Marraine de guerre
Face à la fenêtre, Louise Dancour fait aller et venir ses pieds sur la pédale de la machine à coudre. Encore une couture et la chemise pour Albert sera prête.
Cet après-midi, elle ira poster le colis pour son frère. Dedans, elle a glissé une photo de la famille, une lettre de Victorine, l’amoureuse d’Albert, une autre où elle lui parle des parents, des jumeaux de 10 ans, Mathurin et Clovis, qui ont encore fait des bêtises en accrochant une clochette à la queue du chat, de la ferme qui manque cruellement de bras et de l’espoir qu’ils ont tous de le revoir bientôt. Elle a aussi mis des paires de chaussettes, deux caleçons bien chauds, du chocolat, le tabac que son père a récupéré, le chandail que sa mère a tricoté, et dans une demi-heure elle ajoutera la chemise qu’elle aura terminée et quelques victuailles pour que le Noël d’Albert dans les tranchées soit moins triste. Tous alentour savent que l’aîné des Dancour est aussi le préféré. Albert seconde son père à la ferme depuis quatre ans. Il aime la terre autant qu’Auguste. Un jour, il reprendra l’exploitation. A 21 ans c’est le plus beau gars du village, et Victorine, la fille d’Alcide, le garde champêtre, une jolie rouquine de presque 18 ans, le sait mieux que tous. C’est son amoureuse depuis quelques mois. Ils sont restés discrets sur leur histoire : même s’il estime le père de Victorine, Auguste espère que son fils épouse plutôt la fille du fermier voisin.
Seule Louise est au courant. Victorine est son amie. Elles ont le même âge et ont partagé le même encrier à l’école, pendant leur enfance. Au début, Victorine a tenté de garder son amour secret, mais Louise n’a pas été longue à comprendre. Les flammes dans ses yeux quand elle parlait d’Albert, et les regards de son frère quand il les apercevait ensemble, lui ont mis la puce à l’oreille. Elle leur a promis le silence. Albert attendait les 18
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