Les Contes Interdits - Le Bonhomme Sept Heures
Par Yvan Godbout
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À propos de ce livre électronique
Un père et une mère de famille ne remettant jamais en question leurs paroles ou leurs agissements devant leur unique enfant.
Une «princesse de Monaco» qui n’attend qu’un signe pour enclencher les rouages du destin.
Un gardien prêt à «offrir» son temps et à donner des leçons sans compter.
Avec Le Bonhomme Sept Heures, l’auteur Yvan Godbout s’éloigne de la noirceur et des horreurs de ses contes précédents pour explorer un univers à la lisière du fantastique. Dans cet opus, les apparences peuvent être trompeuses. Derrière des yeux bienveillants peuvent se dissimuler ceux d’un croquemitaine, et sous les visages les plus innocents se cache parfois une sombre vérité. Égarée dans les méandres d’un monde inconnue, la petite Laurie en fera le triste constat.
Yvan Godbout
Yvan Godbout, auteur d’Hansel & Gretel, de Boucle d’or, de Le Petit Poucet, de la trilogie Les yeux jaunes, ainsi que d’Auteur maudit, maudit auteur.
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Avis sur Les Contes Interdits - Le Bonhomme Sept Heures
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Aperçu du livre
Les Contes Interdits - Le Bonhomme Sept Heures - Yvan Godbout
Table des matières
Prologue
Partie 1
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Partie 2
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Épilogue
Les contes
Interdits
Le bonhomme
sept
heures
yvan godbout
Avertissement :
Cette histoire est une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des gens, des événements existants ou ayant existé est totalement fortuite.
Copyright © 2023 Yvan Godbout
Copyright © 2023 Éditions AdA Inc.
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.
Éditeur : François Doucet
Révision éditoriale : Elisabeth Tremblay
Révision linguistique : Mélanie Boily
Conception de la couverture : Mathieu C. Dandurand
Photos de la couverture : © Getty images
Mise en pages : Catherine Bélisle
ISBN papier : 978-2-89803-403-9
ISBN PDF numérique : 978-2-89803-404-6
ISBN ePub : 978-2-89808-405-3
Première impression : 2023
Dépôt légal : 2023
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Éditions AdA Inc.
1471, boul. Lionel-Boulet, suite 29
Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada
www.ada-inc.com
info@ada-inc.com
Imprimé au Canada
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Le Bonhomme Sept Heures / Yvan Godbout.
Noms: Godbout, Yvan, 1969- auteur.
Collections: Contes interdits.
Description: Mention de collection: Les contes interdits
Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20220028494 | Canadiana (livre numérique) 20220028508 | ISBN 9782898034039 | ISBN 9782898034046 (PDF) | ISBN 9782898034053 (EPUB)
Classification: LCC PS8613.O32 B66 2023 | CDD C843/.6—dc23
En guise de salutation, la créature cauchemardesque saisit le rebord de son haut-de-forme, incline la tête. L’instant qui suit, elle réintègre le miroir dans un bruissement de tissu.
Yvan le maudit
À mon fiston Anthony, droit et juste
Prologue
Au salon, l’horloge grand-père marque les secondes pour briser le silence.
Tic-tac.
Tic-tac.
Tic-tac.
Vautré dans son fauteuil au cuir usé, le vieil homme observe, les mains jointes sur le ventre, les aiguilles noires tisser chaque seconde. C’est pour bientôt, l’heure approche. Un bref instant, il ferme les yeux. À son oreille, le présent se travestit en passé.
Tic-tac.
Tic-tac.
Tic-tac.
Un carillon s’élève.
Dong !
Dong !
Dong !
Au douzième, le vieillard ouvre les yeux. Entre ses mains, un sablier. Autour de lui, le néant.
Un néant au cœur duquel se dresse un grand miroir.
Partie 1
Bon et… mauvais voisinage
Chapitre 1
Patient, Valérien observe le sentier qui se tortille entre les bosquets devant lui. Il va bien finir par revenir, pense-t-il en réajustant ses lunettes sur son nez.
Sans se presser, le vieil homme avance de quelques pas, introduit une main dans une poche, y farfouille. Presque aussitôt, ses doigts se referment sur le trésor tant convoité. Un trésor sucré, vite mis à jour et déballé subito presto.
L’instant suivant, Valérien glisse le bonbon entre ses lèvres.
En même temps qu’un parfum mentholé, un soupir de satisfaction s’élève. Valérien ferme les yeux. En savourant sa friandise, il se berce légèrement sur lui-même. Sur son visage, un rayon de soleil se pose pour y prendre ses aises ; il lève les yeux. Un cyan timide reprend peu à peu ses droits sur le gris du ciel. Les nuages se sont dispersés, venant contredire les navrantes prévisions météorologiques de la veille.
Valérien sourit. Encore une fois, il a vu juste : la journée sera belle et sans une goutte de pluie.
Remontant à nouveau ses lunettes sur son nez, il s’éclaircit la gorge. D’une voix forte, mais faussement autoritaire, il prend la parole.
— Valmont, qu’est-ce que tu fais ? Tu reviens, oui ou non ?
Les secondes passent, s’étiolent avant de s’étirer vers la minute.
— Allez, Valmont, c’est l’heure de rentrer à la maison !
Un tintement à peine perceptible, accompagné d’un léger froissement de feuilles mortes. Sans perdre le sourire, Valérien hoche la tête en voyant enfin resurgir celui qu’il attendait : un teckel un peu replet, au pelage noir et aux longues oreilles tombantes. Au cou du chien, une médaille scintille.
— Veux-tu bien me dire où t’étais passé, mon p’tit vlimeux ?
Queue frétillante, Valmont dévisage son maître en se pourléchant les babines.
— Oh ! Y’a mon petit doigt qui me dit que t’as trouvé un truc à te mettre sous la dent, mon snoreau, s’amuse Valérien. J’espère que ce n’était pas une crotte, au moins !
Une voix enfantine vient subitement à la rescousse de Valmont.
— C’était pas un caca, m’sieur Valé’ien, c’était un bi’cuit au beu’ de peanut !
Celle qui vient d’apparaître ne doit pas dépasser les cinq ans. Elle tient dans une main la moitié d’un biscuit, qu’elle enfourne vite dans sa bouche ; dans l’autre, une poupée Barbie qui semble avoir traversé des années difficiles. Valérien reconnaît tout de suite la fillette au visage constellé de taches de rousseur.
— Bonjour, Jenny ! J’espère que Valmont n’a pas été trop mal élevé pis qu’il t’a demandé la permission cette fois, hein ? la taquine-t-il en posant des yeux réprobateurs sur le teckel.
La bouche pleine, Jenny réplique. Un morceau d’arachide se colle à une lèvre.
— Non, non, y m’a donné la patte, comme vous y avez mont’é !
— Parle-moi de ça ! se réjouit le vieillard en joignant les mains. Dis-moi, ma grande fille, t’es pas venue te promener toute seule par ici, j’espère.
Tout en dégageant une mèche de cheveux roux de son visage, Jenny passe la langue sur le pourtour de sa bouche.
— Ben non ! Ma mè’e est juste en a’ière. A pa’le enco’e au téléphone.
Sur ces entrefaites, la mère se pointe, mettant visiblement fin à un appel. Elle ressemble à s’y méprendre à sa fille, avec quelques décennies de plus au compteur. Poliment, elle salue Valérien en prenant l’enfant par le bras.
— Jenny, je t’ai déjà dit cent fois de pas déranger monsieur Artois quand y promène son chien. Envoye, là, c’est le temps de retourner à la maison.
En sortant une laisse de la poche de son blouson, Valérien intervient avec douceur.
— Jenny ne me dérange jamais, ma chère Catherine. Et Valmont l’adore, tout comme vos biscuits au beurre d’arachide, d’ailleurs.
Le visage de la mère se déride. S’y dessine un sourire las, mais franc. Comme sa fille un peu plus tôt, elle dégage une mèche de cheveux espiègle.
— Vous êtes trop gentil, monsieur Artois. Jenny aime tellement votre chien… Y’a pas une semaine où elle me demande pas un chien-saucisse comme Valmont. Mais avec le boulot qui me lâche pas, pis les heures de fous qu’on me demande de faire… Y viennent d’ailleurs de m’appeler…
De dépit, Catherine soulève son cellulaire et l’agite sous son nez.
— Des fois, j’ai rien que le goût de le pitcher au bout de mes bras, ce maudit téléphone, ajoute-t-elle le regard perdu au loin. C’est rendu que je peux même pu prendre une marche tranquille avec ma plus jeune… J’ai tellement l’impression d’être une mauvaise mère depuis queq’ temps…
Des larmes perlent aux coins de ses yeux. Visiblement gênée, Catherine les écrase aussitôt d’un geste sec.
— Mon Dieu ! Je suis désolé, monsieur Artois, s’empresse-t-elle d’ajouter, évitant le regard du vieillard. Je suis un peu braillarde, ces jours-ci… Câline, voulez-vous ben me dire pourquoi je vous raconte tout ça à matin… ?
Plutôt que de répondre, Valérien lui tend plutôt la laisse ; il pointe ensuite Jenny du menton. D’un simple clin d’œil, il clôt la conversation. Catherine offre cette fois un sourire tremblotant. Dans ses yeux, les larmes renaissent, alors qu’entre ses lèvres, un remerciement muet s’échappe. Valérien l’accepte en offrant son bras à la jeune maman.
Lorsque Jenny débouche à l’entrée du parc linéaire de la Rivière-des-Fées, il n’y a presque plus de nuages dans le ciel redevenu bleu. Au bout de la laisse que la fillette agrippe avec fierté, Valmont bombe le torse, la truffe en l’air. Un peu en retrait, Catherine et Valérien marchent sans se presser, bras dessus, bras dessous. Un criquet stridule joyeusement tout près, et le chant d’une grive des bois rebondit dans l’air qui fleure bon l’herbe fraîchement coupée.
Ce sera une bien belle journée, pense à nouveau Valérien en posant le pied sur le trottoir.
Au même moment, des feuilles bruissent dans les ramures de l’érable centenaire qui monte la garde au coin des rues Grimm et de La Fontaine. Un croassement s’élève bientôt, et une corneille prend son envol. Le regard de Valérien s’assombrit. Devant le soleil, un rare nuage s’attarde.
— Une belle journée qui sera vite gâchée, marmonne-t-il entre ses dents.
— Qu’est-ce que vous avez dit ? l’interroge Catherine en lui serrant le bras.
Les yeux de Valérien retrouvent leur douceur.
— Bah, je disais simplement que ça allait être une journée pleine de surprises, laisse-t-il tomber. Bon, c’est ici qu’on se sépare, ma belle grande fille. Merci pour cette très agréable fin de promenade !
— Ben voyons ! C’est moi qui vous remercie, monsieur Artois. Je sais pas ce que ce quartier ferait sans vous. Vous êtes tellement un bon monsieur…
Il l’étreint avec autant de tendresse que de pudeur.
— Ah ! T’exagères, ma belle enfant, chuchote-t-il en aparté. Je ne suis gentil qu’avec ceux qui le sont avec Valmont et moi… Et t’en fais pas, les choses vont se placer. Parfois, c’est juste un peu plus long que prévu…
Catherine l’embrasse discrètement sur la joue avant de chuchoter à son tour.
— C’est d’un père comme vous que j’aurais eu besoin… Le mien était pas fait pour ça, et on peut pas dire qu’il prend son rôle de grand-papa plus au sérieux… quant à celui de mes filles…
— Tu sais, je ne suis pas toujours commode, lui répond Valérien en lui tapotant les épaules. Quand je me choque, ce n’est pas toujours beau à voir… !
Catherine s’esclaffe en se détachant.
— C’est tellement difficile à croire, j’aimerais bien voir ça !
Valérien glousse à son tour et remonte une fois de plus ses lunettes.
— Oh ! Ne souhaite pas une chose pareille, ma chère enfant. Tu pourrais en faire des cauchemars…
Leurs rires se nourrissent l’un et l’autre, se conjuguent et s’apaisent. Quelque part dans les bois, la grive chante à nouveau. Les au revoir de tous se font dans la simplicité, et sans s’éterniser. Jenny serre un brin trop fort Valmont en déposant un gros bec mouillé sur son museau, mais il reste bon joueur en lui offrant une bonne léchée.
Tenant bien serré la main de sa maman avant de traverser la rue, elle se tourne vers Valérien une dernière fois. Et lui envoie un baiser soufflé, qu’il feint de cueillir au vol. En lui offrant un merci silencieux, il le dépose ensuite au centre de sa poitrine.
Devancé par Valmont, Valérien reprend sa marche. À son approche, une voiture ralentit avant qu’une voix masculine et enjouée les salue, lui et son chien. D’un sourire et d’un geste bienveillant de la main, Valérien répond à la salutation, tandis que le teckel se permet un jappement amical. Deux autres voitures passent, et l’histoire se répète dans une parfaite harmonie.
Traversant le ciel, une corneille échappe un cri. Valérien crispe la mâchoire, raffermit sa poigne sur la laisse.
La première surprise ne saurait tarder.
• • •
La maison est en vue et Valmont agite déjà la queue. Bien entretenue, elle attire les regards grâce aux magnifiques rosiers qui la bordent. Des rosiers qui sont traités aux petits oignons, et qui le rendent bien à leur jardiner. Leur floraison dure si longtemps que les gens du voisinage soupçonnent Valérien d’user de magie et d’enchantements plutôt que d’eau et d’engrais. De la fin du printemps au début de l’automne, il s’en enorgueillit d’ailleurs. Les roses sont sa plus grande passion. Il les aime et les chouchoute tellement que parfois, il se surprend à les appeler par leur variété comme s’il s’agissait des prénoms de ses dames de compagnie. Il leur offre des mots tendres, leur fredonne même de temps à autre une chanson d’amour.
Pour la plupart des gens, les roses ne sont que de banales plantes au parfum capiteux. Pour Valérien, elles sont plutôt les détentrices des plus grands secrets…
Voilà, ils y sont presque.
Valérien hume déjà les fragrances un peu sucrées de ses Lili Marleen ; du vrai miel pour son odorat. De son côté, Valmont tire sur sa laisse pour arriver au plus vite à la maison. Comme après chaque promenade, une récompense l’attend. Et aujourd’hui, c’est un os à moelle, ce qu’il préfère par-dessus tout.
— Du calme, mon snoreau, je ne peux pas te suivre !
D’un aboiement rouspéteur, Valmont rétorque.
— Bon, OK, soupire Valérien. Viens ici que je te détache.
Docile, mais l’air victorieux, le teckel obtempère. Libéré de sa laisse, il s’élance vers la demeure bordée de rosiers. Ses oreilles flottent au vent, sa médaille tinte, et ses pattes semblent ne jamais toucher le sol. Un large sourire aux lèvres, Valérien marche à sa suite.
Le bruit d’un moteur.
Un klaxon s’époumone.
Des freins gémissent.
Sur-le-champ, le sourire de Valérien s’évanouit.
Dans ses oreilles, des pneus crissent ; dans ses yeux, une camionnette assassine.
Une seconde s’étire en deux, puis en trois, jusqu’en quatre. Enfin, le bruit du moteur cesse. Une voix, forte et enragée, se dresse dans l’air empuanti par le monoxyde de carbone.
— Hé, le vieux ! Un chien, ça s’attache, sacrament !
Valérien ne voit plus et n’entend plus. Dans son esprit, une corneille croasse et criaille. Des plumes noires flottent et virevoltent. Un mur se dresse, sans début ni fin. Des portes immenses et…
… le parfum des Lili Marleen.
Valérien respire à fond. À nouveau, il voit et entend. Il n’est qu’à quelques foulées de sa maison. Devant, une camionnette blanche lui barre le trottoir. Côté conducteur, un homme à la barbe forte et à la mâchoire carrée lui chante des bêtises.
— Eille ! J’te parle, vieux câlisse ! La prochaine fois, j’me gênerai pas pour l’écraser, ton ostie de chien laite !
— Pardon ? Mon chien ? Je…
Valérien est bien incapable de répondre davantage. Tout ce qu’il souhaite, c’est son Valmont. Là, maintenant. Sa tension grimpe, et les rayons du soleil lui paraissent soudain aveuglants. La sueur perle à son front et mouille son dos. Au loin, le chant d’une corneille. Des portes grincent. Lorsqu’un aboiement éclate à ses oreilles comme une baudruche, il ne parvient pas à retenir une larme.
Assis sur le balcon de leur maison, Valmont l’attend bien sagement.
Encore ébranlé, Valérien contourne la camionnette lettrée au nom d’une compagnie de location bien connue, sans jeter un œil à son conducteur agressif. Dans sa poitrine, son cœur fait des siennes ; dans sa tête, le cliquetis d’une serrure. Il longe ses rosiers, trotte jusqu’à son teckel qui l’accueille en sautillant. Dans l’entrée de la cour voisine, une portière se referme, puis une autre. Une voix juvénile, nasillarde et un peu haut perchée, égratigne l’ouïe.
— T’as raison, papa. Y’est laite en maudit, son chien-saucisse !
Valérien se force à regarder par-dessus son épaule. À côté d’un homme grand et costaud, une fillette un peu boulotte, aux longs cheveux foncés et au visage porcin, a les yeux posés sur lui. Et lui tire la langue.
Sortant un trousseau de clés d’une poche de son veston, Valérien déverrouille la