L'école des noctambules - Sam Mordanlcou

Par Yvan Godbout

Sam est un vampire pas comme les autres : il a horreur du sang, et il en a marre de la viande crue au déjeuner.
Avec l’aide de ses amis, Lee-Lou Garoux et Martin Lanchantor, il tentera de réaliser plus grand souhait: devenir le premier
végétalien de son « espèce », et mettre un terme à cette fichue malédiction qui pèse sur sa lignée depuis des siècles!
C’est sans compter sur Fleur et Pierre Desbois, deux satanés jumeaux de descendance elfique,
qui donnera, aux « Samlouvins » bien du fil à retordre…

• Langue: Français
• Éditeur: Éditions Scarab
• Date de sortie: 12 déc. 2023
• ISBN: 9782897658991

Yvan Godbout

Yvan Godbout, auteur d’Hansel & Gretel, de Boucle d’or, de Le Petit Poucet, de la trilogie Les yeux jaunes, ainsi que d’Auteur maudit, maudit auteur.

Aperçu du livre

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Chapitre 1

Assis à la table de la salle à manger, Sam observe d’un air dégoûté sa mère Emma préparer le repas dans la cuisine. Il devine bien ce qui leur sera servi, à ses frères et lui, pour le déjeuner : des sapristi de côtelettes de porc ! D’y penser lui brouille l’estomac. Parce que chez lui, comme dans toute bonne famille de l’espèce vampire, la viande se déguste fraîche et… crue. Pour Sam, il s’agit d’une épouvantable malédiction. Une malédiction bien pire que celle de ne pas pouvoir sortir en plein jour, ou celle de ne pas avoir de réflexion dans le miroir…

Au grand dam de ses parents, il déteste le goût du sang et celui de la chair, peu importe leur provenance. Jamais il n’aurait pu survivre dans la peau de l’un de ses premiers ancêtres, Mordanlcou ou Glöbine, ça, c’est sûr… Lorsqu’il s’imagine devoir mordre une bête vivante pour se nourrir, ou pire, un être humain, il est pris de vertige. Heureusement, les temps ont changé. Au fil des siècles, et grâce à quelques chercheurs perspicaces, l’alimentation des vampires s’est « allégée ».

Fini le sang frais, et bienvenue la viande du supermarché ! Ou de l’abattoir…

Un bref instant, Sam ferme les yeux. Ce qu’il donnerait pour les rouvrir sur une assiette pleine de légumes, un couscous, ou une salade de haricots ! Il envie tellement sa meilleure amie Lee-Lou… Chez elle, la verdure et les légumineuses sont souvent mises à l’honneur ; la viande a presque disparu du menu. En fait, Lee-Lou, son frère Hunter et leur père n’en consomment désormais plus qu’une fois par mois, c’est-à-dire les soirs de pleine lune… Sam en est presque jaloux. Assez pour prendre une décision. Une grande, la plus grande de toutes pour un membre de son « clan ».

Il deviendra le premier vampire végétalien !

À cette pensée, il sourit. Une nuit, il pourra découvrir toutes ces saveurs qui lui sont encore interdites.

Petit, Sam avait osé ce qui lui était catégoriquement défendu : il avait mangé une mignonne et alléchante petite fraise. Qu’une seule ; rouge et bien juteuse. Il ne l’avait jamais oubliée. Non seulement parce que son goût était exquis, mais parce que le fruit l’avait rendu malade comme jamais, en quelques minutes à peine. Sa mère l’avait d’ailleurs vertement grondé. Pour la millième fois, elle lui avait rappelé que leur diète se résumait à un seul aliment : la viande. La plus fraîche et « saignante » possible. Elle lui avait également ramené à la mémoire que les vampires n’étaient pas immortels comme l’imaginent les humains. Qu’un empoisonnement alimentaire pouvait les terrasser. Une simple fraise pouvait leur être fatale. Emma avait conclu en lui mentionnant que Jee, Adam et lui avaient de la chance que leur père travaille dans un abattoir : jamais leur famille ne manquerait de leur unique source de nourriture. Pourtant, en dépit de cette mauvaise expérience, Sam rêve de pouvoir savourer à nouveau une fraise, ou n’importe quel autre délicieux fruit… Un coup de poing sur son épaule le tire de ses réflexions.

Sam ouvre les yeux. À sa droite, son aîné vient de prendre place.

— Bonsoir, poil de carotte ! lui lance Jee, un sourire en coin. Tu as bien dormi ?

— J’aurais mieux dormi si tu n’avais pas mis Crotaline dans mon cercueil, riposte-t-il en frottant son épaule endolorie.

— Ma gentille couleuvre t’a empêché de dormir, mon petit frère ? Je lui demanderai de rester sage, la prochaine fois !

Sam roule des yeux et croise les bras sur sa poitrine. Ce que Jee peut l’énerver ! Il est toujours là à lui jouer des mauvais tours. Se retrouver seul à table avec lui est presque un supplice. Si Adam peut arriver…, se dit-il. Comme s’il avait lu dans ses pensées, son cadet se présente dans la salle à manger.

— Vous parliez de la pauvre Crotaline ? questionne Adam, la mine sérieuse, replaçant une longue mèche de cheveux noirs derrière une oreille en s’assoyant face à Sam.

— Pourquoi tu dis « la pauvre Crotaline » ? s’inquiète Jee en fronçant les sourcils.

— Oh, c’est que je viens tout juste de la voir se glisser dans la cuvette de la toilette d’en bas…

— Quoi ? !

Les bras en l’air, Jee est déjà debout.

— D’après moi, elle a déjà rejoint les égouts, poursuit Adam, regardant ses ongles vernis en noir, d’un air contrit.

Ça ne prend pas plus de trois secondes pour que Jee dévale l’escalier qui mène au sous-sol. À la ­quatrième seconde, les yeux ronds, Sam interroge Adam :

— Tu crois vraiment que Crotaline est dans les égouts ? !

— Non, mais ça va donner une bonne leçon à notre gobelin de grand frère de le penser ! J’ai simplement dissimulé Crotaline dans son sac à dos. Et comme son premier cours de la nuit sera avec cette bonne vieille madame De Pan…

Adam offre un clin d’œil à Sam, qui éclate de rire avant de poursuivre la conversation :

— La tête de Minotaure qu’elle fera si Crotaline se montre ! Madame De Pan enseigne peut-être l’écologie, mais elle a une peur bleue des serpents !

— En tout cas, ça vaudra sûrement à Jee une petite retenue bien méritée !

Cette fois, les deux plus jeunes membres de la famille Mordanlcou s’esclaffent en duo. Déposant un plat de côtelettes au centre de la table, leur mère vient mettre un terme à leur franche rigolade. Tout en servant ses fils, elle les sermonne d’une voix plutôt autoritaire :

— Dépêchez-vous de manger, vous deux, si on ne veut pas arriver une fois de plus en retard à l’école ! Quant à toi, Sam, je ne veux pas voir un seul petit morceau laissé dans ton assiette, tu m’entends ? ! Tu vas finir par ressembler à ton oncle Millö, si tu t’obstines à manger si peu ! Et voulez-vous bien me dire où est passé Jee ? !

Alors qu’Emma Glöbine tourne les talons vers la cuisine avec empressement, Sam retrouve sur-le-champ son sérieux. Il ne peut s’empêcher de jeter un œil sur l’un des vieux portraits au-dessus du buffet.

À l’intérieur d’un cadre antique, le frère de sa mère semble l’épier.

Sam frissonne. Même en peinture, son oncle Millö donne vraiment froid dans le dos ! Il est tout maigrichon et sa peau est si pâle qu’elle paraît translucide. Sans compter sa tête chauve, son nez crochu et ses oreilles ressemblant à s’y méprendre à celles d’une chauve-­souris. Parmi tous les descendants de la famille Glöbine, Millö est assurément celui que l’on pourrait confondre avec leur plus vieil ancêtre connu, Nesuferitu…

Reportant son attention sur son assiette, Sam grimace. Du bout des doigts, il saisit la côtelette, la porte à sa bouche en se pinçant le nez. De son côté, Adam mord à pleines dents dans la sienne.

Alors qu’il avale de peine et de misère un morceau de porc cru, Sam se promet de parler à Lee-Lou dès son arrivée à l’école. Après tout, sa meilleure amie est première de classe et férue de science. Peut-être pourrait-elle l’aider à devenir végétalien, qui sait ? Le cœur sur le bord des lèvres, il ne laisse pas « un seul petit morceau dans son assiette ».

Pas question pour lui de ressembler un soir à son oncle Millö Glöbine !

—

Sous la pâle clarté d’un croissant de lune, les corniches de l’école des Noctambules semblent luire dans l’obscurité. Situé à l’extrémité nord de la petite ville