Un secret bien gardé
Les deux mains posées sur les hanches, le marteau encore dans l’une d’elles, Louise recula de quelques pas pour admirer les rideaux qu’elle venait de poser.
– Pas mal!
Son nouvel appartement, calme et lumineux, l’enchantait. Depuis son emménagement, elle n’avait cessé de l’embellir, repeignant les murs et les plinthes en bleu et blanc, ses couleurs préférées, achetant des meubles et des rideaux, achevant la décoration du lieu avec goût.
Elle venait de terminer de poser sa nouvelle bibliothèque, une immense bibliothèque en bois blanc, qui pourrait contenir les dizaines de livres qu’elle possédait. Louise adorait les livres, qui avaient été les compagnons précieux d’une enfance solitaire et studieuse. Elle avait d’ailleurs conservé tous ses livres de cette époque et réfléchissait déjà à l’ordre selon lequel elle les disposerait sur les étagères. Les plus récents en haut, les plus anciens en bas. La lecture avait toujours été une activité essentielle dans la vie de Louise. Fille unique de parents froids et distants, elle avait trouvé dans la lecture le moyen de compenser l’absence d’un frère ou d’une sœur qui serait venu égayer son enfance. Cette passion ne l’avait jamais quittée et elle avait toujours aimé la transmettre.
Petite, elle s’amusait à « faire la classe » dans le garage paternel, où elle réunissait les enfants du voisinage, le mercredi, afin de leur apprendre des rudiments de lecture. Elle avait su transformer ces après-midi en jeu, car aucun enfant, même parmi les plus jeunes, n’avait jamais tenté de se soustraire à cette « classe », bien au contraire. Beaucoup venaient la supplier de bien vouloir les accepter dans son cours improvisé et elle avait dû se résoudre à faire des listes pour répartir ses élèves selon les mercredis, car la demande excédait de beaucoup la capacité du garage.
Cette réussite précoce l’avait-elle encouragée à faire de l’enseignement son métier ? Elle se le demandait parfois et souriait de se voir aujourd’hui nommée à son premier poste d’institutrice, après ses années de formation. À présent, elle allait apprendre, « pour de vrai », à de véritables élèves auxquels elle offrirait le bonheur de savoir lire.
Elle venait de recevoir sa première affectation, dans une ville calme de la banlieue toulousaine, et avait eu la chance de trouver un appartement non loin de l’école où elle venait d’être nommée. Une telle chance lui laissa penser que sa carrière d’enseignante débutait sous les meilleurs auspices et c’est le cœur joyeux qu’elle se présenta dans sa nouvelle école, le jour de la rentrée.
En dépit de sa joie, elle se sentait un peu nerveuse en franchissant la porte d’entrée. Elle ne pouvait s’empêcher de
