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Un amour inattendu: Un amour inattendu
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Un amour inattendu: Un amour inattendu
Livre électronique490 pages23 heures

Un amour inattendu: Un amour inattendu

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À propos de ce livre électronique

Sophie Broadmoor adore les bals raffinés, les belles robes et les bijoux de luxe. En fait, elle apprécie tout ce que lui procure la fortune des Broadmoor et on dit d’elle que c’est la plus extravagante des cousines Broadmoor. Pendant un voyage en Angleterre, elle s’éprend follement de Wesley Hedrick, un riche veuf qui lui promet mers et monde. Mais les promesses de Wesley ne semblent jamais se réaliser, et bientôt Sophie se retrouve dans une situation des plus compromettantes. Pourquoi faut-il que ce soit Paul Medford, le jeune pasteur oeuvrant avec son père, qui apparaît au moment où elle est désespérée? Paul est plein de promesses aussi, et il est évident qu’il éprouve de l’affection pour elle. Mais après ce qu’elle a traversé, osera-t-elle lui faire confiance?
LangueFrançais
Date de sortie22 juil. 2013
ISBN9782896836932
Un amour inattendu: Un amour inattendu
Auteur

Tracie Peterson

Tracie Peterson (TraciePeterson.com) is the bestselling author of more than one hundred novels, both historical and contemporary, with nearly six million copies sold. She has won the ACFW Lifetime Achievement Award and the Romantic Times Career Achievement Award. Her avid research resonates in her many bestselling series. Tracie and her family make their home in Montana.

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    Aperçu du livre

    Un amour inattendu - Tracie Peterson

    1

    Vendredi 15 octobre 1897 Rochester, New York

    Du haut de ses dix-huit ans, Sophie Broadmoor jeta à son oncle Jonas un regard furieux. Il haussa un sourcil, de toute évidence surpris de sa réaction. Quoi qu’il en soit, il continua de pianoter de ses doigts sur la desserte de noyer comme si son impatience pouvait faire apparaître son frère Quincy, le père de Sophie, à la porte du manoir Broadmoor. Sophie était extrêmement agacée par le comportement de son oncle. Il semblait la rendre respon­sable du retard de son père. Eh bien, elle avait suffisamment de ses propres torts dont elle devait porter la responsabilité. Elle n’allait certainement pas se sentir fautive pour le manquement à l’étiquette de son père. Oncle Jonas pouvait bien intimider sa propre famille, en particulier sa fille Amanda, mais il ne l’effrayait pas le moindrement.

    Ignorant le regard réprobateur de son oncle, Sophie replaça nonchalamment la dentelle de sa manche et se tourna vers tante Victoria.

    — Si vous êtes fatiguée d’attendre Père, je suggère que nous commencions sans lui. Cela ne le dérangera pas le moins du monde. Vous savez à quel point il ne voit pas le temps passer quand il aide une âme en perdition à la Maison des délaissés.

    Sa tante regarda son époux d’un air interrogateur.

    — Qu’en penses-tu, Jonas ? Allons-nous commencer sans Quincy ? Le repas aura sûrement refroidi si nous attendons plus longtemps, et je sais que tu détestes manger froid.

    Il cessa de pianoter et, s’appuyant sur les accoudoirs de son fauteuil, son oncle se leva et parcourut la pièce des yeux.

    — Eh bien ? Allons dans la salle à manger.

    Sophie saisit le bras de sa cousine Fanny.

    — Il doit croire que nous pouvons lire dans ses pensées, murmura-t-elle.

    Fanny ricana et acquiesça.

    — Parfois, j’aimerais que nous le puissions. Avec oncle Jonas, on ne sait jamais ce qu’il va faire d’une minute à l’autre. Ce serait utile de pouvoir lire dans son esprit, tu ne penses pas ?

    — Oh oui ! Et ça le rendrait fou de rage — non pas que je n’y arrive pas déjà.

    Amanda tira sur la manche de Sophie.

    — Ton comportement est décidément inconvenant. À quel propos murmurez-vous toutes les deux ?

    La lueur du chandelier projetait des reflets dorés sur la chevelure brune de Sophie.

    — Si c’est à ce point inconvenant, pourquoi veux-tu savoir, cousine ? la taquina Sophie en lui prenant le bras. Nous parlions de lire dans les pensées de ton père. Ce ne serait pas rigolo ?

    — Je ne suis pas sûre de vouloir savoir tout ce qui traverse l’esprit de Père, mais ça pourrait certainement se révéler utile de temps en temps.

    Les trois filles entrèrent dans la salle à manger, Amanda flanquée de Fanny et de Sophie. Comme à l’habitude, les deux frères célibataires d’Amanda, George et Jefferson, avaient réussi à éviter le repas du vendredi soir. Sophie aurait aimé connaître leur secret. Aucun des parents mariés vivant à Rochester n’était obligé d’assister à ces ennuyeux soupers du vendredi soir, mais oncle Jonas exigeait que ses enfants, ses nièces et ses neveux célibataires, ainsi que son frère Quincy maintenant veuf, y assistent. À moins, bien sûr, qu’oncle Jonas ait lui-même d’autres projets qui pourraient y faire obstacle. Sophie espérait toujours que survienne un événement qui fasse annuler ces repas, mais elle était la plupart du temps déçue.

    Elle était persuadée que son oncle avait conçu ce plan pour garder un œil sur les femmes célibataires de la famille par crainte que l’une d’entre elles se fourvoie et trouve un prétendant qu’il considérait comme indésirable. Toutefois, ses soupers du vendredi n’avaient pas dissuadé Fanny. Au grand chagrin d’oncle Jonas, elle était tombée amoureuse de Michael Atwell, leur ancien maître d’équipage de l’île Broadmoor. Mais avec le départ de Michael pour chercher de l’or quelque part au Yukon et la mort de Grand-père l’année dernière, la pauvre Fanny avait dû se résoudre à vivre sous le toit d’oncle Jonas jusqu’à ce qu’elle atteigne sa majorité. Sophie n’enviait nullement ses deux cousines de vivre chez Jonas. Il lui déplaisait d’habiter dans la modeste demeure de son père, mais au moins, elle pouvait aller et venir comme bon lui semblait. Son père n’était jamais suffisamment présent pour lui poser des questions sur ses allées et venues.

    Sophie feignit de faire une moue et regarda le long de la table.

    — Où sont Jefferson et George ce soir, tante Victoria ? Ils me manquent.

    Son oncle renifla.

    — Ils te manquent ou tu souhaiterais pouvoir t’absenter comme eux ?

    — Jonas ! Sophie s’informait poliment à propos de ses cousins, intervint Victoria. Tu n’as pas besoin de transférer ta colère sur ceux qui sont présents et ponctuels.

    Son oncle grogna sans toutefois s’excuser. Mais Sophie ne s’attendait pas à une chose si peu probable. Oncle Jonas s’excusait rarement et ne demandait jamais qu’on lui pardonne un manquement à l’étiquette au sein de sa propre famille. Ces derniers temps, cependant, tante Victoria avait commencé à s’affirmer davantage devant son mari — un fait dont Sophie se réjouissait énormément.

    Jonas déplia brusquement sa serviette de table et la posa sur son ventre plutôt rondelet.

    — Où est le souper, Victoria ?

    Même s’il n’avait probablement pas eu l’intention de crier, la question avait été posée de manière suffisamment forte pour que les domestiques s’empressent de venir de la cuisine. De toute évidence, ils attendaient dans le vestibule que tante Victoria leur fasse signe de servir. Une des domestiques plaça devant oncle Jonas une grande assiette de service contenant deux canards parfaitement braisés avec des morceaux de navets et de carottes.

    Son oncle trancha le canard avec des gestes pompeux puis s’assit comme s’il venait d’accomplir un grand exploit. Il rajusta sa veste et fit signe aux domestiques de servir les plats d’accompagnement. Après avoir récité le bénédicité, il prit une gorgée d’eau et se racla la gorge.

    — J’ai une annonce à faire à propos de votre voyage en ­Angleterre, mesdames.

    Sophie soupira bruyamment.

    — S’il vous plaît, ne nous dites pas que vous prévoyez nous faire voyager ailleurs. Nous nous sommes tous entendus sur le fait que nous n’irions qu’en Angleterre.

    Tante Victoria ferma les yeux et secoua la tête.

    — S’il te plaît, n’interromps pas ton oncle. J’aimerais ­entendre ce qu’il a à dire.

    Elle regarda son mari avec un grand sourire.

    — Continue, Jonas. Quelle surprise nous réserves-tu ?

    Il planta sa fourchette dans un morceau de navet et parut se demander s’il devait parler ou manger. Gardant son attention sur sa nourriture, il dit :

    — J’ai bien peur qu’il me soit impossible de vous accompagner en Angleterre.

    Les filles gloussèrent de joie, mais Sophie ne manqua pas de remarquer le regard troublé de sa tante.

    — Pas besoin d’avoir l’air si désespérée, tante Victoria. Nous allons bien nous amuser ici à Rochester. Aucune d’entre nous ne voulait aller en Angleterre de toute façon — pas même vous.

    Son oncle posa bruyamment sa fourchette sur son assiette.

    — Je n’ai pas dit que le voyage était annulé, Sophie. J’ai dit que je ne pourrais pas y aller avec vous. Vos réservations ont été faites, et je me suis trouvé un remplaçant pour vous accompagner. Vous serez heureuse d’apprendre…

    — Mais, Jonas, tu avais promis, l’interrompit Victoria. La seule raison pour laquelle j’ai accepté ce voyage, c’était parce que tu avais promis de venir avec nous. Comment peux-tu renier ta parole ?

    — Victoria, il n’y a pas lieu de devenir hystérique à propos d’un petit changement de plan. Une affaire d’une grande importance exige mon attention, et ce sera impossible pour moi de m’éloigner de Rochester à la date de votre départ. Si je ne m’occupe pas de l’affaire, cette famille n’aura pas les moyens de conserver le style de vie auquel elle s’est habituée.

    Il eut un sourire que son regard niait.

    — N’ai-je pas raison ?

    — Raison ou non, je suis déçue que tu aies renié ta promesse envers moi. J’ai déjà expliqué que je ne croyais pas sage pour moi de voyager seule avec les trois filles.

    — Quand j’aurai terminé mes affaires ici, je vous rejoindrai en Angleterre, dit Jonas. Comme j’essayais de vous le dire plus tôt, j’ai trouvé quelqu’un d’autre pour prendre ma place.

    Sophie pouvait à peine se retenir. Qui donc oncle Jonas avait-il convaincu de faire le voyage ? Elle attendit que tante Victoria pose la question, mais celle-ci demeura silencieuse, les lèvres serrées d’un air réprobateur. Et oncle Jonas parut tout à coup plus intéressé à essayer d’attraper un morceau de canard dans son assiette qu’à révéler l’information.

    Quand elle n’en put plus d’attendre, Sophie laissa tomber :

    — Eh bien, qui avez-vous convaincu de nous accompagner ?

    — Oui, qui donc ? demanda Amanda.

    Plutôt que de parler d’une voix forte à sa manière pompeuse habituelle, Jonas fixa son assiette.

    — Daniel.

    Fanny porta vivement la main à son corsage.

    — Daniel ? Daniel Irwin ?

    Elle pencha la tête de côté jusqu’à ce que sa chevelure touche pratiquement son assiette. De toute évidence, Fanny essayait de croiser le regard d’oncle Jonas.

    Celui-ci leva la tête et fit le tour de la table des yeux. Il parut avoir retrouvé son air autoritaire.

    — Vous connaissez un autre Daniel ?

    Sophie dressa son index dans les airs.

    — Oui, mais je doute que ce soit lui.

    Son oncle serra les mâchoires.

    — Pas si c’est un de ces hommes que tu fréquentes à Brown Square.

    Sophie eut un petit rire, ravie d’avoir pu agacer son oncle, mais quelque peu étonnée de ce changement de situation. Si on l’avait interrogée sur la personne que son oncle choisirait pour les accompagner, Daniel n’aurait pas fait partie de la liste des possibilités. Et selon toute apparence, il n’aurait pas non plus figuré sur la liste de tante Victoria. La pauvre Fanny paraissait avoir reçu un coup en plein vendre. Seule Amanda semblait indifférente.

    — Pourquoi donc demanderiez-vous cela à Daniel Irwin ? dit Fanny d’une voix rauque avant de prendre une gorgée d’eau. Il ne fait pas partie de la famille. En fait, il est plutôt agaçant, n’est-ce pas, Amanda ?

    Amanda regarda Fanny puis son père. Sophie lui donna un petit coup de coude en espérant qu’Amanda trouve le courage de prendre position.

    — C’est vrai qu’il est agaçant, Père. Je pense vraiment que vous auriez pu mieux choisir.

    — Depuis quand est-ce toi qui prends les décisions dans la famille, jeune fille ?

    Il la foudroya du regard, et Amanda parut se recroqueviller sous les yeux de Sophie.

    — Elle donne seulement son opinion, oncle Jonas, et nous sommes toutes d’accord. Nous avons le droit d’exprimer notre avis dans cette famille, n’est-ce pas ?

    Jonas secoua la tête.

    — Tes manières laissent beaucoup à désirer, Sophie. Je n’ai sollicité aucune opinion à propos de cette décision. J’ai réservé le voyage de Daniel et j’ai tout à fait confiance qu’il fera un parfait compagnon.

    Sophie était sur le point d’argumenter, mais avant qu’elle puisse entreprendre la bataille, une des domestiques escorta son père dans la pièce, suivi de près par Paul Medford.

    — Toutes mes excuses, Victoria. J’ai vraiment perdu la notion du temps.

    Il fit un geste en direction de la table puis ajouta :

    — Allez, continuez à manger. Paul et moi allons attendre dans la bibliothèque.

    Visiblement agacé, Jonas indiqua une des chaises vides.

    — Oh, assieds-toi, Quincy. Tu as été invité à dîner et c’est ce que tu vas faire.

    Voyant que Paul demeurait sur le seuil, Jonas lui fit signe de s’approcher.

    — Vous aussi, Paul. Asseyez-vous et mangez.

    Sophie oublia toute préoccupation concernant Daniel Irwin. Pourquoi son père avait-il amené Paul Medford ? Il semblait qu’il ne pouvait apparaître à une quelconque activité familiale sans que son ex-séminariste préféré le suive comme un chien errant.

    Son père présenta ses excuses à profusion jusqu’à ce que ­Victoria le supplie de s’arrêter.

    — Tout est pardonné, Quincy. Comme tu peux le constater, nous ne t’avons pas attendu. Sophie a proposé que nous commencions sans toi.

    Quincy adressa un bref sourire à Sophie.

    — Je crains qu’elle me connaisse trop bien.

    Les domestiques revinrent avec les plats de service et attendirent en silence que les deux hommes aient rempli leurs ­assiettes. Quincy prit plusieurs morceaux de légumes et de canard puis hocha la tête en signe d’approbation.

    — Excellent, comme toujours, Victoria.

    Il avala une gorgée d’eau de son verre.

    — J’ai besoin d’un service, Jonas.

    Jonas le dévisagea par-dessus sa tasse de café.

    — Aujourd’hui, Paul a appris que sa grand-mère était très malade et qu’on ne s’attendait pas à ce qu’elle vive beaucoup plus longtemps, dit Quincy. Il pense qu’il devrait accompagner sa mère en Angleterre. Je lui ai dit que tu pourrais peut-être leur réserver un billet pour qu’ils voyagent avec toi, Victoria et les filles. Je lui ai expliqué que vous partiez le vingt-trois.

    Jonas poussa un grognement.

    — Tout à fait. Au début, j’avais prévu le départ pour le dix-huit, mais Victoria a vite fait de me rappeler que les plus luxueux paquebots partaient les samedis. Ma femme a tendance à souffrir du mal de mer quand elle voyage sur de plus petits bateaux.

    Il tapota la main de son épouse.

    — Cette date vous convient-elle à vous et à votre mère, Paul ? ajouta-t-il.

    Paul se pencha sur sa chaise.

    — Oui, elle nous convient. Cela aiderait Mère à oublier la maladie de Grand-mère, si elle pouvait côtoyer quelqu’un d’autre que moi. Je crains que ma présence sur le navire lui rappelle constamment la raison pour laquelle nous traversons l’océan. Votre femme et les jeunes filles pourraient la divertir.

    Jonas acquiesça.

    — Je vais m’en occuper dès demain matin.

    Il adressa un sourire rayonnant à sa femme.

    — Tu vois, ma chérie, dit-il, tout s’arrange finalement. Vous aurez quelqu’un pour vous tenir compagnie pendant tout le voyage.

    Sophie lut la confusion sur le visage de son père et elle s’empressa de lui annoncer qu’oncle Jonas n’allait pas les accompagner pour le voyage.

    — Quelle affaire te retient à Rochester, Jonas ? Si c’est une chose pour laquelle je peux t’aider, je serais heureux de te donner un coup de main. Tu pourrais alors poursuivre ton projet d’accompagner Victoria.

    Jonas secoua vigoureusement la tête.

    — Non, il n’y a rien que tu puisses faire pour m’aider, mais j’apprécie ton offre, Quincy. Toutefois, la compagnie de Paul et de sa mère sera des plus agréables, n’êtes-vous pas d’accord, mesdames ?

    Tante Victoria ne semblait pas convaincue, et rien que son père ou oncle Jonas pourrait dire n’aurait su convaincre Sophie également. La présence de Paul Medford à bord allait gâcher son plaisir !

    Dès qu’elles le purent, les trois filles en profitèrent pour quitter la maison. Après avoir promis de demeurer sur le domaine, elles enfilèrent leur manteau et marchèrent jusqu’au jardin en terrasse où elles allaient pouvoir se retrouver entre elles. Depuis qu’elles étaient jeunes, elles aimaient s’asseoir entre les hautes colonnes grecques de la loggia d’où elles pouvaient voir quiconque s’approcher tout en ayant un sentiment d’intimité — grâce, surtout, aux vignes qui leur procuraient un toit de feuilles et des fruits savoureux en saison.

    — Je ne sais pas lequel de nos pères est devenu le plus retors, Amanda, dit Sophie en grimpant sur un des bancs et en arrachant une feuille de vigne morte. Je ne peux pas croire que je serai forcée d’endurer la présence de Paul Medford pendant tout le voyage. Vous pouvez être certaines qu’il essaiera de gâcher tout notre plaisir. Et je peux seulement imaginer sa mère — une vieille femme sévère et prude qui fronce constamment les sourcils.

    Sophie frissonna.

    Le vent agitait le coin de la cape d’Amanda, et elle la referma sur elle.

    — Je crois que la présence de Paul est une pure coïncidence. De plus, je ne t’ai jamais vu permettre à quiconque de gâcher ton plaisir. Je prédis que tu trouveras quelque moyen de l’éviter.

    — Et n’oublions pas que la mère de Paul pourra tenir compagnie à tante Victoria, ajouta Fanny. Mais je pense réellement qu’on peut attribuer la présence de Daniel Irwin aux projets retors d’oncle Jonas.

    Fanny serra doucement le bras d’Amanda.

    — Je suis désolée si tu trouves mes paroles dures, Amanda.

    — Tu n’as pas besoin de t’excuser, Fanny. J’ai entendu bien pire. À mon avis, il n’y a pas un membre de la famille qui n’ait critiqué Père à un moment ou à un autre — y compris moi. Et malheureusement, je pense que tu as raison à propos de Daniel. C’est un étrange choix. Père le connaît à peine, et il n’est pas beaucoup plus âgé que nous trois. S’il avait simplement voulu un jeune compagnon mâle, il aurait pu facilement ordonner à Jefferson ou à George de venir.

    Sophie frappa des mains.

    — Oh, j’aurais vraiment aimé qu’il le fasse ! Les garçons sont si amusants !

    — Ils peuvent encore se comporter comme des garçons, fit Amanda en souriant, mais je ne pense pas qu’ils apprécieraient que tu parles d’eux de cette manière.

    — Et c’est exactement en raison de leur comportement enfantin que ton père ne les aurait pas choisis pour nous accompagner, intervint Fanny en écartant de son front une mèche de cheveux. Nous savons toutes pourquoi il a choisi Daniel Irwin. Oncle Jonas continue d’entretenir l’espoir que je vais oublier Michael et tomber follement amoureuse de Daniel. Il ne m’a pas le moindrement dupée, mais son plan échouera. Mon amour pour Michael est immuable. Daniel ne fera jamais l’objet de mon affection.

    Amanda tapota doucement ses lèvres avec son index.

    — Et si c’était le plan de Daniel plutôt que celui de mon père ? Avez-vous songé que Daniel a peut-être approché mon père pour lui avouer son affection à ton égard ?

    — Et étant le tuteur à tout jamais dévoué de Fanny, qui ne souhaite que ce qu’il y a de mieux pour sa nièce, oncle Jonas a proposé que Daniel nous accompagne pendant le voyage, blagua Sophie. Pensez-vous vraiment qu’il veuille simplement donner à Fanny l’occasion de découvrir son seul et véritable amour ?

    — Je sais que tu as raison, Sophie, mais je pensais que nous devrions au moins lui donner le bénéfice du doute. C’est mon père, après tout, et je ne voudrais pas mal le juger.

    Le rire de Sophie se répercuta sur les pierres de la loggia.

    — Crois-moi, chère cousine, tu n’as pas besoin de t’inquiéter à ce sujet.

    Une brise légère agita les vignes, et Sophie se rapprocha de ses cousines.

    — Toutefois, ajouta-t-elle, j’ai décidé que nous aurions un plaisir fou malgré les deux trouble-fête qui nous ont été imposés.

    Elle prit les mains de ses cousines.

    — Faisons un pacte.

    2

    Samedi 23 octobre 1897 À bord du SS City of New York

    Le cocher conduisit la calèche sur le quai à toute vitesse puis arrêta brusquement les chevaux, envoyant les membres de la famille Broadmoor se buter contre l’intérieur de l’habitacle. Il allait sans doute se faire réprimander par oncle Jonas, mais Sophie avait trouvé l’expérience assez emballante. Un début de voyage follement amusant. D’accord, le chapeau de tante Victoria était maintenant de travers, mais le cocher avait réussi à les conduire sans aucun accident, ce qui n’était pas une mince tâche même pour les plus habiles d’entre eux le jour du départ des paquebots à New York.

    Comme les Broadmoor, les autres passagers étaient arrivés plus d’une heure avant que le navire lève l’ancre, et beaucoup d’entre eux indiquaient déjà la direction que devaient prendre leurs ­malles et leurs valises pendant que d’autres grimpaient la passerelle. Les calèches de location et les voitures privées continuaient d’arriver, débarquant d’autres voyageurs sur le quai surpeuplé.

    Une fois qu’ils furent descendus de la calèche, oncle Jonas leur demanda de surveiller l’arrivée de Daniel pendant qu’il parlait au cocher. Sophie sourit à l’adresse de ses cousines.

    — Nous devrions peut-être nous cacher derrière les bagages pour que Daniel ne nous voie pas.

    — Je doute que ça fonctionne, dit Fanny en faisant la moue. Oncle Jonas trouverait probablement le moyen de retarder le départ du bateau jusqu’à ce que Daniel arrive. À moins de pouvoir compter sur vous deux pour m’aider à tenir Daniel à distance, j’ai peur d’être condamnée à passer tout le voyage en sa compagnie.

    — Tu sais que je vais faire de mon mieux, promit Sophie. Ensemble, nous allons ourdir des plans malicieux qui vont dérouter le pauvre Daniel. Tout ce que nous avons à faire, c’est de réutiliser quelques mauvais tours que nous avons déjà joués à Jefferson et à George.

    Amanda ne semblait pas tout à fait convaincue.

    — Nous allons faire notre possible pour le tenir à distance, mais pas de méchants tours.

    — Tu n’y as pas mis tout ton cœur, murmura Sophie. Tu aurais pu nous soutenir davantage.

    À ce moment, tante Victoria marcha vers elles en tenant son mouchoir à bout de bras.

    — Agitez les mains, les filles ! Voici Daniel et il ne semble pas nous voir.

    Les trois filles tournèrent le dos et fouillèrent dans leurs réticules. Finalement, Victoria tapota l’épaule d’Amanda.

    — Qu’est-ce que vous faites, les filles ? Je vous ai demandé de faire signe à Daniel.

    Amanda donna un coup de coude à Sophie.

    — Nous cherchons nos mouchoirs pour qu’il nous voie plus facilement. Toutefois, je semble avoir oublié les miens. Ils doivent avoir été mis dans ma malle.

    Sophie battit des cils et tint son sac à main ouvert pour que sa tante l’inspecte.

    Victoria indiqua le morceau de dentelle qui sortait de la poche du manteau de voyage à col de fourrure de Sophie.

    — Ce ne serait pas ce que tu cherches ?

    Sophie sentit la chaleur lui monter le long du cou et sur les joues.

    — Mon Dieu, je crois que oui. Merci, tante Victoria.

    Elle tira de sa poche le mouchoir à bordure de dentelle et leva à peine le bras. Le carré blanc pendait de sa main comme un drapeau en berne par une journée sans vent.

    En soulevant le bras de Sophie, tante Victoria indiqua à Amanda et à Fanny de se dépêcher.

    — Vous ne me trompez pas le moins du monde. Maintenant, trouvez ces mouchoirs et agitez-les au-dessus de vos têtes.

    Elle avança le menton d’une manière qui impliquait qu’elle n’accepterait pas qu’on lui désobéisse. Si les filles n’avaient pas immédiatement produit les carrés de dentelle, Sophie crut que sa tante aurait immédiatement fouillé leur sac à main pour les en retirer. Les deux autres filles levèrent leurs mouchoirs qu’elles agitèrent avec peu d’enthousiasme. Malheureusement, leur geste suffit à attirer l’attention de Daniel.

    — Il nous a vues, grommela Fanny. Et regardez ! Voilà Paul.

    Elle saisit la main de Sophie puis ajouta :

    — Ça doit être sa mère.

    Sophie fronça les sourcils et secoua la tête.

    — Non. Cette femme ne ressemble pas du tout à la mère de Paul.

    — Tu n’as jamais rencontré la mère de Paul, dit Fanny.

    — C’est vrai, répondit Sophie, mais je m’en suis fait une idée, et cette femme ne lui ressemble pas du tout.

    — Oh, je t’en prie, Sophie. Ça n’a pas de sens, dit Amanda. C’est la seule personne avec lui. Cette femme doit sûrement être sa mère — elle est adorable, vous ne pensez pas ?

    Daniel courut vers elles et s’empressa de se placer à côté de Fanny pendant que Sophie regardait la dame prendre le bras de Paul. Elle était très élégante, avec un air de dignité et un sourire invitant — une femme charmante, en vérité. Pas du tout comme son fils. Car malgré ce qu’en disaient les autres, Sophie trouvait Paul plutôt ordinaire. Quand ils s’approchèrent, Sophie remarqua la même couleur noisette de leurs yeux. À part ce fait, il y avait peu de ressemblance entre la mère et le fils.

    Madame Medford semblait parfaitement à l’aise, mais Paul balbutia en faisant les présentations et sembla particulièrement embarrassé quand il oublia le nom d’Amanda. Pour une quelconque raison, Sophie se sentit désolée pour lui et vint à sa rescousse. C’était peut-être le souvenir de s’être retrouvée dans une situation mondaine inconfortable d’où personne ne l’avait sauvée. Maintenant, elle se préoccupait fort peu de telles choses. En fait, elle se donnait volontairement en spectacle si cela apportait un peu de joie dans une réunion autrement ennuyeuse.

    Les yeux bruns de madame Medford se fixèrent sur Sophie pendant un long moment.

    — Je constate que vous avez appris à apprécier la vie, mademoiselle Broadmoor. Si le rire est vraiment bon pour la santé, j’oserais dire que vous allez vivre très longtemps.

    Elle tapota le bras de Paul avec son éventail.

    — Tu pourrais tirer quelques leçons de cette jeune fille, lui dit-elle. Tu es beaucoup trop sérieux.

    Paul leva les yeux au ciel, de toute évidence gêné par les paroles de sa mère.

    — Maintenant que les présentations ont été faites, je crois que nous devrions monter à bord, Mère.

    — Vous voyez ? Même si le quai est bondé d’autres passagers et qu’il nous reste presque cinquante minutes avant de lever l’ancre, Paul craint que le bateau parte sans nous.

    Madame Medford tapota la main de son fils.

    — Nous allons attendre et embarquer avec les Broadmoor, termina-t-elle.

    Madame Medford jeta un coup d’œil vers la calèche où la tante et l’oncle de Sophie étaient en grande conversation.

    Tante Victoria ne semblait pas du tout heureuse, mais il fallait s’y attendre. Même si oncle Jonas continuait de lui promettre qu’il allait les rejoindre à Londres, elle ne paraissait pas amadouée. Le fait que Jonas ait refusé d’arriver à New York plusieurs jours à l’avance ne lui avait pas attiré de bonnes grâces non plus. Les femmes Broadmoor avaient espéré pouvoir profiter d’au moins deux jours pour faire les boutiques et d’une soirée au théâtre avant leur voyage, mais oncle Jonas s’était opposé en invoquant encore tout le travail qui l’attendait.

    Oncle Jonas agrippa le coude de sa femme et l’escorta vers eux tandis que plusieurs chariots affichant des noms de fleuristes en vogue à New York arrivaient sur le quai. Des livreurs se précipitèrent sur la passerelle, les bras chargés d’ornements floraux.

    Sophie se rapprocha d’Amanda.

    — Espérons que ton père a acheté un de ces énormes bouquets pour ta mère, lui dit-elle.

    — En ce moment, je pense que cela prendrait davantage que des fleurs pour calmer Mère. On dirait qu’il essaie de partir sans nous accompagner à bord. S’il réussit à s’enfuir, elle sera furieuse. Peut-être que je devrais intervenir.

    Amanda regarda le groupe.

    — Si vous voulez bien m’excuser quelques instants, fit-elle.

    Même si Paul essayait d’engager la conversation avec Sophie, elle surveillait de près Amanda et ses parents. De toute évidence, les suppositions de sa cousine avaient été justes. Le froncement de sourcils sur le visage de tante Victoria aurait suffi à faner tout un bouquet de fleurs. Quand les trois eurent terminé leur conversation et se furent approchés, oncle Jonas proposa qu’ils montent à bord.

    — Allez-vous monter avec nous, oncle Jonas ? demanda Sophie.

    — Oui, bien sûr, répondit Jonas en contournant le groupe pour aller accueillir Daniel.

    — Heureux que tu sois arrivé sans encombre, mon garçon.

    La réaction enthousiaste de son oncle étonna Sophie, mais elle se demanda si elle était davantage liée à Daniel qu’au mécontentement évident de tante Victoria. Ils se frayèrent un chemin à travers la foule rassemblée sur le quai. Les notes de musique d’un ­orchestre se mêlaient au brouhaha de la foule pendant que des passagers magnifiquement vêtus et parfaitement coiffés parcouraient les ponts en saluant de la main quiconque se tournait dans leur direction. Son oncle continuait de faire la fête à Daniel tout en poussant vers l’avant le reste du groupe. Son comportement à l’égard du jeune homme sortait de l’ordinaire, même pour son oncle, qui semblait changer d’humeur aussi souvent qu’un caméléon changeait de couleur.

    Elle pensa mentionner ce fait à Fanny, mais oncle Jonas se plaça devant elle quand Sophie se prépara à embarquer.

    — Fanny, prends le bras de Daniel, ordonna-t-il. Je ne veux pas que tu trébuches sur la passerelle.

    Même s’il avait pris bien soin d’apparier Fanny et Daniel, il semblait ne pas se soucier le moindrement du fait que Sophie ou sa propre fille puissent avoir besoin d’aide pour monter à bord. Sophie agrippa le bras d’Amanda et s’exclama :

    — S’il te plaît, permets-moi de t’aider à embarquer, Amanda. Je ne voudrais pas que tu trébuches sur la passerelle.

    La remarque attira un bref regard de reproche de la part de son oncle, mais Sophie se contenta de secouer ses boucles et d’avancer, avec tante Victoria et oncle Jonas qui fermaient la marche.

    — Je crois vraiment que c’est le plus beau bateau sur lequel nous ayons voyagé, Jonas. Si nous devons faire le voyage sans toi, nous serons au moins bien logés.

    Sophie jeta un coup d’œil par-dessus son épaule à temps pour voir son oncle se réjouir du compliment.

    — Allons d’abord dans le salon principal, proposa-t-elle. Fanny voudra voir les fleurs.

    Amanda ricana.

    — Et échapper à Daniel, murmura-t-elle. Un excellent plan, Sophie.

    Jonas agita son index devant les filles.

    — Il n’y aura pas de visite au salon avant que vous soyez allées dans votre cabine. Je veux m’assurer qu’elle est à la hauteur de vos attentes avant de retourner sur le quai. Vous pourriez même y découvrir une surprise.

    La colère de tante Victoria s’évanouit.

    — Oh, Jonas ! Nous n’avons pas besoin de surprises. Nous en aurons suffisamment pendant notre voyage.

    Elle lui serra la main.

    — Mais puisque tu as fait l’effort, nous ferons comme tu le souhaites.

    Paul et sa mère les suivirent pendant seulement un moment. Même si oncle Jonas avait réussi à obtenir des billets de première classe pour Paul et sa mère sur le City of New York, leurs cabines étaient situées dans la direction opposée, un fait qui plut à Sophie.

    Les sacs de voyage des Broadmoor avaient été placés à l’extérieur de leur cabine, tandis que les malles contenant les vêtements dont elles auraient besoin en Angleterre avaient été rangées sur le pont inférieur. Quand les femmes eurent terminé leur tournée de la cabine, Veda et Minnie, les deux servantes personnelles qui les avaient accompagnées à partir de la maison, allaient défaire leurs bagages.

    Toutes étaient satisfaites de la cabine. C’était une vaste suite dotée d’un salon et de deux grandes chambres à coucher — une de chaque côté du salon — de même que de quartiers des domestiques pour les deux servantes. Des fleurs avaient été livrées dans la cabine avec une note adressée à tante Victoria réaffirmant qu’oncle Jonas allait les rejoindre en Angleterre. Toutefois, ce fut le nécessaire de toilette en filigrane d’argent qui la remplit de joie encore davantage que les fleurs. De toute évidence, oncle Jonas n’avait rien ménagé concernant le cadeau ou leur suite.

    Les pièces étaient beaucoup plus opulentes que Sophie s’y était attendue. Les murs étaient en lambris de cerisier, les lits étaient couverts de velours, et les meubles rembourrés dans des teintes riches de prune et de vert forêt. Tante Victoria se tenait dans l’embrasure de la porte d’une des chambres.

    — Voudrais-tu partager cette chambre avec moi, Amanda ? De cette manière, vous ne serez pas trop à l’étroit, les filles.

    — Oh, s’il vous plaît, intervint Sophie, permettez-lui de rester dans la chambre avec Fanny et moi, tante Victoria. Nous pouvons très bien nous organiser. Les chambres sont très grandes, et nous ne nous amuserons pas autant si nous sommes séparées les unes des autres.

    Amanda s’approcha de sa mère.

    — S’il vous plaît, Mère, acceptez. Vous savez que j’apprécie votre compagnie, mais…

    — Je comprends. J’ai été jeune aussi, tu sais, fit-elle en étreignant brièvement sa fille.

    Jonas attendit que les autres soient hors de vue pour agripper Daniel par le bras et lui indiquer la direction des petits salons. Il devait faire en sorte que le jeune homme comprenne bien ses devoirs. Fanny avait hérité de la part de son père de la fortune des Broadmoor — un fait qui ne cessait d’irriter Jonas. Son frère Langley n’avait rien fait pour garnir davantage les coffres de la famille, et il semblait odieux que sa fille hérite de sa part.

    — Il n’aurait même pas dû avoir sa part, pas après s’être suicidé, marmonna Jonas.

    Quoi qu’il en soit, la situation était grave maintenant. Si Jonas devait réussir à mettre la main sur l’héritage de Fanny, Daniel devait se montrer fiable et céder complètement aux désirs de Jonas. Et la traversée vers l’Angleterre durerait peu de temps pour tout ce que Jonas et Daniel devaient accomplir.

    En regardant Daniel maintenant, Jonas commença à avoir des doutes. Le jeune homme devait jouer un rôle important dans la réussite du plan de Jonas, et l’idée le déprimait quelque peu. Même s’il n’était pas particulièrement intelligent, Daniel semblait docile et impatient de lui plaire. Jonas ne pouvait qu’espérer que ces traits de caractère suffiraient pour la tâche qui l’attendait. Si le garçon avait été plus intelligent que cupide, il aurait dès le départ refusé son offre ou exigé davantage. Dans un cas comme dans l’autre, une telle attitude aurait nui à Jonas.

    Quand ils eurent trouvé un endroit discret, Jonas commanda deux verres de porto.

    — Nous devons passer en revue les détails de ce que j’attends de toi, dit-il.

    Quand Daniel inclina la tête en signe d’acquiescement, plusieurs mèches de ses cheveux brun pâle tombèrent sur son front. Il les remit en place et s’assit. Seule une petite table ronde les séparait, et Jonas se pencha vers l’avant pour se rapprocher encore davantage du jeune homme. Il voulait éviter que quiconque entende leur conversation.

    — Je veux m’assurer que tu comprends bien ce que j’exige de toi pendant ce voyage, Daniel. Quand j’arriverai en Angleterre, je veux t’entendre dire que Fanny a accepté de t’épouser. C’est tout ce que je demande. Est-ce clair ?

    — Mais si elle repousse mes avances, monsieur Broadmoor ? Elle essaie de m’éviter chaque fois qu’elle en a la possibilité. Vous l’avez bien vu tout à l’heure.

    Jonas hocha la tête.

    — Tu seras généreusement récompensé si tu réussis, Daniel. Tu dois seulement te souvenir de ce qui est en jeu et tu pourras surmonter tous les obstacles qui se présenteront.

    — Je serais plus confiant si vous étiez du voyage et que je puisse compter sur vous pour faire en sorte que Fanny ne m’évite pas.

    Daniel se massa le front du bout des doigts avant d’ajouter :

    — C’est ce qu’elle fait, vous savez : elle maintient une distance entre nous chaque fois que c’est possible.

    Les appréhensions du jeune homme inquiétaient de plus en plus Jonas. S’il ne parvenait pas à renforcer la confiance de Daniel, celui-ci ne réussirait pas à gagner le cœur de Fanny.

    — Lie-toi d’amitié avec ma femme et fais-en ton alliée. Convaincs-la de ton amour pour Fanny et de ton désir de lui procurer une vie confortable avec un homme de son rang. Tu n’as pas besoin de dénigrer Michael Atwell. Ma femme comprend qu’il est nécessaire de se marier au sein de sa propre classe sociale.

    Jonas donna une tape sur l’épaule du jeune homme.

    — Si tu gagnes la confiance de ma femme, elle t’aidera discrètement.

    Après avoir laissé échapper un soupir audible, Daniel accepta.

    — Je vais faire de mon mieux pour gagner le cœur de Fanny et le respect de votre épouse.

    — Tu ne dois même pas envisager un échec. Si toutes les autres mesures échouent, tu dois la séduire.

    Jonas vit le regard de surprise dans les yeux du jeune homme, mais il savait que c’était là sa dernière chance de bien faire comprendre à Daniel qu’il devait réussir.

    — J’espère que ça ne sera pas nécessaire, mais je veux que tu comprennes que tu ne dois reculer devant rien pour obtenir le consentement de Fanny au mariage. Même si l’écart de conduite représente le seul moyen d’atteindre ce but. En fait, rien ne me ferait plus plaisir que de découvrir que toi et Fanny êtes fiancés quand j’arriverai en Angleterre.

    Jonas sortit de son veston

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