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La cité de la peur
La cité de la peur
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Livre électronique291 pages4 heures

La cité de la peur

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À propos de ce livre électronique

C’est le printemps de 1892, et Londres est gouverné par la peur. Les brutes de la légion ont capturé la reine et emmuré la ville, ayant ainsi introduit le règne de la terreur. Seuls les sentinelles, une bande hétéroclite de rebelles dirigée par Ben Kingdom, peuvent les arrêter.Mais un ennemi diabolique manigance en secret pour libérer les mortelles créatures de l’enfer, auxquelles personne ne peut échapper. Alors que Ben se prépare à la bataille fnale, une seule question subsiste : les sentinelles en sortiront-elles victorieuses ou s’agira-t-il du dernier combat de Ben?
LangueFrançais
Date de sortie22 janv. 2016
ISBN9782897670344
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    Aperçu du livre

    La cité de la peur - Andrew Beasley

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    Ce livre est une œuvre de fiction. Les personnages, incidents et dialogues sont le produit de l’imagination de l’auteur et ne doivent pas être considérés comme véridiques. Toute ressemblance à des évènements réels ou à des personnes, décédées ou vivantes, n’est que pure coïncidence.

    Copyright © 2014 Andrew Beasley

    Titre original anglais : The Battles of Ben Kingdom : The City of Fear

    Copyright © 2016 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée en accord avec Usborne Publishing Ltd.

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Sylvie Trudeau

    Révision linguistique : Isabelle Veillette

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Katherine Lacombe

    Montage de la couverture : Matthieu Fortin

    Illustrations de la couverture et dans le livre : © 2014 David Wyatt

    Illustration de la carte : © 2014 Ian McNee

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN papier 978-2-89767-032-0

    ISBN PDF numérique 978-2-89767-033-7

    ISBN ePub 978-2-89767-034-4

    Première impression : 2016

    Dépôt légal : 2016

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7

    Téléphone : 450-929-0296

    Télécopieur : 450-929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Beasley, Andrew

    [Battles of Ben Kingdom. Français]

    Les combats de Ben Kingdom

    Traduction de : The battles of Ben Kingdom.

    Sommaire : 3. La cité de la peur.

    Pour les jeunes de 13 ans et plus.

    ISBN 978-2-89767-032-0 (vol. 3)

    I. Trudeau, Sylvie, 1955- . II. Beasley, Andrew. City of fear. Français. III. Titre. IV. Titre : Battles of Ben Kingdom. Français. V. Titre : La cité de la peur.

    PZ23.B39887Co 2015 j823’.92 C2014-942485-X

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    Pour Ben et Lucy (les véritables)

    Être votre père est la meilleure chose qui me soit arrivée.

    Ce livre vous est dédié.

    BK3_Map.jpg158661.jpg

    Prologue

    L e mur. Deux mots courts et durs qui en étaient venus à signifier la vie ou la mort pour les gens de Londres. Selon de quel côté dudit mur ils se trouvaient.

    Le capitaine Mickelwhite dirigeait sa brigade de la Légion le long des remparts, heureux de sentir son épée frapper contre sa jambe. Au-dessus de leurs têtes, des nuages d’orages se formaient, et les corbeaux croassaient en luttant contre le vent. Les premières gouttes de pluie atteignirent Mickelwhite comme des pierres, froides et lourdes ; mais il ne s’en souciait pas. Il sentait que rien ne pourrait l’arrêter.

    La Légion avait construit le mur en six semaines seulement.

    Six semaines de dur labeur. Et de sang. Et de guerre dans les rues de la ville.

    Mickelwhite sourit, éclair rouge sur le blanc fantomatique de sa peau ; jamais de toute sa vie il n’avait eu autant de plaisir.

    Bien peu de Londoniens avaient su ce qui allait leur tomber dessus. Ils avaient été trop occupés ou trop stupides pour voir les signes qu’une guerre se fomentait autour d’eux depuis des siècles ; une guerre secrète et silencieuse. Dans un camp se trouvaient Ben Kingdom et les Sentinelles, espions et guerriers vivant sur les toits ; et dans l’autre, il y avait ceux de la Légion, tapis dans leur labyrinthe de tunnels sous la ville. C’était le combat le plus ancien de la Terre, le combat éternel entre la lumière et la noirceur. Et c’était la noirceur qui était en train de l’emporter.

    Dans très peu de temps, les Sentinelles n’existeraient plus.

    — Faites vite, les gars, dit Mickelwhite à sa troupe d’enfants-soldats. Vous savez qu’il ne faut pas faire attendre M. Sweet.

    La brigade existait depuis fort longtemps : ses membres avaient tout d’abord partagé une sordide caserne dans les Tréfonds, le repaire souterrain de la Légion, puis ils avaient dirigé les équipes de travail qui avaient construit le mur.

    Ils étaient tous jeunes, Mickelwhite aussi, mais ils avaient grandi avant le temps. Il y avait John Bedlam, un jeune homme court et costaud, né et élevé à Devil’s Acre. Se battre lui était tout aussi naturel que respirer. Outre Bedlam, il y avait Jimmy Dips, un voleur à la tire au visage de rat ; puis venait Hans Schulman, un jeune Allemand aux poings de la taille de jarrets de porc, mais un peu maladroit. Et enfin, boitant derrière les autres, Munro le bossu, qui traînait Buster, son bulldog galeux à trois pattes.

    — Regardez, déclara Mickelwhite en contemplant la ville déchirée et mise à sac sous eux.

    Le mur l’entourait, aussi inéluctable que le nœud coulant du bourreau, marquant les limites de la loi de la Légion, le territoire que M. Sweet s’était approprié.

    — C’est nous qui avons fait ça.

    — Ça te rend fier, n’est-ce pas ? affirma Bedlam.

    Le mur était loin d’être une œuvre d’art. Des habitations avaient été démolies pour en fournir les pierres. Des rues entières avaient été sacrifiées pour cette grande cause. Certains édifices avaient été incorporés au mur, leurs fenêtres briquetées et désormais aveugles au reste du monde, les pièces remplies de gravats, les toits renforcés de fil de fer barbelé. Des feuilles de métal déchirées, des clôtures arrachées aux jardins, du verre brisé, des pieux de bois aux pointes acérées couronnaient le mur comme un collier de mort. Tout ce qui pouvait servir à repousser une attaque avait trouvé place dans la monstrueuse structure.

    S’élevant à l’ouest dans Hammersmith, le mur se prolongeait aussi loin que Lime House Cut à l’est. Il serpentait le long de la rive nord de la Tamise, où tous les ponts étaient éventrés, transformant le fleuve en douve. Seul Tower Bridge avait été épargné, son pont-levis relevé comme pour narguer les habitants. Au nord, la loi de la Légion s’arrêtait à Balls Pond Road. Au-delà, à l’extérieur du mur, Londres avait été rasée sur une distance d’une trentaine de mètres. Tout ce qui subsistait était une bande de terrain remplie de débris et les squelettes des maisons. C’était le Territoire de l’homme mort du nord, jonché de mines et de pièges ; un moyen de dissuasion tant pour les attaquants de l’extérieur du mur que pour les fuyards à l’intérieur.

    Et au sud du fleuve, c’était encore pire.

    C’était là que la résistance avait été la plus farouche, fomentée par les Sentinelles. Et la raison pour laquelle la Légion avait effacé le sud de Londres de la carte.

    Mickelwhite sentit monter en lui une soudaine poussée de haine envers Ben Kingdom et ses agitateurs. La bile lui monta à la gorge et il proféra une malédiction.

    — Mort aux Sentinelles ! grogna-t-il entre ses dents.

    — Et mort à Ben Kingdom ! renchérit Bedlam.

    Environ un quart des Londoniens têtus avaient osé s’opposer à la loi de la Légion. Ils avaient riposté. Mais ils avaient été défaits. Puis, on les avait punis. C’étaient ces hommes, ces femmes et ces enfants qui avaient construit le mur. Chaînes aux chevilles, les prisonniers avaient peiné jour et nuit. Mickelwhite, Bedlam et un millier d’autres Légionnaires avaient fait claquer leur fouet jusqu’à ce que le travail soit achevé.

    Un peu plus loin devant eux, Mickelwhite voyait désormais M. Sweet qui se tenait seul sur les remparts balayés par le vent. Rien de tout ça n’aurait été possible sans lui. Qui d’autre que Sweet aurait eu le courage et la force d’accomplir tout cela ? Mickelwhite sentit sa respiration s’accélérer en s’approchant. C’était un honneur de se retrouver devant lui. Par toutes sortes de ruses, non seulement M. Sweet s’était-il fait déclarer premier ministre, mais il avait également réussi, au moyen d’une audacieuse trahison, à enlever la reine Victoria et à se couronner roi à sa place. Et maintenant, sous le commandement de Sweet, la Légion avait harcelé les Londoniens et forcé toute la ville à se soumettre. En vérité, cette ambition morbide ne connaissait aucune limite.

    Mickelwhite étudiait M. Sweet avec admiration. Les épaules puissantes et larges. Les bras massifs d’un haltérophile. Mais… les cicatrices…

    Il était interdit d’évoquer « l’accident » de M. Sweet, mais ce n’était un secret pour personne qu’il avait subi d’atroces brûlures pendant la bataille de la Légion contre les Sentinelles lors du festin des corbeaux. Mickelwhite ne pouvait oublier le brasier qui s’était emparé de la Tour de Londres, lorsque les Sentinelles avaient attaqué pendant la sombre cérémonie sacrificielle de prise du pouvoir de M. Sweet. Cependant, il ne pouvait qu’imaginer ce qu’avait été le visage naguère plaisant de M. Sweet après que les flammes l’eurent enveloppé de la tête aux pieds. Cela expliquait sans doute pourquoi le grand homme avait commencé à s’habiller de manière aussi… excentrique.

    Mickelwhite voyait la silhouette du masque, qui enfermait la totalité de la tête de Sweet, les lignes dures entourant les yeux, la pointe féroce du bec. Le collet du manteau de l’homme était tressé de plumes noires et, sur sa tête, entourant le dôme luisant du masque, il portait la couronne comme un roi.

    Mais pas n’importe quelle couronne. C’était la couronne de la corruption, l’arme puissante de la Légion. Elle était sertie des 30 pièces de sang, les mêmes pièces d’argent que Judas, le grand traître, avait jadis tenues dans sa paume moite, et qui donnaient à celui qui portait la couronne le pouvoir ultime de dominer l’esprit des hommes faibles. Sweet avait personnalisé sa couronne, fixant sur la bande de fer des pointes de métal, des éclats de verre brisé et même de longs clous carrés, jusqu’à ce que la couronne ressemble au mur lui-même.

    À mesure qu’ils se rapprochaient, Mickelwhite sentait le pouvoir brut qui irradiait de Sweet. C’était comme si l’homme était une fournaise et qu’il sentait la chaleur torride de la rage qui bouillait à l’intérieur de lui.

    Le jeune capitaine annonça sa présence en faisant le salut de la Légion, faisant claquer son poing gauche sur sa poitrine.

    — Monseigneur ! s’annonça Mickelwhite.

    Le grand homme se retourna lentement et Mickelwhite se sentit ciller alors que deux yeux le transpercèrent, aussi durs et sans merci que des brochettes de métal.

    — Ainsi, le travail est terminé, dit Sweet. Enfin.

    — Oui, Monseigneur, confirma Mickelwhite en hochant la tête. Le mur est désormais achevé.

    — Hummm, grogna Sweet. Achevé, dis-tu ?

    Mickelwhite sentit une vague maladive de terreur s’élever chez les autres garçons. C’était l’effet que faisait Sweet.

    — Le secteur trois est sécurisé ? demanda Sweet.

    — Oui, Monseigneur, affirma Bedlam d’un ton sec en guise de réponse.

    C’était à lui qu’il avait incombé de superviser le secteur trois.

    — Et les tours de guet ?

    — Oui, Monseigneur, répondit Jimmy Dips

    — Et les tunnels ? Chacune des issues imaginables est bloquée, incluant celles des limites extrêmes des Tréfonds ?

    — Oui, Monseigneur, grommela Munro.

    Buster et lui venaient tout juste de rattraper le reste de la brigade, le chien gémissant aux côtés du garçon.

    — Tu étais responsable des équipes de travail qui ont fait s’effondrer les passages sous Hackney Wick ? continua Sweet.

    — Oui, Monseigneur, marmonna Munro, les yeux rivés sur ses pieds.

    Sweet fit un pas en avant et prit Buster dans ses bras, flattant le pelage mouillé du chien et le grattant derrière les oreilles. Mickelwhite ne put s’empêcher de remarquer la peau des mains de Sweet, un patchwork de croûtes et de plaies ouvertes, autre souvenir des flammes.

    — Ceux des Sentinelles n’ont-ils pas dirigé une évasion par l’un de ces tunnels, il y a trois jours ? l’interrogea Sweet tout en continuant à flatter Buster.

    — Oui… mais mon équipe de travail était l’une des plus petites et…

    Les mots s’asséchèrent dans la bouche de Munro.

    — Le tunnel est bloqué, maintenant, murmura-t-il. Cela n’arrivera plus.

    — Non, dit Sweet, je suis certain que cela n’arrivera plus.

    Munro se raidit, attendant l’inévitable punition pour cet échec. Il ferma les yeux, mais le coup de son maître n’arriva jamais.

    — Et maintenant, le vrai travail commence, poursuivit Sweet. Chaque âme qui vit dans Londres doit s’incliner devant moi ou en subir les conséquences. Il faut pourchasser les Sentinelles, et les éliminer, toutes, jusqu’au dernier. Et Ben Kingdom devra souffrir… ajouta Sweet en faisant un geste vers son masque. Tout comme j’ai souffert.

    Sweet pivota vers Munro, et lui remit son chien en tendant les bras. Avec reconnaissance, Munro tendit à son tour les bras pour récupérer la seule créature vivante qu’il pouvait réellement appeler un ami.

    Au dernier moment, Sweet lui arracha le pauvre animal des mains et d’un même mouvement lança Buster par-dessus le mur.

    Ils entendirent tous le gémissement pitoyable au moment où le chien retomba sur le sol. Suivi d’un craquement horrible.

    — Tu devrais être reconnaissant, grogna Sweet. Tu me trouves d’humeur clémente, ce soir !

    Ce fut à ce moment-là que Mickelwhite pensa pour la première fois que M. Sweet pouvait bien être devenu fou.

    Chapitre 1

    Les ailes de la mort

    A ccroche-toi bien, chuchota Ben Kingdom.

    Lucy Lambert lui jeta un regard moqueur de son œil valide. Une pièce de cuir cachait l’autre orbite, vide.

    — Je comprends pourquoi c’est toi le chef, dit-elle. Je n’aurais jamais pensé à ça toute seule.

    Ben lui fit un grand sourire. Lucy et lui étaient tous les deux Sentinelles. Ils vivaient, couraient et combattaient sur les toits de Londres, et « bien s’accrocher » était ce qu’ils faisaient tout le temps. Cette nuit, cependant, ils s’accrochaient bien pour rester en vie.

    Depuis plus d’une heure, l’escadron de Ben était caché sur la galerie de pierre située au-dessus de la face blanche fantomatique de Big Ben. La pluie était tombée sans cesse toute la soirée, et le ciel était passé du gris au noir et au violet tourmenté. Là-haut, comme l’orage s’agitait autour d’eux, Ben avait l’impression d’être dans le ventre de la bête. Les poils sur sa nuque étaient hérissés et sa main droite tremblait, comme si un courant électrique la traversait. Puis, un éclair foudroya le ciel, suivi du grondement puissant du tonnerre tandis que les nuages qui les entouraient commencèrent leur propre combat.

    L’eau ruisselait sur le visage de Ben sous l’assaut sans pitié de la pluie. Ils étaient tous gelés jusqu’à la moelle et, à vrai dire, ils avaient peur, aussi. C’était pourquoi Ben avait voulu alléger l’atmosphère. Il était le chef des Sentinelles, celui que la prophétie appelait la Main du paradis. Il avait le devoir d’alimenter l’espoir des troupes. Et depuis que le mur avait été érigé, l’espoir était une denrée rare.

    Leur escadron ne comptait que cinq personnes. Cinq Sentinelles contre l’armée de la Légion. Mais Ben n’aurait pu choisir de meilleure équipe à ses côtés. Il examina la ligne qu’ils formaient, vit l’espoir scintiller dans leurs yeux sous leurs lunettes ruisselantes de pluie, et son cœur se gonfla de fierté.

    Lucy Lambert était la personne la plus courageuse que Ben ait jamais rencontrée, sans peur, loyale et fidèle. Très belle aussi, pensait Ben. Il la connaissait depuis suffisamment longtemps désormais pour ne même plus voir la cicatrice qui lui fendait le visage. S’il ne devait choisir qu’une seule Sentinelle pour se battre à ses côtés, ce serait elle.

    À côté de Lucy se tenait Valentine, qui avait été l’un de ses ennemis de la Légion, lorsque Ben l’avait rencontré pour la première fois. Valentine était un aristo et il en avait l’air, avec son nez effilé et ses lèvres serrées, mais Ben, en tout bon gamin des rues qu’il était, savait qu’il ne fallait pas juger que sur les apparences. Rupin ou pas, Valentine lui convenait très bien depuis qu’il s’était joint aux Sentinelles.

    Puis, il y avait Fantôme, à la tête rasée ; si silencieux, si immobile. Personne n’avait jamais entendu le jeune Africain prononcer un seul mot, et pourtant, tous lui faisaient confiance. Fantôme était Sentinelle dans l’âme. Ben croisa son regard et lui fit un petit signe de la tête. Nous allons avoir besoin de ta force ce soir.

    Et le dernier du groupe était Nathaniel Kingdom, le grand frère de Ben. Impossible de ne pas voir qu’ils étaient parents ; ils avaient tous deux hérité des traits prononcés de leur père. Mais seul Ben avait la chevelure flamboyante de leur mère. Cependant, Ben n’avait jamais eu la possibilité de l’en remercier, parce qu’elle les avait quittés en le mettant au monde. Pendant longtemps, ni Ben, ni Nathaniel, ni leur père n’avaient su comment composer avec cette perte immense, mais au cœur de la guerre contre la Légion, ils étaient devenus plus près qu’ils ne l’avaient jamais été auparavant. Le risque de perdre la vie les avait rendus plus sensibles à ce qui comptait vraiment.

    Depuis trois mois, ils n’avaient connu que la guerre. Fuir. Combattre. Se cacher. Sachant que le plus grand des combats, la bataille finale, approchait à grands pas. Chaque jour ils répandaient la nouvelle dans les tavernes, sur les coins des rues, en chuchotements murmurés en privé du coin de la bouche. Un simple message secret : Le 1er mai, nous reprenons la ville. Le 1er mai est le jour de la Révolution ! C’était le jour où les Londoniens qui étaient toujours en liberté allaient riposter contre la Légion, et où Ben et les Sentinelles allaient détruire l’emprise de Sweet sur la cité et remettre la reine sur le trône.

    Ou celui où ils allaient mourir en essayant de le faire.

    Mais avant que l’ultime conflit puisse seulement commencer, c’était le devoir des Sentinelles de mettre en sécurité tous ceux qui ne pouvaient pas participer au combat : les jeunes enfants, les vieux, les invalides et tous ceux qui étaient vulnérables. C’était pourquoi Ben et son équipe étaient en train de grimper à la tour de Big Ben, surveillant la dernière des nombreuses évasions qu’ils avaient orchestrées.

    Au sol, le père de Ben, Jonas Kingdom, et Jago Moon, le plus vieux, le plus solide et le plus dur des Sentinelles, s’apprêtaient à aider la nouvelle vague d’évadés à recouvrer leur liberté. Ils devaient les faire passer par-dessus le mur pour atteindre le bateau qui les attendait silencieusement sur la Tamise. Un bateau rempli de soldats britanniques.

    Au cours des dernières semaines, les Sentinelles avaient travaillé main dans la main avec l’armée. À moins de deux kilomètres plus loin, à l’autre extrémité de la zone de mort, le plus gros des forces armées de Sa Majesté attendait armes chargées et baïonnettes en place. Mais jusque-là, attendre avait été tout ce qu’ils avaient réellement réussi à accomplir.

    Car la reine Victoria était toujours prisonnière de M. Sweet, et chaque Londonien avait entendu les menaces qu’il avait proférées du haut des remparts au moyen d’un porte-voix.

    — Attaquez ma cité, et vous serez accueillis par la tête de votre reine empalée sur une pique.

    Et personne ne doutait que Sweet respecterait sa parole.

    Ainsi, l’armée ne savait sur quel pied danser, et il continuerait d’en être ainsi à moins que Ben et les Sentinelles puissent secourir la reine. Mais pour l’instant, ils jouaient au jeu mortel du chat de la souris, où les Sentinelles faisaient sortir des réfugiés et où l’armée les emmenait à l’abri. Et tout ça en vue du 1er mai, le jour de la Révolution.

    De son point de vue, sur la tour de l’horloge, Ben voyait les tireurs d’élite des Sentinelles, l’air posé et prêts à passer à l’action. Au lieu des pointes de flèches acérées et mortelles, ils se servaient de pointes lestées qui étaient néanmoins suffisamment puissantes pour assommer un Légionnaire. La vie était quelque chose de précieux pour les Sentinelles. Toutes les vies, même celles de leurs ennemis, mais ils ne devaient pas moins se défendre. Les tireurs d’élite couvraient les déplacements au sol. L’escadron de Ben assurait la protection des dangers venant d’en haut.

    Car du ciel venait le vrai danger.

    La Légion n’était pas qu’une armée d’hommes, il s’agissait d’un ordre ancien, allié avec les forces les plus obscures de la création. Des anges déchus qui se battaient pour le compte de la Légion, des créatures à la tête et aux ailes d’aigles, connues sous le nom d’hommes-oiseaux. Chaque Londonien, même les plus fidèles défenseurs de la Légion, en était venu à craindre l’ombre de

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