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Prédateurs - Le boucher de la taverne rouge
Prédateurs - Le boucher de la taverne rouge
Prédateurs - Le boucher de la taverne rouge
Livre électronique195 pages2 heures

Prédateurs - Le boucher de la taverne rouge

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À propos de ce livre électronique

Les restes du convoi 729 sont retrouvés en bordure de la route 138, à proximité de Saint-Siméon, alors que sévit un violent orage.
L’autobus qui transportait dix-huit des plus dangereux meurtriers du pays a été renversé et éventré. À l’intérieur, les corps des
gardiens et du chauffeur sont retrouvés sans vie, alors que les prisonniers semblent s’être tous évadés…
Charles Dumais a depuis longtemps perdu l’envie de vivre. Lors d’un transfert entre deux centres de détention,
un codétenu surnommé O Pastor ne cesse de le narguer, insistant sur le fait que Charles mourra derrière les barreaux
en n’ayant jamais véritablement vécu. O Pastor s’enorgueillit entre autres d’avoir goûté la meilleure bouteille de Porto, couché
avec deux femmes en même temps, senti l’ivresse d’un braquage réussi, vu le monde trembler devant lui, et joui d’un surnom notoire.
C’est pourquoi, lorsqu’il se retrouve en liberté après des années d’incarcération pour un meurtre ignoble,
Charles construit mentalement une liste à partir des points énumérés par O Pastor, et il se fait la promesse de tout faire
pour la rayer en entier, et ce en quelques jours…
Au péril de sa vie, comme de celle de tous ceux qui le croiseront.
LangueFrançais
Date de sortie20 mars 2024
ISBN9782898191985
Prédateurs - Le boucher de la taverne rouge

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    Aperçu du livre

    Prédateurs - Le boucher de la taverne rouge - LP Sicard

    cover.jpg

    PROLOGUE

    Ceux qui croupissent en prison pour le restant de leurs jours, en règle générale, ont un point en commun : de l’autre côté des barreaux, ils n’ont plus grand-chose ni dans leur compte en banque ni dans leur humble chaumière. En fait, sans doute n’ont-ils jamais eu quoi que ce soit digne d’être défendu ; ne vole point le dépanneur du coin celui qui a des millions en banque, et ne possède guère d’arme à feu celui qui a de bons amis pour indiquer le droit chemin. Résultat ? La plupart des détenus attendent leur liberté, du moins ceux pour lesquels cette possibilité brille encore au bout du tunnel, sans trop la désirer. D’autres l’idéalisent, dans une sorte de fantaisie excessive, comme le font les adolescents de leur première aventure amoureuse, au point d’avoir une version de la liberté qui ne concorde en rien avec la réalité.

    Car la vraie liberté, en fait, elle n’existe pas.

    Il y a toujours un poids à notre cheville, une main qui enserre notre poignet ; il y a toujours une voix qui ordonne, un collecteur qui tape du pied ; il y a parfois un enfant qui pleure, un parent qui hurle, un ami qui souffre…

    La prison ? On n’y entre pas lorsqu’on se fait coincer par la police et ces mythomanes à toge.

    Non.

    On entre en prison dès qu’on met un pied sur terre.

    Entre les murs de ciment d’une cellule et ceux de l’usine à laquelle se rend chaque matin l’ouvrier, il n’y a qu’un nom pour toute différence. L’illusion de liberté se repaît de la notion de choix, mais tout ce que l’on choisit, en fin de compte, c’est de quelle douleur on souffre.

    Rien n’attend Charles Dumais de l’autre côté ; voilà six ans qu’il a fait un lit de cette misère, une maison de ce béton sans fenêtres. Il passe son temps libre à s’entraîner, cherchant un réconfort dans la douleur bienveillante des muscles qui s’ankylosent. En toute franchise, Charles ne se plaint pas. Il mentirait s’il affirmait qu’il a tout perdu lorsque le verdict de culpabilité est tombé sous le fracas du marteau de justice. Charles n’avait rien. Il n’a jamais rien eu.

    Toute sa vie s’est articulée autour d’une recherche de sens, d’une raison d’exister. Pas même l’amour, aussi bref fût-il, ne lui a conféré un quelconque bonheur. La drogue ne réussissait guère à engourdir ses tourments, l’argent ne faisait que les changer de place. Charles n’a jamais été heureux, et plus cette misère de l’âme se creusait, plus le bonheur des autres l’horripilait. Il a fini par développer une aversion complète pour la moindre joie d’autrui. D’aucuns l’auraient simplement traité de jaloux. Or le mal qui le minait était plus complexe, plus profond. S’il avait pris la peine de consulter un médecin avant de passer à l’acte, peut-être lui aurait-on diagnostiqué une certaine anomalie hormonale, ou encore l’immaturité d’une zone du cortex. Mais Charles ne s’est pas donné le mal de quérir l’aide de qui que ce soit. C’était sans doute le pire de son malheur pathologique : il en avait perdu l’envie de s’arracher à sa condition.

    Ainsi les jours misérables se sont succédé, identiques dans leur platitude aux précédents comme aux futurs, jusqu’à ce soir fatidique où le vase a débordé.

    On dit que rien n’est gratuit dans cette vie…

    Pourtant, le meurtre commis par Charles Dumais, lui, l’était entièrement.

    Il s’était mis à fréquenter des groupes obscurs sur internet ; auteurs de blogues louches, amateurs de sous-genres de death metal comme le goregrind et le slam, artistes atypiques et autres marginaux formaient le milieu hétérogène dans lequel il frayait, un groupe d’individus réunis par l’amour de l’étrange, du morbide. Et certains de ces inconnus devinrent, peu à peu, ses amis. Du moins, il avait l’illusion de tisser des liens, que des relations se formaient au gré des partages de vidéos, de musiques, de projets… Si bien qu’un soir, deux internautes et lui se sont réunis, après avoir compris qu’ils habitaient tous la grande région de Montréal. Ils sont tous trois montés dans le pick-up du plus âgé, puis ont roulé jusque dans la région de Lanaudière, prenant des chemins de plus en plus isolés, au bord desquels poignaient les chalets somptueux de quelques bourgeois argentés.

    Ils se sont arrêtés devant une jeune famille. Une fillette jouait sur la pelouse en compagnie de sa mère. Derrière leurs vitres teintées, les trois individus fomentaient déjà un plan, plan dont ils n’avaient qu’effleuré la teneur sur internet.

    Une soif de violence. Le désir de passer à l’acte.

    Il n’y avait aucune cible précise, aucune raison autre que la recherche d’une émotion.

    Le soir venu, le père de famille a quitté le chalet. Une heure plus tard, toujours aucun signe de lui. Il était dimanche, en plein cœur de l’été ; il était fort probable que cet homme dût se rendre au travail, alors que sa femme et sa famille pouvaient rester là pour profiter du lac et de la forêt.

    Il n’aura fallu que quelques bières dans son estomac, et le rire d’une fillette.

    Que le bonheur d’autrui, éclaboussant sa misère.

    C’était une scène banale, comme on en voit régulièrement sans en chercher. Pour le trio, en revanche, c’était l’heure d’assouvir des pulsions.

    Les trois hommes sont sortis du pick-up lorsque la nuit était bien installée. Un marteau a été tendu à Charles, qui l’a accepté sans broncher. Chancelants, ils ont atteint le chalet sous le couvert de l’obscurité. Une moustiquaire a été retirée de la fenêtre de la salle de bain, située sur le côté du bâtiment. Un à un, ils se sont hissés par l’ouverture, puis se sont laissés tomber sur la céramique. Les bruits n’ont pas semblé réveiller ni la mère ni sa fille ; le silence régnait toujours dans le luxueux chalet.

    Charles s’est avancé le premier dans le corridor obscur, attiré par le bruit d’une respiration régulière. Il arriva dans une chambre. La silhouette de la mère, sous l’édredon, lui était telle une offrande. Sous les chuchotements encourageants de ses partenaires, Charles a levé son bras armé.

    C’est alors que la mère a ouvert les yeux.

    Des yeux confus, vitreux, ensommeillés encore.

    Elle n’a pas hurlé, croyant sans doute encore rêver.

    Mais le marteau qui lui a percuté le crâne, un instant plus tard, n’était en rien immatériel, onirique ; il était bien réel.

    Charles frappa encore. Encore. Encore. Il n’oubliera jamais le cri transformé en gargouillis, le rire hystérique de ses deux comparses. Il n’oubliera jamais la folie, l’ivresse de l’omnipotence qui s’est emparée de lui. Il n’oubliera jamais le son de la boîte crânienne pulvérisée, de la matière cérébrale réduite en bouillie.

    Pas plus qu’il n’oubliera jamais le nombre de coups. Chacun compté posément, un à un.

    Cinquante-et-un.

    La mère n’avait, au terme de cette agression sauvage, plus de visage.

    Plus de tête même.

    Des vertèbres cervicales disloquées paraissent à travers l’amas gluant de chair, de sang, de tissus et d’organes.

    — Maman ?

    Une petite voix s’est élevée depuis le corridor adjacent. La fillette, sa peluche au bras, s’approchait de la chambre de sa maman. D’un pas chancelant, elle s’encadra dans la porte.

    Les trois hommes se regardèrent.

    Il n’y avait aucune hésitation dans leurs yeux. Aucune nécessité d’énoncer la marche à suivre. Charles, le bras dégoulinant de sang jusqu’à l’épaule, a pivoté vers la porte de la chambre. Il ignore ce qui a terrorisé autant la petite fille – les morceaux de cervelle collés à sa camisole, sans doute. Mais elle a hurlé comme seul en enfant sait hurler. Ce cri aura été le signe pour les deux autres hommes de se jeter sur elle. La petite s’est débattue en vain, quatre mains la clouant sur les lattes du plancher.

    — Qu’est-ce que t’attends ? Qu’elle réveille tous les résidents du lac ? Grouille, Charles, hostie !

    Charles a laissé tomber le marteau, s’est accroupi près de l’enfant, puis a joint ses mains autour de son cou. Fixant la fillette dans les yeux, il l’a étranglée sans une hésitation, sans réagir à ses risibles coups de genou ; il a comprimé sa trachée jusqu’à la broyer.

    Des bijoux ont été volés dans le silence.

    Le réfrigérateur vidé de quelques collations, le cellier de quelques bouteilles.

    L’arme du crime a été précipitamment lancée dans le lac.

    De retour dans le pick-up, le conducteur a démarré puis déserté les lieux du crime sans empressement.

    Le trio a éclaté de rire, noyé dans une ivresse commune, un afflux d’adrénaline qui les a élevés jusqu’aux hauteurs vertigineuses d’un sentiment démiurgique de toute-puissance.

    Charles se sentait vivant. Enfin !

    Là où tout être sensé aurait ressenti un puissant dégoût, Charles savourait un soulagement des plus totaux. Son aversion de la joie s’était enfin désaltérée avec le sang de ces innocentes. Assis sur la banquette arrière, il a fait glisser ses mains ensanglantées sur ses lèvres, comme un avare sur un tas de pièces d’or.

    Cette femme et sa fille payaient la dette des mille autres que Charles voyait heureux depuis des années.

    Cette femme et sa fille, il ne les avait jamais vues avant.

    En fait, il a appris leur nom en cour, lorsque furent présentées les preuves devant une audience éplorée. Pas une larme ne fut versée par l’accusé à ce moment-là, pas un regret ne fut manifesté. Charles était peut-être un monstre, il n’était pas un menteur. Enfin, sa liberté n’était pas digne qu’on se batte pour elle. Une foule de spécialistes s’est penchée sur son dossier. On lui a diagnostiqué un trouble de la personnalité antisociale, parmi une panoplie d’autres évaluations dont il n’a rien retenu. Ont été pris en considération, dans son évaluation psychiatrique, les multiples traumatismes issus de son enfance : Charles Dumais a en effet eu une enfance misérable. Progéniture d’un père absent et d’une mère alcoolique, il a été battu, même violé par les amants passagers de sa sulfureuse figure maternelle. Rejeté par le système d’éducation, rejeté par ses pairs, Charles a vite trouvé refuge dans la drogue et l’alcool, longtemps cherché la paix dans la violence, sans oser en user lui-même avant cette nuit fatidique.

    Ce lourd passé, en revanche, n’a pas pu le disculper de toute responsabilité dans les crimes dont il était accusé.

    Il a plaidé coupable, sur toute la ligne, allant jusqu’à ajouter qu’il représentait un danger pour la société.

    Et sentence fut rendue.

    Depuis ce temps, Charles Dumais arpente les couloirs du pénitencier à haute sécurité de Port-Cartier, près du fleuve, sans pour autant parvenir à profiter de ses effluves ni de la mélodie des vagues pinçant les cordes des grèves. Il ne s’est fait aucun allié là-bas, pas plus qu’il ne s’est fait de rivaux ; à vrai dire, Charles se tient loin de toute conversation, et traîne son apathie comme les Danaïdes remplissent leur tonneau.

    Le matin du 11 juin 2003, le quotidien du meurtrier se voit bouleversé par un transfert : une dizaine de détenus seront conduits du pénitencier de la Côte-Nord vers le Centre régional de réception, à Sainte-Anne-des-Plaines. Une pareille nouvelle, pour les plus ambitieux – ou les plus crédules, selon le point de vue adopté –, déroule le tapis aux rêves d’évasion. Pour Charles, en revanche, cela n’envoie pas même un léger courant dans ses neurones transis par douze années d’inertie. Lui, qui s’est accoutumé à sa routine ainsi qu’à sa cellule, n’a pas la moindre envie de tout recommencer. Quoi qu’il en soit, il n’a pas le choix d’obéir et de suivre.

    C’est ainsi qu’il se retrouve, chevilles et poignets menottés, dans un autobus sécurisé. Sur le banc d’en face, un policier le surveille sans broncher ; à sa droite, un panneau de métal ; et à sa gauche, un codétenu connu sous le pseudonyme O Pastor. Charles en sait peu sur cet homme, tout simplement parce qu’il n’a jamais cherché à le connaître. Il est aussi indifférent envers O Pastor qu’il l’est envers les autres, bien que celui-ci soit apparemment désigné par plusieurs comme un meneur, ou du moins comme un homme qu’il vaut mieux ne pas contrarier. La cuisse grasse d’O Pastor effleure la sienne sur le banc d’autobus. Charles remarque du coin de l’œil que l’obèse à sa gauche l’observe, un sourire narquois sous le tracé de sa moustache.

    Une bruyante expiration du nez lui fait tourner la tête.

    — Charles Dumais, c’est bien ça ? lance O Pastor avec un fort accent portugais.

    Les regards des deux hommes se croisent. Charles ne se contente que de hausser légèrement les sourcils, sans daigner répondre à cette question. Le sourire du Portugais s’étire néanmoins plus encore.

    — C’est vrai, tu es muet. Simplório.

    Probablement une insulte. Qu’importe. Charles reporte son attention sur la paroi métallique à sa droite. À chaque virage et chaque imperfection de la 138, les chaînettes liant les menottes des détenus tintent.

    — On dit que tu as eu une vie minable, poursuit O Pastor, probablement indisposé par le manque manifeste d’intérêt de son vis-à-vis. Pas d’amis. Pas de copine. Pas d’argent. Nada.

    Aucune réaction de la part de Charles. Ce n’est pas la première fois qu’on tente de l’ébranler, de découvrir ses vraies couleurs. Pendant un court instant, seul le vrombissement du moteur meuble le silence. Le Portugais soupire.

    — Oh… Si je suis capable d’endurer des années de prison, c’est uniquement parce que j’ai la tête pleine de souvenirs. Tu fais comment, toi, au juste ? Ça te fait quoi de savoir que tu vas crever en prison sans avoir vécu, hein, simplório ?

    S’octroyant une pause dans son monologue, il fait claquer sa langue contre son palais, l’esprit probablement perdu dans un souvenir lointain dont Charles se fiche éperdument. N’aurait-il pas pu avoir comme voisin de voyage, au lieu de cet insolent qui adore s’écouter, David Toupin, assis un peu plus loin ? Ce vieillard laconique, quoiqu’ennuyeux, sait au moins se taire ; on lui a bien montré comment se fermer le clapet lorsqu’il n’arrêtait pas de répéter, à son entrée dans le centre de détention, qu’il était innocent.

    — Imagine mourir sans avoir goûté au

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