Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Seulement un père: Roman
Seulement un père: Roman
Seulement un père: Roman
Livre électronique205 pages2 heures

Seulement un père: Roman

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Jenny est victime d'inceste jusqu’à ses 16 ans. En avouant la vérité, elle ouvre plutôt la boîte de Pandore et se retrouve toute seule. La colère, le refus et le jugement des autres l’envahissent. Un bouleversement inattendu la forcera alors à pardonner l’impossible et elle devra surmonter toutes les épreuves qui s’abattront sur elle. L’amour de Jérôme lui suffira-t-il pour s’en sortir ? Elle ne voulait pourtant qu’un père…


À PROPOS DE L'AUTEURE


Isabelle Duval a fait des études littéraires en France et aux États-Unis. Seulement un père est un condensé de sa vie et de ses expériences. Elle se livre ainsi à travers des lignes pleines de souffrance.


LangueFrançais
Date de sortie3 nov. 2021
ISBN9791037737816
Seulement un père: Roman

Lié à Seulement un père

Livres électroniques liés

Thriller policier pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Seulement un père

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Seulement un père - Isabelle Duval

    L’accident

    « Tu n’es qu’un accident ! » lui disait-on sans cesse.

    Toute son enfance, Jenny fut le paria, le vilain petit canard qui sortait du lot, surtout chez son père. Elle était celle que l’on installait systématiquement en bout de table, ou sur la petite table de salon quand il n’y avait plus de place. Elle était de corvée de balayage et d’essuyage de vaisselle ; vérifiée par un adulte qui préférait la regarder faire, n’hésitant pas à lui râler dessus s’il restait une traînasse. Quand tout le monde était assis dans le canapé, elle n’avait droit que de se poser sur le tapis, parce qu’elle était la plus petite ; c’est ce que les gens lui répondaient et elle les croyait ; ils étaient des adultes donc ils avaient raison. Et puis, le tapis était tout doux. Parfois, elle s’endormait dessus en suçant son pouce, son doudou éléphant entre les bras. Elle ne comprenait pas pourquoi tous se moquaient d’elle, lui disant qu’elle se prenait pour un chien ; se mettant en boule pour s’endormir. Quand cela arrivait, Xavier, son frère demandait pour la monter au lit ou dans un fauteuil, mais son père refusait, disant que cela la réveillerait ; alors il prenait son gilet et lui posait sur elle, sur le sol. Elle lui faisait pitié mais il n’insistait jamais ; les adultes avaient raison. En plus, il ne voulait pas se mettre son père à dos ; tant pis pour elle, finalement.

    À table, si elle ne finissait pas son assiette, elle n’avait pas le droit d’avoir un dessert alors que les autres avaient le droit de ne plus avoir faim. Ce n’était même pas la peine qu’elle demande quelque chose de spécial à manger ; chaque fois, la réponse était la même : « Tu manges ce que l’on te sert ! » Une fois, elle avait caché sa pomme qu’elle n’avait pas finie et ne voulait plus ; elle alla la jeter dans la poubelle mais sa marâtre de belle-mère la ressortit, la rinça sous l’eau et la lui fit manger ; lui faisant un speech sur le gaspillage et sur la prise de poids dû au comportement qu’elle avait ! Elle avait cinq ans et elle la bassinait avec son poids, lui narrant les bienfaits d’une alimentation saine, à heures fixes et en fuyant toutes les boissons gazeuses, les bonbons et les chocolats que lui donnait sa mère. Forcément, tout ce que sa mère faisait pour Jenny était systématiquement critiqué par sa belle-mère ainsi que par son père ; elle était son portrait craché, donc son père semblait ne pas la supporter. Enfin, c’est la seule raison qu’elle trouvait pour expliquer ses agissements.

    Personne ne jouait avec elle aux jeux de société, lorsqu’ils en faisaient, ou alors toujours contre elle, jamais en équipe avec elle. Si elle commençait à gagner, ils changeaient de jeu ; elle ne devait jamais avoir l’honneur d’être en tête et de voir son ego grossir.

    Chez sa mère, elle jouait toute seule à la poupée qu’elle habillait avec des vêtements récupérés dans des brocantes, ou qu’elle faisait elle-même en agrafant des bouts de tissus ensemble. Elle se faisait des cahiers de coloriage en découpant dans les programmes de télévision, toutes les images en noir et blanc qu’elle trouvait ; les collant ensuite dans des cahiers dont elle prenait le plus grand soin. Elle s’allongeait sur le sol de sa chambre, sur la moquette marron, rêche et abîmée par endroit ; et elle coloriait avec les feutres que ses frères ne voulaient plus ou les fins de crayons de couleur. Elle s’appliquait tout le temps, faisant attention à ne pas dépasser, et ceux qu’elle préférait, elle les découpait et les accrochait avec des punaises, au-dessus de son pseudo-bureau, fait de deux tréteaux et d’une planche de bois. Elle était très fière de son coin bureau ; au-dessus, elle avait accroché une étagère à trois étages que lui avait donnée son grand-père. Sur le premier, elle mettait ses plus beaux livres, ce qui se résumait à un livre de contes de fées et l’ancienne collection de livres de sa mère, récupérée chez sa grand-mère lorsqu’elle décéda. Au deuxième étage, des petites figurines faites en pâte à sel à l’école et dont sa mère se fichait, alors elle les gardait pour elle ; celles de ses frères étaient exposées dans le salon telles des trophées. Probablement que les siennes n’étaient pas assez belles, même si la maîtresse lui avait dit le contraire. Enfin, sur le dernier étage, des petits bonhommes et des fèves qu’elles trouvaient parfois par terre dans la rue ou que ses frères n’avaient plus besoin. C’étaient ses porte-bonheur et elle y tenait beaucoup ; elle avait réussi à reconstituer une espèce de petite famille, avec tous les petits personnages qu’elle avait et elle leur avait donnés des noms.

    Parfois, ses frères jouaient quand même avec elle aux petits soldats, car elle perdait toujours les batailles qu’ils organisaient à travers la chambre, se baladant jusque sous le lit et la commode. Elle aimait ces moments qu’elle passait avec eux ; elle adorait ses frères jumeaux Xavier et Franck. Ils aimaient la coiffer et lui faire des tresses, surtout pour jouer aux cowboys et aux Indiens avec leurs cousins quand ils les voyaient. Elle était toujours la squaw qu’ils accrochaient à l’arbre dans le jardin, celle qu’il fallait délivrer et emmener sur le cheval ; ou plutôt sur le manche à balai servant de cheval. Ils passaient souvent de bons moments ensemble, pas assez pour Jenny, mais tout cet amour fraternel la rassurait un peu. Ils faisaient des tentes dans le jardin, accrochant des draps avec des pinces à linge sur le grillage du voisin et bloquant le tout avec les chaises du salon de jardin, en plastique vert, délavé par les rayons du soleil ! Toute une aventure pour que cela tienne, mais cela les amusait beaucoup. Ils prenaient des gâteaux et les mangeaient tranquillement en jouant aux cartes. Elle perdait tout le temps à ce jeu-là, certainement parce que ses frères changeaient les règles du jeu au fil du temps mais ce n’était pas grave, cela se terminait toujours de la même manière : par un concours de château de cartes qu’ils faisaient ensemble. Après, c’était Jenny qui rangeait tout, ses frères devaient faire leurs devoirs avec leur mère ou leur beau-père. Jenny se débrouillait toujours toute seule car elle était assez intelligente et ce n’était pas grave si elle ne comprenait pas. C’était une fille, elle ne pouvait pas tout savoir ; c’est ce qu’on lui rabâchait.

    En revanche, lorsqu’elle était seule, c’est-à-dire très souvent, elle s’enfermait dans son monde ; et en plus des coloriages, elle faisait beaucoup de mots croisés ; elle avait aussi appris l’anglais toute seule en écoutant la radio anglaise et en cherchant dans des dictionnaires la signification des mots. Son grand-père lui avait donné une vieille radio ayant appartenu à son arrière-grand-père ; ses frères n’étaient pas jaloux car elle était démodée et grésillait beaucoup. Jenny l’adorait car elle avait l’odeur de tabac froid qui se trouvait dans la cuisine de son arrière-grand-père ; elle s’en souvenait. Un des rares souvenirs heureux cachés dans son cerveau.

    Elle avait un don pour l’écoute, de telle manière qu’elle savait jouer un air de piano rien qu’en l’écoutant ; son professeur au collège l’avait qualifiée « d’oreille musicale ». Elle était vraiment en retrait de tous, comme si, elle s’éduquait toute seule, en voulant grandir plus vite pour pouvoir faire plus de choses ; prouver qu’elle valait mieux que tout ce que les gens pensaient d’elle. Elle se mettait dans sa bulle et masquait sa solitude derrière une carapace et une certaine agressivité.

    Beaucoup cherchaient à comprendre son comportement impulsif envers les gens. Elle rembarrait quiconque la remettait à sa place ; même toute petite, si quelqu’un la critiquait, elle lui répondait ; se faisant forcément qualifiée d’arrogante, insolente ou mal polie. Elle n’aimait pas se faire marcher sur les pieds, c’était un fait avéré.

    Pourtant, paradoxalement, elle aidait tout le monde, elle aimait éplucher les légumes, mettre le linge à l’air, laver les escaliers, replier le linge, rendre service à sa mère ou sa grand-mère. Elle le faisait car elle savait qu’elle aurait un câlin ou un bonbon en échange ; elle aimait les câlins de sa mère ; ils sentaient le chèvrefeuille et ceux de sa grand-mère, l’eau de Cologne, acheté en supermarché. Plus elle faisait de choses pour sa mère, plus elle pouvait profiter d’elle qui travaillait beaucoup ; alors quand elle avait fini tous ses devoirs, elle exécutait des tâches ménagères mais malheureusement, sa mère passait son temps libre avec ses frères, la plupart du temps ; parce que c’est comme cela, les garçons sont proches de leur maman et les filles de leur papa ! Voilà la phrase toute faite qu’on lui servait sur un plateau, chaque fois qu’elle osait se plaindre… Alors les micros câlins, elle les savourait et les enregistrait dans sa tête ; pour y repenser quand elle en avait besoin.

    De ce fait, elle compensait et travaillait très bien à l’école ; elle avait toujours d’excellents résultats et ses maîtres en primaire, puis ses professeurs au collège la félicitaient constamment. Elle faisait toujours de son mieux, lisant très tard le soir dans son lit avec une torche, cachée sous ses draps pour ne pas se faire punir. Elle emmagasinait des tonnes et des tonnes de connaissances, toujours avide de découvrir de nouvelles choses. Elle aimait tellement quand elle pouvait raconter des choses qu’elle avait apprises par elle-même ; se sentant un instant supérieure aux autres et surtout, écoutée et prise au sérieux. Elle prenait des cahiers et s’entraînait à faire des lignes de calligraphie pour avoir une écriture parfaite ; elle lisait le dictionnaire pour acquérir un savoir exemplaire. Pour beaucoup, elle était dans l’excès et voulait se donner en spectacle et ils la rabaissaient, aussitôt qu’elle commençait à attirer trop l’attention sur elle.

    Néanmoins, sa grand-mère paternelle était fière d’elle et elle disait toujours à ses cousins :

    « Il faut faire comme Jenny ; elle est sérieuse et rapporte des bons points et de bonnes notes ! Prenez exemple ! »

    C’est vrai qu’elle avait une boîte à chaussures remplie d’images d’animaux qu’elle avait choisies soigneusement parmi toutes celles que proposaient ses maîtres d’école. C’était son petit trésor, qu’elle gardait dans sa table de nuit. Elle y mettait aussi un cahier dans lequel elle écrivait son histoire et son mal-être mais elle s’était inventé une écriture, car il ne fallait pas que quelqu’un comprenne ce qu’elle y marquait. Elle y couchait ses souffrances, ses manques, ses incompréhensions avec ses mots à elle ; au gré des saisons et des années, ils devinrent de plus en plus durs et étaient souvent mêlés à des larmes. Elle se doutait de plus en plus qu’elle n’était pas comme les autres et que tout ce qui lui arrivait n’était pas normal.

    Ses cousins et ses frères préféraient jouer entre garçons, mais comme elle les aidait à faire leurs devoirs, ils lui accordaient un peu de leur temps lorsqu’ils étaient tous ensemble ; sans qu’elle les suppliât. C’était tout ce dont elle avait besoin, d’attention et d’amour. Elle n’en avait jamais, sans rien donner en retour. C’était la cousine de trop mais juste utile quand on en avait besoin, pour jouer quand eux le décidaient ou pour les devoirs compliqués. En plus, elle donnait toujours ses bonbons et ses carrés de chocolat ; le lavage de cerveau concernant la prise de poids faisant son entrée dans son esprit, s’installant sournoisement mais profondément pour la perturber. Elle ne voulait pas décevoir son père qui aurait honte d’avoir une fille obèse, comme le disait sa belle-mère…

    À l’école, elle aidait ses camarades de classe ; si untel était malade, elle lui recopiait ses devoirs et les lui apportait chez lui ; quitte à faire des kilomètres à vélo. En revanche, quand elle était absente, personne ne s’en souciait et elle rattrapait tout son retard pendant les heures de récréation ou en permanence. Parfois, elle allait même à la bibliothèque de l’école pour effectuer des recherches pendant que les autres jouaient dehors ; ses maîtres étaient épatés de son besoin d’assouvir ses connaissances constamment. Pourtant, même si personne ne l’aidait ou lui expliquait ce qu’elle avait manqué, elle continuait quand même à le faire, parce qu’elle était gentille ; probablement trop. Tout le monde disait qu’elle n’avait pas besoin d’aide car elle comprenait toujours trop vite, n’ayant jamais une note en dessous de 18/20, dans toutes les matières. Elle n’aimait pas l’échec, elle se mettait une pression permanente, la barre très haute dans tous les domaines car elle voulait toujours avoir la reconnaissance de son assiduité passionnée. Personne n’en mettait autant qu’elle, ni même de patience pour aider ses camarades, ou plutôt ceux qui profitaient d’elle. Elle était tellement gentille et empathique ; même si elle se doutait que certains exagéraient et auraient pu récupérer leurs cours autrement, elle le faisait quand même ; c’était comme une addiction et un besoin maladif de se rendre utile. Ce n’était même plus de la gentillesse, c’était de la dévotion.

    Au fond d’elle, depuis toute petite, c’était plus profond que cela, elle agissait ainsi pour obtenir la seule attention qui comptait à ses yeux et qu’elle n’avait jamais ; celle de son père qui l’avait toujours ignorée… Hormis les quelques câlins maternels et les bisous certains soirs avant d’aller se coucher, elle n’avait jamais rien de son père ; elle n’était qu’un poids, un vulgaire boulet qu’il devait traîner.

    Il la rejeta encore plus lorsqu’il se mit en couple avec une femme ayant des enfants ; la fameuse marâtre dont seuls ses enfants ainsi que Xavier et Franck comptaient. Pourtant, elle aidait son père quand il en avait besoin ; pour nettoyer la voiture à l’éponge dans la cour et la rincer avec le tuyau d’arrosage ; tondre la pelouse et passer le râteau sur les feuilles afin d’en faire un gros tas dans un coin ; avant de se jeter dedans avec ses frères et de se faire gronder. Elle essuyait aussi la vaisselle chez lui, car la fille de sa belle-mère était trop occupée à regarder la télévision.

    Son père lui donnait des missions aussi, qu’elle prenait au sérieux, comme aller chercher le pain ! Il lui donnait des pièces pour la boulangère et elle était tout heureuse d’y aller comme une grande, traversant au passage piéton en faisant attention de bien regarder à droite et à gauche ; saluant les gens qu’elle croisait dans la rue et croquant toujours le croûton de pain, par habitude. Parfois, il l’envoyait même à l’épicerie en bas de la rue, pour aller récupérer plusieurs choses ; même lourdes pour ses frêles épaules, elle se démenait et y allait fièrement, car elle disait qu’elle venait de la part de son père. Malheureusement, elle ne comprenait pas pourquoi la plupart des gens semblaient surpris de cela et puis, un jour, une dame qui se trouvait à la boulangerie dit une phrase qui la marqua à jamais : « Je croyais qu’il n’avait qu’une fille et trois garçons. Tu es la dernière ? »

    Une fille et trois garçons, ses frères jumeaux et les enfants de sa belle-mère ; elle ne faisait pas partie du tableau. Son père ne parlait jamais d’elle et ne corrigeait même pas les gens lorsqu’ils l’oubliaient, car finalement, à quoi bon ? Elle n’était que celle qui faisait les corvées, l’enfant inutile, la non désirée, l’accident…

    Elle n’avait que trois ans lorsque ses parents se sont séparés brutalement ; elle découvrira plus tard, en tombant sur un dossier simplement appelé « Divorce », que son père était alcoolique et avait frappé sa mère à plusieurs reprises. Elle n’avait aucun souvenir de cette période en particulier, mais son cerveau avait emmagasiné toutes les images de violences conjugales, ainsi que les coups envers ses frères et elle-même ; beaucoup plus que n’importe quel clip relatant ce genre de drames. Tout s’était enregistré dans sa tête, rangé dans des tiroirs secrets dont la clé aurait été

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1