La relève
Dès le lendemain, Mathilde se présenta à l’école. Je l’accompagnai, le moment était venu pour moi de faire ma première rentrée ; jusqu’alors, c’est ma mère qui s’occupait de mon instruction.
Juste avant de pousser la grille, elle s’arrêta et me prit le bras en me fixant gravement :
– À partir d’aujourd’hui, dès que nous aurons passé le portail, je ne serai plus ta maman, je serai ton institutrice. Tu devras m’appeler madame Froment, comme tes camarades, comprends-tu mon Jean ? Il ne faudra pas te tromper, n’est-ce pas ?
J’acquiesçai. Je n’étais plus son petit garçon, je devenais son élève, la maîtresse, c’était ma mère !
Ma mère eut droit à tous les égards. De mon côté, les autres enfants me firent un accueil assez peu chaleureux, ils devaient me trouver trop différent, avec mon costume élégant, ma timidité et aussi ma situation.
Bien entendu, ils surent très vite que j’étais le fils de la maîtresse ! Je commençais à m’inquiéter de mon sort quand celui qui semblait le chef de bande à la récréation et que ses camarades appelaient le Gros Bart me demanda :
– Dis, c’est pour qui ton ruban ?
– Mon père, le sergent-major Célestin Froment.
– Un officier, un chef quoi… Moi, c’est mes trois grands frères qui sont morts et mon paternel y a laissé un bras.
– Moi, c’est mon père et mon oncle, s’exclama un autre.
Et chacun d’égrainer ses morts et ses blessés, avec la même fierté qu’ils mettaient à annoncer leurs points au jeu de billes.
Une petite fille aux longues tresses brunes s’approcha de notre groupe, elle s’appelait Pauline. D’une voix timide, elle demanda :
– Un major, c’est un docteur, non ? Mon papa nous a dit que c’était un major qui lui avait sauvé la vie en lui coupant la jambe !
– Tu parles, s’il lui a coupé la guibole, c’est plutôt un boucher qu’un toubib !
– Oh non, Ferdinand ! si on lui avait pas enlevé, il serait
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