Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Le festin des corbeaux
Le festin des corbeaux
Le festin des corbeaux
Livre électronique268 pages3 heures

Le festin des corbeaux

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Nous sommes en 1892 et Londres est aux prises avec le Mal. Une terreur démoniaque s’abat sur les rues, semant le chaos en aidant la Légion, une bande d’odieux personnages qui vivent sous terre, à instaurer un régime de terreur à la surface. Seuls les membres des Sentinelles, une société secrète de garnements et de guerriers, peuvent les en empêcher. Une prophétie ancienne prétend qu’un garçon, Ben Kingdom, possède le pouvoir de mettre fin à cette guerre. Mais Ben possède un objet secret si néfaste qu’il pourrait détruire tout ce que les Sentinelles ont travaillé si fort à préserver. Trouvera-t-il le courage d’accomplir sa destinée… ou la ville tombera-t-elle plutôt aux mains ennemies lors du Festin des corbeaux?
LangueFrançais
Date de sortie23 févr. 2015
ISBN9782897523602
Le festin des corbeaux

Lié à Le festin des corbeaux

Titres dans cette série (3)

Voir plus

Livres électroniques liés

Fantasy et magie pour enfants pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Le festin des corbeaux

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Le festin des corbeaux - Andrew Beasley

    C1.jpg142384.jpg

    Copyright © 2013 Andrew Beasley

    Titre original anglais : The Battles of Ben Kingdom: The Feast of Ravens

    Copyright © 2015 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée en accord avec Usborne Publishing Ltd.

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Sylvie Trudeau

    Révision linguistique : Isabelle Veillette

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Katherine Lacombe

    Montage de la couverture : Matthieu Fortin

    Illustrations de la couverture et dans le livre : © 2013 David Wyatt

    Illustration de la carte : © 2013 Ian McNee

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN papier 978-2-89752-358-9

    ISBN PDF numérique 978-2-89752-359-6

    ISBN ePub 978-2-89752-360-2

    Première impression : 2015

    Dépôt légal : 2015

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7

    Téléphone : 450-929-0296

    Télécopieur : 450-929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    43599.png

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Beasley, Andrew

    [Battles of Ben Kingdom. Français]

    Les combats de Ben Kingdom

    Traduction de : The battles of Ben Kingdom.

    Sommaire : 1. Les griffes du mal -- 2. Le festin des corbeaux.

    Pour les jeunes de 13 ans et plus.

    ISBN 978-2-89752-355-8 (vol. 1)

    ISBN 978-2-89752-358-9 (vol. 2)

    I. Trudeau, Sylvie, 1955- . II. Beasley, Andrew. Claws of evil. Français. III. Beasley, Andrew. Feast of ravens. Français. IV. Titre. V. Titre : Battles of Ben Kingdom. Français. VI. Titre : Les griffes du mal. VII. Titre : Le festin des corbeaux.

    PZ23.B42Co 2015 j823’.92 C2014-942485-X

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    Les combats de Ben Kingdom

    Viendra celui qui mènera la guerre, pour vaincre les ténèbres, faire triompher la lumière.

    Viendra celui qui, une couronne de feu à son front,

    fera s’écrouler la Légion.

    Viendra celui dont les yeux de flammes

    perceront à jour les mensonges infâmes.

    Viendra celui dont le cœur brûlant

    vaincra l’adversité dans son rôle triomphant.

    Viendra celui qui, le feu à la main,

    débarrassera cette contrée du malin.

    Viendra celui qui paiera le prix ;

    car s’il échoue, tout sera fini.

    Viendra celui qui, dans la souffrance et la douleur,

    connaîtra encore la trahison et le malheur.

    Viendra celui qui choisira son chemin :

    ténèbres éternelles ou jour sans fin.

    À toi, ma Julie chérie, mon exceptionnelle conjointe, ma joie, ma meilleure amie… Ce livre t’est dédié.

    142394.jpg142398.jpg

    PROLOGUE

    B en Kingdom.

    M. Sweet prononça ces mots lentement, la voix lourde de colère comme un nuage d’orage sur le point d’éclater.

    — Ce garçon maudira le jour où son chemin a croisé le mien.

    De derrière lui, dans l’obscurité du cachot, lui parvint un son étouffé ; le genre de bruit que ferait un enfant en panique s’il était attaché et bâillonné, et entre les mains d’un fou furieux.

    — Qu’est-ce que c’était que ça ? demanda M. Sweet en se retournant lentement.

    Il fit un pas en direction de son prisonnier, ce qui fit détaler les blattes.

    — As-tu quelque chose à dire ?

    Sweet était un homme imposant, et l’habit coûteux provenant de Saville Row qu’il portait ne faisait rien pour camoufler sa stature musculeuse. Il avait un beau visage, non dénué de brutalité : mâchoire carrée, nez fort, lèvres dures sous sa moustache noire luxuriante. Les yeux débordant de furie.

    Et ces yeux intimidaient tous ceux sur qui ils se posaient. Il semblait que personne ne pouvait les défier ; ni les autres membres du Parlement, où Sweet agissait à titre de conseiller spécial du premier ministre, ni les membres de la Légion, armée secrète qui habitait sous les rues de Londres. Le garçon qui était ligoté à la chaise devant lui n’avait aucune chance de s’en sortir.

    Dans la lueur vacillante de la torche, M. Sweet observait son jeune captif. Il sourit et le garçon se mit à trembler.

    — Tu dois certainement être d’accord avec moi, souligna-t-il en caressant sa moustache noir corbeau de sa grande main. Tu as vécu avec lui, après tout. Tout le monde ne trouve-t-il pas que ton frère est une perpétuelle source d’irritation ?

    Un grattement attira l’attention de Sweet, qui jeta alors un regard à l’autre silhouette qui se tenait dans le coin. Un homme grand dans un manteau de cuir usé, un homme qui avait une griffe de dinosaure à la place de la main droite.

    Griffe Carter grattait machinalement le mur de son unique prothèse, créant des étincelles qui illuminaient brièvement les profonds sillons sur son visage et le sourire narquois qui était accroché à ses lèvres.

    Carter devrait faire attention où il met les pieds, pensa M. Sweet en reportant son attention vers le garçon. Personne dans la Légion n’était indispensable.

    Malgré le froid qui régnait dans le cachot, le prisonnier de Sweet, Nathaniel Kingdom, était trempé d’une sueur de nervosité, et Sweet pouvait presque goûter la peur qui émanait en vagues des pores de la peau du jeune garçon. Mais il restait encore de la combativité dans l’esprit de Nathaniel. Il n’était pas encore tout à fait brisé.

    M. Sweet se pencha en avant de sorte que ses yeux soient au niveau de ceux du garçon. Nathaniel lui retourna son regard et commença à l’invectiver à travers le chiffon qui servait à le bâillonner. Luttant contre les cordes qui le ligotaient à sa chaise, il donna des coups de pied violents, comme s’il montait un animal sauvage. Ce qui fit sourire M. Sweet de plus belle.

    — Qu’est-ce qui ne va pas chez vous, les Kingdom ? se moqua Sweet. Vous ne semblez jamais savoir quand accepter la défaite.

    Le prisonnier commença à déchirer son bâillon avec ses dents, le desserrant en faisant des mouvements frénétiques de la tête. Et enfin, sa bouche fut libérée.

    — La défaite ? cracha Nathaniel Kingdom. C’est mon frère, Ben, qui vous a roulé dans la farine !

    — Ben Kingdom, dit Sweet dans un murmure plus menaçant que ses cris, n’a rien obtenu du tout. Rien.

    Ses lèvres prononçaient ce mot avec délice.

    — Le festin des corbeaux aura bientôt lieu, et vos précieuses Sentinelles seront réduites à une simple tache d’encre dans les caractères fins de l’histoire.

    — Ben vous a empêché de mettre vos mains sales sur la pièce, toutefois, n’est-ce pas ? Il vous a bien eu, là !

    Les narines de Sweet frémirent. Avec un grognement à peine humain, l’homme imposant projeta sa main ouverte en direction du visage de Nathaniel, pour s’arrêter à un cheveu de sa joue. Nathaniel se tenait bien raide dans sa chaise, accablé et effrayé.

    — Il n’a pas tout à fait tort, renchérit Carter, qui était en train de se curer les ongles de la main gauche avec la pointe de sa griffe.

    — Comme c’est aimable à vous de me le rappeler, professeur Carter, lâcha Sweet, et bien courageux aussi. Surtout si on repense à votre rôle dans cette débâcle totale.

    — C’est moi qui ai découvert que la dernière pièce de Judas était en circulation, protesta Carter. Et c’est moi aussi qui ai trouvé Ben Kingdom…

    — Et c’est vous qui les avez laissés tous les deux vous filer entre les doigts, termina Sweet. Je vous en prie, n’allez pas vous imaginer que le rang élevé que vous occupez actuellement dans la Légion est une chose que vous pouvez tenir pour acquise indéfiniment. Je ne suis pas un homme tolérant lorsqu’il est question d’échec. La dernière pièce sera à moi.

    — Ben l’a lancée dans la Tamise, poursuivit Nathaniel avec un air de défi. Vous aurez beau la chercher pendant 1 000 ans, vous ne la trouverez jamais !

    — Tu peux croire ce que tu veux, mon garçon, si cela peut t’apporter un quelconque réconfort, rétorqua Sweet avec un petit grognement de mépris, mais les objets aussi vils que la pièce ne restent jamais perdus bien longtemps.

    Sweet n’était pas du tout convaincu que la pièce se trouvait quelque part dans l’envasement et la crasse de la Tamise. Non, elle était encore en circulation, il en était certain. Cachée dans une quelconque poche, ou un quelconque tiroir ou porte-monnaie, continuant son travail, grugeant le propriétaire de l’intérieur.

    — La vilenie appelle la vilenie, reprit Sweet. La pièce viendra à moi, et alors la couronne de la corruption sera complète… tout comme ma victoire. Et toutes les stupides actions héroïques de Ben Kingdom se révéleront être un simple revers, une source d’irritation pour la Légion, rien de plus.

    Une malheureuse blatte se dandinait sur le plancher de pierre, ses antennes s’agitant dans une ignorance béate. Sweet l’écrasa sous sa chaussure, et Nathaniel ne put s’empêcher de ciller lorsqu’il entendit le craquement qui signa son arrêt de mort.

    — La vie peut être si fragile, déclara Sweet. Crois-moi, Ben Kingdom aurait bien mieux fait de rester dans le caniveau, là où il devrait être.

    — Il n’a pas peur de vous, cracha Nathaniel.

    — Mais toi, oui, n’est-ce pas ? le harcela M. Sweet. J’ai toujours su que c’était toi le plus intelligent des deux.

    Nathaniel vit la haine sans fin dans les yeux de Sweet, et les dernières miettes de bravade qu’il lui restait se réduisirent en cendres dans sa bouche.

    — Est-ce que vous allez me tuer ?

    — Oh non ! s’exclama Sweet en se mettant à rire. Tu m’es beaucoup plus utile vivant que mort. Tu es un appât, ne le vois-tu pas ? Un objet que je peux utiliser pour attirer ton frère sous ma coupe. Cependant…

    Il fit une pause pour savourer le moment.

    — Entre-temps, tu peux m’aider à expérimenter quelque chose. La Légion a mis au point une nouvelle arme, mais elle n’a pas encore été mise à l’essai. Professeur Carter, voulez-vous nous faire l’honneur ?

    Nathaniel observait silencieusement Griffe Carter qui se dirigeait vers l’autre extrémité de la cellule. Pour la première fois, il distingua une autre porte dans l’obscurité et il fut frappé de terreur. Il y avait quelque chose au sujet de cette porte qui clochait totalement. Elle était faite de planches de bois épaisses et solides entrecroisées de bandes de fer. De longs verrous la retenaient au cadre en haut et en bas, et lorsque Sweet les tira lentement, Nathaniel sentit ses poils se hérisser sur ses bras. La porte ne faisait qu’un mètre de hauteur.

    Que pouvait-il bien y avoir là-dedans ?

    La porte s’ouvrit bien grande sur une obscurité absolue.

    Il y eut un moment de silence insoutenable.

    — Je voudrais que tu rencontres un ami à moi, annonça M. Sweet. Il a un cadeau pour tout Londres et j’aimerais que tu sois le premier à profiter de ses… talents.

    Comme les yeux de Nathaniel s’efforçaient de percer l’obscurité, il vit une ombre se détacher du fond d’un noir d’encre. Griffe Carter fit un pas de côté et laissa passer une toute petite silhouette. Le long visage de Carter se fendit d’un sourire féroce.

    — Permets-moi de te présenter l’enfant-cauchemar.

    Tout d’abord, Nathaniel pensait qu’il ne s’agissait que d’un petit garçon, un enfant bizarre et maladroit aux joues rebondies et aux cheveux pâles et bouclés. Puis, il ouvrit la bouche toute grande, comme si on lui avait demandé de le faire pour avaler un médicament. Il y eut un craquement, et la bouche de l’enfant-cauchemar s’ouvrit davantage jusqu’à ce qu’elle forme un gouffre béant.

    Nathaniel observait la scène dans un silence atterré alors qu’un flot de brouillard déferlait de la bouche de l’enfant pour remplir la pièce comme de l’eau qui monte. Nathaniel frissonna lorsque la vague l’atteignit et se répandit autour de ses pieds. Comme s’il recevait des ordres, le brouillard se mit à taquiner les jambes de Nathaniel, en formant de longs doigts blancs qui grimpaient le long de son corps comme une araignée.

    À l’aide ! cria Nathaniel intérieurement. À L’AIDE, BEN !

    — Oh, ne t’en fais pas, le rassura Sweet comme s’il avait pu lire dans l’esprit de Nathaniel. Je compte sur ton frère pour venir à ta rescousse. Et alors, quel accueil je lui réserve !

    Chapitre 1

    Coureur des toits !

    B enjamin Kingdom ! Prépare-toi à te défendre !

    Ben était pris au piège, il le savait.

    Il regarda rapidement autour de lui, pour trouver d’où venait la voix. À sa gauche, il voyait des tuyaux de cheminées qui s’élevaient au-dessus d’une mer de poussière et de cendres de charbon. À sa droite, encore des cheminées et des émanations suffocantes. Au-dessus de lui, une épaisse couverture de nuages et dessous, trois étages plus bas, les rues aux pavés inégaux. C’était une vue de Londres que peu connaissaient, mais pour Ben, cela semblait aussi normal que respirer.

    À l’extrémité de son champ de vision, Ben crut apercevoir un léger mouvement ; une forme qui apparut momentanément derrière une cheminée délabrée, pour disparaître aussitôt, ne laissant pour tout signe qu’une infime déviation dans la fumée de la cheminée. Sans aucune pensée pour le danger qui l’attendait, Ben déboula le long du rebord d’un toit, ses pieds trouvant appui à la vitesse de l’éclair, comme un fildefériste au moment crucial de son numéro. Ce n’était pas la voie d’échappement la plus facile, même dans les meilleures circonstances, mais au cours des 10 dernières semaines de sa jeune vie, aucune des options qui s’étaient présentées à lui n’avait été facile.

    Trop rapidement, cependant, Ben se trouva à court de toits et ses pieds durent freiner net. Une tuile se brisa sous son poids et alla tomber dans le vide, l’emportant presque avec elle. Ben sentit les mains puissantes de la gravité qui l’agrippaient et qui s’efforçaient de lui faire perdre l’équilibre. Instinctivement, il attrapa un tuyau de cheminée pour se redresser tout en essayant de reprendre pied, et, non pour la première fois, il fut reconnaissant à ses bottillons et à leurs semelles de caoutchouc cloutées, éléments importants de l’uniforme de Sentinelle qu’il portait.

    Lorsque ses pieds furent assurés de nouveau, Ben fit une pause sur le bord du gouffre, son cœur battant la chamade. Il souleva ses lunettes cerclées de laiton sur son front et évalua ses possibilités. À travers la fumée qui s’élevait des cheminées des usines et des foyers de 10 000 habitations, Ben arrivait à discerner les ombres floues des clochers des églises et le grand dôme de la cathédrale Saint-Paul qui s’élevaient au-dessus des acres de toits. Sous lui se trouvaient les rues de Londres, qui attendaient de l’accueillir, sous la forme d’un tas d’os brisés. Et derrière lui, quelque part, se trouvait la personne qui le poursuivait.

    Ben hésita, ne sachant de quel côté se diriger. Allez, Benny mon garçon, se pressa-t-il lui-même. Il devait bouger de là, et vite, il était au moins certain de ça. La personne qui le pourchassait n’était pas loin derrière, et sa courte expérience lui dictait qu’il ne devait pas s’attendre à ce que les choses se passent sans encombre. L’adrénaline circulait à flots dans son corps, le faisant se sentir alerte et vivant. Il était Sentinelle, après tout, membre d’une armée secrète, cachée et survivant sur les toits de la ville ; il ne s’effrayait pas facilement.

    Trois mois plus tôt, Ben aurait ri à l’idée qu’il était destiné à un sort autre que tenter de vivoter tant bien que mal. Mais trois mois plus tôt, il ignorait bien des choses. Comme le combat qui faisait rage depuis des siècles, ayant pour adversaires les Sentinelles dans un camp et la Légion dans l’autre. Les Sentinelles dans les lieux les plus élevés de la ville et la Légion dans son réseau de tunnels souterrains. Le Là-haut et les Tréfonds. Le Bien et le Mal. Opposés, mais non égaux.

    Ben connaissait maintenant cette guerre. Et le rôle qu’il y jouait.

    Il hésita encore, ne sachant quelle direction prendre, et les paroles de son mentor, M. Moon, lui revinrent à l’esprit. Cesse de batifoler et concentre-toi !

    Jago Moon était un homme aux nombreux talents cachés, pétri de la connaissance et de la loi des Sentinelles. C’était un maître escrimeur, ce qui étonnait toujours les gens, qui présumaient (comme le voulait Moon) qu’il n’était qu’un vendeur de livres un peu fou. Mais ce n’était là que l’un des nombreux talents de Moon. L’ouïe du vieil homme était si fine qu’il n’avait pas besoin d’yeux pour combattre à l’épée. Bien entendu, il n’avait pas vraiment le choix à ce chapitre, car il était aussi aveugle qu’une chauve-souris, et deux fois plus effrayant.

    Ben fit de son mieux pour imiter Moon, se servant de tous ses sens pour se préparer à combattre ou à prendre son envol. Tu ne sais jamais, il se pourrait que tu n’aies plus la vue pour t’aider, l’avait conseillé Moon. Moon était très prodigue de pensées réconfortantes comme celle-là.

    Ben tentait d’entendre les sons qui, au-delà des rumeurs de la ville, pourraient l’aider à établir sa position. Il s’était toujours considéré comme le souverain des rues de Londres, mais apprendre à naviguer sur les toits était comme apprendre à marcher de nouveau. Il ferma les yeux, écarta toute distraction et se concentra.

    Un cri : la friction irritante du métal contre le métal. Des freins. Ben reconnut le son immédiatement. Un sifflement de vapeur. Le grondement constant des roues de fer. Il prit une grande inspiration et goûta l’odeur piquante de la poussière de charbon dans l’air. Donc, je suis près d’une gare. Quoi d’autre ?

    Au-dessus du bourdonnement d’autres voix, Ben pouvait discerner l’aboiement des marchands des quatre-saisons qui essayaient de s’enterrer les uns les autres en offrant à qui mieux mieux leurs marchandises aux passants. Il rassembla les détails, recréant la carte de Londres dans son esprit. Une gare de chemin de fer près d’un marché ? C’est certainement Liverpool Street, constata-t-il avec satisfaction. Ce qui signifie que je me trouve sur… Lamb Street. Probablement.

    Il ouvrit les yeux et regarda autour de lui pour obtenir une certaine confirmation. Comme la mer de fumée se déplaçait, il figura que le marché Spitalfields était en effet droit devant. Ben renifla l’air, humant l’odeur de légumes qui commençaient à pourrir. Bien. Le problème était de savoir s’il pourrait ou non réussir ce saut.

    — Arme-toi, Ben Kingdom ! tonna la personne qui le poursuivait. Prépare-toi à te battre comme un homme de destinée.

    Ben n’arrivait toujours pas à cerner précisément d’où venait la voix, mais elle était sans aucun doute plus près de lui maintenant. Une chose qu’il savait avec certitude : il devait se rendre sur un toit

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1