La relève

Les semaines passèrent, puis les mois, nous étions désormais bien installés à Cassagnac. Louise connaissait tous les commerçants du bourg et n’avait pas son pareil pour négocier une salade légèrement flétrie sur l’étal du marché ou une petite côtelette de plus chez le boucher :

– Allons, monsieur Basset, ce n’est que de l’os, vous ne pourrez pas la vendre, celle-là !

Même chose chez le charcutier, elle réussissait à marchander un morceau de boudin, sous prétexte que c’était le bout.

Au lavoir, Louise interpellait toutes les ménagères par leur prénom et riait avec elles des plaisanteries qui fusaient sous la halle. C’était la grande affaire des familles, le coulage de la lessive. Cela se déroulait dans la salle près de la cheminée, car il fallait sans cesse verser de l’eau bouillante dans le cuvier, ne pas oublier les cendres enfermées dans un pochon pour la blancheur, ni le laurier ou les oignons de lys pour l’odeur.

Ces jours-là, un parfum de propre doublé d’une vapeur chaude envahissait toute la maison, car madame Cottin faisait venir la maman de Gus pour sa propre lessive. Restait ensuite à emporter le linge au lavoir, où les femmes maniaient le battoir avec ardeur, agenouillées sur des caisses de bois. Bien sûr, il s’agissait d’une véritable corvée, mais c’était aussi un moment de convivialité qu’aucune ne voulait manquer.

La vie d’alors était ainsi faite de durs labeurs et d’instants de communauté, on partageait le bon et le mauvais, on pouvait se chercher querelle, mais souvent on se retrouvait, car le quotidien était rude et l’on avait besoin de s’entraider pour survivre. Le lavoir était un lieu de cancans et de médisances, les femmes n’étaient pas très tendres entre elles. Souvent, la qualité d’une ménagère était jugée sur son coup de battoir et la netteté de ses draps qui s’étalaient sous l’œil attentif des lavandières rassemblées.

J’étais fier