’écroule. Cette révélation l’avait mise KO. Elle reprit connaissance à l’urgence de l’hôpital où un homme en blouse blanche était penché sur elle.

    — Madame Marcil, vous m’entendez ? Si vous m’entendez, Mme Marcil, ouvrez les yeux.

    — Mais où suis-je donc ?

    — Vous êtes à l’hôpital, vous avez fait une petite syncope.

    — J’ai fait quoi ?

    — Vous avez perdu conscience quelque temps, mais tout va bien. Vos signes vitaux sont revenus normaux. On prend soin de vous.

    — Je ne me souviens plus, est-ce que je perds la raison ?

    Inquiète, les yeux hagards, elle se grattait la tête comme si le frottement de son cuir chevelu lui ramenait ses souvenirs par enchantement.

    — Cela arrive souvent suite à un choc, vous allez retrouver la mémoire, ne vous inquiétez pas.

    — Je ne me souviens de rien, même pas de mon nom ! Je ne sais plus qui je suis !

    La panique se lisait sur son visage, sa vie n’était qu’une page blanche.

    — Docteur, j’ai peur !

    — Mme Marcil, tout va rentrer dans l’ordre, juste un peu de patience. Il se peut que tout vous revienne spontanément ou peu à peu, mais ce phénomène n’est que passager, je vous l’assure.

    Sa voix chaude, presque paternelle malgré son jeune âge, voulait se faire rassurante.

    — Il y a une jolie demoiselle qui vous réclame dans le corridor. Si vous me promettez de rester calme, je vais lui dire d’entrer. Cela va peut-être vous aider à retrouver la mémoire.

    Étonnée, qui pouvait bien vouloir lui parler ?

    — Docteur. La demoiselle, c’est qui ?

    — C’est votre fille.

    — Quoi ? J’ai une fille ?

    — Oui et quatre autres enfants apparemment.

    — Cinq ? J’ai cinq enfants ? Et je ne me souviens pas ? Comment une femme peut-elle oublier qu’elle a des enfants ? Non, non, voyons, c’est impossible.

    — Le cerveau est un laboratoire complexe. Il s’y passe des choses étranges. Des moments de votre vie que vous croyez avoir oubliés reviennent vous hanter et à d’autres moments, vous cherchez à savoir et il enfouit ses réponses très loin dans votre mémoire inconsciente, la plupart du temps pour vous protéger parce que vous n’êtes pas prête à entendre la vérité.

    — Mais quelle vérité est si difficile à croire pour m’évanouir ?

    — Commencez par retrouver votre mémoire immédiate et vous récupérerez vite ce que votre inconscient refuse.

    Le docteur Chambord prit la peine d’aller voir la fille de sa patiente lui-même pour lui donner des nouvelles de sa mère et la préparer à ce qu’elle ne la reconnaisse pas. C’est toujours difficile pour des enfants de constater que leurs parents ne se souviennent plus d’eux. Le cas de Mme Marcil n’était que passager et cela, il pouvait le confirmer.

    Annie sortit de la salle d’attente pour entrer dans la salle des urgences où des patients plus ou moins souffrants étaient allongés sur des civières tout alignées le long des murs pour enfin arriver au lit de sa mère, une dame au regard interrogateur qui la dévisageait. Elle semblait être assez en forme malgré le grand trou noir qui lui avait volé ses souvenirs.

    Elle osa un petit bonjour. Le regard posé sur elle était celui d’une inconnue, elle était inconsolable, sa mère la regardait comme si elle ne la connaissait pas. Elle ressentit une vive douleur, sentant son cœur se déchirer en mille morceaux, elle pensa s’évanouir à son tour.

    — C’est trop pour la même journée, je vais devenir folle ! dit-elle en pleurant.

    — Mais voyons, ma belle, je ne me souviens pas de toi, mais le docteur a dit que ce n’était que passager, alors ne panique pas. Tu ne penses pas que ce serait à moi d’être affolée ? C’est tout de même moi qui ai perdu la mémoire.

    — Cela ferait bien mon affaire de perdre la mémoire avec ce qui arrive.

    — Mais qu’est-ce qui arrive justement ? Explique-moi.

    Il n’en fallait pas plus pour qu’un torrent de larmes déferle sur ses joues et comme la source ne tarissait pas, elle la prit dans ses bras pour la consoler. Mais son étreinte ne la calma pas.

    — Dis-moi ce qui ne va pas, je peux peut-être t’aider.

    Elle n’avait pas fini sa phrase que ses autres enfants entrèrent. Elle sourit à Lyne et Isabelle, mais lorsque son regard se posa sur Jean-François, la mémoire lui revint comme un « boomerang » et elle cria de douleur. Alex. Non seulement la mémoire lui revenait, mais toute la douleur de la perte de son fils s’emparait de chacune des cellules de son corps. Lyne alla chercher le médecin à toute vitesse pour le supplier de passer voir sa mère, mais elle ne put que laisser un message au poste des infirmières. Tout le monde était affairé. On n’appelle pas cela urgence pour rien. Vous attendez de longues heures pour qu’un médecin passe en urgence votre dossier, mais il ne s’attarde pas à chacun des patients, car il y a toujours des urgences ailleurs. Ils ont tendance à confondre « urgence » et « rapidité », la rapidité habituellement est le temps alloué au diagnostic et au congé. Il faut faire de la place pour les prochains arrivants.

    Comme elle alarmait tout le monde, un urgentiste entra dans la chambre, si l’on peut appeler cela ainsi, car les murs se composaient de rideaux. C’était déjà du luxe, car on avait un peu d’intimité, en fait un peu plus que dans le corridor. Toutes les places étaient prises, le trafic était intense et une infirmière demanda à la famille de retourner dans la salle d’attente et en profita pour leur citer les règlements à savoir qu’il devait y avoir qu’une seule personne à la fois considérant l’espace restreint.

    Les enfants se regardèrent pour savoir lequel resterait avec leur mère et le choix se porta sur Jean-François, les filles se sentaient incapables de parler de leur frère Alex.

    — Comment est-il mort ?

    — Maman, tu ne vas pas très bien, attends de voir le docteur avant d’en parler.

    — Non, je veux savoir maintenant et ne pense pas que je vais devenir « zombie » par des médicaments qui me cacheront momentanément la sale réalité. Je suis plus forte que tu le penses, alors dis-moi comment Alex est mort.

    — Il s’est suicidé dans sa voiture. Il s’est rendu dans les Laurentides non loin de notre chalet à Nominingue sur une route peu fréquentée et il s’est asphyxié.

    Stoïque, la voix rauque, elle poursuivait ses questions.

    — Il a laissé une lettre, un mot ?

    — Rien du tout. Les policiers n’ont rien trouvé. Ils supposent qu’il a dû boire au moins la moitié d’une bouteille de rhum, présumant qu’elle était pleine. Il gisait sur la banquette avant avec la photo de sa famille dans une main.

    Étrangement, elle ne pleurait pas. Son visage était de marbre comme si on lui racontait un passage d’une série dramatique. 

    Elle écoutait totalement dénuée d’émotion ; elle enregistrait les paroles sur le ruban de son cœur gardant sa douleur à l’intérieur.

    Son fils ne comprenait pas sa réaction. En apprenant la nouvelle, elle avait perdu conscience et maintenant, elle semblait imperturbable. Lui, ne pouvant plus contenir ses larmes, pleurait comme un petit garçon la tête appuyée sur les genoux de sa mère qui, le regard fixe, lui passait tendrement la main dans les cheveux. Il se souvenait de ces doux moments lorsqu’il était jeune où elle lui caressait la tête jouant dans ses cheveux et lui grattait le dos pendant des heures. Il ne bougeait pas d’un poil tant et aussi longtemps qu’elle ne se lassait pas, lui, un hyperactif, pouvait rester très longtemps sans bouger lors de ces moments tendres. Ses sœurs disaient toujours qu’il était le chouchou de sa maman, car il était le petit dernier. Aujourd’hui, il se sentait petit gars tellement il avait de la peine et seule sa mère pouvait l’apaiser. Mais comment pouvait-il solliciter une chose pareille alors qu’elle venait de perdre son fils ? Malgré son désir d’être fort, lui, maintenant l’unique homme de la famille, se retrouvait comme un petit garçon ayant besoin de soins maternels.

    Elle, le premier choc passé, redevenait la femme forte qu’elle avait toujours été. N’avait-elle pas eu la responsabilité de ses enfants toute sa vie, son mari étant parti un jour pour ne plus jamais revenir ? Lorsque nous devenons mère, nous le restons pour toujours… Elle comprenait cette réalité et allait l’assumer.

    Le docteur Chambord poussa le rideau et pria Jean-François de se retirer le temps d’ausculter sa patiente.

    — Va, mon chéri, dis à tes sœurs que je vais vous rejoindre dans quelques minutes.

    — Madame, objecta le docteur, vous êtes encore faible, vous avez des tests prévus pour connaître l’origine de votre malaise.

    — Je n’ai pas le temps. J’ai une bien plus grande urgence que ma santé. Ma douleur physique n’est rien à côté de ma peine. J’ai un fils à enterrer et avec ou sans votre consentement, je pars.

    La voix de Lise était tellement déterminée que le médecin savait qu’il n’aurait jamais le dernier mot. Il abdiqua sous certaines conditions.

    — Je signe votre congé seulement si vous me promettez de prendre rendez-vous en clinique externe pour faire un bilan de santé complet.

    — Je vais voir.

    — Non, j’attends de vous un engagement. Comment pourrez-vous continuer à veiller sur vos enfants si vous faites un infarctus ou une thrombose cérébrale ?

    — Vous maîtrisez vos objections et savez les utiliser pour être convaincant. Je vais appeler pour un rendez-vous, je vous le promets. Maintenant, vous la signez ma libération conditionnelle ?

    — Bon courage, Mme Marcil, je vais laisser au poste des infirmières une ordonnance pour des calmants, cela pourrait vous aider à dormir si vous souffrez d’insomnie. N’ayez pas peur de les prendre, il n’y a aucun danger d’accoutumance.

    C’est toujours ce qu’ils disent, pensa-t-elle et débrouillez-vous lorsque vos petites pilules seront essentielles pour dormir. Non, elle ne prendra jamais de médicament pour ses douleurs morales ; elle était plus forte que cela.

    La réalité l’avait rattrapée. Elle marchait en tête de peloton tel un commandant.

    — Venez, les enfants. Qui s’est occupé de Julie et des petits ?

    — Sa grande amie est avec elle.

    — Elle doit être démolie. Mon Dieu, mes petits-enfants, comment vont-ils se remettre d’un choc pareil ? Ils vont manquer leur père toute leur vie comme vous avez manqué le vôtre. Le destin s’acharne, une mère ne peut pas jouer les deux rôles et Julie… qui est déjà mère qu’à moitié, comment va-t-elle combler le vide laissé par Alex ?

    Elle faisait ces réflexions à voix haute, personne ne disait mot, ils la suivaient comme des canetons dociles sur une mer agitée.

    — L’avez-vous vu ? Est-ce que les policiers ont demandé à l’un d’entre vous d’aller reconnaître le corps d’Alex ?

    — Ils ont demandé à Julie, mais elle ne se sent pas capable.

    — Donc, personne n’y est allé ?

    — Non.

    — Il est à Parthenais ?

    — Oui, mais tu n’as pas l’intention d’y aller ?

    — Oh oui ! Et il n’y a personne qui va m’en empêcher.

    — D’accord, alors nous y allons tous avec toi, maman, nous avons toujours été une famille unie et aujourd’hui plus que jamais.

    — Merci Lyne.

    Chacun essayait d’être fort pour aider l’autre, mais ils semblaient tous sur le pilote automatique.

    Comme si cela n’était pas assez difficile de perdre quelqu’un qu’on aime, il fallait passer par plusieurs départements, dont celui de l’enquêteur avant d’accéder au corps.

    Des questions inappropriées pour le temps, tel : « Il était déprimé ? », « Buvait-il souvent ? », « Avait-il des problèmes d’argent ? », « De famille ? », « Avez-vous des indices qui pourraient entrevoir un acte comme celui-ci ? »

    Bande d’imbéciles ! S’il y avait eu des indices, nous aurions pu l’aider. C’est justement parce qu’il n’y a pas eu d’indice qu’il est mort. Elle savait son fils très discret, peu enclin à la confidence, mais des intentions de suicide auraient dû influencer son comportement et rien n’a jamais transpercé. Sans avoir l’air très heureux, il avait une vie bien remplie avec sa conjointe et ses trois enfants. Sa bru, si on peut la nommer ainsi, car ils n’étaient pas mariés, n’était pas parfaite, mais on ne pouvait lui reprocher les agissements d’Alex. S’il n’était pas heureux, il aurait dû consulter. Il travaillait avec acharnement pour payer ce qu’il y avait de mieux pour sa famille, mais ce n’était jamais assez. Julie lui reprochait de ne pas avoir l’envergure des membres de sa propre famille.

    Ses filles et ses garçons l’ont toujours vue travailler le jour comme le soir pour arriver à payer juste le nécessaire et ils savaient l’apprécier. Chacun de ses enfants, du moins c’est ce qu’elle croyait, avait des valeurs : l’amour et le dévouement les caractérisaient. Dans la famille de Julie, il s’était formé entre eux une sorte de compétition malsaine, comme si les acquis avaient une importance disproportionnée. Ils s’appréciaient, mais se comparaient. Leur maison devait être la plus belle, l’auto la plus dispendieuse, les voyages les plus fréquents et j’en passe ; cette rivalité que Julie voulait entretenir aurait-elle pu le tuer ? Et puis non, il ne se serait pas enlevé la vie pour ces balivernes. Elle connaissait son fils et malgré sa grande émotivité, il n’aurait pas pu poser un tel geste. Elle le sentait dans ses tripes. Il savait trop le mal que cela faisait de ne pas avoir de père, alors il n’aurait pas fait cela à ses enfants.

    — Vous allez m’arrêter toutes ces questions, je veux voir mon fils et je veux le voir tout de suite. Je vous verrai ensuite.

    — Si vous voulez patienter, j’aurais quelques questions supplémentaires à vous poser.

    — Non monsieur, je ne veux pas patienter et vous allez me conduire immédiatement à mon fils.

    — Madame, je suis la procédure.

    — Si c’était votre fils qui était couché dans un réfrigérateur, vous la suivriez, vous, la procédure ?

    Il la dévisagea, une belle femme d’âge mûr qui paraissait trop jeune pour être la mère du cadavre, mais dont la vie avait tracé quelques rides autour des yeux. Elle avait l’air bien déterminée, prête à lui sauter dessus, bec et ongles, s’il refusait sa requête.

    — Je pense que la procédure ne m’en tiendra pas rigueur pour cette fois. Veuillez me suivre.

    Ses enfants la suivirent comme s’ils écoutaient les consignes du prof de maternelle. À ce moment précis, ils auraient voulu justement être en bas âge, être tous réunis, Alex inclus. Chacun y allait de ses reproches personnels, se sentant responsable en partie de ce malheureux geste alors que leur mère renforçait la thèse de l’accident. Ils pensaient tous qu’elle était très affectée en niant l’évidence.

    — Monsieur, allez-vous pratiquer une autopsie ?

    — Cela dépend des résultats de l’enquête, il se peut qu’une simple toxicologie soit demandée si la thèse du suicide est retenue.

    — Vous croyez que mon fils aurait pu être assassiné ? Qu’il y ait eu meurtre ?

    — Pas du tout, mais toute mort est considérée suspecte si elle ne survient pas de façon naturelle.

    — Si vous êtes certain que c’est un suicide, pourquoi faire une toxicologie ?

    — Pour savoir ce qui l’a réellement tué. L’alcool, le monoxyde de carbone, ce dernier étant le plus plausible, car il n’y avait plus de carburant dans le réservoir et la clé était sur le contact.

    Comme ils entraient dans une minuscule chambre où une civière trônait au milieu, Lise lui demanda :

    — Pouvez-vous nous laisser seuls avec lui un moment ?

    — Au point où j’en suis rendu, une entorse de plus aux règlements ne fera pas une grande différence.

    — Merci.

    — Nous allons d’abord vérifier son identité.

    Chose faite, il se retira pour laisser la famille avec le défunt. Il avait vingt-trois ans de service dans les enquêtes et cela lui faisait encore de l’effet de voir les proches pleurer leurs parents.

    En sortant, il donna des instructions au préposé pour qu’il redirige cette famille à son bureau.

    Ils entouraient le frère, le fils, gisant sans vie sur cette civière étroite et se tenaient la main pour se donner du courage. Tous pleuraient, Lyne et Annie, un peu plus fort que les autres et Jean-François essayait tant bien que mal de les consoler. Tous se faisaient des reproches de ne pas s’être rendu compte de sa détresse sauf Lise, de plus en plus convaincue que son fils ne s’était pas suicidé. Lyne, Annie, Isabelle

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