Il n’est jamais trop tard
Juliette repoussa sa tasse de thé brûlant et consulta son agenda. Il ne lui restait plus qu’une personne à voir avant l’heure du déjeuner. Elle s’étira et fit un petit mouvement du cou, de droite à gauche. Cette matinée l’avait épuisée. Les rendez-vous s’étaient succédé sans inter ruption depuis huit heures trente et elle avait hâte de faire une pause. Elle avait dû faire face à toutes sortes de demandes, parfois exigeantes, parfois incongrues et, après avoir enchaîné les heures sans y faire attention, elle sentait son estomac la rappeler aux réalités matérielles.
La jeune femme n’aurait jamais imaginé, en ouvrant son cabinet d’écrivain public, que ce travail pouvait être si fatigant ! Un échec au Capes de lettres modernes, six mois auparavant, l’avait laissée un temps désemparée, mais lui avait permis de comprendre que le métier de professeur n’était pas fait pour elle.
Pendant quelques semaines, elle était restée sans savoir quoi faire de sa vie. Puis, à la suite d’un reportage à la télévision, l’idée lui était venue de devenir écrivain public. Pourquoi pas ? Elle savait écrire, avait fait des études littéraires. Son père lui avait avancé les fonds nécessaires à l’ouverture de son cabinet et, dans l’arrondissement populaire où elle s’était installée, les clients ne manquèrent pas d’affluer dès le premier jour.
Elle fut tout d’abord surprise par la diversité des demandes, mais prit rapidement goût à son travail. Elle rédigeait tantôt des lettres à de la famille éloignée, tantôt des courriers administratifs, parfois des missives suppliantes à des créanciers. Elle rédigea même (deux fois !) des lettres d’amour. Cela l’avait à la fois émue et un peu étonnée. Comment pouvait-on écrire à l’être aimé par personne interposée ? Cette démarche l’avait laissée perplexe, mais elle s’y était prêtée de bonne grâce. Elle savait trouver le mot exact, la bonne tournure et, après tout, si son petit talent pouvait aider à réunir deux cœurs solitaires… La satisfaction de ses clients était tout ce qui comptait !
Depuis qu’elle était installée à Paris, Juliette n’avait jamais regretté sa décision. Le week-end, elle rejoignait ses parents, qui vivaient à Fontainebleau. Elle aimait retrouver la chaleureuse maison de son enfance, toute proche des bois. Elle appréciait également les petits plats de sa mère, fin
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